Interview de Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'Etat chargée de l'écologie, à La Chaîne Info le 2 mars 2010, sur l'élaboration et la mise en place d'un plan de rénovation des digues après la tempête Xinthia et sur les élections régionales en Ile-de-France.

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral

C. Barbier.- Pourquoi les alertes de Météo France n'ont-elles pas entraîné des évacuations de population dans les zones menacées ?
 
Tout de suite dans les questions. D'abord une petite pensée pour les familles qui enterrent leurs morts aujourd'hui. Ensuite, effectivement, sur la question de l'alerte, il y a eu une bonne alerte rouge, pour le vent, donc on s'attendait tous au vent, mais en fait, on a été surpris par la combinaison de trois phénomènes. Le premier c'est le vent, le deuxième c'est le coefficient de marée, mais qui est arrivé pile en même temps où la tempête arrivait, et le troisième c'est une dépression, et quand il y a une dépression le niveau de la mer est plus élevé. Donc la combinaison des trois phénomènes dans une zone très précise, a entraîné cette catastrophe.
 
Faut-il changer la procédure d'alerte pour mieux prendre en compte les additions de phénomènes et éventuellement évacuer ?
 
Toute catastrophe entraîne un retour d'expérience, ça nous permet de progresser effectivement sur les alertes. Après, les évacuations... Là, vraiment, ce qui est très surprenant dans ce phénomène, c'est tout exactement à la même heure et dans un endroit, qui est un endroit très fragile.
 
C'est tellement rarissime que ce n'est pas la peine de changer nos procédures ?
 
Si, on va évidemment changer nos procédures, améliorer nos procédures, pour avoir une meilleure approche de cette combinaison de phénomènes. Il y a toujours un retour d'expérience. On le voit, d'ailleurs, par rapport à 1999. En 1999, on avait été très surpris par cette tempête, là, en terme de météo, on a vraiment beaucoup mieux anticipé cette alerte, et d'ailleurs certains campings avaient été évacués parce qu'ils étaient dans des zones boisées.
 
Cette conjonction de phénomènes, c'est une preuve, selon vous, du changement climatique ?
 
On ne va pas, de manière grossière, dire "ça, c'est la conséquence des changements climatiques". Ce qui est clair, c'est qu'on voit que pour l'avenir, il y aura de plus en plus de phénomènes de ce type dans le Nord de la France, des précipitations de plus en plus nombreuses, des tempêtes. Et c'est d'ailleurs pour ça qu'on a créé, on fait un plan - on est en train de le faire, pardon - un plan d'adaptation au changement climatique, qui intègre cette difficulté et qui intègre notamment les risques de submersion dans ces zones, qui sont sous le niveau de la mer.
 
Dans le cadre de ce plan, est-ce que vous bâtirez, comme le réclame France Nature Environnement, une carte très précise des zones à risque, pour l'inondation ?
 
Ce qu'on a prévu de faire, c'est déjà une mission d'inspection pour aller voir pourquoi ces digues ont cédé, et ensuite faire le tour des digues pour vérifier leur état, leur niveau, les zones à risque. Ensuite...
 
Elles sont trop fragiles ? Elles sont mal construites ?
 
Elles sont anciennes, mais elles n'ont pas été construites pour protéger des maisons, elles ont été construites à l'origine pour pouvoir cultiver derrière. C'est l'urbanisation qui a été décidée ensuite - mais on a là des digues qui datent du XVIIe siècle - qui ensuite était faite dans des zones à risque, ce qui fait qu'on a eu cette catastrophe. Donc on va faire le tour des digues, on va ensuite faire un plan de rénovation, de restauration des digues, qu'on est en train de chiffrer, et ensuite, aussi, on va identifier les zones à risque au niveau national pour que ces zones soient définitivement inconstructibles, parce qu'on a des procédures qu'on appelle des plans de prévention des risques, qui sont concertées, mais qui sont effectivement très longues, puisque la loi date de 1995.
 
Quand est-ce que les nouvelles règles de construction, donc durcies, seront mises en place ?
 
Je ne peux pas vous donner de calendrier précis aujourd'hui parce qu'on a...
 
C'est long !
 
On a une réunion interministérielle à midi, on a une communication en Conseil des ministres demain. Donc je n'ai pas encore tout le calendrier précis. Donc je ne veux pas vous dire de bêtises, je veux être précise.
 
Ce sera cher ?
 
Ce sera cher, c'est toujours moins cher que des vies humaines. Il y a quand même 860 communes qui se situent dans des zones sous le niveau de la mer.
 
Avez-vous l'impression que des infractions ont été commises et que dans les zones inondées, il y a des endroits où on n'aurait pas dû construire, mais on l'a fait quand même, malgré la loi ?
 
C'est clair qu'on est toujours, nous, accusés de vouloir mettre sous cloche, que nos procédures, nos zonages ne sont pas légitimes, qu'on est tous un peu excessifs. C'est clair qu'il y a des constructions qui n'ont pas nécessairement lieu d'être là où elles sont, mais on verra après dans le cadre des inspections, des éventuelles enquêtes s'il doit y en avoir.
 
Cent mille logements sont en zone inondable, faudra-t-il en détruire certains s'ils ont été mal construits, au mauvais endroit ?
 
Ce chiffre global cache des réalités différentes, puisque vous pouvez construire en zone inondable sous certaines conditions, par exemple plus élevé, avec des matériaux spécifiques. Il y a des zones inondables qui sont à faible risque, qu'on appelle les zones bleues, et des zones inondables à haut risque, les rouges, dans lesquelles on ne peut plus construire aujourd'hui.
 
Vous dites "on subit des pressions". Qu'est-ce que ça signifie ? Ça signifie que les promoteurs, sur le terrain, corrompent les élus locaux, passent en force ?
 
Non, mais il y a toujours un débat énorme sur, "mais vous avez pris tel niveau de crue, est-ce que vous croyez vraiment que ça va arriver ? Est-ce que vous croyez vraiment que la petite zone, elle n'est pas trop élevée, ou trop importante, ou trop petite à l'inverse. Donc c'est toujours du débat sur les zonages, sur... C'est un débat global, entre une pression d'urbanisation, qui est une pression légitime, il ne faut pas non plus jeter la pierre à tout le monde, et des événements qui sont des événements totalement exceptionnels, ça c'est clair. Donc on a un historique. Là, on hérite de constructions qui, pour l'essentiel, se sont faites avant 1995.
 
Est-ce que vous n'allez pas, avec de nouvelles règles dures, porter atteinte au tourisme et au développement de ces régions ?
 
Non, ce qui porte atteinte au tourisme c'est ce genre de catastrophe. Les personnes, après ce type de catastrophe, craignent de se retrouver dans une zone inondable. Donc il y a moyen de faire une urbanisation raisonnable. Simplement raisonnable.
 
Vous êtes reçue ce matin à l'Élysée avec les autres têtes de listes UMP d'Île-de-France ; vous attendez-vous à une engueulade de la part du président de la République ?
 
Je ne vois pas - alors ça, c'est marrant comme approche - je ne vois pas pourquoi. Parce qu'on est quand même dans une région, si vous regardez les sondages, et Dieu sait que je n'aime pas les sondages parce qu'une compétition, ça se gagne en finale, les sondages, on est à 32 quand les autres régions sont à 28. Donc je pense que ça se passe quand même pas si mal que ça. Ça se passe plutôt bien.
 
Il y a eu l'affaire Soumaré, il y a toute une série de mauvaises ambiances, on a l'impression que la campagne n'est pas tenue.
 
Mais les ambiances, ce sont d'autres qui les créent sans doute, ce sont d'autres qui créent des maux.
 
A droite !
 
On me dit, « vous ne vous entendez pas avec Valérie, vous ne vous parlez pas. » C'est faux, on n'arrête pas de se parler, au contraire !
 
Vous lui avez parlé depuis le 9 février ? Vous vous êtes expliquées ?
 
Non, mais attendez. Comment est-ce que moi, je dirais "avec Valérie je ne m'entends pas" ? Depuis mars dernier elle m'a confié son projet, ensuite elle m'a donné une chance énorme d'être sur Paris, parce que c'est une chance énorme, c'est quand même la capitale de la France. Vraiment, c'est une fille, au contraire, avec qui j'apprécie de travailler, qui a son caractère, qui a ses convictions...
 
Elle manque d'autorité ? Elle en a trop ? Elle manque d'audace ?
 
A chaque fois, dans ce type d'élection, jeunes femmes, il y a toujours d'autres personnes pour vous dire que les jeunes femmes, elles ne savent pas faire. Que ce soit d'ailleurs des personnes de tous bords, on nous a dit...
 
Il y a une vieille droite en Ile-de-France qui n'aime pas l'émergence de cette génération de jeunes femmes ?
 
Il y a une vieille droite et puis il y a une vieille gauche, qui de temps en temps nous traite de Clodettes, de blondes, de Spice Girls. Voilà...
 
Le Grenelle du Grand Paris, que vous proposez, que V. Pécresse ne souhaite pas, vous le ferez après les régionales ?
 
Oui, parce qu'en fait c'était simplement un débat, mais alors il n'y avait pas d'engueulades, d'ailleurs, dans ce débat, entre un Grenelle de Paris et une Grenelle de Grand Paris. Et Valérie avait raison, il faut associer les élus des départements alentours pour réfléchir aux questions de Paris, parce que tout ce qu'on fait à Paris a un impact sur la région.
 
On parle de plus en plus, à Paris, d'un ticket Fillon-Jouanno pour les municipales de 2014. Etes-vous intéressée ?
 
Attendez, on parle beaucoup ! Step by step ! C'est ma première élection, déjà que je fasse bien mon travail sur cette première élection. Moi je me fais plaisir en allant au contact des gens, je ne réfléchis pas, absolument pas aujourd'hui à ce qui va se passer en 2014. On n'en est pas là.
 
Mais cette ville, la capitale, elle commence à vous plaire, elle commence à vous séduire pour aller plus loin ?
 
Non, mais c'est vrai bonheur de faire une campagne dans la capitale, parce que Paris, en plus, c'est plein de villages, il y a des gens extraordinaires dans Paris. Mais je ne suis pas du tout à me dire qu'est-ce que je vais faire en 2014. Vous imaginez, vous... vous savez déjà ce que vous allez faire en 2014 ?
 
Alors, qu'est-ce que vous ferez en avril ? Est-ce que les régionales doivent impacter le remaniement gouvernemental ? Est-ce que c'est logique ?
 
Pour moi, c'est vraiment deux choses séparées, deux choses différentes. Moi je suis très bien là où je suis, et ce n'est pas moi qui décide de toute façon. Donc je n'ai pas... je suis très bien là où je suis. J'adore mon métier, j'adore ce secteur, on touche à tout, c'est formidable.
 
Dimanche vous serez sur les tatamis pour le championnat de France de karaté ? C'est votre manière d'anticiper la Journée de la femme ?
 
Ça c'est purement personnel.
 
Mais c'est nécessaire pour l'équilibre d'une femme d'avoir une activité sportive ?
 
C'est nécessaire pour l'équilibre d'une femme et des hommes.  
 Source : Premier ministre, Service d'Information du gouvernement, le 9 mars 2010