Interview de M. Gérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants, à Canal Plus le 1er février 2012, sur les contrats d'armement avec l'Inde, le Brésil et les Emirats arabes unis et sur la présidentielle.

Prononcé le 1er février 2012

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Média : Canal Plus

Texte intégral

CAROLINE ROUX Alors, on ne va pas bouder notre plaisir, bien sûr que c'est une bonne nouvelle : 126 Chasseurs vendus à l’Inde, un contrat de 11 milliards d’euros. L’Inde et la France rentrent dans ce que l’on appelle des négociations exclusives. Alors, la question que l’on se pose ce matin, c'est : est-ce que la signature est acquise, ou est-ce qu’il peut encore y avoir de mauvaises surprises, comme c'est arrivé par le passé ?
 
GERARD LONGUET Vous avez dit exactement la vérité, la négociation est exclusive entre l’Inde et le GIE Rafale. Ce n’est pas le gouvernement qui vend les avions, ce sont les industriels, DASSAULT, THALES, SAFRAN, pour l’essentiel, qui vendent cet avion. Et c'est en effet une formidable promesse pour toute l’industrie aéronautique et de grande technologie française. C'est très flatteur.
 
CAROLINE ROUX Mais vous savez qu’il y a des fois où on y a cru, par exemple on y a cru en 2009, quand LULA et Nicolas SARKOZY avaient annoncé que le Brésil et la France étaient entrés en négociations exclusives. Qu'est-ce qu’il y a de différent dans ces deux dossiers ?
 
GERARD LONGUET La grande différence, c'est qu’au Brésil, c'est une décision, une annonce du président qui a été remise en cause, au bénéfice, d'ailleurs, de l’industrie française. Les Brésiliens ont préféré acheter d’abord, et avant tout, ce dont ils avaient le plus besoin, c'est-à-dire 4 sous-marins en France. Ils les ont achetés, et je suis d’ailleurs allé à Rio, ce qui n’est pas antipathique, pour le démarrage de ce chantier de sous-marins français. Les avions, ils n’en ont pas acheté ailleurs, ils attendent et nous tenons la corde. Je pense que le précédant indien sera très utile pour les Brésiliens. Pourquoi ? Parce qu’il apporte la démonstration que c'est un avion qui, dans le travail, qui va durer 30 ou 40 ans, est plus utile, meilleur marché que ses concurrents.
 
CAROLINE ROUX Donc, il n’y aura pas de mauvaise surprise.
 
GERARD LONGUET Sur le Brésil, il y a des espérances, et sur l’Inde, je suis confiant.
 
CAROLINE ROUX Et sur les Emirats arabes unis, vous aviez parlé vous-même...
 
GERARD LONGUET Des espérances.
 
CAROLINE ROUX ... de probabilité très forte...
 
GERARD LONGUET Des espérances, je reste très confiant.
 
CAROLINE ROUX Ah, des espérances, pas désespérances en un seul mot.
 
MAÏTENA BIRABEN En deux mots.
 
GERARD LONGUET Non non non. Plusieurs espérances.
 
CAROLINE ROUX Plusieurs espérances.
 
GERARD LONGUET Une forte espérance, pour éviter toute ambigüité.
 
CAROLINE ROUX Il y a effectivement un sujet qui est évoqué ce matin, c'est l’abandon, en tout cas le transfert de technologies, puisque l’Inde achètera 18 avions qui seront construits en France, le reste sera construit en Inde.
 
GERARD LONGUET C’est exact.
 
CAROLINE ROUX C'était la contrepartie inévitable ?
 
GERARD LONGUET Non seulement c'est inévitable, c'est même souhaitable. Nous avons... vous savez, DASSAULT vend des avions en Inde depuis plus de 50 ans, mais les premiers DASSAULT datent des années 52/55. Nous sommes partenaires de l’Inde. Vous savez, la France est un pays formidable, mais on n'est pas le premier pays du monde, on a besoin d’avoir des alliés, d’avoir des partenaires et avec l’Inde, avec l’industrie indienne et en particulier pour les moteurs et pour l’informatique, nous travaillons avec eux, comme avec des amis durables, c’est d'ailleurs pour ça qu’on les a vendus. Si la France, c’était la France seule, elle n’a pas la volonté, d'ailleurs, d’imposer tout son savoir-faire, elle a des partenaires et c'est comme ça que ça marche.
 
CAROLINE ROUX Ce n'est pas du made in France.
 
GERARD LONGUET C'est du made in... c'est de l’intelligence française, c'est l’intelligence française qui fertilise l’intelligence indienne.
 
CAROLINE ROUX Oui, mais ce n'est pas le fabriquer français, sur lequel a insisté le président Nicolas SARKOZY.
 
GERARD LONGUET Permettez-moi de vous dire, ce qui compte, c’est qu’est-ce qui revient en France ? Il revient en France des brevets, des redevances, des royalties. Les ingénieurs...
 
CAROLINE ROUX Des emplois.
 
GERARD LONGUET Les ingénieurs indiens, qui seront formés dans notre pays, les ingénieurs français qui vont travailler en Inde, car lorsque vous dites, à juste titre, que les Rafale seront construits en Inde, ils seront souvent assemblés en Inde, c'est-à-dire avec des équipements, des composants fabriqués par des Ingénieurs, des techniciens français, qui les exporteront là-bas, ils seront assemblés sur place.
 
CAROLINE ROUX Est-ce que ça veut dire que les commandes de l’Armée française sont mises entre parenthèses ?
 
GERARD LONGUET Alors, nous avions, dans la loi de programmation de 2008, prévu, le cas échéant, de ralentir nos achats, on en achète 11 par an. Si on doit ralentir nos achats une année ou deux années, nous le ferons, pour démarrer cette exportation.
 
MAÏTENA BIRABEN Les réactions sont très vives sur les réseaux sociaux, Gérard LONGUET, au sujet du Rafale, avec des réactions du genre : c’est un peu écoeurant de se réjouir de la vente du Rafale, c'est de l’armement, si KADHAFI l’avait acheté, où en serions-nous ?
 
GERARD LONGUET Nous avons refusé de vendre... Il y a des armes que nous ne vendons pas à certains pays, nous vendons des armes à des pays, pour ce type d’armes, qui ont signé des accords internationaux d’emploi, dans des conditions qui sont compatibles avec les règles, par exemple, des Nations Unies. Nous n’en avons pas vendu et nous n’en aurions pas vendu au colonel KADHAFI.
 
CAROLINE ROUX Alors, on va dire un mot de politique, on n’oublie pas que vous avez été le patron des sénateurs UMP...
 
GERARD LONGUET Oui, c'est vrai.
 
CAROLINE ROUX Oui, c'est vrai, c’était il n’y a pas si longtemps.
 
GERARD LONGUET Non.
 
CAROLINE ROUX Et Nicolas SARKOZY, hier, a rappelé à l’ordre l’ensemble des parlementaires de la majorité, notamment sur les dossiers qu’il a lancés, comme la TVA sociale. Pourquoi ce recadrage était utile ? Ça tanguait dans la majorité ?
 
GERARD LONGUET Vous savez, une majorité, ce sont des forces politiques qui s’ajoutent, qui ont besoin de s’expliquer, de parler ensemble, de confronter les points de vue, et en effet, le président de la République a lancé des initiatives, y compris sur le terrain économique, par exemple pour libéraliser la construction, on a besoin de les expliquer, on a besoin d’en parler. Le dialogue est au coeur même de la démocratie, je ne vois pas pourquoi nous serions monolithiques et tous du même avis, au même moment, sur la même idée.
 
CAROLINE ROUX C’est un peu ce qu’il a demandé, ou alors je n’ai pas bien compris.
 
 
GERARD LONGUET Pardon ?
 
CAROLINE ROUX C'est un peu ce qu’il a demandé à la majorité, hier, ou alors je n’ai pas bien compris.
 
GERARD LONGUET Vous avez mal compris.
 
CAROLINE ROUX Ah bon ? Alors, on a le droit au débat sur la TVA sociale ? Par exemple vous êtes contre la TVA sociale, vous avez le droit de le dire ?
 
GERARD LONGUET Je crois qu’on a le droit permanant au débat, ce sont mes convictions, nous sommes élus par le... enfin, les sénateurs, les députés sont des élus du suffrage universel, leur devoir absolu c'est en effet de faire valoir leur point de vue. Et sur la TVA emploi, allègement du coût du travail, prise en charge des allocations familiales, c'est une idée tellement forte et tellement utile, je le pense profondément, qu’elle méritait quand même quelques moments d’explications, puisque nous le proposons, enfin, le président le propose aujourd'hui, c'est un petit peu normal que les parlementaires posent des questions. Parlementaire, ça veut dire parler, non ?
 
CAROLINE ROUX Les enquêtes d’opinion se suivent et se ressemblent, dans cette campagne, on est donc, le 1er février, est-ce que ça vous inquiète, François HOLLANDE est le grand favori, que traduisent ces sondages ?
 
GERARD LONGUET Vous savez, vous êtes une excellente analyste des sondages. Je pense que la France est un pays qui a toujours été divisé, y compris en 95, en 2002, il y a une gauche, il y a une droite, à cet instant la majorité exerce les responsabilités, elle assume tout ce qu’il y a de difficile dans le pays, et nous avons un président engagé dans l’action quotidienne, qui, à cet instant, ne se bat pas comme un candidat mais comme un président en activité. C’est un petit peu plus difficile pour lui, parce qu’il assume ces conditions de notre pays.
 
CAROLINE ROUX Il a parlé d’authenticité...
 
GERARD LONGUET C'est un peu plus difficile pour lui, mais quand il se libèrera comme candidat, ce que je souhaite, il aura évidemment toute l’énergie de quelqu’un qui parle d’avenir au lieu d’être simplement l’homme de l’actualité.
 
CAROLINE ROUX Donc vous y croyez.
 
GERARD LONGUET J’y crois totalement.
 
CAROLINE ROUX Bien sûr que vous y croyez. Il a parlé d’authenticité et de courage. Une dernière question, alors, je ne sais pas comment vous pouvez répondre à cette question...
 
GERARD LONGUET Mais on verra bien.
 
CAROLINE ROUX ... mais je vais quand même vous la poser. Est-ce que vous croyez que Nicolas SARKOZY retisse, j’allais dire, presque les liens du coeur, avec les Français ?
 
GERARD LONGUET Vous avez raison, la réponse c'est... Vous savez, Nicolas SARKOZY, je l’ai vu dans des circonstances extrêmement graves, est un homme très attentif à la douleur des autres et qui s’efforce d’apporter des soutiens. Je l’ai vu dans des moments graves, parce que je suis ministre des Armées, vous voyez ce que ça veut dire, et cette attention, ce respect de la souffrance des autres, il ne l’exprime jamais publiquement. On le voit dans le fonctionnement. J’aimerais que nos compatriotes comprennent qu’il y a chez lui une formidable attention à la peine des autres.
 Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 7 février 2012