Texte intégral
* M. Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères
Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs les Députés,
Je retrouve avec plaisir le calme de cette assemblée. Avant daborder le débat qui nous occupe, Je voudrais dire lhonneur et le plaisir que cela représente pour mon ami Bernard Cazeneuve et pour moi-même de me retrouver devant vous. Nous sommes à la disposition de lAssemblée nationale, sachez-le.
Aujourdhui, nous allons discuter de limportant sommet européen qui a eu lieu la semaine dernière. Je vais essayer dabord de vous en décrire les résultats dans les grandes lignes, ensuite de répondre à une question légitime qui a été posée par les commentateurs - qui a gagné, qui a perdu ? - et, enfin, den examiner les suites.
Ce sommet, sommet européen traditionnel, qui avait été précédé de dix-sept ou dix-huit sommets censés mettre fin à la crise, ce qui, malheureusement, nous le savons, na pas été le cas, a été, comme tous les sommets, loccasion de discussions extrêmement profondes. Des résultats ont été obtenus, que je veux résumer devant vous.
Le premier, qui a fait les grands titres des journaux, à juste titre, cest que, pour la première fois depuis des années, a été conclu un pacte de croissance et demploi, lune des revendications, vous le savez, du candidat François Hollande, devenu depuis président de la République française.
Ce pacte de croissance est composé de plusieurs éléments.
Il comprend dabord une augmentation du capital de la Banque européenne dinvestissement. Cest une banque assez discrète mais fort importante parce quelle permet de réaliser toute une série dinvestissements publics dans vos collectivités. Il a été décidé, sur proposition notamment de la France, que cette Banque, qui manquait de fonds propres, pourrait être recapitalisée à hauteur de 10 milliards deuros ; cela signifie quà partir du moment où ces fonds auront été versés, avant la fin de lannée, elle pourra consentir un certain nombre de prêts. On estime à 60 milliards deuros les sommes disponibles, lesquelles, par un effet multiplicateur de partenariat, pourront aboutir à engager 180 milliards deuros de crédits nouveaux, qui, chacun en conviendra, seront bien utiles à linvestissement dans notre pays au moment où tant de difficultés nous assaillent.
Dans le même ordre didées, des fonds structurels étaient disponibles, soit 55 milliards deuros. Il a été décidé que ces fonds, qui nétaient pas encore engagés, seraient réorientés. Les différents pays dEurope pourront donc disposer de 55 milliards deuros pour la croissance.
Le troisième élément nest pas sans importance malgré son caractère expérimental pour le moment. Il sagit de ce que les Anglais appellent les project bonds, cest-à-dire des emprunts pour financer des projets. Dun montant de cinq milliards deuros, ces fonds peuvent être utilisés pour des choses aussi importantes que les économies dénergie ou les transports, bref ce qui favorise linvestissement et assure lamélioration de la vie dans nos régions et dans nos départements.
Ce ne sont pas les seuls éléments décidés en faveur de la croissance.
Dans le même esprit, même si cela semble un sujet différent, une affaire traîne - je peux en témoigner - depuis plus de vingt-cinq ans : la mise en place du brevet unitaire européen, qui butait sur des querelles techniques et politiques, a été résolue. Elle la dailleurs été dans lintérêt de la France, car le siège de lorganisation y sera principalement situé et son premier président sera français. Le problème du brevet européen, sous réserve des dispositions que devra prendre le Parlement européen, peut donc être considéré comme réglé.
Enfin, un sujet auquel nous sommes tous sensibles : la fameuse taxe sur les transactions financières, dont on avait tellement parlé et qui avait donné lieu à tant de commentaires. Elle a été décidée dans son principe, non pas pour lensemble des pays de lUnion européenne puisque des pays nen veulent pas, mais sous forme de coopération renforcées dès lors que neuf États - ils y sont déjà disposés - auront pris la décision dinstituer cette taxe, laquelle répondra utilement aux besoins.
Si vous additionnez lensemble de ces mesures - 180 milliards deuros par le biais de la Banque européenne dinvestissement, 55 milliards au titre des fonds structurels, 5 milliards pour les project bonds, linfluence de la taxe sur les transactions financières et le brevet européen -, vous parvenez à adopter ce qui est expressément appelé «pacte demploi et de croissance» sous la forme dune décision. Dans le vocable européen, la décision signifie quelque chose ; ce nest pas la même chose quune recommandation ou quune résolution.
Cette décision, qui doit se traduire en termes concrets, à condition que le gouvernement français, les régions, les départements et les communes présentent des demandes dans les mois qui viennent, permettra un soutien fort utile à la croissance et à lemploi dans notre pays.
Voilà pour la première partie qui correspond à une demande, de la France ai-je dit, mais pas seulement. De nombreux pays ont pris le relais de cette demande française, certains dune manière inattendue. Cest lun des principaux succès de ce sommet des 28 et 29 juin.
Deuxième résultat fort utile qui va dans le même sens, me semble-t-il : nous avons pu débloquer non pas toute la crise financière, ce serait illusoire de le dire, mais une part importante de celle-ci en prenant des dispositions qui là aussi semblent être techniques, et le sont, mais qui ont une traduction concrète que je vais essayer dexpliquer.
Lune des difficultés rencontrées tenait à ce que certaines banques manquaient de capitaux. Ce sont les entreprises et les particuliers qui subissaient les conséquences du manque dont étaient victimes les banques. Il a été rendu possible de recapitaliser les banques sans passer les États comme cétait le cas auparavant. La mobilisation des États créait un cercle vicieux : largent émis par eux pour la recapitalisation donnait lieu à un surcroît de déficit qui avait pour conséquence laugmentation des taux dintérêt.
Grâce à cette décision qui demandait de laudace et était réclamée depuis longtemps, notamment par la France, au lieu de passer par les États le fonds européen de stabilité financière et le mécanisme européen de stabilité pourront demain recapitaliser directement les banques. Cela permettra de faire face aux exigences financières sans augmenter les déficits et de favoriser ainsi une baisse des taux dintérêt.
Parallèlement, des dispositions ont été prises - nous entrons là dans la technique des techniques - pour corriger une erreur, car à tout le moins une décision prise précédemment était une erreur. En vertu de celle-ci, le mécanisme européen de stabilité était prioritaire pour lexigibilité des créances. Cette mesure en apparence positive pour ces fonds avait en réalité pour conséquence de dissuader les autres prêteurs - les fonds dinvestissement privés - daccorder des prêts au fonds actuel et, demain, au mécanisme. Ces créanciers privés navaient pas lassurance dêtre remboursés en cas de faillite du fait de la garantie de premier rang des États. Il était par conséquent difficile de trouver les fonds nécessaires. Il a donc été décidé de permettre des émissions de créances, directement et sans accorder - cest le terme technique - de privilège de séniorité.
Dernier élément en matière financière, il a été décidé, cest important, que le fonds de stabilité financière puis demain le mécanisme européen de stabilité, par lintermédiaire de la Banque centrale européenne, pourraient plus aisément souscrire directement des obligations, allégeant ainsi les contraintes des États.
Autre perspective importante, il a été décidé dans le même mouvement de mettre en place un système de supervision bancaire. Jusquà présent, la surveillance des banques na pas été, on peut le dire, très efficace comme en témoignent les difficultés espagnoles notamment. Cette supervision, assurée pour lessentiel par la banque centrale européenne, permettra de sassurer que les banques ne se livrent pas à des opérations de cavalerie.
En plus du pacte de croissance, la deuxième série de décisions importantes institue donc en matière financière un régime beaucoup plus sécurisé quil ne létait par le passé.
Ce sommet a pris des décisions sur un troisième point fort important lui aussi. Un rapport avait été confié à quatre personnalités : le président de la Commission européenne, le président de lEurogroupe, le président de la Banque centrale européenne et le président du Conseil. M. Herman van Rompuy, président du Conseil européen, a ainsi remis des propositions sur ce que pourrait être dans le futur larchitecture européenne. Jindique, pour traduire la vérité, quaucun accord nest intervenu lors du sommet sur ces questions. Plusieurs pays ont fait part de leur point de vue. Il est vrai que les questions posées sont très importantes pour nous tous. Doit-on sen tenir à lintégration actuelle qui est assez limitée, ce qui explique les difficultés que lon connaît ? Nous connaissons les difficultés que pose lexistence dune monnaie unique sans une politique économique et une politique monétaire harmonisées et sans un contrôle démocratique, car nous en subissons les conséquences.
La proposition de M. Van Rompuy, quil appelle de ses vux, prévoit quau fur et à mesure quune intégration plus grande sera réalisée, une compétence partagée sera mise en place donnant lieu à une solidarité nouvelle et accompagnée dun contrôle démocratique plus effectif. On ne peut pas imaginer, nous ne serions pas daccord avec cette perspective, que des décisions renforçant lintégration soient prises sans que vous-même ou le Parlement européen y soient associés.
Une discussion a donc eu lieu - il ne sagit encore que de perspectives et non de décisions concrètes. Un rapport intérimaire, remis en octobre, et un rapport final en décembre doivent proposer une perspective, que nous soutenons, dintégration solidaire aux uns et aux autres.
Ces résultats, acquis au prix de discussions très difficiles, ont été accompagnés davancées qui pour certaines seront des avancées de vocabulaire, mais qui ne sont pas seulement cela. La réciprocité commerciale, qui correspond à une idée chère sur plusieurs bancs de lAssemblée, a été retenue dans le pacte. Cela comprend lexigence que les marchés publics, ouverts en Europe, le soient aussi dans dautres pays, ou encore la prise en compte de critères environnementaux, sociaux et monétaires dans les discussions avec lAsie ou dautres continents. Toutes ces questions ont été amorcées, je ne dis pas plus que cela, à travers une série de sujets.
Il a été enfin dit que toutes les dispositions prises, ou toutes les décisions au sens juridique du terme, devaient être destinées à renforcer la croissance, à améliorer lemploi, des jeunes notamment, et à lancer des projets utiles à la fois à nos nations et à lensemble européen - jai parlé des transports, des économies dénergie ; dans nombre dautres secteurs, nous avons besoin évidemment de croissance supplémentaire.
Au terme de ces heures de réunions et de discussions intenses, avec une série de coups de théâtre qui font partie des traditions bruxelloises, les résultats ont été jugés généralement positifs par les commentateurs.
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Le président de la République lui-même na pas voulu faire de triomphalisme. En réponse à la question : «qui a gagné ? qui a perdu ?», na-t-il pas répondu : «cest lEurope qui a gagné» ? Il a eu raison de répondre ainsi. Sans être du tout en désaccord avec lui, je pourrais répondre que je ne sais pas qui a gagné, mais, comme aurait dit Joffre, je sais qui aurait perdu si nous navions obtenu ces résultats.
Il y a donc eu, oui, de bons résultats. À quoi sont-ils dus ? Linitiative de la France de soumettre un pacte de croissance a été soutenue y compris hors dEurope. Jai été frappé, en accompagnant le président de la République aux États-Unis dans plusieurs sommets, du G8 et du G20, de voir à quel point cette idée de la croissance nécessaire était soutenue, par Barak Obama et par de nombreux autres. Du même coup, par un effet indirect, cela a pu peser sur certains de nos collègues des autres pays.
En Espagne, en Italie, la même volonté de croissance voit le jour et nous pouvons le comprendre. Dans la situation actuelle, tous les pays sont conduits à des économies budgétaires. Sil se produit uniquement une diminution de la masse monétaire ou financière infusée dans les différentes économies, sans aucune compensation au niveau européen, on ira alors vers la récession. Cest pourquoi nous avons obtenu un soutien extrêmement appuyé de la part de pays comme lItalie ou lEspagne.
Lautre élément qui explique ce que je peux considérer comme un succès, cest que le rapport entre lAllemagne et la France - la question a été soulevée et elle le mérite - na pas été traitée de la même manière par ce gouvernement que par ses prédécesseurs. Entendons-nous bien : pour nous, lamitié, la coopération entre la France et lAllemagne est un élément absolument central. Il ne peut en être autrement, ne serait-ce que parce que la France et lAllemagne représentent à elles deux la moitié du produit intérieur brut européen. Mais pour que les choses fonctionnent bien, il faut que cette coopération soit non seulement centrale, mais aussi égale et partenariale.
Pour quelle soit égale, il faut, comme dans tout couple équilibré, que les uns et les autres reconnaissent leurs droits mutuellement et essaient de se comprendre. Je fais souvent sourire mes amis allemands en leur disant quil faut parfois expliquer aux Français que les Allemands ne sont pas des Français qui parlent allemand ! Cest un peu plus compliqué que cela. Symétriquement, il faut que nos amis allemands - et beaucoup le comprennent - mesurent bien quil ny a pas de santé pérenne possible pour lAllemagne si lEurope est durablement déprimée, dans la mesure où nous sommes ses premiers clients et ses premiers fournisseurs. Cette idée commence, me semble-t-il, à se faire jour.
De même, il faut aussi un partenariat. On a besoin du moteur franco-allemand, mais lEurope ne peut fonctionner dans un système de condominium franco-allemand qui décide pour tous les autres. Nous devons nous tourner aussi vers les autres pays, lItalie, lEspagne, la Belgique , de même que vers les autres institutions : le Parlement européen, le Parlement national de la France, la Commission, le Conseil, la Banque centrale européenne Si un succès a été remporté, ce nest pas pour la France, lItalie ou lAllemagne, mais cest pour lensemble de lEurope.
Sil faut rester prudent, tous les problèmes nétant pas réglés au fond, je pense que ce qui a été décidé la semaine dernière a été perçu positivement.
Dernière question : quelle est la prochaine étape ?
La prochaine étape, comme la précédente, est conforme aux engagements du président de la République. Vous avez suivi avec suffisamment dattention la campagne présidentielle pour savoir que, cette question ayant été posée, la position du président, alors candidat, et entre-temps élu par les Français, a été de dire quil faudra que la réponse soit décidée par vous-mêmes, Mesdames et Messieurs les Parlementaires.
Concrètement, il faut dabord veiller à ce que toutes les décisions auxquelles je viens de faire allusion soient effectivement mises en pratique. Ce qui demande un travail très précis. Le 9 juillet aura lieu une réunion de lEurogroupe, et M. Moscovici, ministre de lÉconomie et des Finances, aura la redoutable tâche de commencer à mettre en pratique les décisions prises au mois de juin. Entre le mois doctobre et la fin de lannée, il faudra que le gouvernement soit extrêmement attentif sur toute une série de dispositions, pour que les choses ne se perdent pas dans les sables, comme cest parfois le cas, et queffectivement la taxe sur les transactions financières entre en application, que la Banque européenne dinvestissement soit saisie de demandes par vos régions, départements et communes, à travers lÉtat, afin que les succès obtenus se traduisent véritablement dans les faits.
Cela ne veut pas dire pour autant que les questions seront toutes réglées. Nous avons devant nous des problèmes énormes, par exemple en Grèce. Il y aura bien sûr à discuter des perspectives financières pour 2014-2020 ; cela ne se présente pas facilement. M. Cazeneuve aime à souligner le paradoxe en la matière : dun côté, on nous demande, au niveau européen, de réaliser des économies dans nos budgets nationaux et, de lautre, si nous voulons donner un peu de muscle à lEurope, nous savons que des budgets suffisants sont nécessaires. Dautres contradictions existent encore. De même, il faudra discuter sur toute une série dautres sujets qui ne sont pas directement financiers.
En outre, il faudra que cette discussion ouverte par le rapport Van Rompuy, nous layons entre nous. Cest une discussion fondamentale. La majorité de cette assemblée est favorable à des avancées européennes, mais pas, comme aurait dit le général de Gaulle, en sautant sur nos chaises. François Hollande a employé lexpression d« intégration solidaire» : il faut quà chaque fois quune compétence doit être partagée, il y ait une avancée de lintégration, de la solidarité et un contrôle démocratique. Ce qui soulève toute une série de problèmes. Est-ce quon procède à vingt-sept ? Dans certains cas, cest possible, dans dautres non. Est-ce quon procède à dix-sept ? Est-ce que, dans dautres cas, on procède sous forme de coopération renforcée ? Et comment le contrôle sexerce-t-il ? Cest la réflexion que nous conduirons ensemble au cours des prochains mois.
Il faudra voir si nous soumettons tout cela à la population française directement ou bien à ses représentants.
Le Conseil constitutionnel devra être consulté pour la partie relative au pacte budgétaire, puisquil sagit dun traité international. Il nous dira sil faut ou non réviser la Constitution. Dès lors quil sera possible - cest notre analyse - de procéder avec un ordre juridique constant, vous serez saisis, Mesdames et Messieurs les Députés, le plus vite possible de lensemble de ces dispositions : du pacte budgétaire, bien sûr, mais aussi du pacte de croissance et demploi, de la taxe sur les transactions financières, des autres dispositions qui vont dans le sens souhaité par vous-mêmes et beaucoup dautres.
Quand pourrons-nous le faire ? Cela paraît difficile de le faire au cours de la présente session extraordinaire, mais ce sera le plus tôt possible à la rentrée, pour que nous ayons une direction européenne clairement affirmée.
Dans la campagne législative que nous avons tous menée, comme dans la campagne présidentielle, je suis sûr que vous avez été frappés comme moi par une différence, et même une divergence, voire un fossé, entre, dun côté, ladhésion de nos concitoyens à lidée européenne - les Français sont, dune façon générale, pour lidée européenne - et, de lautre, leur réticence sur les modalités pratiques, sur la traduction de cette idée. Au fond, ils nous disent que lEurope doit être une solution et non un problème.
Il y a là quelque chose de très menaçant, non seulement dun point de vue économique mais aussi dun point de vue démocratique, car il faut que nos concitoyens se retrouvent dans le projet que nous sommes en train de bâtir. Ce qui a été obtenu la semaine dernière est positif dans la mesure où cela permet, à condition que cela soit traduit concrètement, de réduire ce fossé, de montrer à nos compatriotes que lEurope, corrigée sur de nombreux points, peut être une solution et non un problème supplémentaire.
Je me rappelle lanecdote qui courait il y a quelques années au sujet dHenry Kissinger, lequel disait : «LEurope, très bien, mais quel est le numéro de téléphone ?» Aujourdhui, il y a un numéro de téléphone, et même plusieurs - ce qui est dailleurs un des problèmes -, mais sil est important davoir un numéro, il faut surtout avoir une réponse au téléphone !
Ce qui sesquisse à travers les décisions prises la semaine dernière, pour lesquelles le président français a joué un rôle majeur, cest une réponse aux interrogations européennes de nos concitoyens. Et parce que les résultats du Sommet de Bruxelles vont dans le bon sens sur cette réponse, je suis heureux, au nom du président de la République et du gouvernement, de vous les avoir présentés.
* M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des Affaires européennes.
Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs les Députés,
Je veux tout dabord remercier lensemble des orateurs qui se sont exprimés lors de ce débat - un débat dont chacun aura noté limportance, et qui soulève des questions extrêmement sérieuses.
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Vous avez insisté sur la nécessité de tenir compte des réalités de lUnion européenne et des économies qui la composent, en matière de compétitivité, de rétablissement des comptes publics et de relation avec lAllemagne, afin de pouvoir contribuer à la consolidation de lEurope.
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De notre point de vue, la France est un grand pays qui doit pouvoir, dans les relations quil entretient avec ses partenaires européens, formuler des orientations, indiquer des préférences et, disons-le, essayer de convaincre ! Cest ce que nous avons fait, ce qui nous a permis dobtenir, au terme du Conseil européen de la semaine dernière, des décisions extrêmement précises sur des sujets essentiels.
Croyez-moi, ce nest pas sans difficultés que nous avons obtenu, lors du Conseil «Affaires générales» de lUnion européenne qui sest tenu la semaine dernière, un accord sur le pacte de croissance constituant laboutissement de longues discussions. Les dix milliards deuros de recapitalisation de la Banque européenne dinvestissement qui, selon vous, étaient déjà acquis, je peux vous assurer quils ne létaient pas du tout lors du Conseil «Affaires générales» de Bruxelles, la semaine dernière : un certain nombre de pays dinspiration libérale nen voulaient pas du tout, et trouvaient même cette idée totalement saugrenue. Si la Commission avait envisagé cette proposition, la France ne lavait jamais formulée avec autant que conviction que nous lavons fait.
Selon vous, en acceptant la recapitalisation des banques, nous aurions renoncé aux convictions que nous avions exprimées. Mais vous savez très bien, Mesdames et Messieurs les Députés de lopposition, que le principal problème auquel nous avons été confrontés au cours des dernières années, cest ce lien, criminel pour les économies, qui unissait la dette souveraine et la dette bancaire, formant ainsi un cercle vicieux. Tous les économistes - de droite comme de gauche - vous diront que la meilleure manière déviter la poursuite de laustérité et lenlisement des économies consiste à rompre ce lien. Pour cela, nous devons être en situation dassurer la recapitalisation des banques par le mécanisme européen de stabilité. Cela ne doit toutefois pas se faire sans conditions, comme vous lavez fait quand vous avez accepté de soutenir les banques françaises sans exiger, en contrepartie, dexercer un contrôle au sein de leurs conseils dadministration, de remettre en cause les rémunérations des traders et les dérives dans les pratiques bancaires.
Pour notre part, lorsque nous avons proposé la recapitalisation directe des banques par le mécanisme européen de stabilité, nous avons assorti cette proposition dun système de supervision garantissant que les banques ne se laisseront plus aller aux mêmes errements que naguère. Voilà ce que nous avons réussi à obtenir.
Vous affirmez que nous nous serions rangés aux côtés de lItalie et de lEspagne pour jouer les porte-parole des États du Sud, face à une Allemagne dont nous aurions divorcé. Cest là une vision à la fois restrictive et fausse des choses, tellement éloignée de la réalité que jai du mal à croire quelle corresponde réellement à ce que vous pensez.
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Au cours des quatre dernières semaines, des pays comme lEspagne et lItalie nous ont dit que leurs peuples souffraient ; ils sont confrontés à de grandes difficultés. Ces pays ont mis en place des politiques auxquelles, contrairement à ce que vous avez dit, nous nadhérons pas, parce quelles ne sont pas la nôtre. Mais nous reconnaissons quelles ont représenté pour ces peuples des efforts considérables. Ces politiques, qui se caractérisent par de la rigueur - je dirai même de laustérité -, ont conduit à la souffrance des peuples. Elles se traduisent par des augmentations des taux dintérêt qui ruinent la possibilité pour ces États davoir jamais accès à la croissance.
Eh bien, ces pays nous disent : «Nous voulons que les taux dintérêt soient maîtrisés. Nous voulons inscrire les spreads dans un cadre grâce auquel les efforts que nous avons imposés à nos peuples nous permettent de connaître enfin la croissance.» Nous acceptons cette revendication ; nous nous en faisons même le porte-parole, parce que nous considérons quil est bon pour lEurope que le fonds européen de stabilité financière et le mécanisme européen de stabilité puissent intervenir sur le marché des obligations. Ainsi, les taux baisseront et les pays concernés ne seront pas confrontés à laustérité. Pour ce faire, nous avons parlé avec lEspagne et lItalie, mais aussi avec lAllemagne. En effet, selon nous, le rôle de la France est dêtre un trait dunion entre les pays du Sud, qui demandent à ce que la solidarité sexerce, et lAllemagne, avec laquelle nous voulons approfondir notre relation, sans laquelle il ny a pas davenir pour lEurope.
Je puis vous assurer que Mme Merkel, au terme de quatre semaines de discussions approfondies sur ces sujets sérieux avec le président de la République française, a trouvé en lui un interlocuteur stable, avec lequel on peut parler sérieusement de questions qui engagent lavenir. Et, avec cette façon de travailler, nous créons la possibilité de consolider durablement le couple franco-allemand.
Ce que vous appelez un renoncement nest rien dautre que la mise en uvre, méthodique et méticuleuse, des engagements que nous avons pris devant les Français, en consolidant la relation franco-allemande et en la rééquilibrant, parce quil ny a pas de bon couple franco-allemand qui ne soit équilibré. De plus, nous avons fait en sorte que cette relation souvre à nos partenaires, car il ne peut y avoir dEurope à deux : lEurope se fait à vingt-sept et, dans la zone euro, nous devons parler avec nos seize autres partenaires.
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Le discours que nous tenons à Paris est un discours de rétablissement de la discipline budgétaire. La dette, comme une gangrène de léconomie française, na cessé de progresser au cours des dernières années ; le chômage mine lespérance dans notre pays. Voilà la situation qui nous a été léguée.
Personne au sein de la majorité, aucun ministre siégeant sur les bancs du gouvernement nimagine, ne serait-ce quune minute, quil serait possible dengager la France dans le redressement sans un effort de discipline budgétaire qui permette le rétablissement de nos comptes.
Oui, les déficits et les dettes minent la croissance, mais il nest pas possible non plus de rétablir les comptes sans un retour de la croissance. Mais nous pensons que le rétablissement des comptes publics doit se faire dans la justice.
Nous pensons quil est possible de rétablir les comptes publics sans pour autant accroître les injustices sociales. Nous rétablirons les comptes publics en même temps que nous créerons en France les conditions de la croissance.
La mise en place dune banque publique dinvestissement est précisément destinée à favoriser laccès des PME au financement. En même temps, nous souhaitons réformer profondément limpôt sur les sociétés, de façon à ce que les PME et PMI qui innovent, qui investissent, qui essaient de créer les conditions de la croissance, soient moins taxées quelles ne létaient jusquà présent, au détriment - il est vrai - des grands groupes, que leurs profits parfois démesurés conduisaient à investir dans les marchés financiers, contribuant dailleurs ainsi au dérèglement dune finance démente. Voilà ce que nous allons faire pour la croissance et le rétablissement des comptes publics, dans la justice, en France.
Je voudrais dire également quelques mots sur la suite. En effet, il a été dit - même si lon a vu que cela nest pas exact - que, lors de ce sommet, on avait engrangé les résultats de décisions qui étaient déjà dans les tuyaux, et que, maintenant, il ny aurait plus rien sur le métier. Plus rien ne serait donc possible. Nous vous disons au contraire, Chers Parlementaires de lopposition, quil y a encore beaucoup de choses à faire. Et ce qui reste à faire se fera en sengageant sur un chemin extraordinairement escarpé et difficile.
Vous avez parlé, par exemple, de la nécessité de conforter la relation franco-allemande et lunion économique et monétaire. Cest bien le but de la feuille de route sur laquelle travaille M. Van Rompuy, qui doit nous conduire nous-mêmes à faire encore et toujours des propositions, pour continuer à exercer une magistrature dans lopinion, dans le but de conforter lUnion européenne. Ce travail est devant nous. Nous allons essayer de laccomplir, mais pas dans lexcès et loutrance.
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Nous avancerons, disais-je, sur ce chemin ; nous progresserons en faisant des propositions, avec le souhait de réaliser un processus dintégration politique qui conforte lUnion européenne. À cet égard, je voudrais répondre en quelques mots à ce qui a été dit tout à lheure, qui ne me paraît pas correspondre à la réalité de ce que nous avons vécu.
Dun côté, il y aurait le grand saut fédéral, proposé par lAllemagne, auquel nous aurions renoncé en ne saisissant pas la main que nous tendait Mme Merkel. De lautre côté - et la meilleure preuve en serait que les deux ministres présents ici aujourdhui, chargés des affaires étrangères et des affaires européennes, ont voté non à la Constitution européenne -, il y aurait une France souverainiste. Mais on ne peut regarder la réalité de lEurope daujourdhui dans un rétroviseur.
Si nous voulons réussir lEurope, si nous voulons faire en sorte de pouvoir, tout en étant solidaires des peuples qui souffrent, créer les conditions dun renforcement de lEurope et dune plus grande efficience des outils dont elle est dotée. ( ) Ce ne sont pas seulement des mots, précisément parce que nos partenaires européens nous demandent que, en parallèle au renforcement des outils dont nous disposons, il y ait un processus dintégration supplémentaire.
Nous aurions donc tort dopposer la solidarité à lintégration. Je dirai même que la solidarité, dès lors quelle allège la souffrance des peuples, quelle permet aux pays les plus en difficulté de connaître le redressement, peut avoir pour corollaire lintégration.
Voilà pourquoi nous avons souhaité lintégration solidaire : lorsque lon est solidaire de ceux qui souffrent, lintégration progresse un peu. Un climat de confiance, de solidarité et dunité permet à lUnion daller plus loin. Nopposons donc pas lintégration à la solidarité ; créons les conditions pour que lintégration progresse à mesure que la solidarité se renforce.
Tel est le projet que porte le président de la République. Cest dans cet esprit que nous entendons conforter la feuille de route proposée par M. Van Rompuy, qui doit être préemptée par les États dans les mois qui viennent, au cours de la discussion intergouvernementale et en lien avec les institutions européennes, pour conforter lensemble.
Par ailleurs, si tous les orateurs - même ceux qui ont été les plus critiques, auxquels je memploie à répondre - ont insisté sur la nécessité de donner à lensemble des mesures que nous nous apprêtons à adopter dans les mois qui viennent le maximum de force, certains ont objecté que les mesures adoptées par le Conseil européen nont pas la même force que le traité.
Cest vrai. Je vous ferai tout de même remarquer que le président du Parlement européen - au sein duquel sont représentées de nombreuses sensibilités, dont certaines sont proches de vous, comme jai pu le constater hier à Strasbourg, où jai rencontré lensemble des présidents de groupe - a proposé un accord interinstitutionnel sur les dispositions arrêtées lors du Conseil européen, ce qui témoigne de limportance quil leur accorde.
Le Conseil, à cause des conservateurs européens, qui ne nous permettent pas daller aussi loin que nous le souhaitons, na pas retenu ce principe, que souhaitait le Parlement et que nous avions appuyé parce quil nous paraissait intéressant. Toujours est-il que cela témoigne bien du fait que les institutions ont compris limportance de ce que nous faisions.
Pour conclure, lintention du gouvernement, sur ces sujets, est de faire en sorte que le pacte de croissance, qui viendra à côté de la discipline budgétaire, donne une perspective équilibrée, solide et pérenne de renforcement de lEurope et des solidarités quelle porte comme une espérance depuis sa création.
Nous ferons tout, dans les mois qui viennent, pour que ce processus soit consolidé, conforté, approfondi, dans le respect de nos partenaires et tout en renforçant la relation franco-allemande - une relation rééquilibrée et ouverte à dautres pays.
Nous voulons aussi faire en sorte de porter ensemble, dans cet hémicycle, au moyen dune relation que nous souhaitons la plus apaisée et la plus constructive possible avec lensemble des groupes, un grand projet européen, qui lui-même porte une ambition pour la France.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 juillet 2012
Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs les Députés,
Je retrouve avec plaisir le calme de cette assemblée. Avant daborder le débat qui nous occupe, Je voudrais dire lhonneur et le plaisir que cela représente pour mon ami Bernard Cazeneuve et pour moi-même de me retrouver devant vous. Nous sommes à la disposition de lAssemblée nationale, sachez-le.
Aujourdhui, nous allons discuter de limportant sommet européen qui a eu lieu la semaine dernière. Je vais essayer dabord de vous en décrire les résultats dans les grandes lignes, ensuite de répondre à une question légitime qui a été posée par les commentateurs - qui a gagné, qui a perdu ? - et, enfin, den examiner les suites.
Ce sommet, sommet européen traditionnel, qui avait été précédé de dix-sept ou dix-huit sommets censés mettre fin à la crise, ce qui, malheureusement, nous le savons, na pas été le cas, a été, comme tous les sommets, loccasion de discussions extrêmement profondes. Des résultats ont été obtenus, que je veux résumer devant vous.
Le premier, qui a fait les grands titres des journaux, à juste titre, cest que, pour la première fois depuis des années, a été conclu un pacte de croissance et demploi, lune des revendications, vous le savez, du candidat François Hollande, devenu depuis président de la République française.
Ce pacte de croissance est composé de plusieurs éléments.
Il comprend dabord une augmentation du capital de la Banque européenne dinvestissement. Cest une banque assez discrète mais fort importante parce quelle permet de réaliser toute une série dinvestissements publics dans vos collectivités. Il a été décidé, sur proposition notamment de la France, que cette Banque, qui manquait de fonds propres, pourrait être recapitalisée à hauteur de 10 milliards deuros ; cela signifie quà partir du moment où ces fonds auront été versés, avant la fin de lannée, elle pourra consentir un certain nombre de prêts. On estime à 60 milliards deuros les sommes disponibles, lesquelles, par un effet multiplicateur de partenariat, pourront aboutir à engager 180 milliards deuros de crédits nouveaux, qui, chacun en conviendra, seront bien utiles à linvestissement dans notre pays au moment où tant de difficultés nous assaillent.
Dans le même ordre didées, des fonds structurels étaient disponibles, soit 55 milliards deuros. Il a été décidé que ces fonds, qui nétaient pas encore engagés, seraient réorientés. Les différents pays dEurope pourront donc disposer de 55 milliards deuros pour la croissance.
Le troisième élément nest pas sans importance malgré son caractère expérimental pour le moment. Il sagit de ce que les Anglais appellent les project bonds, cest-à-dire des emprunts pour financer des projets. Dun montant de cinq milliards deuros, ces fonds peuvent être utilisés pour des choses aussi importantes que les économies dénergie ou les transports, bref ce qui favorise linvestissement et assure lamélioration de la vie dans nos régions et dans nos départements.
Ce ne sont pas les seuls éléments décidés en faveur de la croissance.
Dans le même esprit, même si cela semble un sujet différent, une affaire traîne - je peux en témoigner - depuis plus de vingt-cinq ans : la mise en place du brevet unitaire européen, qui butait sur des querelles techniques et politiques, a été résolue. Elle la dailleurs été dans lintérêt de la France, car le siège de lorganisation y sera principalement situé et son premier président sera français. Le problème du brevet européen, sous réserve des dispositions que devra prendre le Parlement européen, peut donc être considéré comme réglé.
Enfin, un sujet auquel nous sommes tous sensibles : la fameuse taxe sur les transactions financières, dont on avait tellement parlé et qui avait donné lieu à tant de commentaires. Elle a été décidée dans son principe, non pas pour lensemble des pays de lUnion européenne puisque des pays nen veulent pas, mais sous forme de coopération renforcées dès lors que neuf États - ils y sont déjà disposés - auront pris la décision dinstituer cette taxe, laquelle répondra utilement aux besoins.
Si vous additionnez lensemble de ces mesures - 180 milliards deuros par le biais de la Banque européenne dinvestissement, 55 milliards au titre des fonds structurels, 5 milliards pour les project bonds, linfluence de la taxe sur les transactions financières et le brevet européen -, vous parvenez à adopter ce qui est expressément appelé «pacte demploi et de croissance» sous la forme dune décision. Dans le vocable européen, la décision signifie quelque chose ; ce nest pas la même chose quune recommandation ou quune résolution.
Cette décision, qui doit se traduire en termes concrets, à condition que le gouvernement français, les régions, les départements et les communes présentent des demandes dans les mois qui viennent, permettra un soutien fort utile à la croissance et à lemploi dans notre pays.
Voilà pour la première partie qui correspond à une demande, de la France ai-je dit, mais pas seulement. De nombreux pays ont pris le relais de cette demande française, certains dune manière inattendue. Cest lun des principaux succès de ce sommet des 28 et 29 juin.
Deuxième résultat fort utile qui va dans le même sens, me semble-t-il : nous avons pu débloquer non pas toute la crise financière, ce serait illusoire de le dire, mais une part importante de celle-ci en prenant des dispositions qui là aussi semblent être techniques, et le sont, mais qui ont une traduction concrète que je vais essayer dexpliquer.
Lune des difficultés rencontrées tenait à ce que certaines banques manquaient de capitaux. Ce sont les entreprises et les particuliers qui subissaient les conséquences du manque dont étaient victimes les banques. Il a été rendu possible de recapitaliser les banques sans passer les États comme cétait le cas auparavant. La mobilisation des États créait un cercle vicieux : largent émis par eux pour la recapitalisation donnait lieu à un surcroît de déficit qui avait pour conséquence laugmentation des taux dintérêt.
Grâce à cette décision qui demandait de laudace et était réclamée depuis longtemps, notamment par la France, au lieu de passer par les États le fonds européen de stabilité financière et le mécanisme européen de stabilité pourront demain recapitaliser directement les banques. Cela permettra de faire face aux exigences financières sans augmenter les déficits et de favoriser ainsi une baisse des taux dintérêt.
Parallèlement, des dispositions ont été prises - nous entrons là dans la technique des techniques - pour corriger une erreur, car à tout le moins une décision prise précédemment était une erreur. En vertu de celle-ci, le mécanisme européen de stabilité était prioritaire pour lexigibilité des créances. Cette mesure en apparence positive pour ces fonds avait en réalité pour conséquence de dissuader les autres prêteurs - les fonds dinvestissement privés - daccorder des prêts au fonds actuel et, demain, au mécanisme. Ces créanciers privés navaient pas lassurance dêtre remboursés en cas de faillite du fait de la garantie de premier rang des États. Il était par conséquent difficile de trouver les fonds nécessaires. Il a donc été décidé de permettre des émissions de créances, directement et sans accorder - cest le terme technique - de privilège de séniorité.
Dernier élément en matière financière, il a été décidé, cest important, que le fonds de stabilité financière puis demain le mécanisme européen de stabilité, par lintermédiaire de la Banque centrale européenne, pourraient plus aisément souscrire directement des obligations, allégeant ainsi les contraintes des États.
Autre perspective importante, il a été décidé dans le même mouvement de mettre en place un système de supervision bancaire. Jusquà présent, la surveillance des banques na pas été, on peut le dire, très efficace comme en témoignent les difficultés espagnoles notamment. Cette supervision, assurée pour lessentiel par la banque centrale européenne, permettra de sassurer que les banques ne se livrent pas à des opérations de cavalerie.
En plus du pacte de croissance, la deuxième série de décisions importantes institue donc en matière financière un régime beaucoup plus sécurisé quil ne létait par le passé.
Ce sommet a pris des décisions sur un troisième point fort important lui aussi. Un rapport avait été confié à quatre personnalités : le président de la Commission européenne, le président de lEurogroupe, le président de la Banque centrale européenne et le président du Conseil. M. Herman van Rompuy, président du Conseil européen, a ainsi remis des propositions sur ce que pourrait être dans le futur larchitecture européenne. Jindique, pour traduire la vérité, quaucun accord nest intervenu lors du sommet sur ces questions. Plusieurs pays ont fait part de leur point de vue. Il est vrai que les questions posées sont très importantes pour nous tous. Doit-on sen tenir à lintégration actuelle qui est assez limitée, ce qui explique les difficultés que lon connaît ? Nous connaissons les difficultés que pose lexistence dune monnaie unique sans une politique économique et une politique monétaire harmonisées et sans un contrôle démocratique, car nous en subissons les conséquences.
La proposition de M. Van Rompuy, quil appelle de ses vux, prévoit quau fur et à mesure quune intégration plus grande sera réalisée, une compétence partagée sera mise en place donnant lieu à une solidarité nouvelle et accompagnée dun contrôle démocratique plus effectif. On ne peut pas imaginer, nous ne serions pas daccord avec cette perspective, que des décisions renforçant lintégration soient prises sans que vous-même ou le Parlement européen y soient associés.
Une discussion a donc eu lieu - il ne sagit encore que de perspectives et non de décisions concrètes. Un rapport intérimaire, remis en octobre, et un rapport final en décembre doivent proposer une perspective, que nous soutenons, dintégration solidaire aux uns et aux autres.
Ces résultats, acquis au prix de discussions très difficiles, ont été accompagnés davancées qui pour certaines seront des avancées de vocabulaire, mais qui ne sont pas seulement cela. La réciprocité commerciale, qui correspond à une idée chère sur plusieurs bancs de lAssemblée, a été retenue dans le pacte. Cela comprend lexigence que les marchés publics, ouverts en Europe, le soient aussi dans dautres pays, ou encore la prise en compte de critères environnementaux, sociaux et monétaires dans les discussions avec lAsie ou dautres continents. Toutes ces questions ont été amorcées, je ne dis pas plus que cela, à travers une série de sujets.
Il a été enfin dit que toutes les dispositions prises, ou toutes les décisions au sens juridique du terme, devaient être destinées à renforcer la croissance, à améliorer lemploi, des jeunes notamment, et à lancer des projets utiles à la fois à nos nations et à lensemble européen - jai parlé des transports, des économies dénergie ; dans nombre dautres secteurs, nous avons besoin évidemment de croissance supplémentaire.
Au terme de ces heures de réunions et de discussions intenses, avec une série de coups de théâtre qui font partie des traditions bruxelloises, les résultats ont été jugés généralement positifs par les commentateurs.
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Le président de la République lui-même na pas voulu faire de triomphalisme. En réponse à la question : «qui a gagné ? qui a perdu ?», na-t-il pas répondu : «cest lEurope qui a gagné» ? Il a eu raison de répondre ainsi. Sans être du tout en désaccord avec lui, je pourrais répondre que je ne sais pas qui a gagné, mais, comme aurait dit Joffre, je sais qui aurait perdu si nous navions obtenu ces résultats.
Il y a donc eu, oui, de bons résultats. À quoi sont-ils dus ? Linitiative de la France de soumettre un pacte de croissance a été soutenue y compris hors dEurope. Jai été frappé, en accompagnant le président de la République aux États-Unis dans plusieurs sommets, du G8 et du G20, de voir à quel point cette idée de la croissance nécessaire était soutenue, par Barak Obama et par de nombreux autres. Du même coup, par un effet indirect, cela a pu peser sur certains de nos collègues des autres pays.
En Espagne, en Italie, la même volonté de croissance voit le jour et nous pouvons le comprendre. Dans la situation actuelle, tous les pays sont conduits à des économies budgétaires. Sil se produit uniquement une diminution de la masse monétaire ou financière infusée dans les différentes économies, sans aucune compensation au niveau européen, on ira alors vers la récession. Cest pourquoi nous avons obtenu un soutien extrêmement appuyé de la part de pays comme lItalie ou lEspagne.
Lautre élément qui explique ce que je peux considérer comme un succès, cest que le rapport entre lAllemagne et la France - la question a été soulevée et elle le mérite - na pas été traitée de la même manière par ce gouvernement que par ses prédécesseurs. Entendons-nous bien : pour nous, lamitié, la coopération entre la France et lAllemagne est un élément absolument central. Il ne peut en être autrement, ne serait-ce que parce que la France et lAllemagne représentent à elles deux la moitié du produit intérieur brut européen. Mais pour que les choses fonctionnent bien, il faut que cette coopération soit non seulement centrale, mais aussi égale et partenariale.
Pour quelle soit égale, il faut, comme dans tout couple équilibré, que les uns et les autres reconnaissent leurs droits mutuellement et essaient de se comprendre. Je fais souvent sourire mes amis allemands en leur disant quil faut parfois expliquer aux Français que les Allemands ne sont pas des Français qui parlent allemand ! Cest un peu plus compliqué que cela. Symétriquement, il faut que nos amis allemands - et beaucoup le comprennent - mesurent bien quil ny a pas de santé pérenne possible pour lAllemagne si lEurope est durablement déprimée, dans la mesure où nous sommes ses premiers clients et ses premiers fournisseurs. Cette idée commence, me semble-t-il, à se faire jour.
De même, il faut aussi un partenariat. On a besoin du moteur franco-allemand, mais lEurope ne peut fonctionner dans un système de condominium franco-allemand qui décide pour tous les autres. Nous devons nous tourner aussi vers les autres pays, lItalie, lEspagne, la Belgique , de même que vers les autres institutions : le Parlement européen, le Parlement national de la France, la Commission, le Conseil, la Banque centrale européenne Si un succès a été remporté, ce nest pas pour la France, lItalie ou lAllemagne, mais cest pour lensemble de lEurope.
Sil faut rester prudent, tous les problèmes nétant pas réglés au fond, je pense que ce qui a été décidé la semaine dernière a été perçu positivement.
Dernière question : quelle est la prochaine étape ?
La prochaine étape, comme la précédente, est conforme aux engagements du président de la République. Vous avez suivi avec suffisamment dattention la campagne présidentielle pour savoir que, cette question ayant été posée, la position du président, alors candidat, et entre-temps élu par les Français, a été de dire quil faudra que la réponse soit décidée par vous-mêmes, Mesdames et Messieurs les Parlementaires.
Concrètement, il faut dabord veiller à ce que toutes les décisions auxquelles je viens de faire allusion soient effectivement mises en pratique. Ce qui demande un travail très précis. Le 9 juillet aura lieu une réunion de lEurogroupe, et M. Moscovici, ministre de lÉconomie et des Finances, aura la redoutable tâche de commencer à mettre en pratique les décisions prises au mois de juin. Entre le mois doctobre et la fin de lannée, il faudra que le gouvernement soit extrêmement attentif sur toute une série de dispositions, pour que les choses ne se perdent pas dans les sables, comme cest parfois le cas, et queffectivement la taxe sur les transactions financières entre en application, que la Banque européenne dinvestissement soit saisie de demandes par vos régions, départements et communes, à travers lÉtat, afin que les succès obtenus se traduisent véritablement dans les faits.
Cela ne veut pas dire pour autant que les questions seront toutes réglées. Nous avons devant nous des problèmes énormes, par exemple en Grèce. Il y aura bien sûr à discuter des perspectives financières pour 2014-2020 ; cela ne se présente pas facilement. M. Cazeneuve aime à souligner le paradoxe en la matière : dun côté, on nous demande, au niveau européen, de réaliser des économies dans nos budgets nationaux et, de lautre, si nous voulons donner un peu de muscle à lEurope, nous savons que des budgets suffisants sont nécessaires. Dautres contradictions existent encore. De même, il faudra discuter sur toute une série dautres sujets qui ne sont pas directement financiers.
En outre, il faudra que cette discussion ouverte par le rapport Van Rompuy, nous layons entre nous. Cest une discussion fondamentale. La majorité de cette assemblée est favorable à des avancées européennes, mais pas, comme aurait dit le général de Gaulle, en sautant sur nos chaises. François Hollande a employé lexpression d« intégration solidaire» : il faut quà chaque fois quune compétence doit être partagée, il y ait une avancée de lintégration, de la solidarité et un contrôle démocratique. Ce qui soulève toute une série de problèmes. Est-ce quon procède à vingt-sept ? Dans certains cas, cest possible, dans dautres non. Est-ce quon procède à dix-sept ? Est-ce que, dans dautres cas, on procède sous forme de coopération renforcée ? Et comment le contrôle sexerce-t-il ? Cest la réflexion que nous conduirons ensemble au cours des prochains mois.
Il faudra voir si nous soumettons tout cela à la population française directement ou bien à ses représentants.
Le Conseil constitutionnel devra être consulté pour la partie relative au pacte budgétaire, puisquil sagit dun traité international. Il nous dira sil faut ou non réviser la Constitution. Dès lors quil sera possible - cest notre analyse - de procéder avec un ordre juridique constant, vous serez saisis, Mesdames et Messieurs les Députés, le plus vite possible de lensemble de ces dispositions : du pacte budgétaire, bien sûr, mais aussi du pacte de croissance et demploi, de la taxe sur les transactions financières, des autres dispositions qui vont dans le sens souhaité par vous-mêmes et beaucoup dautres.
Quand pourrons-nous le faire ? Cela paraît difficile de le faire au cours de la présente session extraordinaire, mais ce sera le plus tôt possible à la rentrée, pour que nous ayons une direction européenne clairement affirmée.
Dans la campagne législative que nous avons tous menée, comme dans la campagne présidentielle, je suis sûr que vous avez été frappés comme moi par une différence, et même une divergence, voire un fossé, entre, dun côté, ladhésion de nos concitoyens à lidée européenne - les Français sont, dune façon générale, pour lidée européenne - et, de lautre, leur réticence sur les modalités pratiques, sur la traduction de cette idée. Au fond, ils nous disent que lEurope doit être une solution et non un problème.
Il y a là quelque chose de très menaçant, non seulement dun point de vue économique mais aussi dun point de vue démocratique, car il faut que nos concitoyens se retrouvent dans le projet que nous sommes en train de bâtir. Ce qui a été obtenu la semaine dernière est positif dans la mesure où cela permet, à condition que cela soit traduit concrètement, de réduire ce fossé, de montrer à nos compatriotes que lEurope, corrigée sur de nombreux points, peut être une solution et non un problème supplémentaire.
Je me rappelle lanecdote qui courait il y a quelques années au sujet dHenry Kissinger, lequel disait : «LEurope, très bien, mais quel est le numéro de téléphone ?» Aujourdhui, il y a un numéro de téléphone, et même plusieurs - ce qui est dailleurs un des problèmes -, mais sil est important davoir un numéro, il faut surtout avoir une réponse au téléphone !
Ce qui sesquisse à travers les décisions prises la semaine dernière, pour lesquelles le président français a joué un rôle majeur, cest une réponse aux interrogations européennes de nos concitoyens. Et parce que les résultats du Sommet de Bruxelles vont dans le bon sens sur cette réponse, je suis heureux, au nom du président de la République et du gouvernement, de vous les avoir présentés.
* M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des Affaires européennes.
Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs les Députés,
Je veux tout dabord remercier lensemble des orateurs qui se sont exprimés lors de ce débat - un débat dont chacun aura noté limportance, et qui soulève des questions extrêmement sérieuses.
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Vous avez insisté sur la nécessité de tenir compte des réalités de lUnion européenne et des économies qui la composent, en matière de compétitivité, de rétablissement des comptes publics et de relation avec lAllemagne, afin de pouvoir contribuer à la consolidation de lEurope.
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De notre point de vue, la France est un grand pays qui doit pouvoir, dans les relations quil entretient avec ses partenaires européens, formuler des orientations, indiquer des préférences et, disons-le, essayer de convaincre ! Cest ce que nous avons fait, ce qui nous a permis dobtenir, au terme du Conseil européen de la semaine dernière, des décisions extrêmement précises sur des sujets essentiels.
Croyez-moi, ce nest pas sans difficultés que nous avons obtenu, lors du Conseil «Affaires générales» de lUnion européenne qui sest tenu la semaine dernière, un accord sur le pacte de croissance constituant laboutissement de longues discussions. Les dix milliards deuros de recapitalisation de la Banque européenne dinvestissement qui, selon vous, étaient déjà acquis, je peux vous assurer quils ne létaient pas du tout lors du Conseil «Affaires générales» de Bruxelles, la semaine dernière : un certain nombre de pays dinspiration libérale nen voulaient pas du tout, et trouvaient même cette idée totalement saugrenue. Si la Commission avait envisagé cette proposition, la France ne lavait jamais formulée avec autant que conviction que nous lavons fait.
Selon vous, en acceptant la recapitalisation des banques, nous aurions renoncé aux convictions que nous avions exprimées. Mais vous savez très bien, Mesdames et Messieurs les Députés de lopposition, que le principal problème auquel nous avons été confrontés au cours des dernières années, cest ce lien, criminel pour les économies, qui unissait la dette souveraine et la dette bancaire, formant ainsi un cercle vicieux. Tous les économistes - de droite comme de gauche - vous diront que la meilleure manière déviter la poursuite de laustérité et lenlisement des économies consiste à rompre ce lien. Pour cela, nous devons être en situation dassurer la recapitalisation des banques par le mécanisme européen de stabilité. Cela ne doit toutefois pas se faire sans conditions, comme vous lavez fait quand vous avez accepté de soutenir les banques françaises sans exiger, en contrepartie, dexercer un contrôle au sein de leurs conseils dadministration, de remettre en cause les rémunérations des traders et les dérives dans les pratiques bancaires.
Pour notre part, lorsque nous avons proposé la recapitalisation directe des banques par le mécanisme européen de stabilité, nous avons assorti cette proposition dun système de supervision garantissant que les banques ne se laisseront plus aller aux mêmes errements que naguère. Voilà ce que nous avons réussi à obtenir.
Vous affirmez que nous nous serions rangés aux côtés de lItalie et de lEspagne pour jouer les porte-parole des États du Sud, face à une Allemagne dont nous aurions divorcé. Cest là une vision à la fois restrictive et fausse des choses, tellement éloignée de la réalité que jai du mal à croire quelle corresponde réellement à ce que vous pensez.
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Au cours des quatre dernières semaines, des pays comme lEspagne et lItalie nous ont dit que leurs peuples souffraient ; ils sont confrontés à de grandes difficultés. Ces pays ont mis en place des politiques auxquelles, contrairement à ce que vous avez dit, nous nadhérons pas, parce quelles ne sont pas la nôtre. Mais nous reconnaissons quelles ont représenté pour ces peuples des efforts considérables. Ces politiques, qui se caractérisent par de la rigueur - je dirai même de laustérité -, ont conduit à la souffrance des peuples. Elles se traduisent par des augmentations des taux dintérêt qui ruinent la possibilité pour ces États davoir jamais accès à la croissance.
Eh bien, ces pays nous disent : «Nous voulons que les taux dintérêt soient maîtrisés. Nous voulons inscrire les spreads dans un cadre grâce auquel les efforts que nous avons imposés à nos peuples nous permettent de connaître enfin la croissance.» Nous acceptons cette revendication ; nous nous en faisons même le porte-parole, parce que nous considérons quil est bon pour lEurope que le fonds européen de stabilité financière et le mécanisme européen de stabilité puissent intervenir sur le marché des obligations. Ainsi, les taux baisseront et les pays concernés ne seront pas confrontés à laustérité. Pour ce faire, nous avons parlé avec lEspagne et lItalie, mais aussi avec lAllemagne. En effet, selon nous, le rôle de la France est dêtre un trait dunion entre les pays du Sud, qui demandent à ce que la solidarité sexerce, et lAllemagne, avec laquelle nous voulons approfondir notre relation, sans laquelle il ny a pas davenir pour lEurope.
Je puis vous assurer que Mme Merkel, au terme de quatre semaines de discussions approfondies sur ces sujets sérieux avec le président de la République française, a trouvé en lui un interlocuteur stable, avec lequel on peut parler sérieusement de questions qui engagent lavenir. Et, avec cette façon de travailler, nous créons la possibilité de consolider durablement le couple franco-allemand.
Ce que vous appelez un renoncement nest rien dautre que la mise en uvre, méthodique et méticuleuse, des engagements que nous avons pris devant les Français, en consolidant la relation franco-allemande et en la rééquilibrant, parce quil ny a pas de bon couple franco-allemand qui ne soit équilibré. De plus, nous avons fait en sorte que cette relation souvre à nos partenaires, car il ne peut y avoir dEurope à deux : lEurope se fait à vingt-sept et, dans la zone euro, nous devons parler avec nos seize autres partenaires.
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Le discours que nous tenons à Paris est un discours de rétablissement de la discipline budgétaire. La dette, comme une gangrène de léconomie française, na cessé de progresser au cours des dernières années ; le chômage mine lespérance dans notre pays. Voilà la situation qui nous a été léguée.
Personne au sein de la majorité, aucun ministre siégeant sur les bancs du gouvernement nimagine, ne serait-ce quune minute, quil serait possible dengager la France dans le redressement sans un effort de discipline budgétaire qui permette le rétablissement de nos comptes.
Oui, les déficits et les dettes minent la croissance, mais il nest pas possible non plus de rétablir les comptes sans un retour de la croissance. Mais nous pensons que le rétablissement des comptes publics doit se faire dans la justice.
Nous pensons quil est possible de rétablir les comptes publics sans pour autant accroître les injustices sociales. Nous rétablirons les comptes publics en même temps que nous créerons en France les conditions de la croissance.
La mise en place dune banque publique dinvestissement est précisément destinée à favoriser laccès des PME au financement. En même temps, nous souhaitons réformer profondément limpôt sur les sociétés, de façon à ce que les PME et PMI qui innovent, qui investissent, qui essaient de créer les conditions de la croissance, soient moins taxées quelles ne létaient jusquà présent, au détriment - il est vrai - des grands groupes, que leurs profits parfois démesurés conduisaient à investir dans les marchés financiers, contribuant dailleurs ainsi au dérèglement dune finance démente. Voilà ce que nous allons faire pour la croissance et le rétablissement des comptes publics, dans la justice, en France.
Je voudrais dire également quelques mots sur la suite. En effet, il a été dit - même si lon a vu que cela nest pas exact - que, lors de ce sommet, on avait engrangé les résultats de décisions qui étaient déjà dans les tuyaux, et que, maintenant, il ny aurait plus rien sur le métier. Plus rien ne serait donc possible. Nous vous disons au contraire, Chers Parlementaires de lopposition, quil y a encore beaucoup de choses à faire. Et ce qui reste à faire se fera en sengageant sur un chemin extraordinairement escarpé et difficile.
Vous avez parlé, par exemple, de la nécessité de conforter la relation franco-allemande et lunion économique et monétaire. Cest bien le but de la feuille de route sur laquelle travaille M. Van Rompuy, qui doit nous conduire nous-mêmes à faire encore et toujours des propositions, pour continuer à exercer une magistrature dans lopinion, dans le but de conforter lUnion européenne. Ce travail est devant nous. Nous allons essayer de laccomplir, mais pas dans lexcès et loutrance.
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Nous avancerons, disais-je, sur ce chemin ; nous progresserons en faisant des propositions, avec le souhait de réaliser un processus dintégration politique qui conforte lUnion européenne. À cet égard, je voudrais répondre en quelques mots à ce qui a été dit tout à lheure, qui ne me paraît pas correspondre à la réalité de ce que nous avons vécu.
Dun côté, il y aurait le grand saut fédéral, proposé par lAllemagne, auquel nous aurions renoncé en ne saisissant pas la main que nous tendait Mme Merkel. De lautre côté - et la meilleure preuve en serait que les deux ministres présents ici aujourdhui, chargés des affaires étrangères et des affaires européennes, ont voté non à la Constitution européenne -, il y aurait une France souverainiste. Mais on ne peut regarder la réalité de lEurope daujourdhui dans un rétroviseur.
Si nous voulons réussir lEurope, si nous voulons faire en sorte de pouvoir, tout en étant solidaires des peuples qui souffrent, créer les conditions dun renforcement de lEurope et dune plus grande efficience des outils dont elle est dotée. ( ) Ce ne sont pas seulement des mots, précisément parce que nos partenaires européens nous demandent que, en parallèle au renforcement des outils dont nous disposons, il y ait un processus dintégration supplémentaire.
Nous aurions donc tort dopposer la solidarité à lintégration. Je dirai même que la solidarité, dès lors quelle allège la souffrance des peuples, quelle permet aux pays les plus en difficulté de connaître le redressement, peut avoir pour corollaire lintégration.
Voilà pourquoi nous avons souhaité lintégration solidaire : lorsque lon est solidaire de ceux qui souffrent, lintégration progresse un peu. Un climat de confiance, de solidarité et dunité permet à lUnion daller plus loin. Nopposons donc pas lintégration à la solidarité ; créons les conditions pour que lintégration progresse à mesure que la solidarité se renforce.
Tel est le projet que porte le président de la République. Cest dans cet esprit que nous entendons conforter la feuille de route proposée par M. Van Rompuy, qui doit être préemptée par les États dans les mois qui viennent, au cours de la discussion intergouvernementale et en lien avec les institutions européennes, pour conforter lensemble.
Par ailleurs, si tous les orateurs - même ceux qui ont été les plus critiques, auxquels je memploie à répondre - ont insisté sur la nécessité de donner à lensemble des mesures que nous nous apprêtons à adopter dans les mois qui viennent le maximum de force, certains ont objecté que les mesures adoptées par le Conseil européen nont pas la même force que le traité.
Cest vrai. Je vous ferai tout de même remarquer que le président du Parlement européen - au sein duquel sont représentées de nombreuses sensibilités, dont certaines sont proches de vous, comme jai pu le constater hier à Strasbourg, où jai rencontré lensemble des présidents de groupe - a proposé un accord interinstitutionnel sur les dispositions arrêtées lors du Conseil européen, ce qui témoigne de limportance quil leur accorde.
Le Conseil, à cause des conservateurs européens, qui ne nous permettent pas daller aussi loin que nous le souhaitons, na pas retenu ce principe, que souhaitait le Parlement et que nous avions appuyé parce quil nous paraissait intéressant. Toujours est-il que cela témoigne bien du fait que les institutions ont compris limportance de ce que nous faisions.
Pour conclure, lintention du gouvernement, sur ces sujets, est de faire en sorte que le pacte de croissance, qui viendra à côté de la discipline budgétaire, donne une perspective équilibrée, solide et pérenne de renforcement de lEurope et des solidarités quelle porte comme une espérance depuis sa création.
Nous ferons tout, dans les mois qui viennent, pour que ce processus soit consolidé, conforté, approfondi, dans le respect de nos partenaires et tout en renforçant la relation franco-allemande - une relation rééquilibrée et ouverte à dautres pays.
Nous voulons aussi faire en sorte de porter ensemble, dans cet hémicycle, au moyen dune relation que nous souhaitons la plus apaisée et la plus constructive possible avec lensemble des groupes, un grand projet européen, qui lui-même porte une ambition pour la France.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 juillet 2012