Interview de M. Alain Juppé, ministre des affaires étrangères et européennes, à la chaîne de télévision "Dream II" le 6 mars 2011 au Caire, sur le processus de transition démocratique en Egypte et ses répercussions régionales.

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Q - Monsieur le Ministre, vous avez dit lors de votre conférence de presse que ce qui se passait aujourd'hui en Égypte avait une très grande influence et des répercussions très grandes non seulement dans la région, mais dans le monde. Pourquoi ?
R - L'Égypte est un grand pays. C'est un pays clé dans cette région. C'est aussi un pays ami de la France. C'est la raison pour laquelle mon premier déplacement à l'étranger en tant que ministre des Affaires étrangères se fait ici en Égypte. Le message que je suis venu apporter est très clair : nous sommes aux côtés du peuple égyptien pour l'aider à réussir sa transition vers la démocratie et vers plus de liberté.
Q - Monsieur le Ministre, certains disent que lorsque les responsables internationaux et notamment les responsables européens viennent en Egypte, ils viennent pour établir des relations amicales avec le nouveau régime en place, mais que d'autres viennent aussi pour voir par eux-mêmes qu'il y a vraiment eu des changements et que le changement est réel. C'est comme s'ils venaient en prospection sur le terrain. Qu'en dites-vous ?
R - Si vous voulez. Il est toujours très utile d'aller voir sur place comment les choses se passent. Nous avons eu beaucoup d'images sur la place Tahrir, sur les manifestations qui se sont déroulées. Mais rien ne remplace le contact direct, le contact humain. C'est l'une des raisons pour lesquelles j'ai été heureux de rencontrer à la fois les autorités, le maréchal Tantaoui, mais aussi la coordination des jeunes du 25 janvier. Pour moi, cela a été un moment très fort sur le plan politique, mais aussi sur le plan humain.
J'ajouterai que je ne suis pas venu ici pour dire aux Égyptiens ce qu'il faut faire, mais pour leur dire que, si leurs choix vont vers la démocratie, ils peuvent compter sur notre soutien.
Q - Monsieur Juppé, vous êtes un politicien expérimenté. Vous avez été Premier ministre, ministre des Affaires étrangères, et vous revoilà ministre des Affaires étrangères à nouveau. Vous avez certainement une vision sur la situation, sur les personnes, sur les événements. Vous avez rencontré aujourd'hui le maréchal Tantaoui, les jeunes de la place Tahrir, le Secrétaire général de la Ligue arabe. Quelle est votre impression ? Avez-vous l'impression qu'il y a eu un changement radical ou avez-vous l'impression qu'un changement radical est possible ?
R - Je crois qu'il y a eu un changement profond. Je crois que c'est une forme de révolution qui s'est faite aujourd'hui. Je crois que le peuple égyptien, qui a voulu cette révolution, ne renoncera pas. C'est donc aussi un message de confiance que je suis venu apporter ici. J'ai confiance dans la capacité de ceux qui sont aujourd'hui en charge de ce processus à le réussir. Si l'Égypte réussit sa transition démocratique, ce sera une formidable bonne nouvelle pour tous les pays du sud de la Méditerranée et pour nous aussi Européens.
Q - Monsieur le Ministre, ma question a trait à la politique de la France à l'avenir. Cela pourrait être posé d'une façon très simple : comment la France va-t-elle aider et soutenir l'Égypte dans la période à venir ? La question peut également être posée d'une façon plus compliquée : l'Europe et la France ont-elles vraiment un désir réel d'aider l'Égypte dans son action dans la période à venir ?
R - Oui, nous avons ce désir réel et si vous ne croyez pas à notre sincérité, croyez que c'est notre intérêt. Nous n'avons pas intérêt à ce qu'au sud de la Méditerranée il y ait des guerres civiles, des régimes incapables d'assurer le progrès de leur population. L'intérêt de la France, l'intérêt de l'Union européenne, c'est qu'ensemble nous puissions faire progresser la démocratie, la liberté, mais aussi le progrès économique, l'emploi pour les jeunes générations égyptiennes. Aujourd'hui, d'après ce qu'on m'a dit ici, 70 % des Égyptiens ont moins de 30 ans. Une grande partie d'entre eux cherche du travail. Eh bien, nous avons intérêt à ce qu'ils en trouvent en Égypte et au sud de la Méditerranée, et c'est pour cela que nous allons vous aider.
Q - Quand pouvons-nous attendre une visite du président Sarkozy en Egypte ?
R - Eh bien je vais lui dire qu'il est attendu.

Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 14 mars 2011