Interview de Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'Etat chargée de l'écologie, à RMC le 23 février 2010, sur la fermeture de la raffinerie de Dunkerque, la polémique sur un candidat de l'opposition et l'éventualité d'un péage urbain à Paris.

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Texte intégral

J.-J. Bourdin.- C. Jouanno, secrétaire d'Etat chargée de l'Ecologie, tête de liste UMP à Paris sur la liste de V. Pécresse, est avec nous ce matin, bonjour.
 
Merci, bonjour.
 
Première question : est-ce que F. Lefebvre a pris sa carte de la CGT ? Je vous pose cette question parce que comme il arrive à soutenir à la fois les dirigeants de Total et les salariés qui sont en grève, je vous pose la question... Plus sérieusement, n'y a-t-il pas contradiction, franchement ?
 
Non, plus sérieusement sur l'affaire de Total...
 
Attendez C. Jouanno, pardon, je finis de poser ma question : n'y a-t-il pas contradiction entre la volonté de pousser les Français à moins consommer, et la volonté de garder des raffineries ouvertes ?
 
Non, le sujet ce n'est pas celui-là. Le sujet, c'est de trouver des emplois industriels en remplacement parce que la fermeture des raffineries, le fait est qu'on n'a plus de capacité de raffinage que de besoins.
 
On consomme moins...
 
Donc il y a une évolution inéluctable, mais simplement on consomme moins et puis surtout on a des capacités de raffinage essentiellement pour de l'essence et pas du diesel et on consomme essentiellement du diesel. Et surtout, on va consommer moins inévitablement puisque le prix du pétrole va augmenter, puisqu'on va consommer de moins en moins. Donc il faut surtout avoir un plan stratégique d'adaptation à long terme, savoir quels emplois on doit reconvertir, quelle formation on leur propose, pour quel secteur d'avenir. Sur Dunkerque, vous savez qu'il y a plusieurs possibilités alternatives, notamment un terminal méthanier parce qu'il faudra qu'on en installe deux en France. Ça, ça va créer 1.200 emplois, rien que le chantier, voilà il y a des possibilités d'évolution, simplement c'est la brutalité de l'annonce qui a fait réagir, et puis le fait qu'on a le sentiment que finalement on subit ça sans avoir de vision stratégique de long terme, mais c'est à nous aussi, Etat, de dire voilà qu'elle est la vision stratégique de long terme. Et on a lancé justement, il y a deux mois, un plan, un plan d'adaptation au changement énergétique et climatique pour voir quels sont les secteurs d'avenir.
 
C'est pour cela que le président de la République a invité les dirigeants de Total à recevoir, une nouvelle fois au plus vite, et ce sera fait ce matin, les délégués syndicaux des raffineries ?
 
C'est surtout qu'il faut donner la vision de long terme, parce que si on gère au coup par coup chaque cas, chaque site, évidemment que ça crée de l'inquiétude parce que les personnes se disent "mais à quelle sauce on va être mangés ?". Ils vivent là-bas, ils y ont leur famille, ils ont leur vie...
 
Est-ce que vous comprenez cette grève, sincèrement ?
 
Il ne faudrait pas que parce qu'il y a des élections politiques, on prenne un prétexte pour la généralisation, parce qu'il ne faut pas prendre les Français en otage de la grève. Mais je comprends l'émotion créée par la fermeture du site, je comprends que le manque de visibilité sur l'avenir suscite cette grève parce qu'ils ont besoin de (inaud.).
 
Deuxième sujet sur lequel je souhaitais vous interroger, A. Soumaré. Vous le connaissez - enfin, "vous le connaissez", je ne sais pas si vous le connaissez, mais...
 
On avait eu l'occasion de faire une émission ensemble.
 
D'accord. Il est tête de liste du PS dans le Val-d'Oise. S'il était sur votre liste, est-ce que vous lui interdiriez de faire campagne ?
 
Sans avoir tous les éléments, parce qu'il faut simplement savoir si c'est vrai ou si c'est faux. Si c'est vrai que ce sont des événements passés, qu'il les assume et qu'il reconnaisse que voilà, c'est passé, on a fait des bêtises de jeunesse, on n'est pas tous parfait, loin de là. Donc c'est du passé. Si c'est vrai qu'il y a des affaires en cours, après, ça, c'est la décision du PS, ce n'est pas à moi de décider à la place du PS. Et si c'est faux, qu'il le dise. Qu'il y ait de la transparence, et que les gens sachent simplement pour qui ils votent.
 
Mais à vos yeux a-t-il le droit de faire campagne aujourd'hui ?
 
Pour l'instant, moi je n'ai pas de fait avéré contre lui, donc il peut faire campagne, si s'est passé, il peut faire campagne. Mais qu'il assume simplement et qu'on sache. Ce que je trouve un peu enquiquinant, c'est que pour l'instant, on nous dit, on va porter plainte pour diffamation...
 
Mais il reconnaît les six mois fermes, il reconnaît la condamnation à six mois de prison ferme en 1999, il y a dix ans, et les deux mois pour rébellion l'année dernière.
 
Oui mais c'est du passé ça.
 
Oui, c'est du passé.
 
Mais il faut reconnaître les faits et dire "voilà, j'ai fait une bêtise, je l'assume et depuis j'ai changé".
 
Est-ce que vous trouvez que cette campagne est un peu nauséabonde, ici ou là ?
 
Je préférerais qu'on soit beaucoup plus sur le fond. J'ai déjà eu effectivement l'occasion de dire que je n'aimais pas le ton de cette campagne, qui est partie d'abord via Twitter, qui est partie via des petits noms d'oiseau qu'on nous a envoyés, sur les Spice girls, et autres. Non, je préférerais qu'on soit beaucoup plus sur le fond, qu'on s'occupe des problèmes des Franciliens parce qu'après, il ne faut pas s'étonner que les personnes vous disent, "moi, la politique ça ne m'intéresse pas".
 
...Et je ne vais pas voter, évidemment. Les péages urbains, dernière chose : vous y êtes favorable ou pas, et notamment en Ile-de- France ?
 
Moi, je ne dis pas "il faut faire un péage urbain à Paris", je dis simplement arrêtons d'avoir des sujets tabous, dont on ne veut même pas parler. Il y a eu des expérimentations dans d'autres pays, Stockholm, Milan, Londres, ça a donné des résultats très, très variés. Simplement, c'est un sujet qui doit être mis sur la table, comme celui de la fermeture des voies sur berges qu'a annoncée A. Hidalgo, comme celui des grands aménagements dans Paris. Mettons le sujet sur la table et demandons à la société civile, et notamment à la société de Paris et du Grand Paris, ce qu'elle en pense. C'est le principe du Grenelle du Grand Paris. Je ne dis pas qu'il faut faire un péage urbain à Paris, parce qu'il ne faut pas que cela se transforme en bunker à Paris contre les départements alentours, loin de là. Mais par contre, il y a peut-être des solutions qui peuvent marcher. Mais que les Parisiens et les Franciliens en parlent.
 
Qu'on ouvre le débat ?
 
En politique, on a trop tendance parfois à dire, "oh, mon dieu !", un sujet n'est pas facile, alors on n'en parle pas.
 
Vous demandez à ce qu'on ouvre le débat ?
 
Oui, je demande qu'on fasse du débat et je demande qu'on arrête de prendre les Franciliens pour des personnes incapables de décider par eux-mêmes.
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 16 mars 2010