Texte intégral
J'ai commencé ma journée après mon retour de Doha, par une longue, riche et sympathique rencontre bilatérale avec mon homologue allemand Guido Westerwelle. J'ai eu l'occasion de faire un point de presse juste à l'issue de cet entretien. Je n'y reviendrai pas, sauf si vous avez des questions tout à l'heure.
Une grande partie de nos travaux aujourd'hui a été consacrée à la Libye.
Tout d'abord, nous nous sommes félicités, les uns et les autres, du résultat positif de la rencontre de Doha, hier qui a permis à la coalition, aux pays contributeurs, à ceux qui les ont rejoints, aux organisations internationales qui étaient représentés - le Secrétaire général des Nations unies en personne, mais aussi le président de la Commission de l'Union africaine, et les représentants de la Ligue arabe et de l'Organisation de la Conférence islamique - de manifester une convergence de vues, je dirais même une unanimité sur la question libyenne, avec notamment l'affirmation très forte de notre exigence de voir Kadhafi quitter le pouvoir. Aujourd'hui, dans le cadre de cette orientation politique générale donnée à Doha, nous sommes revenus sur les aspects plus strictement militaires qui relèvent de l'OTAN. Nous avons tous fait preuve de grande cohérence avec ce qui s'est dit à Doha, avec ce qui s'est dit au Caire aussi, puisqu'au même moment s'y tenait également une réunion importante sur la Libye.
Ce qui s'est manifesté d'abord, c'est la volonté de continuer à faire pression et à réunir les conditions pour le départ de Kadhafi, ce qui implique le maintien d'une intervention militaire de bon niveau ; c'est ce que fait l'OTAN aujourd'hui, qui fait un bon travail. Nous avions souhaité qu'elle intensifie ses frappes et nous avons reçu l'assurance que ce serait le cas. Il faut bien sûr, pour cela, s'en donner les moyens et un appel a été lancé aux uns et aux autres pour compléter la force aérienne. Vous savez que la France est aujourd'hui le premier contributeur à cette force aérienne avec pratiquement 30 avions qui participent aux opérations.
Nous avons rappelé aussi dans quelles conditions un cessez-le-feu serait acceptable : il ne s'agit pas d'un cessez-le-feu consistant tout simplement à figer les positions et à ouvrir le risque d'une partition de la Libye. Le vrai cessez-le-feu, conforme aux résolutions du Conseil de sécurité, implique le retrait des troupes de Kadhafi des villes qu'il a conquises et un retour de ces troupes dans les casernes, c'est à dire un cessez-le-feu réel et contrôlé.
Nous avons aussi évoqué la nécessité de préparer un règlement politique, et pour cela, un large accord s'est dégagé pour renforcer le Conseil national de transition, qui est l'interlocuteur politique aujourd'hui valable aux yeux de tous, et qui a besoin qu'on l'aide d'abord à s'organiser, à se former, puis à se financer, puisqu'il a besoin de moyens. Vous savez qu'à Doha, le principe d'un mécanisme de financement a été adopté. Nous allons maintenant essayer d'y travailler pour voir comment le concrétiser d'ici la prochaine réunion du Groupe de contact qui aura lieu à Rome.
Le deuxième grand sujet qui a été abordé est celui de l'Afghanistan. J'ai eu l'occasion de rappeler quelle est la position de la France : nous avons adhéré à la stratégie de Lisbonne, nous sommes tout à fait désireux de participer à la transition qui démarre en cette année 2011. Nous pensons que nous sommes prêts à transférer notre responsabilité dans le secteur de Surobi aux troupes afghanes. J'espère que cette décision pourra être prise dans le courant de cette année. Pour le reste, il reste beaucoup à faire. Nous avons entendu le compte-rendu du général Petraeus, qui a souligné les progrès accomplis sur le terrain, tout en ajoutant que la situation restait fragile et réversible, c'est bien notre sentiment. Il faut donc maintenir la pression. De même, il y a encore beaucoup de choses à faire concernant l'amélioration de la gouvernance, la lutte contre la corruption, l'engagement d'un véritable dialogue avec tous ceux qui acceptent les conditions posées, c'est-à-dire la renonciation à la violence et l'acceptation de la Constitution de l'Afghanistan, l'implication, évidemment, des pays de la région et tout cela avant 2014, qui reste la date de retrait du dispositif militaire et du passage à un partenariat de longue durée entre l'OTAN et l'Afghanistan, mais aussi d'autres partenaires ; je pense que l'Union Européenne aurait également son rôle à jouer, puisqu'après 2014, l'accent sera mis moins sur l'aspect militaire des choses que sur le développement ou la formation.
J'ai eu aussi l'occasion d'avoir plusieurs entretiens bilatéraux avec Hillary Clinton, avec mon collègue polonais, mon collègue néo-zélandais, et mon collègue afghan, que j'avais eu l'occasion de rencontrer à Kaboul lorsque je m'y étais rendu à la fin de l'année dernière.
Nous allons maintenant dîner en abordant d'autres sujets, comme celui de la réforme de l'Alliance, à laquelle nous sommes très attachés. Je parle de la réforme de l'Alliance, naturellement, et également de la revue de la posture qui nous pose quelques petits problèmes : nous ne souhaitons pas ré-ouvrir le débat qui a eu lieu à Lisbonne sur la place respective de la défense anti-missiles et de la dissuasion nucléaire. Pour nous, ce débat est tranché : la défense anti-missiles vient soutenir les capacités de dissuasion nucléaire et non pas s'y substituer. Tout ce qui pourrait prêter à ambigüité de ce point de vue ne sera pas accepté par nous.
Q - Armer les rebelles, est-ce que c'est, selon vous, une bonne ou une mauvaise chose ? Une seconde question : on a appris cet après-midi que l'Union Européenne avait levé les sanctions contre Moussa Koussa : est-ce une bonne ou une mauvaise chose ?
R - Sur la fourniture d'armes au Conseil national de transition, je rappelle ce que j'ai dit à savoir que la lettre de la résolution 1973 était un embargo sur la fourniture des armes sur la Grande Jamahiriya libyenne, c'est-à-dire pas au Conseil national de transition. Et j'avais dit que cette question méritait d'être examinée. Certains l'ont examinée, la France l'a examinée. Nous ne pensons pas que nous sommes dans notre rôle en fournissant des armes au Conseil national de transition. Si d'autres veulent le faire et considèrent que c'est parfaitement conforme à la résolution 1973, c'est leur décision. En revanche, nous sommes prêts à aider le Conseil national de transition de multiples autres manières : on peut les aider en matière de formation, d'organisation, et financière. Voilà la position qui est la nôtre sur ce sujet.
Sur le deuxième point, la morale. Il y a la morale, et puis il y a la vie. Parfois, on se rend compte que les deux choses ne se recouvrent pas totalement, ni tout de suite. Nous voulons encourager les gens qui entourent Kadhafi à laisser tomber Kadhafi, en les convainquant qu'il n'y a pas d'avenir, en Libye, pour le régime de Kadhafi, et pour ceux qui lui restent fidèles ou qui l'entourent de très près. Si les personnes ou les personnalités qui entendent ce discours et qui quittent Kadhafi se retrouvent quelques jours après en prison, je ne suis pas sûr que le mouvement de défection va se développer de manière tout à fait spectaculaire. C'est donc la raison pour laquelle, en tenant compte de cet acte courageux, qui consiste à lâcher Kadhafi, nous avons pensé, cela ne nous a pas choqués, que les sanctions pouvaient être levées.
Q - Après le diner Sarkozy-Cameron, on peut se demander si quelque chose se prépare au niveau franco-britannique sur Misrata ?
R - Cette rencontre entre le président Sarkozy et le Premier ministre Cameron était très importante parce que, vous le savez, nous marchons main dans la main avec les Britanniques depuis le début dans cette opération sur la Libye. Il est très important que, périodiquement, nous nous assurions de notre convergence de vues ; c'était l'objet de la réunion d'hier, principalement axée sur la nécessité de maintenir une pression militaire forte sur Kadhafi. Parfois, on nous demande si l'on peut à la fois faire la guerre et la paix. Si l'on veut un processus de réconciliation nationale, d'ouverture, il faut affaiblir et déstabiliser Kadhafi. On ne peut y parvenir que par l'application stricte des sanctions - cela a été rappelé à plusieurs reprises aujourd'hui dans les réunions -, et par une pression militaire suffisante. Ceci a été, je crois, l'objet essentiel de la rencontre d'hier soir.
Q - Avez-vous des informations sur une rencontre entre le président Sarkozy et le représentant de Misrata ?
R - Je n'ai aucune information à ce sujet.
Q - M. Rasmussen a appelé à davantage de contributions en matière aérienne. Que peut-il y avoir de concret dans ce sens ?
R: L'appel a été lancé cet après-midi ; il est un peu prématuré de répondre à cette question. Simplement, la France est le premier contributeur à la force aérienne et nous n'avons pas de marges de progression - nous avons déjà une trentaine d'avions. Mais d'autres pays sont en capacité de le faire, j'espère qu'ils le feront.
Q - Et les Américains qui interviennent ponctuellement
R - J'en ai parlé à Hillary Clinton et je pense qu'ils continueront sur la même ligne, c'est-à-dire des interventions ponctuelles lorsque c'est nécessaire et lorsque les moyens dont ils disposent sont particulièrement utiles.
Q - quand vous avez rencontré Hillary Clinton, est-ce que vous avez demandé plus d'avions ?
R - Je viens de dire que j'ai évoqué cette question avec elle et je crois que les Etats-Unis continueront à apporter leur soutien. Ils apportent déjà un soutien logistique extrêmement important et, en tant que de besoin et au cas par cas, je n'ai pas senti qu'ils s'y opposeraient.
Q - Monsieur le Ministre, aujourd'hui, des frappes, notamment sur Tripoli, ont été rapportées. Va-t-on voir plus de frappes dans le futur, avant que l'on aboutisse à une solution politique ?
R - A chacun son métier. Je ne suis pas militaire et ne planifie pas ces opérations. Je ne planifie pas les frappes de l'OTAN, c'est à l'OTAN d'en décider. Nous, nous avons donné la ligne politique, je crois que c'est très important. Cela a été fait par le Groupe de contact, par un certain nombre de pays contributeurs comme le Royaume-Uni - on l'a évoqué tout à l'heure -, et la France. Nous pensons qu'il faut maintenir une pression militaire robuste, c'est le mot qui a été utilisé dans le communiqué de Doha, si je ne me trompe. L'Otan, dans ce cadre là, choisit ses cibles et intervient là où l'organisation estime que cela est le plus efficace, toujours dans le cadre de la résolution du Conseil de sécurité, c'est-à-dire sur des objectifs militaires et en évitant tous dommages collatéraux civils. Vous avez vu que nous y avons veillé très attentivement.
Q - Monsieur le Ministre, Bernard Henri Lévy, de Benghazi, a évoqué une possible intervention de l'armée égyptienne. Qu'est-ce que vous en pensez ?
R - Aucun commentaire.
Q - Lorsque le Qatar, qui est un ami de la France, redonne paraît-il, d'après le régime de Tripoli, des missiles anti-char de fabrication française : est-ce, dans votre esprit, quelque chose qui serait possible ?
R - Je vous ai dit ce que je pensais de la question : la résolution 1973 du Conseil de sécurité n'interdit pas cela. Pour le reste, je n'ai pas davantage de commentaire à faire.
Q - Avez-vous des indications, par l'intermédiaire du Conseil national de transition, de nouvelles défections autour de Kadhafi ? Est-ce que des gens vous informent d'une tendance à la défection ?
R - Je n'ai pas de noms à vous donner mais je pense que le mouvement continue. Il continuera d'autant mieux et d'autant plus que la déstabilisation de Kadhafi sera forte ; d'où la nécessité de faire ce que l'on a dit aujourd'hui, à savoir accentuer la pression militaire et la mise en uvre des sanctions. Ce sont des sanctions sévères, qui peuvent avoir là aussi un effet, certainement pas immédiat mais important.
Q - Monsieur le Ministre, le président Sarkozy a dit qu'il y allait y avoir une initiative franco-britannique ?
R - La règle que je me fixe est de laisser le président de la République annoncer ses initiatives.
Q - M. Rasmussen n'a pas proposé quelque chose de concret cet après-midi en termes d'intensification des frappes. Etes-vous satisfait ?
R - Si, il a proposé des choses très concrètes, nous avons eu un compte rendu très précis du SACEUR qui nous a montré ce qui se passait. Il y a des orientations nombreuses, fréquentes. Il a donné, puisque c'était l'orientation prévue, son accord pour intensifier les frappes. Il a fait appel à des contributions supplémentaires, et ce n'est pas cet après-midi qu'il va communiquer la liste des frappes qui vont intervenir dans les prochains jours. Je pense que le Secrétaire général a été parfaitement dans la ligne de ce que nous avons souhaité.
Q - Finalement, l'OTAN en faisait assez ?
R - Non puisque on va en faire plus, puisque l'on demande plus d'avions ! Ne cherchez pas systématiquement à essayer de nous mettre en contradiction. Nous avons souhaité que l'OTAN en fasse plus, le démarrage de l'OTAN a été long, tout le monde le sait. Il y a eu également des événements météorologiques qui peuvent expliquer qu'il y ait eu un petit relâchement dans les frappes. Nous avons à plusieurs reprises, M. Hague et moi-même, souhaité que cela s'intensifie. Cela s'est déjà intensifié dans les jours qui viennent de s'écouler et cela va continuer. Nous n'avons aucun conflit avec l'OTAN et avec M. Rasmussen.
Q - On parle de quelques avions, comme l'a dit M. Rasmussen, une dizaine comme l'a dit un responsable français ?
R - Je n'ai pas de réponse à cette question. Je ne pense pas qu'un responsable français ait parlé de dizaines d'avions.
Q - Une dizaine.
R - Qui a dit cela ? Un responsable ? Quelqu'un de bien introduit au Quai d'Orsay ou à l'hôtel de Brienne ! Cela m'étonnerait beaucoup que la France ait indiqué un chiffre. Je ne pense pas d'ailleurs que le vrai problème - mais je ne veux pas empiéter sur le domaine des militaires - soit le nombre mais ce qui importe c'est la capacité opérationnelle des avions et leur adaptation. Aujourd'hui, nous avons les moyens de faire respecter la no-fly-zone, zone d'exclusion aérienne ; il n'y a pas de problème. Ce qui pose davantage problème, ce sont les frappes au sol avec des avions adaptés et des équipages adaptés.
Q - Sur ce point, les Européens ont-ils clairement une capacité ? Ce ne sont pas uniquement les Américains ?
R - Non, nous avons la capacité, et d'ailleurs nous le prouvons aujourd'hui.
Q - Mais ce que la France souhaitait obtenir, ce n'est pas seulement un peu plus d'avions, c'est aussi et surtout une procédure d'engagement des cibles qui soit plus rapide.
R - Nous n'avons pas demandé cela formellement, nous avons demandé une plus grande réactivité de l'alliance. D'ailleurs les choses ont changé depuis que nous avons exprimé ce souhait. Quand on voit les comptes-rendus des interventions des derniers jours, on se rend compte que cette réactivité est au rendez-vous. Il y a eu, cela a été signalé tout à l'heure, une frappe sur des cibles proches de Tripoli.
Q - Une question sur l'Afghanistan. Vous avez dit tout à l'heure qu'à l'horizon 2014 serait opéré un retrait du dispositif militaire. Qu'entendez vous par là exactement ?
R - Je n'ai fait aucun effort d'imagination dans ce domaine. C'est très exactement ce qui a été convenu à Lisbonne. On a dit : 2011 -2014, la transition. C'est-à-dire que l'on transmet à l'armée afghane et à la sécurité afghane la sécurité du pays et, en 2014, nous passons à une autre étape, l'étape du partenariat de longue durée qui ne sera pas, pour l'essentiel, militaire. C'est la séquence qui a exactement été décidée à Lisbonne. Dans l'intervalle, nous faisons un énorme effort de formation de la police et de l'armée afghane. Le général Petraeus a donné un chiffre que je n'ai pas noté, peut-être que le directeur politique l'a encore en tête, de 23.000 policiers qui ont été formés. Enfin, il y a un effort très important de formation de policiers. C'est même plus de 23.000. Nous continuons cet effort. Vous savez que la France est particulièrement engagée dans cet effort de formation des policiers et des soldats.
Q - Est-ce que cela signifierait un retrait des forces françaises dans cette zone ou un redéploiement dans d'autres missions ?
R - Nous avons dit qu'il s'agissait d'un redéploiement. Mais nous examinerons la question dans le contexte du moment.
Q - Il y a actuellement des villes en Syrie qui se trouvent dans une situation d'urgence et de menace, qui est celle de Benghazi il y a trois semaines. Est-ce que la Syrie a été évoquée aujourd'hui ?
R - Nous en avons parlé, notamment dans les rencontres bilatérales, pour exprimer notre très grave inquiétude sur la situation qui se détériore. Nous avons condamné et continuons à condamner de façon très ferme l'utilisation de moyens violents contre les populations qui ont le droit de s'exprimer. Nous avons considéré que le discours du président Bachar, il y a quelques jours, était fort décevant et pas à la hauteur des attentes de la population syrienne, et qu'il fallait aller plus loin dans le processus de réformes et de transformation démocratique de la Syrie. Là-dessus, notre position est tout à fait claire, nous n'allons pas proposer toutes les semaines des résolutions «1973» au Conseil de sécurité.
Q - en avez-vous discuté dans les entretiens bilatéraux avec Mme Clinton ?
R - Oui, notamment.
Q - Avez-vous évoqué les effets du conflit libyen sur la zone sahélienne ?
R - Pas particulièrement. Mais ces effets nous préoccupent, bien sûr. Pour l'instant, le diagnostic que nous portons, c'est que la propagande qui vient de Tripoli et selon laquelle Al Qaïda serait en train de pénétrer le Conseil national de transition et de s'installer à Bengazi est justement de la propagande. Cela ne correspond pas à la réalité.
Q - Aujourd'hui était censée se tenir une réunion du Quartet, mais elle a été annulée : pour quelle raison, et qu'allez-vous présenter à M Abbas qui sera à Paris la semaine prochaine ?
R - Nous avons estimé que les conditions de cette réunion n'étaient pas tout à fait remplies, donc nous continuons à y travailler. Ce que nous disons au sein de l'Union européenne, c'est que le statu quo au Proche-Orient n'est plus tenable, compte tenu de tout ce qui se passe dans le monde arabe en général et qu'il faut donc aujourd'hui réenclencher un processus de négociation. Dans la mesure où on ne peut pas ignorer le rendez-vous de l'automne prochain à l'Assemblée générale des Nations unies et la question de la reconnaissance de l'Etat palestinien et que le ré-enclenchement de ce processus de négociation pourra se faire sur des paramètres clairs qui porte notamment sur les frontières ou le statut de Jérusalem. Je pense que sur ce sujet-là, il y a un très grand accord au sein des 27 pays de l'Union européenne. Nous avons travaillé en ce sens.
Q - Peut-on imaginer une reconnaissance par la France ou l'Union européenne ?
R - Je vous ai dit que le rendez-vous était prévu au mois de septembre. Je sais qu'il y a toujours chez vous une très grande volonté d'anticipation, c'est le métier qui veut ça, mais voilà, on va gérer ce temps.
Q - A propos du rôle du nucléaire dans l'OTAN, vous avez parlé de petits problèmes : avez-vous évoqué ce sujet avec votre homologue allemand, Guido Westerwelle ? Comment analysez-vous les positions de part et d'autre ?
R - Les positions sont connues, on a eu ce débat à Lisbonne. Il a été tranché, nous avons obtenu une prise de position très claire. Le verbe anglais qui a été utilisé pour montrer que la défense antimissile soutenait la dissuasion est «to bolster». : Pour nous le débat est clos. Il y a à l'heure actuelle dans le texte qui est soumis au Conseil une phrase qui ne convient pas, dans laquelle on envisage la modification de ce que l'on appelle «l'appropriate mix», c'est à dire le dosage entre les forces conventionnelles, la dissuasion nucléaire et la défense anti-missile, et vise ainsi à modifier cet équilibre à la lumière de la réaction de l'opinion publique parmi les alliés de l'OTAN. Cela, nous ne l'accepterons pas, et si ce texte devait rester tel quel, nous demanderions que le projet de déclaration - il s'agit d'un programme de travail - soit renvoyé aux ambassadeurs pour être retravaillé.
Q - Comment les opinions sont censées être mesurées ?
R - Il faut le demander aux auteurs du questionnaire.
Q - Qui sont-ils ?
R - Le Secrétariat général de l'OTAN.
Q - Dans la situation militaire actuelle en Libye, est-ce que les capacités allemandes vous manquent ?
R - Tous les amis nous manquent, c'est sûr. J'ai bien indiqué ce matin qu'il faut aussi bien regarder la réalité en face. Dans la question libyenne, nous avons, en ce qui concerne les objectifs, l'accord total avec nos amis allemands. L'objectif, c'est de faire en sorte que ceux qui se sont révoltés pour conquérir leur liberté et un Etat démocratique, ne soient pas massacrés par des armes lourdes, puissent s'exprimer et qu'ils puissent réaliser leurs objectifs. Ceci passe par la chute du régime actuel et le départ de Kadhafi. C'est tout à fait clair. Nous sommes d'accord sur l'utilisation d'un certain nombre de moyens pour parvenir à ce résultat, notamment des sanctions qui peuvent être effectivement efficaces et qu'il faut appliquer avec la plus grande rigueur. Nous sommes en désaccord sur l'utilisation de la force militaire pour parvenir à ce résultat. Nos amis allemands ne sont pas d'accord sur ce point, nous avons une position différente. Je ne vais pas jour après jour remettre cela sur le tapis, en demandant à nos amis allemands de venir participer à une opération à laquelle ils ne veulent pas participer. Je respecte leur choix et là encore, je le répète, sur les grands objectifs nous sommes parfaitement d'accord.
Q - Comment expliquez-vous le désaccord entre vous et Berlin sur ce dernier point ?
R - Il est très facile à expliquer : nos amis allemands estiment qu'ils n'ont pas envie de participer à une opération militaire pour des raisons de principe qui sont les leurs et, je le répète, que je respecte. Et cela n'aura pas d'incidence majeure sur les relations franco-allemandes. Ce n'est pas la première fois, et ce n'est pas la dernière fois que nous sommes en désaccord sur un certain nombre de sujets. Je pourrais vous faire la liste de tous ceux que nous avons évoqués ce matin avec Guido Westerwelle sur lesquels nous sommes d'accords. Quand même, n'oublions pas qu'en ce qui concerne les questions économiques, financières, la gestion de la crise, la gouvernance économique de la zone euro, la France et l'Allemagne sont arrivés à un accord tout à fait important, pour ne pas dire presque historique sur la façon dont fonctionne la zone euro. Ne perdons pas de vue ce très large accord. Il y a cette divergence-là, on ne va pas en faire un drame.
Q - Est-ce qu'elle peut conduire à un rapprochement franco-britannique en matière militaire ?
R - C'est déjà fait puisque nous avons signé un traité. Mais ce traité n'était pas dirigé contre l'Allemagne, pour la bonne raison que M. Gourdault-Montagne en porte la responsabilité et qu'il a été signé bien avant que ne se pose la question libyenne, puisqu'il remonte au mois de novembre. Ce n'est pas du tout une mesure de rétorsion.
Q - Monsieur le Ministre, à propos du Tchad, dont on parle peu. Il y a des rumeurs, des rapports de presse, dont on ne sait pas s'ils sont fondés. Est-ce que vous pouvez nous en dire plus sur les précautions ou l'usage que l'on fait de nos soldats au Tchad ?
R - J'entends des choses qui circulent, j'allais dire des rumeurs, ou des informations, je n'en ai vérifié aucune et donc je ne m'exprimerai pas sur ce point. La seule chose que je peux dire, c'est que la force «Epervier» n'est absolument pas faite pour cela.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 18 avril 2011
Une grande partie de nos travaux aujourd'hui a été consacrée à la Libye.
Tout d'abord, nous nous sommes félicités, les uns et les autres, du résultat positif de la rencontre de Doha, hier qui a permis à la coalition, aux pays contributeurs, à ceux qui les ont rejoints, aux organisations internationales qui étaient représentés - le Secrétaire général des Nations unies en personne, mais aussi le président de la Commission de l'Union africaine, et les représentants de la Ligue arabe et de l'Organisation de la Conférence islamique - de manifester une convergence de vues, je dirais même une unanimité sur la question libyenne, avec notamment l'affirmation très forte de notre exigence de voir Kadhafi quitter le pouvoir. Aujourd'hui, dans le cadre de cette orientation politique générale donnée à Doha, nous sommes revenus sur les aspects plus strictement militaires qui relèvent de l'OTAN. Nous avons tous fait preuve de grande cohérence avec ce qui s'est dit à Doha, avec ce qui s'est dit au Caire aussi, puisqu'au même moment s'y tenait également une réunion importante sur la Libye.
Ce qui s'est manifesté d'abord, c'est la volonté de continuer à faire pression et à réunir les conditions pour le départ de Kadhafi, ce qui implique le maintien d'une intervention militaire de bon niveau ; c'est ce que fait l'OTAN aujourd'hui, qui fait un bon travail. Nous avions souhaité qu'elle intensifie ses frappes et nous avons reçu l'assurance que ce serait le cas. Il faut bien sûr, pour cela, s'en donner les moyens et un appel a été lancé aux uns et aux autres pour compléter la force aérienne. Vous savez que la France est aujourd'hui le premier contributeur à cette force aérienne avec pratiquement 30 avions qui participent aux opérations.
Nous avons rappelé aussi dans quelles conditions un cessez-le-feu serait acceptable : il ne s'agit pas d'un cessez-le-feu consistant tout simplement à figer les positions et à ouvrir le risque d'une partition de la Libye. Le vrai cessez-le-feu, conforme aux résolutions du Conseil de sécurité, implique le retrait des troupes de Kadhafi des villes qu'il a conquises et un retour de ces troupes dans les casernes, c'est à dire un cessez-le-feu réel et contrôlé.
Nous avons aussi évoqué la nécessité de préparer un règlement politique, et pour cela, un large accord s'est dégagé pour renforcer le Conseil national de transition, qui est l'interlocuteur politique aujourd'hui valable aux yeux de tous, et qui a besoin qu'on l'aide d'abord à s'organiser, à se former, puis à se financer, puisqu'il a besoin de moyens. Vous savez qu'à Doha, le principe d'un mécanisme de financement a été adopté. Nous allons maintenant essayer d'y travailler pour voir comment le concrétiser d'ici la prochaine réunion du Groupe de contact qui aura lieu à Rome.
Le deuxième grand sujet qui a été abordé est celui de l'Afghanistan. J'ai eu l'occasion de rappeler quelle est la position de la France : nous avons adhéré à la stratégie de Lisbonne, nous sommes tout à fait désireux de participer à la transition qui démarre en cette année 2011. Nous pensons que nous sommes prêts à transférer notre responsabilité dans le secteur de Surobi aux troupes afghanes. J'espère que cette décision pourra être prise dans le courant de cette année. Pour le reste, il reste beaucoup à faire. Nous avons entendu le compte-rendu du général Petraeus, qui a souligné les progrès accomplis sur le terrain, tout en ajoutant que la situation restait fragile et réversible, c'est bien notre sentiment. Il faut donc maintenir la pression. De même, il y a encore beaucoup de choses à faire concernant l'amélioration de la gouvernance, la lutte contre la corruption, l'engagement d'un véritable dialogue avec tous ceux qui acceptent les conditions posées, c'est-à-dire la renonciation à la violence et l'acceptation de la Constitution de l'Afghanistan, l'implication, évidemment, des pays de la région et tout cela avant 2014, qui reste la date de retrait du dispositif militaire et du passage à un partenariat de longue durée entre l'OTAN et l'Afghanistan, mais aussi d'autres partenaires ; je pense que l'Union Européenne aurait également son rôle à jouer, puisqu'après 2014, l'accent sera mis moins sur l'aspect militaire des choses que sur le développement ou la formation.
J'ai eu aussi l'occasion d'avoir plusieurs entretiens bilatéraux avec Hillary Clinton, avec mon collègue polonais, mon collègue néo-zélandais, et mon collègue afghan, que j'avais eu l'occasion de rencontrer à Kaboul lorsque je m'y étais rendu à la fin de l'année dernière.
Nous allons maintenant dîner en abordant d'autres sujets, comme celui de la réforme de l'Alliance, à laquelle nous sommes très attachés. Je parle de la réforme de l'Alliance, naturellement, et également de la revue de la posture qui nous pose quelques petits problèmes : nous ne souhaitons pas ré-ouvrir le débat qui a eu lieu à Lisbonne sur la place respective de la défense anti-missiles et de la dissuasion nucléaire. Pour nous, ce débat est tranché : la défense anti-missiles vient soutenir les capacités de dissuasion nucléaire et non pas s'y substituer. Tout ce qui pourrait prêter à ambigüité de ce point de vue ne sera pas accepté par nous.
Q - Armer les rebelles, est-ce que c'est, selon vous, une bonne ou une mauvaise chose ? Une seconde question : on a appris cet après-midi que l'Union Européenne avait levé les sanctions contre Moussa Koussa : est-ce une bonne ou une mauvaise chose ?
R - Sur la fourniture d'armes au Conseil national de transition, je rappelle ce que j'ai dit à savoir que la lettre de la résolution 1973 était un embargo sur la fourniture des armes sur la Grande Jamahiriya libyenne, c'est-à-dire pas au Conseil national de transition. Et j'avais dit que cette question méritait d'être examinée. Certains l'ont examinée, la France l'a examinée. Nous ne pensons pas que nous sommes dans notre rôle en fournissant des armes au Conseil national de transition. Si d'autres veulent le faire et considèrent que c'est parfaitement conforme à la résolution 1973, c'est leur décision. En revanche, nous sommes prêts à aider le Conseil national de transition de multiples autres manières : on peut les aider en matière de formation, d'organisation, et financière. Voilà la position qui est la nôtre sur ce sujet.
Sur le deuxième point, la morale. Il y a la morale, et puis il y a la vie. Parfois, on se rend compte que les deux choses ne se recouvrent pas totalement, ni tout de suite. Nous voulons encourager les gens qui entourent Kadhafi à laisser tomber Kadhafi, en les convainquant qu'il n'y a pas d'avenir, en Libye, pour le régime de Kadhafi, et pour ceux qui lui restent fidèles ou qui l'entourent de très près. Si les personnes ou les personnalités qui entendent ce discours et qui quittent Kadhafi se retrouvent quelques jours après en prison, je ne suis pas sûr que le mouvement de défection va se développer de manière tout à fait spectaculaire. C'est donc la raison pour laquelle, en tenant compte de cet acte courageux, qui consiste à lâcher Kadhafi, nous avons pensé, cela ne nous a pas choqués, que les sanctions pouvaient être levées.
Q - Après le diner Sarkozy-Cameron, on peut se demander si quelque chose se prépare au niveau franco-britannique sur Misrata ?
R - Cette rencontre entre le président Sarkozy et le Premier ministre Cameron était très importante parce que, vous le savez, nous marchons main dans la main avec les Britanniques depuis le début dans cette opération sur la Libye. Il est très important que, périodiquement, nous nous assurions de notre convergence de vues ; c'était l'objet de la réunion d'hier, principalement axée sur la nécessité de maintenir une pression militaire forte sur Kadhafi. Parfois, on nous demande si l'on peut à la fois faire la guerre et la paix. Si l'on veut un processus de réconciliation nationale, d'ouverture, il faut affaiblir et déstabiliser Kadhafi. On ne peut y parvenir que par l'application stricte des sanctions - cela a été rappelé à plusieurs reprises aujourd'hui dans les réunions -, et par une pression militaire suffisante. Ceci a été, je crois, l'objet essentiel de la rencontre d'hier soir.
Q - Avez-vous des informations sur une rencontre entre le président Sarkozy et le représentant de Misrata ?
R - Je n'ai aucune information à ce sujet.
Q - M. Rasmussen a appelé à davantage de contributions en matière aérienne. Que peut-il y avoir de concret dans ce sens ?
R: L'appel a été lancé cet après-midi ; il est un peu prématuré de répondre à cette question. Simplement, la France est le premier contributeur à la force aérienne et nous n'avons pas de marges de progression - nous avons déjà une trentaine d'avions. Mais d'autres pays sont en capacité de le faire, j'espère qu'ils le feront.
Q - Et les Américains qui interviennent ponctuellement
R - J'en ai parlé à Hillary Clinton et je pense qu'ils continueront sur la même ligne, c'est-à-dire des interventions ponctuelles lorsque c'est nécessaire et lorsque les moyens dont ils disposent sont particulièrement utiles.
Q - quand vous avez rencontré Hillary Clinton, est-ce que vous avez demandé plus d'avions ?
R - Je viens de dire que j'ai évoqué cette question avec elle et je crois que les Etats-Unis continueront à apporter leur soutien. Ils apportent déjà un soutien logistique extrêmement important et, en tant que de besoin et au cas par cas, je n'ai pas senti qu'ils s'y opposeraient.
Q - Monsieur le Ministre, aujourd'hui, des frappes, notamment sur Tripoli, ont été rapportées. Va-t-on voir plus de frappes dans le futur, avant que l'on aboutisse à une solution politique ?
R - A chacun son métier. Je ne suis pas militaire et ne planifie pas ces opérations. Je ne planifie pas les frappes de l'OTAN, c'est à l'OTAN d'en décider. Nous, nous avons donné la ligne politique, je crois que c'est très important. Cela a été fait par le Groupe de contact, par un certain nombre de pays contributeurs comme le Royaume-Uni - on l'a évoqué tout à l'heure -, et la France. Nous pensons qu'il faut maintenir une pression militaire robuste, c'est le mot qui a été utilisé dans le communiqué de Doha, si je ne me trompe. L'Otan, dans ce cadre là, choisit ses cibles et intervient là où l'organisation estime que cela est le plus efficace, toujours dans le cadre de la résolution du Conseil de sécurité, c'est-à-dire sur des objectifs militaires et en évitant tous dommages collatéraux civils. Vous avez vu que nous y avons veillé très attentivement.
Q - Monsieur le Ministre, Bernard Henri Lévy, de Benghazi, a évoqué une possible intervention de l'armée égyptienne. Qu'est-ce que vous en pensez ?
R - Aucun commentaire.
Q - Lorsque le Qatar, qui est un ami de la France, redonne paraît-il, d'après le régime de Tripoli, des missiles anti-char de fabrication française : est-ce, dans votre esprit, quelque chose qui serait possible ?
R - Je vous ai dit ce que je pensais de la question : la résolution 1973 du Conseil de sécurité n'interdit pas cela. Pour le reste, je n'ai pas davantage de commentaire à faire.
Q - Avez-vous des indications, par l'intermédiaire du Conseil national de transition, de nouvelles défections autour de Kadhafi ? Est-ce que des gens vous informent d'une tendance à la défection ?
R - Je n'ai pas de noms à vous donner mais je pense que le mouvement continue. Il continuera d'autant mieux et d'autant plus que la déstabilisation de Kadhafi sera forte ; d'où la nécessité de faire ce que l'on a dit aujourd'hui, à savoir accentuer la pression militaire et la mise en uvre des sanctions. Ce sont des sanctions sévères, qui peuvent avoir là aussi un effet, certainement pas immédiat mais important.
Q - Monsieur le Ministre, le président Sarkozy a dit qu'il y allait y avoir une initiative franco-britannique ?
R - La règle que je me fixe est de laisser le président de la République annoncer ses initiatives.
Q - M. Rasmussen n'a pas proposé quelque chose de concret cet après-midi en termes d'intensification des frappes. Etes-vous satisfait ?
R - Si, il a proposé des choses très concrètes, nous avons eu un compte rendu très précis du SACEUR qui nous a montré ce qui se passait. Il y a des orientations nombreuses, fréquentes. Il a donné, puisque c'était l'orientation prévue, son accord pour intensifier les frappes. Il a fait appel à des contributions supplémentaires, et ce n'est pas cet après-midi qu'il va communiquer la liste des frappes qui vont intervenir dans les prochains jours. Je pense que le Secrétaire général a été parfaitement dans la ligne de ce que nous avons souhaité.
Q - Finalement, l'OTAN en faisait assez ?
R - Non puisque on va en faire plus, puisque l'on demande plus d'avions ! Ne cherchez pas systématiquement à essayer de nous mettre en contradiction. Nous avons souhaité que l'OTAN en fasse plus, le démarrage de l'OTAN a été long, tout le monde le sait. Il y a eu également des événements météorologiques qui peuvent expliquer qu'il y ait eu un petit relâchement dans les frappes. Nous avons à plusieurs reprises, M. Hague et moi-même, souhaité que cela s'intensifie. Cela s'est déjà intensifié dans les jours qui viennent de s'écouler et cela va continuer. Nous n'avons aucun conflit avec l'OTAN et avec M. Rasmussen.
Q - On parle de quelques avions, comme l'a dit M. Rasmussen, une dizaine comme l'a dit un responsable français ?
R - Je n'ai pas de réponse à cette question. Je ne pense pas qu'un responsable français ait parlé de dizaines d'avions.
Q - Une dizaine.
R - Qui a dit cela ? Un responsable ? Quelqu'un de bien introduit au Quai d'Orsay ou à l'hôtel de Brienne ! Cela m'étonnerait beaucoup que la France ait indiqué un chiffre. Je ne pense pas d'ailleurs que le vrai problème - mais je ne veux pas empiéter sur le domaine des militaires - soit le nombre mais ce qui importe c'est la capacité opérationnelle des avions et leur adaptation. Aujourd'hui, nous avons les moyens de faire respecter la no-fly-zone, zone d'exclusion aérienne ; il n'y a pas de problème. Ce qui pose davantage problème, ce sont les frappes au sol avec des avions adaptés et des équipages adaptés.
Q - Sur ce point, les Européens ont-ils clairement une capacité ? Ce ne sont pas uniquement les Américains ?
R - Non, nous avons la capacité, et d'ailleurs nous le prouvons aujourd'hui.
Q - Mais ce que la France souhaitait obtenir, ce n'est pas seulement un peu plus d'avions, c'est aussi et surtout une procédure d'engagement des cibles qui soit plus rapide.
R - Nous n'avons pas demandé cela formellement, nous avons demandé une plus grande réactivité de l'alliance. D'ailleurs les choses ont changé depuis que nous avons exprimé ce souhait. Quand on voit les comptes-rendus des interventions des derniers jours, on se rend compte que cette réactivité est au rendez-vous. Il y a eu, cela a été signalé tout à l'heure, une frappe sur des cibles proches de Tripoli.
Q - Une question sur l'Afghanistan. Vous avez dit tout à l'heure qu'à l'horizon 2014 serait opéré un retrait du dispositif militaire. Qu'entendez vous par là exactement ?
R - Je n'ai fait aucun effort d'imagination dans ce domaine. C'est très exactement ce qui a été convenu à Lisbonne. On a dit : 2011 -2014, la transition. C'est-à-dire que l'on transmet à l'armée afghane et à la sécurité afghane la sécurité du pays et, en 2014, nous passons à une autre étape, l'étape du partenariat de longue durée qui ne sera pas, pour l'essentiel, militaire. C'est la séquence qui a exactement été décidée à Lisbonne. Dans l'intervalle, nous faisons un énorme effort de formation de la police et de l'armée afghane. Le général Petraeus a donné un chiffre que je n'ai pas noté, peut-être que le directeur politique l'a encore en tête, de 23.000 policiers qui ont été formés. Enfin, il y a un effort très important de formation de policiers. C'est même plus de 23.000. Nous continuons cet effort. Vous savez que la France est particulièrement engagée dans cet effort de formation des policiers et des soldats.
Q - Est-ce que cela signifierait un retrait des forces françaises dans cette zone ou un redéploiement dans d'autres missions ?
R - Nous avons dit qu'il s'agissait d'un redéploiement. Mais nous examinerons la question dans le contexte du moment.
Q - Il y a actuellement des villes en Syrie qui se trouvent dans une situation d'urgence et de menace, qui est celle de Benghazi il y a trois semaines. Est-ce que la Syrie a été évoquée aujourd'hui ?
R - Nous en avons parlé, notamment dans les rencontres bilatérales, pour exprimer notre très grave inquiétude sur la situation qui se détériore. Nous avons condamné et continuons à condamner de façon très ferme l'utilisation de moyens violents contre les populations qui ont le droit de s'exprimer. Nous avons considéré que le discours du président Bachar, il y a quelques jours, était fort décevant et pas à la hauteur des attentes de la population syrienne, et qu'il fallait aller plus loin dans le processus de réformes et de transformation démocratique de la Syrie. Là-dessus, notre position est tout à fait claire, nous n'allons pas proposer toutes les semaines des résolutions «1973» au Conseil de sécurité.
Q - en avez-vous discuté dans les entretiens bilatéraux avec Mme Clinton ?
R - Oui, notamment.
Q - Avez-vous évoqué les effets du conflit libyen sur la zone sahélienne ?
R - Pas particulièrement. Mais ces effets nous préoccupent, bien sûr. Pour l'instant, le diagnostic que nous portons, c'est que la propagande qui vient de Tripoli et selon laquelle Al Qaïda serait en train de pénétrer le Conseil national de transition et de s'installer à Bengazi est justement de la propagande. Cela ne correspond pas à la réalité.
Q - Aujourd'hui était censée se tenir une réunion du Quartet, mais elle a été annulée : pour quelle raison, et qu'allez-vous présenter à M Abbas qui sera à Paris la semaine prochaine ?
R - Nous avons estimé que les conditions de cette réunion n'étaient pas tout à fait remplies, donc nous continuons à y travailler. Ce que nous disons au sein de l'Union européenne, c'est que le statu quo au Proche-Orient n'est plus tenable, compte tenu de tout ce qui se passe dans le monde arabe en général et qu'il faut donc aujourd'hui réenclencher un processus de négociation. Dans la mesure où on ne peut pas ignorer le rendez-vous de l'automne prochain à l'Assemblée générale des Nations unies et la question de la reconnaissance de l'Etat palestinien et que le ré-enclenchement de ce processus de négociation pourra se faire sur des paramètres clairs qui porte notamment sur les frontières ou le statut de Jérusalem. Je pense que sur ce sujet-là, il y a un très grand accord au sein des 27 pays de l'Union européenne. Nous avons travaillé en ce sens.
Q - Peut-on imaginer une reconnaissance par la France ou l'Union européenne ?
R - Je vous ai dit que le rendez-vous était prévu au mois de septembre. Je sais qu'il y a toujours chez vous une très grande volonté d'anticipation, c'est le métier qui veut ça, mais voilà, on va gérer ce temps.
Q - A propos du rôle du nucléaire dans l'OTAN, vous avez parlé de petits problèmes : avez-vous évoqué ce sujet avec votre homologue allemand, Guido Westerwelle ? Comment analysez-vous les positions de part et d'autre ?
R - Les positions sont connues, on a eu ce débat à Lisbonne. Il a été tranché, nous avons obtenu une prise de position très claire. Le verbe anglais qui a été utilisé pour montrer que la défense antimissile soutenait la dissuasion est «to bolster». : Pour nous le débat est clos. Il y a à l'heure actuelle dans le texte qui est soumis au Conseil une phrase qui ne convient pas, dans laquelle on envisage la modification de ce que l'on appelle «l'appropriate mix», c'est à dire le dosage entre les forces conventionnelles, la dissuasion nucléaire et la défense anti-missile, et vise ainsi à modifier cet équilibre à la lumière de la réaction de l'opinion publique parmi les alliés de l'OTAN. Cela, nous ne l'accepterons pas, et si ce texte devait rester tel quel, nous demanderions que le projet de déclaration - il s'agit d'un programme de travail - soit renvoyé aux ambassadeurs pour être retravaillé.
Q - Comment les opinions sont censées être mesurées ?
R - Il faut le demander aux auteurs du questionnaire.
Q - Qui sont-ils ?
R - Le Secrétariat général de l'OTAN.
Q - Dans la situation militaire actuelle en Libye, est-ce que les capacités allemandes vous manquent ?
R - Tous les amis nous manquent, c'est sûr. J'ai bien indiqué ce matin qu'il faut aussi bien regarder la réalité en face. Dans la question libyenne, nous avons, en ce qui concerne les objectifs, l'accord total avec nos amis allemands. L'objectif, c'est de faire en sorte que ceux qui se sont révoltés pour conquérir leur liberté et un Etat démocratique, ne soient pas massacrés par des armes lourdes, puissent s'exprimer et qu'ils puissent réaliser leurs objectifs. Ceci passe par la chute du régime actuel et le départ de Kadhafi. C'est tout à fait clair. Nous sommes d'accord sur l'utilisation d'un certain nombre de moyens pour parvenir à ce résultat, notamment des sanctions qui peuvent être effectivement efficaces et qu'il faut appliquer avec la plus grande rigueur. Nous sommes en désaccord sur l'utilisation de la force militaire pour parvenir à ce résultat. Nos amis allemands ne sont pas d'accord sur ce point, nous avons une position différente. Je ne vais pas jour après jour remettre cela sur le tapis, en demandant à nos amis allemands de venir participer à une opération à laquelle ils ne veulent pas participer. Je respecte leur choix et là encore, je le répète, sur les grands objectifs nous sommes parfaitement d'accord.
Q - Comment expliquez-vous le désaccord entre vous et Berlin sur ce dernier point ?
R - Il est très facile à expliquer : nos amis allemands estiment qu'ils n'ont pas envie de participer à une opération militaire pour des raisons de principe qui sont les leurs et, je le répète, que je respecte. Et cela n'aura pas d'incidence majeure sur les relations franco-allemandes. Ce n'est pas la première fois, et ce n'est pas la dernière fois que nous sommes en désaccord sur un certain nombre de sujets. Je pourrais vous faire la liste de tous ceux que nous avons évoqués ce matin avec Guido Westerwelle sur lesquels nous sommes d'accords. Quand même, n'oublions pas qu'en ce qui concerne les questions économiques, financières, la gestion de la crise, la gouvernance économique de la zone euro, la France et l'Allemagne sont arrivés à un accord tout à fait important, pour ne pas dire presque historique sur la façon dont fonctionne la zone euro. Ne perdons pas de vue ce très large accord. Il y a cette divergence-là, on ne va pas en faire un drame.
Q - Est-ce qu'elle peut conduire à un rapprochement franco-britannique en matière militaire ?
R - C'est déjà fait puisque nous avons signé un traité. Mais ce traité n'était pas dirigé contre l'Allemagne, pour la bonne raison que M. Gourdault-Montagne en porte la responsabilité et qu'il a été signé bien avant que ne se pose la question libyenne, puisqu'il remonte au mois de novembre. Ce n'est pas du tout une mesure de rétorsion.
Q - Monsieur le Ministre, à propos du Tchad, dont on parle peu. Il y a des rumeurs, des rapports de presse, dont on ne sait pas s'ils sont fondés. Est-ce que vous pouvez nous en dire plus sur les précautions ou l'usage que l'on fait de nos soldats au Tchad ?
R - J'entends des choses qui circulent, j'allais dire des rumeurs, ou des informations, je n'en ai vérifié aucune et donc je ne m'exprimerai pas sur ce point. La seule chose que je peux dire, c'est que la force «Epervier» n'est absolument pas faite pour cela.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 18 avril 2011