Point de presse de M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, et interview avec les radios et la presse écrite les 23 et 24 septembre 1997, sur la condamnation des massacres en Algérie, la situation au Congo et en République démocratique du Congo, et sur les relations entre la France et les Etats-Unis.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Ouverture de la 52ème assemblée générale des Nations unies à New York le 22 septembre 1997

Média : Presse écrite

Texte intégral

52EME ASSEMBLEE GENERALE DES NATIONS UNIES
POINT DE PRESSE DU MINISTRE DES AFFAIRES ETRANGERES, M. HUBERT VEDRINE, AVEC LES RADIOS
(New York, 23 septembre 1997)

Q - Monsieur le Ministre, votre réaction après les événements d'Algérie ?
R - Je suis comme tout un chacun, et comme toute personne de toute nationalité d'ailleurs, que j'ai pu rencontrer ici à New York, horrifié par ces massacres et ces massacres à répétition. Vraiment, cela a quelque chose de révulsant de voir cette barbarie, cette cruauté, ces chiffres quels qu'ils soient, que je ne connais pas. Donc j'éprouve un sentiment de compassion profonde avec cette population ainsi frappée, ainsi martyrisée et nous comprenons de toutes nos forces son désir, son besoin de sécurité, de sûreté, de tranquillité, de paix.
Q - Votre entretien avec le Secrétaire général des Nations unies a porté notamment sur la situation du Congo ou des Congo. Qu'est ce que vous vous êtes dit ?
R - J'ai eu un entretien très sympathique et très intéressant avec M. Kofi Annan. Nous avons parlé de nombreux sujets, notamment tout ce qui touche à l'ONU. Nous avons fait le point des réformes engagées, la réforme du financement, la restructuration, le Conseil de sécurité. Tout cela est fort intéressant et en effet nous avons évoqué la question des Congo, si je puis dire. Sur le Congo-Brazzaville, je lui ai redit pourquoi la France continuait à souhaiter que soit mise sur pied une force d'interposition qui serait essentiellement interafricaine mais qui pourrait bénéficier d'un soutien logistique de la France et d'une aide en financement de l'Union européenne. Nous pensons que l'existence de cette force serait de nature à aider les parties congolaises à s'acheminer vers un résultat et vers un accord politique, en passant évidemment avant par un cessez-le-feu. Je lui ai redit ce que nous demandons et ce que nous souhaitons depuis quelques semaines.
Q - Et sur ce point, quelle a été la réaction de M. Kofi Annan ?
R - Il me semble qu'il comprend bien le raisonnement français. Il est d'ailleurs lui-même intéressé de très près aux efforts qui sont accomplis puisqu'il y a la médiation du président Bongo qui est la médiation principale que la France soutient complètement, à laquelle sont adjoints depuis peu de temps maintenant les présidents Diouf et Eyadema. De plus, auprès du président Bongo, il y a en permanence l'ambassadeur Sahnoun qui est l'envoyé spécial du Secrétaire général, qui suit cela au jour le jour. Il a, je crois, tous les éléments pour comprendre le bien-fondé de la demande française en ce qui le concerne. Sur l'autre sujet, qui est celui de la République démocratique du Congo, le Secrétaire général m'a dit qu'il continuait à demander que la mission d'enquête puisse accomplir sa mission./.
(Source : http://www.diplomatie.gouv.fr/actu/bulletin.asp, le 22 juillet 2002)
52EME ASSEMBLEE GENERALE DES NATIONS UNIES
ENTRETIEN DU MINISTRE DES AFFAIRES ETRANGERES, M. HUBERT VEDRINE, AVEC LA PRESSE ECRITE ET LES RADIOS
(New York, 24 septembre 1997)
Q - Monsieur le Ministre, tous les journaux, toutes les télévisions en France évoquent la situation en Algérie, parlent de l'Algérie. Dans votre discours, aujourd'hui, vous n'avez pas parlé de l'Algérie ni prononcé le mot "Algérie" pourquoi ?
R - J'ai concentré mon discours aux Nations unies, comme vous l'avez noté, sur les réformes qui sont entreprises aux Nations unies, donc j'ai surtout parlé de l'avenir de l'Organisation, sa restructuration, les questions de financement, les questions du Conseil de sécurité. En dehors de ces questions qui ont formé l'ossature de mon discours, j'ai parlé de deux ou trois points à propos d'opérations de maintien de la paix déjà engagées par l'ONU. Donc c'était l'axe général de ce discours et ce n'était pas un discours qui prétendait énumérer l'ensemble des situations de crise ou des tragédies qui se présentent à la surface de la planète.
Q - Ce matin M. de Charette, votre prédécesseur a proposé que l'ONU fasse quelque chose sur la situation en Algérie. M. de Charette a dit ce matin à Paris qu'il souhaitait que, peut-être, la Commission des Droits de l'Homme de l'ONU ou l'ONU s'injectent dans cette situation. Qu'est-ce que vous en pensez ?
R - Je pense qu'il faut que vous posiez la question à M. Kofi Annan.
Q - Mais est-il est possible d'envisager une solution à l'ONU pour essayer de sortir de la guerre civile en Algérie ?
R - Puisque vous parlez de l'ONU et de son rôle, je pense qu'il faut que vous posiez la question au Secrétaire général des Nations unies.
Q - Est-ce que le communiqué de l'Armée islamique de Salut de ce matin vous semble de fait une trêve, un cessez-le-feu ?Change-t-il votre appréciation de la situation algérienne ?
R - Nous sommes entrain de l'examiner. Je ne peux pas vous en dire plus pour le moment. Nous sommes ici à New York en relations avec l'ensemble des administrations compétentes à Paris et les autorités concernées. Nous examinons ce texte pour savoir quelle est sa signification et sa portée exacte.
Q - Il n'y a pas un silence gêné ? On ne parle pas de l'Algérie aujourd'hui. N'y-a-t-il pas un manque quelque part ?
R - Je crois que la question de la tragédie algérienne est abordée au contraire chaque jour.
Q - Dans 15 jours, il y a des élections locales et communales. Seriez-vous favorable à l'envoi d'observateurs neutres là-bas ?
R - Nous sommes favorables naturellement, partout et dans toute situation de crise ou de tragédie, à l'organisation d'élections, comme cela a déjà été le cas d'ailleurs à d'autres échelons que celui que vous citez en Algérie et, à chaque fois, nous souhaitons qu'elles se déroulent dans des conditions les plus incontestables possibles.
Q - Avec des observateurs neutres ?
R - C'est une question à examiner.
Q - Hier vous avez pu dire votre émotion aux radios sur ce qui s'est passé en Algérie, sur ce nouveau drame. On a vu qu'aux Etats-Unis, c'était à la une pour la première fois peut-être des journaux. Il y a une très grosse émotion aussi aux Etats-Unis. Pouvez-vous dire après ce qui s'est passé et quelle est l'attitude de la France pour essayer d'éviter que cela se reproduise ?
R - J'ai exprimé hier l'horreur que tout un chacun ressent devant ces massacres. Devant ces massacres, devant les souffrances des populations qui en sont les victimes et j'ai dit que nous éprouvions un sentiment profond de compassion pour ces populations et que nous comprenions à quel point elles ont besoin d'être protégées. Nous comprenons ce besoin de sécurité et de sûreté. Voilà ce que je peux vous dire.
Q - Vous allez voir le ministre algérien des Affaires étrangères ?
R - Je n'ai pas d'entrevue prévue avec lui.
Q - Monsieur le Ministre, vous avez rencontré ce matin le secrétaire d'Etat américain. Comment qualifiez-vous en ce moment les relations franco-américaines ?
R - Excellentes.
Q - De quoi avez-vous parlé ?
R - Nous avons parlé de toutes sortes de sujets : de l'Afrique, du Proche-Orient, de l'Europe, de l'OTAN, des relations bilatérales, bref on a parlé de beaucoup de sujets.
Q - Sur le Proche-Orient, est-ce qu'il vous a semblé que la perception américaine avait évolué après la tournée du secrétaire d'Etat ?
R - Nous nous réjouissons que Mme Albright ait fait ce voyage, qu'elle se soit impliquée véritablement dans ce dossier compliqué et qu'elle ait obtenu quelques petites mesures qui, pour le moment, ne vont pas très loin mais qui vont dans le bon sens quand même et nous l'avons vivement encouragée à persévérer dans cette voie tout en redisant que la France, comme d'autres pays en Europe, a l'intention d'avoir une action qui vienne compléter cet effort. Il faut persévérer.
Q - Est-ce que vous pouvez nous dire un dernier mot peut-être sur les relations franco-américaines. Vous avez parlé du risque d'unilatéralisme à l'ouverture de votre discours. Est-ce qu'il y a un risque de domination américaine sur la politique étrangère de la planète ?
R - Non, il s'agit d'autre chose. D'abord concernant les relations franco-américaines, la question a été posée à propos de ma rencontre avec le secrétaire d'Etat. Les relations entre les deux gouvernements sont excellentes. Mais la question de l'unilatéralisme peut se poser à propos de la réforme de l'ONU. C'est un sujet différent. J'ai simplement voulu dire que l'on ne pouvait pas aborder la question des Nations unies qui regroupent 185 pays uniquement à partir des propositions d'un seul pays. Il est normal que chaque pays ait sa position, mais ensuite il faut que le débat soit véritablement ouvert et équitable./.
(Source : http://www.diplomatie.gouv.fr/actu/bulletin.asp, le 22 juillet 2002)