Texte intégral
P. Lapousterle - Vous êtes l'un des vétérans de la cause écologique, on a revu vos images avec René Dumont en 1980, cela a 20 ans aujourd'hui. Est-ce que vous avez été surpris par la victoire d'Alain Lipietz contre Noël Mamère comme candidat des Verts à la présidentielle ?
- "Dans un parti, les dirigeants cherchent toujours à éviter de perdre le contrôle du parti. Je pense donc que M. Voynet et ses amis se sont débrouillés pour placer M. Lipietz, fidèle de madame Voynet."
Vous pensez que madame Voynet n'a pas eu la neutralité qu'elle a affirmée ?
- "Certainement pas ! La politique, c'est dire une chose, faire le contraire. Je pense en effet qu'elle voudrait contrôler son parti, mais c'est une erreur pour les Verts. Beaucoup d'écologistes et moi-même sommes déjà en désaccord avec les Verts. En plus, nous ne nous reconnaissons pas en M. Lipietz."
Pourquoi ?
- "A-t-il déjà mis des bottes de sa vie ? C'est un professeur d'économie qui voudrait que le monde entier, les six milliards d'êtres humains aient un revenu minimum. Il voit tout cela du haut de son cabinet, de son bureau"
Ce n'est pas un vrai écolo ?
- "Les ouvriers de la 13ème heure sont les bienvenus. Lipietz est un ancien gauchiste, c'est déjà bien d'avoir changé d'avis et d'être devenu plutôt écolo mais franchement, il reste, toujours dans l'idée qu'un intellectuel de sa chambre, dans son cerveau, va trouver la solution pour tout le monde. Nous aurions préféré quand même que ce soit un élu local, quelqu'un qui se donne du mal, qui voit un petit peu ce qu'est la tuyauterie, la station d'épuration, les déchets, qui mette les mains dans la cambouis quand même."
A ce propos, je rappelle que vous avez été directeur de campagne en 1981 de René Dumont. Alain Lipietz a obtenu le soutien de René Dumont à trois jours de sa mort, ce qui a fait naître une controverse. Qu'en pensez-vous ?
- "Je suis, moi aussi, un peu gêné par cela. Quand on va chercher la main des vieillards pour leur faire signer une déclaration de soutien, c'est moralement questionnable. Hélas, beaucoup de personnes sont utilisées au bout d'un certain temps, on cherche à avoir leur parrainage. Tout cela est absurde, ce sont les électeurs qui décideront. A Génération Ecologie, nous pensons que c'est le moment de demander aux Français de juger sur pièce l'action des Verts."
D. Voynet, actuelle ministre de l'Ecologie, va quitter ses fonctions le 28, c'est-à-dire dans six jours, elle a dressé un bilan positif de son passage au Gouvernement. Quel jugement portez-vous, vous qui avez été son prédécesseur ?
- "Je trouve qu'elle a été pittoresque, c'est déjà pas mal, on parle d'elle, on la prend en photos etc. En revanche, elle est brouillonne, je n'ai pas compris quelles étaient ses priorités, ce qu'elle a réussi ou ce qu'elle a fait. Donc, je crains que son bilan ne soit médiocre. On peut même lui reprocher plus. La grande conférence de La Haye sur l'effet de serre a échoué, on en rend responsable les Etats-Unis. Mais les Etats-Unis étaient prêts à signer, dans la nuit, un accord qui aurait été historique. Entre Clinton, Schröder, Blair, Jospin, ils étaient tous à peu près de la même tendance politique. C'est madame Voynet qui a refusé. Il faut se poser la question de savoir pourquoi M. Nader, le candidat des Verts aux Etats-Unis, a fait échouer M. Gore etc. Il faut que les électeurs en France se posent la question : est-ce que les Verts ont fait du bon travail ou pas ? Est-ce qu'ils ont trahi l'écologie ou est-ce qu'ils ont bien défendu l'écologie ? Nous, à Génération Ecologie, nous sommes préoccupés et nous voulons poser la question aux Français. Est-ce que pour être écologiste, il faut être pour la légalisation du cannabis ? Est-ce que pour être écologiste, il faut aussi être pour le vote des étrangers en France ? Est-ce que pour être écologiste"
...On n'a pas le droit d'être écolo et de penser à autre chose ?
- "Si. Justement, à partir du moment où on pense à autre chose, il y a une discussion qui s'instaure. Est-ce que vous êtes pour les 32 heures ? M. Lipietz est pour les 32 heures, immédiatement, pour tout le monde. Ce sont de vraies discussions. Au fond, est-ce qu'il faut aussi que les écologistes soient à l'avance pour M. Jospin ou pour M. Chirac ? Est-ce normal que M. Lipietz nous dise : "de toute manière au second tour, c'est Jospin". N'a-t-on pas le droit d'être écologiste et de penser à sa façon et éventuellement de ne pas être forcément pour la gauche ?"
Mais vous, vous appelez bien à voter pour M. Chirac...
- "Pour l'instant, je dis qu'il faut que les voix écologistes soient mises en compétition. C'est le secret de l'écologie, elle a toujours été indépendante."
C'est-à-dire qu'il faut des écologistes qui votent à droite ?
- "Il en faut partout des écologistes, heureusement. Vous vous rendez compte que si les écologistes étaient d'un seul côté, cela voudrait dire que pendant cinq ans d'alternance on déferait, comme Pénélope, ce qu'on avait fait pendant les cinq années précédentes. C'est absurde !"
Vous accusez M. Lipietz de s'engager à l'avance à voter M. Jospin mais pourquoi faites-vous la même chose dans le sens contraire ?
- "Je ne fais absolument rien de tel. Je dis que l'écologie doit faire le plus de voix possible, elle doit être aussi forte que possible et elle doit mettre en concurrence les forces politiques. Si c'est la droite et la gauche au second tour - vraisemblablement -, il faut qu'ils se bagarrent et qu'ils se montrent les plus écologistes possibles pour avoir des voix écologistes. Autrement, ça ne sert à rien, autrement vous êtes cocu si vous dites à l'avance " je vote pour un tel".
Je lisais votre document, vous appelez tous les écologistes de l'opposition - c'est bien marqué de l'opposition - à se rassembler.
- "En effet, parce qu'il y a beaucoup d'opposition. Croyez-vous que je suis d'accord avec ce que fait madame Voynet ? Pas du tout. Je ne suis pas d'accord avec elle et je ne suis pas d'accord avec le Gouvernement Jospin. Le Gouvernement Jospin, la gauche plurielle en ce moment, ce sont des gens qui se plaignent que l'on veuille privatiser EDF, Gaz de France ou la SNCF, et qui en même temps votent les directives pour les privatiser en Europe. Ils disent une chose et ils font le contraire. Ce Gouvernement me rappelle Guy Mollet : dans les congrès, on vote l'international, et puis ensuite au gouvernement, on fait le contraire. Ce n'est pas satisfaisant. Moi, je suis pour l'Europe, je suis plus libéral."
Est-ce que Génération Ecologie aura demain, puisque vous vous réunissez demain, un candidat ?
- "L'écologie se partage entre plusieurs candidats. Il y a le choix, il n'y a jamais de monopole. A Génération Ecologie, nous présenterons un candidat, mais d'abord, nous dirons à toutes les associations, aux formations écologistes qui ne se reconnaissent pas dans les Verts qu'il faut que nous trouvions un candidat commun."
Serez-vous candidat vous-même ?
- "Je le souhaite. J'ai envie d'en découdre et j'ai beaucoup de choses à proposer."
(source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 22 juin 2001)
- "Dans un parti, les dirigeants cherchent toujours à éviter de perdre le contrôle du parti. Je pense donc que M. Voynet et ses amis se sont débrouillés pour placer M. Lipietz, fidèle de madame Voynet."
Vous pensez que madame Voynet n'a pas eu la neutralité qu'elle a affirmée ?
- "Certainement pas ! La politique, c'est dire une chose, faire le contraire. Je pense en effet qu'elle voudrait contrôler son parti, mais c'est une erreur pour les Verts. Beaucoup d'écologistes et moi-même sommes déjà en désaccord avec les Verts. En plus, nous ne nous reconnaissons pas en M. Lipietz."
Pourquoi ?
- "A-t-il déjà mis des bottes de sa vie ? C'est un professeur d'économie qui voudrait que le monde entier, les six milliards d'êtres humains aient un revenu minimum. Il voit tout cela du haut de son cabinet, de son bureau"
Ce n'est pas un vrai écolo ?
- "Les ouvriers de la 13ème heure sont les bienvenus. Lipietz est un ancien gauchiste, c'est déjà bien d'avoir changé d'avis et d'être devenu plutôt écolo mais franchement, il reste, toujours dans l'idée qu'un intellectuel de sa chambre, dans son cerveau, va trouver la solution pour tout le monde. Nous aurions préféré quand même que ce soit un élu local, quelqu'un qui se donne du mal, qui voit un petit peu ce qu'est la tuyauterie, la station d'épuration, les déchets, qui mette les mains dans la cambouis quand même."
A ce propos, je rappelle que vous avez été directeur de campagne en 1981 de René Dumont. Alain Lipietz a obtenu le soutien de René Dumont à trois jours de sa mort, ce qui a fait naître une controverse. Qu'en pensez-vous ?
- "Je suis, moi aussi, un peu gêné par cela. Quand on va chercher la main des vieillards pour leur faire signer une déclaration de soutien, c'est moralement questionnable. Hélas, beaucoup de personnes sont utilisées au bout d'un certain temps, on cherche à avoir leur parrainage. Tout cela est absurde, ce sont les électeurs qui décideront. A Génération Ecologie, nous pensons que c'est le moment de demander aux Français de juger sur pièce l'action des Verts."
D. Voynet, actuelle ministre de l'Ecologie, va quitter ses fonctions le 28, c'est-à-dire dans six jours, elle a dressé un bilan positif de son passage au Gouvernement. Quel jugement portez-vous, vous qui avez été son prédécesseur ?
- "Je trouve qu'elle a été pittoresque, c'est déjà pas mal, on parle d'elle, on la prend en photos etc. En revanche, elle est brouillonne, je n'ai pas compris quelles étaient ses priorités, ce qu'elle a réussi ou ce qu'elle a fait. Donc, je crains que son bilan ne soit médiocre. On peut même lui reprocher plus. La grande conférence de La Haye sur l'effet de serre a échoué, on en rend responsable les Etats-Unis. Mais les Etats-Unis étaient prêts à signer, dans la nuit, un accord qui aurait été historique. Entre Clinton, Schröder, Blair, Jospin, ils étaient tous à peu près de la même tendance politique. C'est madame Voynet qui a refusé. Il faut se poser la question de savoir pourquoi M. Nader, le candidat des Verts aux Etats-Unis, a fait échouer M. Gore etc. Il faut que les électeurs en France se posent la question : est-ce que les Verts ont fait du bon travail ou pas ? Est-ce qu'ils ont trahi l'écologie ou est-ce qu'ils ont bien défendu l'écologie ? Nous, à Génération Ecologie, nous sommes préoccupés et nous voulons poser la question aux Français. Est-ce que pour être écologiste, il faut être pour la légalisation du cannabis ? Est-ce que pour être écologiste, il faut aussi être pour le vote des étrangers en France ? Est-ce que pour être écologiste"
...On n'a pas le droit d'être écolo et de penser à autre chose ?
- "Si. Justement, à partir du moment où on pense à autre chose, il y a une discussion qui s'instaure. Est-ce que vous êtes pour les 32 heures ? M. Lipietz est pour les 32 heures, immédiatement, pour tout le monde. Ce sont de vraies discussions. Au fond, est-ce qu'il faut aussi que les écologistes soient à l'avance pour M. Jospin ou pour M. Chirac ? Est-ce normal que M. Lipietz nous dise : "de toute manière au second tour, c'est Jospin". N'a-t-on pas le droit d'être écologiste et de penser à sa façon et éventuellement de ne pas être forcément pour la gauche ?"
Mais vous, vous appelez bien à voter pour M. Chirac...
- "Pour l'instant, je dis qu'il faut que les voix écologistes soient mises en compétition. C'est le secret de l'écologie, elle a toujours été indépendante."
C'est-à-dire qu'il faut des écologistes qui votent à droite ?
- "Il en faut partout des écologistes, heureusement. Vous vous rendez compte que si les écologistes étaient d'un seul côté, cela voudrait dire que pendant cinq ans d'alternance on déferait, comme Pénélope, ce qu'on avait fait pendant les cinq années précédentes. C'est absurde !"
Vous accusez M. Lipietz de s'engager à l'avance à voter M. Jospin mais pourquoi faites-vous la même chose dans le sens contraire ?
- "Je ne fais absolument rien de tel. Je dis que l'écologie doit faire le plus de voix possible, elle doit être aussi forte que possible et elle doit mettre en concurrence les forces politiques. Si c'est la droite et la gauche au second tour - vraisemblablement -, il faut qu'ils se bagarrent et qu'ils se montrent les plus écologistes possibles pour avoir des voix écologistes. Autrement, ça ne sert à rien, autrement vous êtes cocu si vous dites à l'avance " je vote pour un tel".
Je lisais votre document, vous appelez tous les écologistes de l'opposition - c'est bien marqué de l'opposition - à se rassembler.
- "En effet, parce qu'il y a beaucoup d'opposition. Croyez-vous que je suis d'accord avec ce que fait madame Voynet ? Pas du tout. Je ne suis pas d'accord avec elle et je ne suis pas d'accord avec le Gouvernement Jospin. Le Gouvernement Jospin, la gauche plurielle en ce moment, ce sont des gens qui se plaignent que l'on veuille privatiser EDF, Gaz de France ou la SNCF, et qui en même temps votent les directives pour les privatiser en Europe. Ils disent une chose et ils font le contraire. Ce Gouvernement me rappelle Guy Mollet : dans les congrès, on vote l'international, et puis ensuite au gouvernement, on fait le contraire. Ce n'est pas satisfaisant. Moi, je suis pour l'Europe, je suis plus libéral."
Est-ce que Génération Ecologie aura demain, puisque vous vous réunissez demain, un candidat ?
- "L'écologie se partage entre plusieurs candidats. Il y a le choix, il n'y a jamais de monopole. A Génération Ecologie, nous présenterons un candidat, mais d'abord, nous dirons à toutes les associations, aux formations écologistes qui ne se reconnaissent pas dans les Verts qu'il faut que nous trouvions un candidat commun."
Serez-vous candidat vous-même ?
- "Je le souhaite. J'ai envie d'en découdre et j'ai beaucoup de choses à proposer."
(source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 22 juin 2001)