Texte intégral
Q - Monsieur Juppé, les rencontres des chefs des ministères des Affaires étrangères et de la Défense français et russe au format «2 + 2» sont déjà devenus une tradition. Que pensez-vous de la pertinence de ce format, et quelles questions la partie française souhaiterait-elle soulever en premier lieu cette fois-ci à Moscou ?
R - Je pense que ce format de rencontres, institué il y a de cela presque dix ans, est plus que jamais pertinent. Le fait que les deux ministres des Affaires étrangères et les deux ministres de la Défense se rencontrent chaque année traduit le haut degré de confiance qui existe entre nous. Russes ou Français, nous sommes confrontés aux mêmes défis et aux mêmes menaces, dans un monde en pleine évolution. Comment améliorer la gouvernance mondiale, comment lutter contre le terrorisme, la prolifération et les trafics illicites, comment répondre aux bouleversements en cours à lEst et au Sud de notre continent, telles sont les vraies questions qui se posent.
R - Avec mon homologue Sergueï Lavrov, nous avons ainsi évoqué la situation en Libye et en Syrie, ainsi que les préparatifs du sommet du G20 en France. Durant la séance plénière, nous avons discuté des questions de sécurité commune, je pense en particulier à la crise nucléaire iranienne, aux coopérations dans le cadre du conseil OTAN-Russie et entre la Russie et lUnion européenne.
Q - Depuis le début du conflit en Libye, la France a assumé le rôle de leader de la coalition occidentale et a été la première à reconnaître les forces dopposition. Regrettez-vous le fait que la Russie, dans le conflit libyen, ait adopté une position différente de celle de la France et dautres pays du Groupe de contact ? Voyez-vous un chemin pour la collaboration avec la Russie dans le règlement post-conflit en Libye ?
R - Il y a eu des différences dapproche mais, au-delà, voyez aussi les convergences. Je pense quil y a eu à Moscou, comme à Paris, une prise de conscience de lampleur des changements à luvre dans le monde arabe et un même refus de voir massacrer des populations sans défense.
La Russie a voté la résolution 1970 imposant des sanctions, elle ne sest pas opposée à la résolution 1973 autorisant le recours à la force pour la protection des civils, sest également pleinement associée à lappel lancé par le G8 en mai dernier. On na pas assez parlé, non plus, de tout le travail que la France et la Russie ont accompli pour rechercher une solution politique et le départ de Kadhafi. A la suite de la conférence internationale sur la Libye nouvelle, le 1er septembre dernier, nous devons travailler ensemble pour aider le Conseil national de transition à bâtir la Libye démocratique de demain.
Q - Considérez-vous que lOTAN doive mettre un terme à lopération en Libye et transmettre les rênes du pouvoir à lONU pour la normalisation de la situation dans ce pays ? Est-il vrai que des éléments militaires français, conjointement avec des forces spéciales britanniques, ont aidé activement à la prise de Tripoli ?
R - Noublions pas que cest pour mettre en uvre la résolution 1973 que lOTAN est intervenue, évitant ainsi le « bain de sang » que promettait le colonel Kadhafi. Le peuple libyen met actuellement un terme à des décennies de dictature et de violences à lencontre des populations. Face à cette nouvelle situation, il revient aux Nations unies de décider du moment où le mandat de la résolution 1973 aura été pleinement mis en uvre, cest-à-dire le moment où la sécurité de la population libyenne sera complètement garantie. Une fois le conflit terminé, peut-être que des coopérations sétabliront entre les autorités de la Libye démocratique et des organisations internationales, dans le cadre des Nations unies. Mais en définitive cest au peuple libyen de déterminer librement son destin en adoptant une nouvelle constitution et en élisant de nouveaux dirigeants.
Pour ce qui est de votre seconde question, le président de la République, Nicolas Sarkozy, a été très clair sur ce point : il ny a pas de forces spéciales françaises sur le sol libyen.
Q - Quelle est la position de Paris quant à lannulation de lembargo sur les armes pour la Libye ?
R - Lembargo, comme les autres sanctions, découlent de la résolution 1970 adoptée au début de la crise. À mesure que le CNT affirme son autorité sur la totalité du territoire et que les menaces sur la population civile sont en train de disparaître progressivement, il nous faudra effectivement travailler au Conseil de sécurité pour lever les sanctions. Nous avons entamé ce processus en procédant au dégel partiel de certains avoirs.
Q - Que pensez-vous quil faille faire au cas où Kadhafi serait attrapé ?
R - Kadhafi doit être jugé pour ses crimes. Les récentes découvertes de charniers démontrent la brutalité des exactions commises. La Cour pénale internationale a été saisie de la situation en Libye par la résolution 1970 du Conseil de sécurité des Nations unies, et elle a délivré en juin dernier des mandats darrêt à lencontre de Mouammar Kadhafi, de ses fils Saïf Al-Islam Kadhafi et dAbdallah Al-Senoussi, chef des services de renseignement du régime de Tripoli, pour crimes contre lHumanité. Il appartient aux autorités libyennes de décider des modalités de jugement de Kadhafi, en tenant compte des dispositions de la résolution 1970.
Q - Envisagez-vous en Syrie léventualité dune répétition du scénario libyen, qui a nécessité une opération militaire ?
R - Le peuple syrien a le droit à la liberté et à la sécurité. Avec ses alliés américains, anglais et allemands, la France a appelé de ses vux le départ du président Bachar Al-Assad, qui se discrédite quotidiennement par des actions inacceptables de répression contre la population de son pays. Cest pourquoi la France soutient activement la mobilisation internationale pour faire pression sur le régime par des sanctions politiques et financières. Une intervention militaire nest pas envisageable aujourdhui, car il ny a pas de mandat international et le contexte syrien diffère grandement de celui qui a prévalu en Libye. Mais le Conseil de sécurité ne peut pas rester bloqué face à cette situation inadmissible : il est de notre responsabilité de membre permanents dagir en renforcement la pression sur Bachar Al-Assad.
Q - La possibilité de créer une défense anti-missile européenne conjointe est un thème fondamental dans les relations entre la Russie et lOTAN. Pourquoi, de votre point de vue, les parties ne parviennent pas à trouver une position commune sur ce sujet ? Est-ce que Paris est prêt à prendre en compte les préoccupations de la Russie, qui exige de lOTAN des garanties juridiques quant au fait que le futur système ne serait pas dirigé contre elle ?
R - Depuis le Sommet de Lisbonne de novembre 2010, lOTAN et la Russie ont montré leur détermination à travailler ensemble pour réduire leurs différences dapproche, en dépit de la complexité de ce type de coopération. La France souhaite que la Russie soit pleinement associée au système de défense anti-missile allié, et que ses intérêts légitimes soient pris en compte afin de donner à ce système une véritable dimension paneuropéenne. Elle soutient pour cela une approche pragmatique et graduelle. La réunion des ministres de la Défense du Conseil OTAN/Russie du 8 juin dernier a montré quil y avait encore du travail à faire pour rapprocher les points de vue. Ce travail va se poursuivre dans les mois qui viennent.
Q - Récemment, la France et la Russie ont procédé à la transaction sur les «Mistral». Comment évaluez-vous les perspectives de la coopération militaro-technique bilatérale, pourriez-vous nous parler dautres projets conjoints dans ce domaine ?
R - Avec lachat par la Russie de bâtiments de projection et de commandement de type «Mistral», nous avons envoyé un signal politique fort : nos deux pays sengagent dans une coopération sans précédent, qui conforte une relation industrielle franco-russe plus large et mutuellement profitable. Nous prouvons aussi dans les faits que nous mettons en uvre notre vision dun partenariat de sécurité renforcé avec la Russie, aussi bien à titre bilatéral que dans la ligne des conclusions des sommets du G8, de lOTAN et de lOSCE. Notre objectif est de construire un large espace de sécurité commun en Europe, avec la Russie. Tout ce qui permet dapprofondir la coopération militaire technique entre nos deux pays doit par conséquent être encouragé. Je peux ainsi vous dire que des discussions sont en cours sur des coopérations industrielles franco-russes : lors du dernier salon MAKS, il a notamment été décidé de créer une coentreprise entre Safran, Rosoboronoexport, Avionika et RPKB.
Q - Est-ce que la France soutient le «plan Lavrov» pour le règlement de la situation autour du programme nucléaire iranien ? Qui, dans ce contexte, doit faire le premier pas, et lequel ? LIran ou la communauté internationale ? Pensez-vous quil faille organiser le plus rapidement possible une rencontre entre les Six et lIran ?
R - Le premier pas a déjà été fait par les Six. Voici un pays, lIran, qui a violé son accord de garantie avec lAIEA, qui accumule de luranium enrichi, qui, selon des indices graves et concordants, pourrait travailler à la conception et à la fabrication darmes nucléaires et qui, pas plus tard quen 2009, construisait encore un site denrichissement clandestin. Pourtant, parallèlement aux sanctions, les Six ont ouvert la voie du dialogue, en faisant des propositions : aider lIran à développer un réel programme nucléaire civil, commencer par des mesures de confiance que les Iraniens pourraient mettre en uvre afin de nouer un réel dialogue. Il faut que les autorités iraniennes saisissent ces propositions avec des gestes concrets, non par des paroles ou des réunions vides de contenu. Nous navons toujours pas de réponse à la dernière lettre que Mme Ashton, au nom des Six, leur a fait parvenir en juillet et, depuis la dernière visite de M. Salehi à Moscou, les Iraniens ont multiplié les déclarations provocatrices. Il faut être sérieux et lucide : il est de notre responsabilité à tous de veiller à la stabilité régionale et au régime de non-prolifération.
Q - Monsieur le Ministre, dans quelle mesure lincident de la centrale nucléaire de Fukushima au Japon a influé sur la politique énergétique nucléaire de la France ? Est-il possible que la France procède à une construction plus active de stations électriques à gaz à la place de la production dénergie nucléaire ? Si oui, est-ce que Paris prévoira dattraire dans ce processus des entreprises russes ?
R - La France a fait, depuis longtemps déjà, le choix du nucléaire. Grâce au nucléaire notamment, la France est exemplaire en matière démissions de CO2 par kilowatt/heure produit. Par ailleurs, le consommateur français bénéficie dune des factures délectricité les plus basses en Europe. La tragédie de Fukushima nous a toutefois rappelé, de la façon la plus dramatique qui soit, quil est impossible de transiger avec la sûreté et la sécurité nucléaires. Il sagit là dun domaine dans lequel la France dispose dune compétence internationalement reconnue et nous devons, avec tous nos partenaires, être exemplaires dans ce domaine et rechercher des normes internationales exigeantes. Cest à ce prix que nous pourrons poursuivre le développement de notre industrie nucléaire, comme nous continuons à le faire.
Q - Monsieur Juppé, permettez-nous de poser, en conclusion, une question à caractère humanitaire. Quand exactement entrera en vigueur la décision de la France relative à lassouplissement du régime des visas avec la Russie, ce qui permettra doctroyer aux Russes le plus possible de visas à entrées multiples et de longue durée ?
R - La décision dont vous parlez, annoncée par le Premier ministre François Fillon lors du séminaire intergouvernemental de lannée dernière, est déjà entrée en vigueur. La France a décidé de simplifier au maximum ses procédures, notamment en délivrant le plus possible de visas de circulation à toutes les personnes qui avaient déjà obtenu par le passé un visa Schengen, et ce dans le respect de nos engagements européens. Comme jai déjà eu loccasion de le dire, nous sommes également favorables à ce que les visas de court séjour soient abolis entre la Russie et lEspace Schengen, et nous espérons que des étapes pourront être franchies dans la négociation dès cette année.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 9 septembre 2011
R - Je pense que ce format de rencontres, institué il y a de cela presque dix ans, est plus que jamais pertinent. Le fait que les deux ministres des Affaires étrangères et les deux ministres de la Défense se rencontrent chaque année traduit le haut degré de confiance qui existe entre nous. Russes ou Français, nous sommes confrontés aux mêmes défis et aux mêmes menaces, dans un monde en pleine évolution. Comment améliorer la gouvernance mondiale, comment lutter contre le terrorisme, la prolifération et les trafics illicites, comment répondre aux bouleversements en cours à lEst et au Sud de notre continent, telles sont les vraies questions qui se posent.
R - Avec mon homologue Sergueï Lavrov, nous avons ainsi évoqué la situation en Libye et en Syrie, ainsi que les préparatifs du sommet du G20 en France. Durant la séance plénière, nous avons discuté des questions de sécurité commune, je pense en particulier à la crise nucléaire iranienne, aux coopérations dans le cadre du conseil OTAN-Russie et entre la Russie et lUnion européenne.
Q - Depuis le début du conflit en Libye, la France a assumé le rôle de leader de la coalition occidentale et a été la première à reconnaître les forces dopposition. Regrettez-vous le fait que la Russie, dans le conflit libyen, ait adopté une position différente de celle de la France et dautres pays du Groupe de contact ? Voyez-vous un chemin pour la collaboration avec la Russie dans le règlement post-conflit en Libye ?
R - Il y a eu des différences dapproche mais, au-delà, voyez aussi les convergences. Je pense quil y a eu à Moscou, comme à Paris, une prise de conscience de lampleur des changements à luvre dans le monde arabe et un même refus de voir massacrer des populations sans défense.
La Russie a voté la résolution 1970 imposant des sanctions, elle ne sest pas opposée à la résolution 1973 autorisant le recours à la force pour la protection des civils, sest également pleinement associée à lappel lancé par le G8 en mai dernier. On na pas assez parlé, non plus, de tout le travail que la France et la Russie ont accompli pour rechercher une solution politique et le départ de Kadhafi. A la suite de la conférence internationale sur la Libye nouvelle, le 1er septembre dernier, nous devons travailler ensemble pour aider le Conseil national de transition à bâtir la Libye démocratique de demain.
Q - Considérez-vous que lOTAN doive mettre un terme à lopération en Libye et transmettre les rênes du pouvoir à lONU pour la normalisation de la situation dans ce pays ? Est-il vrai que des éléments militaires français, conjointement avec des forces spéciales britanniques, ont aidé activement à la prise de Tripoli ?
R - Noublions pas que cest pour mettre en uvre la résolution 1973 que lOTAN est intervenue, évitant ainsi le « bain de sang » que promettait le colonel Kadhafi. Le peuple libyen met actuellement un terme à des décennies de dictature et de violences à lencontre des populations. Face à cette nouvelle situation, il revient aux Nations unies de décider du moment où le mandat de la résolution 1973 aura été pleinement mis en uvre, cest-à-dire le moment où la sécurité de la population libyenne sera complètement garantie. Une fois le conflit terminé, peut-être que des coopérations sétabliront entre les autorités de la Libye démocratique et des organisations internationales, dans le cadre des Nations unies. Mais en définitive cest au peuple libyen de déterminer librement son destin en adoptant une nouvelle constitution et en élisant de nouveaux dirigeants.
Pour ce qui est de votre seconde question, le président de la République, Nicolas Sarkozy, a été très clair sur ce point : il ny a pas de forces spéciales françaises sur le sol libyen.
Q - Quelle est la position de Paris quant à lannulation de lembargo sur les armes pour la Libye ?
R - Lembargo, comme les autres sanctions, découlent de la résolution 1970 adoptée au début de la crise. À mesure que le CNT affirme son autorité sur la totalité du territoire et que les menaces sur la population civile sont en train de disparaître progressivement, il nous faudra effectivement travailler au Conseil de sécurité pour lever les sanctions. Nous avons entamé ce processus en procédant au dégel partiel de certains avoirs.
Q - Que pensez-vous quil faille faire au cas où Kadhafi serait attrapé ?
R - Kadhafi doit être jugé pour ses crimes. Les récentes découvertes de charniers démontrent la brutalité des exactions commises. La Cour pénale internationale a été saisie de la situation en Libye par la résolution 1970 du Conseil de sécurité des Nations unies, et elle a délivré en juin dernier des mandats darrêt à lencontre de Mouammar Kadhafi, de ses fils Saïf Al-Islam Kadhafi et dAbdallah Al-Senoussi, chef des services de renseignement du régime de Tripoli, pour crimes contre lHumanité. Il appartient aux autorités libyennes de décider des modalités de jugement de Kadhafi, en tenant compte des dispositions de la résolution 1970.
Q - Envisagez-vous en Syrie léventualité dune répétition du scénario libyen, qui a nécessité une opération militaire ?
R - Le peuple syrien a le droit à la liberté et à la sécurité. Avec ses alliés américains, anglais et allemands, la France a appelé de ses vux le départ du président Bachar Al-Assad, qui se discrédite quotidiennement par des actions inacceptables de répression contre la population de son pays. Cest pourquoi la France soutient activement la mobilisation internationale pour faire pression sur le régime par des sanctions politiques et financières. Une intervention militaire nest pas envisageable aujourdhui, car il ny a pas de mandat international et le contexte syrien diffère grandement de celui qui a prévalu en Libye. Mais le Conseil de sécurité ne peut pas rester bloqué face à cette situation inadmissible : il est de notre responsabilité de membre permanents dagir en renforcement la pression sur Bachar Al-Assad.
Q - La possibilité de créer une défense anti-missile européenne conjointe est un thème fondamental dans les relations entre la Russie et lOTAN. Pourquoi, de votre point de vue, les parties ne parviennent pas à trouver une position commune sur ce sujet ? Est-ce que Paris est prêt à prendre en compte les préoccupations de la Russie, qui exige de lOTAN des garanties juridiques quant au fait que le futur système ne serait pas dirigé contre elle ?
R - Depuis le Sommet de Lisbonne de novembre 2010, lOTAN et la Russie ont montré leur détermination à travailler ensemble pour réduire leurs différences dapproche, en dépit de la complexité de ce type de coopération. La France souhaite que la Russie soit pleinement associée au système de défense anti-missile allié, et que ses intérêts légitimes soient pris en compte afin de donner à ce système une véritable dimension paneuropéenne. Elle soutient pour cela une approche pragmatique et graduelle. La réunion des ministres de la Défense du Conseil OTAN/Russie du 8 juin dernier a montré quil y avait encore du travail à faire pour rapprocher les points de vue. Ce travail va se poursuivre dans les mois qui viennent.
Q - Récemment, la France et la Russie ont procédé à la transaction sur les «Mistral». Comment évaluez-vous les perspectives de la coopération militaro-technique bilatérale, pourriez-vous nous parler dautres projets conjoints dans ce domaine ?
R - Avec lachat par la Russie de bâtiments de projection et de commandement de type «Mistral», nous avons envoyé un signal politique fort : nos deux pays sengagent dans une coopération sans précédent, qui conforte une relation industrielle franco-russe plus large et mutuellement profitable. Nous prouvons aussi dans les faits que nous mettons en uvre notre vision dun partenariat de sécurité renforcé avec la Russie, aussi bien à titre bilatéral que dans la ligne des conclusions des sommets du G8, de lOTAN et de lOSCE. Notre objectif est de construire un large espace de sécurité commun en Europe, avec la Russie. Tout ce qui permet dapprofondir la coopération militaire technique entre nos deux pays doit par conséquent être encouragé. Je peux ainsi vous dire que des discussions sont en cours sur des coopérations industrielles franco-russes : lors du dernier salon MAKS, il a notamment été décidé de créer une coentreprise entre Safran, Rosoboronoexport, Avionika et RPKB.
Q - Est-ce que la France soutient le «plan Lavrov» pour le règlement de la situation autour du programme nucléaire iranien ? Qui, dans ce contexte, doit faire le premier pas, et lequel ? LIran ou la communauté internationale ? Pensez-vous quil faille organiser le plus rapidement possible une rencontre entre les Six et lIran ?
R - Le premier pas a déjà été fait par les Six. Voici un pays, lIran, qui a violé son accord de garantie avec lAIEA, qui accumule de luranium enrichi, qui, selon des indices graves et concordants, pourrait travailler à la conception et à la fabrication darmes nucléaires et qui, pas plus tard quen 2009, construisait encore un site denrichissement clandestin. Pourtant, parallèlement aux sanctions, les Six ont ouvert la voie du dialogue, en faisant des propositions : aider lIran à développer un réel programme nucléaire civil, commencer par des mesures de confiance que les Iraniens pourraient mettre en uvre afin de nouer un réel dialogue. Il faut que les autorités iraniennes saisissent ces propositions avec des gestes concrets, non par des paroles ou des réunions vides de contenu. Nous navons toujours pas de réponse à la dernière lettre que Mme Ashton, au nom des Six, leur a fait parvenir en juillet et, depuis la dernière visite de M. Salehi à Moscou, les Iraniens ont multiplié les déclarations provocatrices. Il faut être sérieux et lucide : il est de notre responsabilité à tous de veiller à la stabilité régionale et au régime de non-prolifération.
Q - Monsieur le Ministre, dans quelle mesure lincident de la centrale nucléaire de Fukushima au Japon a influé sur la politique énergétique nucléaire de la France ? Est-il possible que la France procède à une construction plus active de stations électriques à gaz à la place de la production dénergie nucléaire ? Si oui, est-ce que Paris prévoira dattraire dans ce processus des entreprises russes ?
R - La France a fait, depuis longtemps déjà, le choix du nucléaire. Grâce au nucléaire notamment, la France est exemplaire en matière démissions de CO2 par kilowatt/heure produit. Par ailleurs, le consommateur français bénéficie dune des factures délectricité les plus basses en Europe. La tragédie de Fukushima nous a toutefois rappelé, de la façon la plus dramatique qui soit, quil est impossible de transiger avec la sûreté et la sécurité nucléaires. Il sagit là dun domaine dans lequel la France dispose dune compétence internationalement reconnue et nous devons, avec tous nos partenaires, être exemplaires dans ce domaine et rechercher des normes internationales exigeantes. Cest à ce prix que nous pourrons poursuivre le développement de notre industrie nucléaire, comme nous continuons à le faire.
Q - Monsieur Juppé, permettez-nous de poser, en conclusion, une question à caractère humanitaire. Quand exactement entrera en vigueur la décision de la France relative à lassouplissement du régime des visas avec la Russie, ce qui permettra doctroyer aux Russes le plus possible de visas à entrées multiples et de longue durée ?
R - La décision dont vous parlez, annoncée par le Premier ministre François Fillon lors du séminaire intergouvernemental de lannée dernière, est déjà entrée en vigueur. La France a décidé de simplifier au maximum ses procédures, notamment en délivrant le plus possible de visas de circulation à toutes les personnes qui avaient déjà obtenu par le passé un visa Schengen, et ce dans le respect de nos engagements européens. Comme jai déjà eu loccasion de le dire, nous sommes également favorables à ce que les visas de court séjour soient abolis entre la Russie et lEspace Schengen, et nous espérons que des étapes pourront être franchies dans la négociation dès cette année.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 9 septembre 2011