Texte intégral
Mesdames, messieurs,
Les événements actuels illustrent, de manière dramatisée, limportance de construire une défense européenne plus forte et plus unie, et la solidité des liens transatlantiques. Mais chacun ici le sait, nous navons pas attendu ces événements pour favoriser lune et lautre, sur le plan politique et industriel.
En effet, depuis près de deux années maintenant, la constitution dune base industrielle de défense européenne forte et compétitive est une priorité de ce gouvernement, qui sinscrit dans un cadre plus large et une ambition de long terme : donner à lEurope les moyens dassurer une part plus grande de sa propre sécurité et la rendre « majeure » sur le plan politique international, comme elle lest devenue sur le plan monétaire, avec des effets de rééquilibrage au niveau mondial.
Nous savons bien quune entité politique na la maîtrise de son destin que lorsquelle dispose de moyens militaires pour assurer sa sécurité et celle de ses alliés, et quelle peut influencer effectivement son environnement. Cest précisément pour influencer notre environnement immédiat dans le sens de la paix, de la stabilité et du respect des droits que nous intervenons actuellement dans les Balkans. Cela passe nécessairement par un outil militaire plus ferme et plus cohérent, appuyé sur un outil industriel solide, préalable indispensable à un rapprochement politique inscrit dans la durée.
Dans ce cadre général, je souhaiterais simplement revenir sur nos objectifs et nos moyens - en un mot, faire le point sur notre politique industrielle de défense.
Notre objectif fondamental est de favoriser des alliances denvergure au niveau européen afin déquilibrer les fortes concentrations réalisées par lindustrie de défense américaine, et de répondre à une situation de marché nouvelle, moins porteuse, dont lapparition remonte au début de cette décennie. Cette démarche veut permettre à lEurope de maîtriser par elle-même les technologies les plus avancées, de fournir à ses armées les meilleurs matériels et de le faire au meilleur coût.
Il sagit donc dune démarche politique et dune volonté de faire évoluer les choses autrement que par les forces spontanées du marché, dans le sens dune plus grande union des Européens, et qui soit aussi plus efficace. La cohérence politique de cette démarche a été précisée par la déclaration du 9 décembre 1997, signée conjointement avec les gouvernements allemand et britannique.
La première question qui se pose, notamment si lon reprend le titre de votre conférence de cette année, cest : où est alors la dimension transatlantique ? Est-elle mise à mal par la constitution dune « forteresse Europe », selon le jargon consacré, qui se définirait dabord par son rejet de lindustrie américaine ? Telle nest évidemment pas notre vision. Au contraire, des ensembles industriels européens forts et compétitifs seront plus attractifs pour nouer des alliances aux yeux des groupes américains : il ne sera alors que plus facile denvisager des partenariats équilibrés.
Revenons sur la démarche que nous avons choisie pour renforcer les capacités industrielles de défense en Europe. Depuis deux ans, notre Gouvernement a donné la priorité à la stratégie technologique et industrielle, et non aux considérations financières à court terme ou aux prises de position idéologiques.
Ce Gouvernement sest attelé à des dossiers qui ont été retardés en matière de préparation de lavenir pour les industries françaises de défense, et a opéré des regroupements pragmatiques et rationnels dactifs industriels, excluant toute idée de mise aux enchères dentreprises publiques.
Cet objectif sest traduit par la constitution, maintenant achevée en moins dun an, dun pôle délectronique professionnelle et de défense regroupant autour de Thomson CSF, les éléments dAlcatel pertinents de cette action et Dassault Electronique. Thomson CSF, qui se retrouve de ce fait au premier rang européen dans ces métiers, est par conséquent dans la meilleure situation possible pour négocier des accords équilibrés avec dautres partenaires.
Par ailleurs, après quelques mois de travail seulement - et alors que ce dossier avait connu des tribulations variées depuis près de deux décennies -, le Gouvernement a organisé la structuration dun pôle aéronautique et spatial autour dAerospatiale-Matra. Nous avons également clarifié les conditions de la coopération entre cet ensemble Aerospatiale-Matra et Dassault Aviation.
Lavis favorable de la Commission des Participations et des Transferts, publié le 27 mars dernier au Journal Officiel, est une étape décisive du processus de fusion. La Commission, qui travaille en tout indépendance, a souligné la forte logique industrielle qui sous-tend cette opération et a estimé que la parité retenue entre Aerospatiale et Matra reflétait bien la valeur relative des atouts industriels, technologiques et financiers de chacune des deux entreprises et quelle était par suite conforme aux intérêts patrimoniaux de lEtat.
Nous lisons dans cet avis un encouragement essentiel et le signe que le travail très délicat des pouvoirs publics en la matière a été conduit sérieusement et de manière professionnelle. Ceci fait justice des commentaires un peu hâtifs qui avaient accompagné une certaine phase de ce processus. La prochaine étape est désormais la mise sur le marché dAerospatiale-Matra qui interviendra, avec une possible petite variation pour tenir compte de létat du marché, dans les prochaines semaines, et en tout état de cause avant la fin de ce semestre.
Un dernier mot sur la méthode que notre Gouvernement a suivie : aucun grand industriel, ni aucun responsable syndical na été tenu à lécart de la réflexion des pouvoirs publics ; à chaque moment, nous avons privilégié un vrai dialogue avec chacun, ce qui explique que très peu de contestations, quant au sens de cette politique, se soient exprimées de la part des acteurs concernés.
Ces opérations de restructuration sinscrivent dans une perspective européenne, sans pour autant exclure le partenariat transatlantique. Le nouveau Thomson CSF et le futur ensemble Aerospatiale-Matra sont désormais en mesure de nouer des alliances européennes de grande envergure et bénéficieront pour cela du soutien entier du Gouvernement. Je sais que des discussions actives ont actuellement lieu en Europe entre les principaux acteurs industriels ; je souhaite quelles se concrétisent.
Mais il ne sagit en aucune manière dexclure des partenariats transatlantiques : au contraire, nous pensons les faciliter et les rendre plus solides, sils sont mieux équilibrés. De nombreuses entreprises françaises ont su mener à bien des partenariats réussis avec des entreprises américaines : lexemple que je cite le plus volontiers, parce que cest le plus important, cest le partenariat de la Snecma avec General Electric pour ce qui concerne les moteurs davions, qui dure depuis longtemps, et qui a atteint des succès qui ne remettent aucunement en cause lautonomie industrielle et le potentiel technologique de lentreprise française.
Je terminerai ces quelques mots en insistant, au-delà de la logique industrielle, sur la logique politique qui organise ces restructurations : dans le domaine institutionnel, entre les Etats européens, nous sommes nous aussi en train de progresser, comme je le rappelais tout a lheure, en clarifiant la position française sur ces différents sujets vis-à-vis de nos interlocuteurs européens. La Lettre dIntention que nous avons signée avec mes cinq collègues européens le 6 juillet dernier à Londres, couronne un important travail déjà amassé dans ce sens.
Maintenant, des groupes de travail internationaux, répartis sur différents sujets, se réunissent très fréquemment pour préparer les accords de mise en uvre de cette Lettre dIntention. Ce processus de conciliation entre les intérêts et les habitudes de travail des Etats un peu disparates est inévitable pour assurer des synergies entre les Etats acheteurs et pour instaurer une relation plus dynamique entre ce groupe dacheteurs et les fournisseurs.
Par ailleurs, des relations plus dynamiques vont se développer grâce à la création maintenant conclue qui fut aussi un processus un peu laborieux, mais aujourdhui terminé de lOccar, qui conduira les programmes en coopération, au nom des quatre Etats membres ayant les commandes les plus élevées : lAllemagne, la Grande-Bretagne, lItalie et la France.
Cest donc en prenant compte de toutes les réalités qui simposent à nous, et en nexcluant aucun outil possible, que notre gouvernement travaille a renforcer les capacités industrielles de lEurope en matière de défense, en se rappelant que dans notre continent, comme aux Etats-Unis, les industries de défense sont un élément moteur des hautes technologies, et par conséquent de notre place dans la compétition scientifique.
Cest notre conviction profonde quau-delà des habitudes et des pesanteurs, au-delà des petits revers de court terme, lEurope de la Défense va saffirmer pour prendre toute sa part au partenariat transatlantique, et quelle le fera largement en amont, cest-à-dire au niveau industriel.
Cest vers cet objectif que convergent tous nos efforts.
(Source http ://www.defense.gouv.fr, le 27 avril 1999)
Les événements actuels illustrent, de manière dramatisée, limportance de construire une défense européenne plus forte et plus unie, et la solidité des liens transatlantiques. Mais chacun ici le sait, nous navons pas attendu ces événements pour favoriser lune et lautre, sur le plan politique et industriel.
En effet, depuis près de deux années maintenant, la constitution dune base industrielle de défense européenne forte et compétitive est une priorité de ce gouvernement, qui sinscrit dans un cadre plus large et une ambition de long terme : donner à lEurope les moyens dassurer une part plus grande de sa propre sécurité et la rendre « majeure » sur le plan politique international, comme elle lest devenue sur le plan monétaire, avec des effets de rééquilibrage au niveau mondial.
Nous savons bien quune entité politique na la maîtrise de son destin que lorsquelle dispose de moyens militaires pour assurer sa sécurité et celle de ses alliés, et quelle peut influencer effectivement son environnement. Cest précisément pour influencer notre environnement immédiat dans le sens de la paix, de la stabilité et du respect des droits que nous intervenons actuellement dans les Balkans. Cela passe nécessairement par un outil militaire plus ferme et plus cohérent, appuyé sur un outil industriel solide, préalable indispensable à un rapprochement politique inscrit dans la durée.
Dans ce cadre général, je souhaiterais simplement revenir sur nos objectifs et nos moyens - en un mot, faire le point sur notre politique industrielle de défense.
Notre objectif fondamental est de favoriser des alliances denvergure au niveau européen afin déquilibrer les fortes concentrations réalisées par lindustrie de défense américaine, et de répondre à une situation de marché nouvelle, moins porteuse, dont lapparition remonte au début de cette décennie. Cette démarche veut permettre à lEurope de maîtriser par elle-même les technologies les plus avancées, de fournir à ses armées les meilleurs matériels et de le faire au meilleur coût.
Il sagit donc dune démarche politique et dune volonté de faire évoluer les choses autrement que par les forces spontanées du marché, dans le sens dune plus grande union des Européens, et qui soit aussi plus efficace. La cohérence politique de cette démarche a été précisée par la déclaration du 9 décembre 1997, signée conjointement avec les gouvernements allemand et britannique.
La première question qui se pose, notamment si lon reprend le titre de votre conférence de cette année, cest : où est alors la dimension transatlantique ? Est-elle mise à mal par la constitution dune « forteresse Europe », selon le jargon consacré, qui se définirait dabord par son rejet de lindustrie américaine ? Telle nest évidemment pas notre vision. Au contraire, des ensembles industriels européens forts et compétitifs seront plus attractifs pour nouer des alliances aux yeux des groupes américains : il ne sera alors que plus facile denvisager des partenariats équilibrés.
Revenons sur la démarche que nous avons choisie pour renforcer les capacités industrielles de défense en Europe. Depuis deux ans, notre Gouvernement a donné la priorité à la stratégie technologique et industrielle, et non aux considérations financières à court terme ou aux prises de position idéologiques.
Ce Gouvernement sest attelé à des dossiers qui ont été retardés en matière de préparation de lavenir pour les industries françaises de défense, et a opéré des regroupements pragmatiques et rationnels dactifs industriels, excluant toute idée de mise aux enchères dentreprises publiques.
Cet objectif sest traduit par la constitution, maintenant achevée en moins dun an, dun pôle délectronique professionnelle et de défense regroupant autour de Thomson CSF, les éléments dAlcatel pertinents de cette action et Dassault Electronique. Thomson CSF, qui se retrouve de ce fait au premier rang européen dans ces métiers, est par conséquent dans la meilleure situation possible pour négocier des accords équilibrés avec dautres partenaires.
Par ailleurs, après quelques mois de travail seulement - et alors que ce dossier avait connu des tribulations variées depuis près de deux décennies -, le Gouvernement a organisé la structuration dun pôle aéronautique et spatial autour dAerospatiale-Matra. Nous avons également clarifié les conditions de la coopération entre cet ensemble Aerospatiale-Matra et Dassault Aviation.
Lavis favorable de la Commission des Participations et des Transferts, publié le 27 mars dernier au Journal Officiel, est une étape décisive du processus de fusion. La Commission, qui travaille en tout indépendance, a souligné la forte logique industrielle qui sous-tend cette opération et a estimé que la parité retenue entre Aerospatiale et Matra reflétait bien la valeur relative des atouts industriels, technologiques et financiers de chacune des deux entreprises et quelle était par suite conforme aux intérêts patrimoniaux de lEtat.
Nous lisons dans cet avis un encouragement essentiel et le signe que le travail très délicat des pouvoirs publics en la matière a été conduit sérieusement et de manière professionnelle. Ceci fait justice des commentaires un peu hâtifs qui avaient accompagné une certaine phase de ce processus. La prochaine étape est désormais la mise sur le marché dAerospatiale-Matra qui interviendra, avec une possible petite variation pour tenir compte de létat du marché, dans les prochaines semaines, et en tout état de cause avant la fin de ce semestre.
Un dernier mot sur la méthode que notre Gouvernement a suivie : aucun grand industriel, ni aucun responsable syndical na été tenu à lécart de la réflexion des pouvoirs publics ; à chaque moment, nous avons privilégié un vrai dialogue avec chacun, ce qui explique que très peu de contestations, quant au sens de cette politique, se soient exprimées de la part des acteurs concernés.
Ces opérations de restructuration sinscrivent dans une perspective européenne, sans pour autant exclure le partenariat transatlantique. Le nouveau Thomson CSF et le futur ensemble Aerospatiale-Matra sont désormais en mesure de nouer des alliances européennes de grande envergure et bénéficieront pour cela du soutien entier du Gouvernement. Je sais que des discussions actives ont actuellement lieu en Europe entre les principaux acteurs industriels ; je souhaite quelles se concrétisent.
Mais il ne sagit en aucune manière dexclure des partenariats transatlantiques : au contraire, nous pensons les faciliter et les rendre plus solides, sils sont mieux équilibrés. De nombreuses entreprises françaises ont su mener à bien des partenariats réussis avec des entreprises américaines : lexemple que je cite le plus volontiers, parce que cest le plus important, cest le partenariat de la Snecma avec General Electric pour ce qui concerne les moteurs davions, qui dure depuis longtemps, et qui a atteint des succès qui ne remettent aucunement en cause lautonomie industrielle et le potentiel technologique de lentreprise française.
Je terminerai ces quelques mots en insistant, au-delà de la logique industrielle, sur la logique politique qui organise ces restructurations : dans le domaine institutionnel, entre les Etats européens, nous sommes nous aussi en train de progresser, comme je le rappelais tout a lheure, en clarifiant la position française sur ces différents sujets vis-à-vis de nos interlocuteurs européens. La Lettre dIntention que nous avons signée avec mes cinq collègues européens le 6 juillet dernier à Londres, couronne un important travail déjà amassé dans ce sens.
Maintenant, des groupes de travail internationaux, répartis sur différents sujets, se réunissent très fréquemment pour préparer les accords de mise en uvre de cette Lettre dIntention. Ce processus de conciliation entre les intérêts et les habitudes de travail des Etats un peu disparates est inévitable pour assurer des synergies entre les Etats acheteurs et pour instaurer une relation plus dynamique entre ce groupe dacheteurs et les fournisseurs.
Par ailleurs, des relations plus dynamiques vont se développer grâce à la création maintenant conclue qui fut aussi un processus un peu laborieux, mais aujourdhui terminé de lOccar, qui conduira les programmes en coopération, au nom des quatre Etats membres ayant les commandes les plus élevées : lAllemagne, la Grande-Bretagne, lItalie et la France.
Cest donc en prenant compte de toutes les réalités qui simposent à nous, et en nexcluant aucun outil possible, que notre gouvernement travaille a renforcer les capacités industrielles de lEurope en matière de défense, en se rappelant que dans notre continent, comme aux Etats-Unis, les industries de défense sont un élément moteur des hautes technologies, et par conséquent de notre place dans la compétition scientifique.
Cest notre conviction profonde quau-delà des habitudes et des pesanteurs, au-delà des petits revers de court terme, lEurope de la Défense va saffirmer pour prendre toute sa part au partenariat transatlantique, et quelle le fera largement en amont, cest-à-dire au niveau industriel.
Cest vers cet objectif que convergent tous nos efforts.
(Source http ://www.defense.gouv.fr, le 27 avril 1999)