Point de presse de M. Alain Juppé, ministre de la défense et des anciens combattants, notamment sur la présence militaire française en Côte d'Ivoire et au Liban dans le cadre de l'ONU, à New York le 7 février 2011.

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Circonstance : Déplacement aux Etats-Unis d'Amérique, le 7 février 2011

Texte intégral

Je suis venu à New York peu de temps après ma nomination comme ministre de la Défense puisque cette nomination remonte à un peu plus de deux mois aujourd'hui. J'ai voulu par cette visite réaffirmer tout le soutien que la France apporte à l'ONU dans son travail de maintien de la paix.
J'ai rencontré ce matin, outre le Secrétaire général, M. Leroy qui dirige les opérations de maintien de la paix.
J'ai pu mesurer à cette occasion combien ces opérations étaient souvent des succès. On ne met l'accent que sur les échecs mais l'ONU réussit souvent à rétablir la paix, à reconstruire les pays dans lesquels elle assume ses responsabilités.
Nous avons abordé plus particulièrement, avec le Secrétaire général, la situation dans deux pays où la France est fortement engagée. D'abord la Côte d'Ivoire, vous connaissez la position qui est la nôtre. Nous soutenons à fond l'idée que les élections ont abouti à désigner un président légitime en la personne de M. Ouattara et que ce serait un échec de la démocratie pour l'Afrique tout entière si cette décision n'était pas suivie d'effet.
Aujourd'hui, nous sommes dans un processus de sanctions, notamment de sanctions financières. Je crois qu'il faut les appliquer avec beaucoup de détermination. Cela met du temps à être efficace, mais avec le temps cela devient efficace, et j'espère que nous pourrons ainsi débloquer la situation. Je rappelle que la force Licorne française qui se trouve en Côte d'Ivoire fait partie du dispositif onusien, de l'ONUCI, qu'elle est en soutien mais qu'elle n'interviendra pas militairement dans les conditions actuelles, sauf pour protéger et évacuer nos ressortissants français et européens.
Nous avons évoqué aussi la situation au Liban, puisque vous savez que la France est le deuxième contributeur à la FINUL avec environ 1.500 soldats sur le terrain. Nous souhaitons une application vigilante de la résolution 1701 et nous appelons de nos voeux une solution à la crise actuelle permettant de préserver l'unité et la stabilité du Liban. Dans ces conditions nous continuerons à assumer nos responsabilités au sein de la FINUL.
Nous avons abordé beaucoup d'autres questions, donc je ne voudrais pas être trop long dans ce propos introductif. Je voudrais simplement ajouter que je vais rejoindre Washington dans l'après-midi pour rencontrer mon homologue Robert Gates. Nous aurons donc l'occasion de revenir sur l'ensemble de ces problèmes.
Q - Que vous a dit le Secrétaire général sur la Côte d'Ivoire ?
R - Il est déterminé à faire en sorte que le président Ouattara puisse exercer réellement ses fonctions. Ce sont les positions de la communauté internationale, la position des Nations unies, la position de l'Union européenne, la position de l'Union africaine et de beaucoup de grands Etats. C'est dans cette direction qu'il déploie ses efforts et, comme je l'ai dit, nous le soutenons pleinement.
Q - Vous êtes un vieil ami du Liban. Vous avez parlé de la FINUL. Comment la France voit-elle la situation au Liban, dans le contexte de ce qui s'est récemment passé au niveau politique avec la désignation d'un Premier ministre soutenu par le Hezbollah ? Avez-vous parlé avec M. Ban à propos du Tribunal spécial pour le Liban ? Y a-t-il des changements dans votre position à l'égard du TSL ?
R - La France a un principe qu'elle essaie d'appliquer partout, c'est qu'elle ne veut pas se substituer aux peuples et à leur gouvernement auxquels il appartient de choisir leur destin donc nous n'allons pas interférer dans les affaires intérieures du Liban. Cela dit, le Liban est un pays et un peuple ami et nous souhaitons qu'il préserve son intégrité et sa stabilité. C'est dans ce sens là que nous essayons d'agir. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons le respect des résolutions des Nations unies et également la mise en oeuvre des décisions du Tribunal spécial pour le Liban. C'est pour nous un point tout à fait important.
Q - Une question à propos de l'Egypte : quelle est la position de la France à l'égard de M. Moubarak ? Pensez-vous qu'il doit rester, afin de garantir une transition ordonnée, ou doit-il partir maintenant afin de mettre un terme à la crise ?
R - Même réponse : nous ne voulons pas interférer dans le choix du peuple égyptien. Nous soutenons le mouvement démocratique. Nous pensons que des progrès doivent être faits pour développer les droits de l'Homme et une véritable démocratie en Egypte. La transition doit être réalisée le plus tôt possible.
Q - Comment voyez-vous le rôle de l'armée égyptienne dans cette situation ?
R - Une fois de plus, je ne veux pas interférer dans les affaires intérieures de l'Egypte. J'observe que l'armée essaye de jouer un rôle d'apaisement pour le moment. Nous souhaitons que la violence soit évitée en Egypte, des deux côtés bien sûr
Q - A quel moment, que ce soit en Egypte ou ailleurs, peut-on parler d'ingérence humanitaire (qui avait été prôné par un Français d'ailleurs) parce que l'on a l'impression que souvent les gouvernements, et surtout ici, se réfugient derrière cette non- ingérence ? A quel moment cela devient de l'ingérence humanitaire ? Il faut combien de morts pour que l'on agisse ?
R - C'est une excellente question. Je ne fixerai pas de barre ni de niveau. Je pense qu'il faut que nous agissions pour que le sens des responsabilités des uns et des autres joue et que la violence soit évitée.
Q - Au sujet de la FINUL, est-ce que vous avez discuté particulièrement de la FINUL et du renforcement de la FINUL au Liban ? Est-ce que vous avez un programme d'aide militaire ou de défense au Liban ?
R - Oui, nous en avons parlé bien sûr. Je l'ai dit tout à l'heure. La FINUL joue un rôle très important, elle a permis la stabilisation du Sud Liban. La France y est très présente. Quand vous me parlez de programme d'aide, nous avons presque 1.500 hommes sur le terrain. Nous avons d'ailleurs modernisé le rôle de nos forces qui pourront intervenir en tant que forces de réaction rapide. Nous sommes prêts à continuer dès lors que le gouvernement du Liban sera décidé à appliquer les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies.
Q - Est-ce que vous avez évoqué la situation dans la région sahélo-saharienne, notamment AQMI et ce qui se passe actuellement en Mauritanie ?
R - Non, nous n'en avons pas parlé ce matin, mais c'est un sujet que j'évoquerai sans doute avec M. Gates.
Q - Une de vos collègues, Michèle Alliot-Marie, est dans la tourmente aujourd'hui. Est-ce que vous lui apportez votre soutien ?
R - Je suis toujours solidaire des amis dans la tourmente mais je ne fais pas de commentaire sur les questions de politique intérieure à New York ou à Washington.
Merci beaucoup.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 10 février 2011