Déclaration de M. Kader Arif, ministre des anciens combattants, sur l'industrie d'armement française et européenne, à Villepinte (Seine-Saint-Denis) le 11 juin 2012.

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Circonstance : Inauguration d'Eurosatory, à Villepinte (Seine-Saint-Denis) le 11 juin 2012

Texte intégral

Messieurs les Ministres,
Chers Collègues,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Monsieur le Président du GICAT organisateur de cet événement,
Messieurs les Délégués généraux et Directeurs,
Messieurs les Officiers généraux,
Mesdames et Messieurs,
Chers Amis,
Comme vous le savez tous, en raison de circonstances douloureuses pour notre pays et pour nos forces armées, le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian est en ce moment même en Afghanistan aux côtés de nos troupes qui remplissent avec courage et honneur leur mission : rendre les Afghans capables d'assumer leur souveraineté et leur sécurité.
Il m'a demandé d'être avec vous pour inaugurer la 11e édition du Salon international de la Défense terrestre, aéroterrestre et de la Sécurité, le salon Eurosatory, et j'en suis honoré. Avant de commencer, je tiens à observer avec vous une minute de silence pour honorer la mémoire des quatre militaires français et des deux interprètes afghans qui ont été tués.
Une minute de silence est observée.
Merci.
Votre présence le confirme, Eurosatory est un événement majeur du monde de la Défense. Il est en pleine croissance avec cette année près de 1 500 exposants et plus de 100 délégations officiellement invitées par le Gouvernement français. Je veux saluer en particulier tous ceux d'entre vous qui sont venus de loin pour prendre part à cet événement exceptionnel. Vous attendez 55 000 visiteurs arrivant de 138 pays différents, qui seront accueillis par des entreprises du monde entier et 34 pavillons nationaux. Cette exposition, première manifestation mondiale dans le domaine de la défense terrestre et de la sécurité, est un signe manifeste de l'attractivité de notre pays et du dynamisme de son industrie.
Pour commencer, permettez-moi de vous dire toute l'importance que le Gouvernement attache à l'industrie de Défense. La France a la chance de disposer à travers cette industrie d'une base industrielle et technologique considérable. Elle est un gage de notre autonomie politique, elle est indispensable pour garantir la crédibilité de nos armées et elle est à la pointe de la technologie et des retombées concrètes de la recherche. Cette industrie est importante pour notre politique extérieure et notre économie. À cet égard, la Défense est un moteur pour la croissance nationale et européenne. En France, le secteur de l'armement dans son ensemble, je le rappelle ici, représente un chiffre d'affaires annuel de 15 milliards d'euros. Un tiers de ce chiffre d'affaires est réalisé à l'exportation. Le Ministère de la Défense, à travers les études qu’il commande, des opérations d’équipement qu’il engage, et la maintenance qu’il réalise, est le premier garant de ses excellents résultats.
Comme premier investisseur, l’État joue un rôle essentiel auprès de l’industrie de Défense. Comme premier acteur de l’innovation, il apporte une contribution décisive à ce secteur de haute technologie à forte valeur ajoutée. Cette industrie est importante pour l’emploi, 165 000 emplois en France, au moins autant d’emplois indirects, 20 000 très qualifiés dans la recherche et développement, soutenus directement par l’État qui consacre 700 millions d’euros par an aux études faites en amont.
Faut-il aussi rappeler que 10 à 15 % des achats du Ministère de la Défense vont à l’investissement réalisé auprès de 4 000 PME ? Notre souhait est que ces PME de la Défense puissent être soutenus via la mise en place d’un Small Business Act qui permettra de favoriser les PME dans les réponses aux appels d’offres du Ministère de la Défense. Par ailleurs, pour les 300 PME que nos équipes ont identifiées comme critiques pour la réalisation de nos équipements, nous veillerons à leur pérennité et à leur développement.
Cette industrie est importante pour le niveau scientifique et technologique de notre pays. Les avancées réalisées dans notre secteur ont des retombées majeures pour les activités civiles telles que l’aéronautique, l’espace, la communication. Les compétences de chacune des entreprises du secteur sont ainsi tirées vers le haut.
Cette industrie est importante pour l’Europe. Qui ne voit que c'est à l’échelle européenne qu’il faut désormais envisager l’avenir entre bases industrielles et technologiques comme celles de nos partenaires, sauf à les condamner ? Nous venons de passer un cap symbolique : pour la première fois dans l’histoire, la somme des dépenses de Défense en Asie est supérieure à celle du continent européen.
Et les pays qui tirent cette croissance développent à grande vitesse leurs propres industries. Avec l’essor de ces industries dans le monde entier, avec la mondialisation des échanges et de l’économie, avec l’affirmation accélérée de nouvelles puissances, seuls survivront dans quelques années les groupes ou entreprises qui auront su déployer une vraie stratégie européenne et mondiale.
Le Président de la République, François Hollande, l’a dit pendant la campagne, et au nom du Ministre de la Défense, je tiens à le marquer devant vous. L’Europe de la Défense doit prendre une dimension nouvelle, et le dynamisme industriel de l’Union européenne est un élément majeur de cette ambition. Pour la première fois d’ailleurs, un sommet de l’OTAN a reconnu le caractère primordial de la base industrielle de défense européenne. C'est un pas important. C’était d’autant plus nécessaire que les contraintes qui pèsent sur les budgets européens, en raison de la crise des dettes souveraines, nous poussent à mettre en commun et partager, trouvant en ces difficultés une chance pour l’avenir. L’évolution du positionnement américain qui regarde désormais vers l’Asie, comme le ministre de la Défense a pu le constater à Singapour la semaine dernière, encourage également les Européens à se saisir davantage encore de leur propre sécurité.
Pour toutes ces raisons, nous croyons à la nécessité d’une industrie de défense forte, d’exportation responsable comme nous croyons au rôle d’entraînement et de dynamisation que cette industrie peut jouer vis-à-vis de l’ensemble de l’économie. Cette industrie est, en effet, pour notre pays un véritable pôle d’excellence. Elle compte de très grands groupes internationaux qui sont, pour certains, le fruit d’une étroite collaboration avec nos partenaires européens. Je vais les rencontrer ici après vous avoir parlé. Elles comptent aussi de très belles PME que nous soutenons entre autres par le biais du dispositif Rapid, notre régime d’appui à l’innovation duale. Le choix fut difficile à faire, je vous disais à l’instant qu’on en comptait 4 000 en France. Mais je rendrai visite, dans quelques instants, aux stands de plusieurs d’entre elles. Cette visite est aussi l’occasion de dire un mot sur l’offre technologique française. Celle-ci couvre tout le spectre des missions auxquelles une armée de premier rang peut être confrontée aujourd'hui. Ces capacités ont fait leur preuve sur les théâtres d’opérations les plus sensibles, là où nos armées œuvrent pour la sécurité internationale, pour la protection de nos concitoyens, pour la défense de nos valeurs et de nos intérêts. En Afghanistan, en Libye, au Liban, sur les théâtres africains parfois, nos forces ont besoin de la robustesse et de l’efficacité de nos matériels.
Dans le domaine du combat aéroterrestre, des hélicoptères Tigre interviennent depuis 2009 sur le théâtre afghan, et leur rôle a été important en complément de notre aviation de chasse lors de l’opération Harmattan. La mobilité, la protection et la puissance de feu des troupes au sol ont été renforcées dans des proportions significatives grâce au canon CAESAR et au VBCI. Ce dernier, en service depuis 2008, est déployé en Afghanistan et au Liban. Sur les 630 exemplaires commandés par l’armée française, le quatre-centième est livré ce jour même.
La Numérisation de l’Espace de Bataille, la NEB, s’étend désormais aux fantassins et non plus seulement aux véhicules. C'est un atout majeur pour la conduite et le suivi tactique des opérations, comme le confirment les unités d’infanterie présentes sur le terrain afghan qui sont équipées du système FÉLIN depuis la fin de l’année 2011. Je ne cite là qu’une poignée des très nombreux équipements qui ont, ces dernières années, augmenté l’efficacité de nos forces dans un milieu terrestre dont chacun ici connaît la complexité. C'est souvent dans le cas d’opérations d’urgence que ces équipements se sont révélés salutaires. Et le ministre de la Défense tenait à rendre hommage à la grande réactivité de notre industrie qui est précieuse pour la vie de nos soldats et le succès de nos armées.
Nous n’ignorons pas pour autant que certains matériels arrivent en fin de vie, et nous savons tous les dangers d’une rupture dans la continuité de nos capacités militaires. Il est donc essentiel de veiller au remplacement des plus anciens et le ministre m’a dit qu’il s’y attacherait personnellement. Nous continuerons, par exemple, de préparer le programme SCORPION qui devait assumer la modernisation des groupements tactiques interarmes de l’armée de Terre. L’ensemble de ces projets est conçu avec le souci permanent de l’interopérabilité qu’est la condition d’un engagement en coalition.
Le contexte budgétaire n’est ici un mystère pour personne. La Défense, comme l’a déclaré le Président de la République, contribuera à l’effort de réduction des dépenses publiques dans les mêmes proportions que les autres missions de l’État, ni plus ni moins. Il y aura des choix à faire, ils seront faits, mais en ne prenant aucune décision à la hâte.
Dans cet esprit, nous allons travailler dans les mois qui viennent à la rédaction d’un nouveau Livre blanc sur la Défense et la sécurité nationale, prélude à la construction d’une nouvelle programmation pluriannuelle pour nos équipements militaires.
Je souhaite, pour finir, vous parler de l’articulation entre notre politique industrielle et notre politique de sécurité extérieure. J’ai déjà souligné notre ambition pour l’Europe et notre démarche dans le cadre transatlantique. Je voudrais parler de notre politique d’exportation et de coopération internationale. Le ministre de la Défense a déjà eu l’occasion de le dire, il ne conçoit pas son rôle comme celui d’un représentant qui se promènerait avec son catalogue sous le bras. La politique commerciale, c'est l’affaire et le métier des industriels. Il leur appartient en conséquence de s’organiser efficacement pour éviter la désunion et le désordre qui, parfois, leur ont fait perdre des opportunités importantes. Mais les exportations d’équipement de Défense et la mise en œuvre de coopérations industrielles et techniques sont un instrument remarquable au service des partenariats stratégiques et des relations globales de Défense que la France et singulièrement ce gouvernement entendent développer.
En raison de la nature du produit exporté, en raison aussi de la qualité du client, la vente d’armements français à un état étranger n’est jamais un acte neutre, une décision purement technique ou strictement commerciale. C'est aussi un acte politique.
En décidant de s’engager dans des relations d’armement, notamment par la signature de grands contrats, les pays partenaires renforcent durablement les relations qu’ils ont nouées dans la confiance tant au niveau militaire qu’au niveau politique.
Par le passé, nous avons fait le constat que les pays qui s’équipent de systèmes français ne sont plus des clients. Ils sont devenus de véritables partenaires. Le ministre a pu encore le mesurer lors des échanges qu’il a eus avec ses homologues étrangers, en particulier en marge du sommet de Chicago ou lors son déplacement en Asie du Sud-Est. Certains d’entre eux sont présents à ce salon et, en son nom, je les salue tout particulièrement. Notre politique d’exportation doit donc respecter 4 exigences. Elle doit s’appuyer le plus possible sur une volonté de constituer ou renforcer des partenariats stratégiques. De plus en plus, les exportations de matériels sont associées à d’importants transferts de technologies s’appuyant sur la constitution d’une base industrielle locale. Ces partenariats doivent être différenciés selon les pays et selon les équipements, mais notre soutien doit répondre à l’analyse politique de nos grandes priorités stratégiques.
En deuxième lieu, notre politique d’exportation doit avoir le souci de la place de notre pays dans le monde. Elle doit chercher à conforter ou améliorer cette place pour protéger nos grands intérêts en matière de sécurité. Le développement de tels partenariats au-delà de leur dimension économique et technologique essentielle doit correspondre à une vision claire des grandes régions du monde où nous souhaitons être présents. Une analyse précise des enjeux de sécurité et des équilibres régionaux.
Le Livre blanc intégrera une réflexion sur ces différents éléments.
Notre politique d’exportation doit nous permettre de renforcer l’innovation et le dynamisme de nos entreprises françaises et européennes, dans une logique de partenariats réels, dans l’intérêt technologique notamment de chacun des partenaires.
Enfin, comme l’a souligné François Hollande dans son discours du 11 mars dernier, notre politique d’exportation et de coopération se doit d’être rigoureuse en s’adaptant aux besoins de contrôle et de transparence adaptés à nos sociétés modernes. Cela implique notamment de disposer des instruments de vérification les plus efficaces quels que soient les équipements, les intermédiaires et les destinataires finaux.
En ce sens, nous souhaitons voir adopter prochainement des textes législatifs sur les violations d’embargo et le courtage d’armement.
Il est également essentiel que les négociations qui s’engagent aux Nations Unies pour l’adoption d’un traité sur le commerce des armes aboutissent à des engagements ambitieux et robustes reposant sur des processus de contrôle efficients, des incriminations pénales précises en cas de non-respect des législations nationales et internationales et un encouragement à la coopération et l’assistance entre états, y compris l’entraide judiciaire.
Pour ces différentes raisons, la volonté du Ministère de la Défense est que l’État continue d’accompagner tant nos partenaires étrangers que nos industriels dans le domaine de la Défense. Nous voulons être en mesure de répondre à vos besoins, vos sollicitations dans le cadre d’une discussion sous intérêt stratégique et en vue d’une réponse commune aux grands défis de sécurité du monde.
Je vais, si vous le permettez, à présent, visiter le salon et me rendre sur les stands des pavillons nationaux des entreprises parce que je tiens à les saluer. Je tiens aussi à les saluer au nom du ministre de la Défense et saluer celles et ceux qui se mobilisent pour faire d’Eurosatory un grand succès. Et vous me permettrez d’adresser des félicitations particulières pour toutes celles et tous ceux qui ont fait du stand du Ministère de la Défense français, cette année encore, un lieu exceptionnel pour découvrir les équipements de notre armée de Terre.
Je vous souhaite à tous et à toutes une excellente visite et je vous remercie de votre attention.
Source http://www.defense.gouv.fr, le 13 juin 2012