Déclaration de M. François Lamy, ministre délégué à la ville, sur la rencontre entre deux capitales mondiales, Paris et Sarajevo, à Sarajevo le 7 septembre 2012.

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Circonstance : Forum mondial de l'urbanisme, à Sarajevo (Bosnie-Herzégovine) le 7 septembre 2012

Texte intégral

Monsieur l’Ambassadeur,
Monsieur l’Adjoint au Maire de Paris,
Mesdames et Messieurs,
Je suis heureux de vous retrouver ce matin pour ouvrir la première conférence du Forum de l’urbanisme de Sarajevo. Je veux remercier son initiateur, Jean-François Daoulas, pour sa détermination et son énergie, et il en a fallu pour faire émerger ce beau projet ! Lorsqu’il m’a parlé il y a maintenant quelques années de son idée, j’étais alors très loin de penser que je viendrai l’inaugurer en tant que ministre de la Ville du gouvernement français.
Merci au Préfet Duport qui a accepté avec beaucoup de talent et de compétence de me remplacer à la tête de l’association il y a quelques moi.
Pour ceux qui ici me connaissent, vous devinez mon plaisir d’y retrouver des amis qui pour certains commencent à devenir de vieux amis.
Vous connaissez mon attachement pour les problématiques urbaines, cet attachement renforcé par les missions que m’a confié le Président de la République Fraçaise, François HOLLANDE. C’est dans les villes que s’invente le monde de demain, et nous le préparerons mieux en confrontant les expériences de ceux qui la fabrique au quotidien, les élus, les universitaires, les architectes. Ouvrir le dialogue, c’est toute l’idée de ces rencontres, qui permettront demain de construire la ville ensemble.
Aujourd’hui nos deux villes, Paris et Sarajevo, sont à la croisée des chemins : elles doivent réfléchir à leur avenir et proposer une vision pour se projeter dans le 21ème siècle.
Aujourd'hui, ici, ce ne sont pas les Parisiens ou les Français qui, fidèles à leur réputation, viennent faire la leçon et inventer le nouveau Sarajevo. Mais, simplement des amoureux de la ville, qui pensent que les débats qui ont lieu à Paris pourraient en inspirer d’autres ici, à Sarajevo. Demain, d’autres capitales, européennes ou non, viendront ici parler de leur expérience et de leur devenir.
A l’aube de ce 21ème siècle, Paris et Sarajevo sont confrontées à des problématiques certes différentes, mais peuvent avoir des objectifs semblables : faire de nos espaces urbains des espaces ouverts à tous, accueillants, créatifs, producteurs de richesses, porteur d’un autre mode de vie plus respectueux de l’avenir de notre bien commun : la Planète. L’enjeu est de recréer des villes mixtes, socialement, culturellement. Il s’agit en fait tout simplement de recréer les conditions pour que nos villes retrouvent leur raison d’être : des lieux où s’inventent perpétuellement le bien Vivre Ensemble, quelles que soient nos origines, nos cultures ou nos nationalité.
Pour Paris, la ville lumière, le berceau de la révolution de 1789, le lieu de la Commune, le théâtre de mai 68, les défis sont nombreux. Elle doit rester fidèle à son histoire, toujours en mouvement et en ébullition.
Penser Paris, c’est forcément maintenant penser Grand Paris. La réflexion sur le futur de la Capitale est indissociable de la réflexion sur l'évolution de sa région et sur les outils de gouvernance nécessaires. Cela fait 100 ans que l’on en parle, il est maintenant temps de le faire et de dépasser les frontières. Pour réussir, et rester une capitale européenne incontournable, Paris doit donc changer d’échelle. C’est comme cela qu’elle pourra casser l'opposition historique qui existe entre l’Est de la capitale, plus pauvre, où se concentrent les habitants, et l’Ouest où se trouvent les entreprises et les richesses. C’est comme cela qu’elle pourra intégrer les villes et les quartiers les plus en difficultés, ces endroits relégués qui ne peuvent aujourd’hui participer à la dynamique de la métropole, et en bénéficier. C’est en pensant Grand Paris que l’on pourra faire cesser, ou au moins diminuer, ces migrations quotidiennes insupportables pour ceux qui les subissent.
Penser Grand Paris, à l’avenir de ses 12 millions d’habitants, doit nous permettre de redonner à la ville et à sa région une vision globale, de la rééquilibrer et de répondre à tous les nouveaux défis qui l’attendent, économiques, environnementaux, sociaux. C’est comme cela qu’elle resteront des espaces de vie, solidaires et ouverts à tous.
Ce vaste chantier de réflexion et d’action a été ouvert il y a déjà plusieurs années. Il commence aujourd’hui à parvenir à maturité. Il va falloir pour cela inventer de nouveaux outils de gouvernance. Mais ce n’est pas l’enjeu principal.
Le Grand Paris doit être un projet urbain dans le meilleur sens du terme. Il doit donner de la cohérence à son territoire, à ses axes structurant comme la Seine ou sa « banlieue » qui s’inquiète. Cela ne peut être un simple changement d’échelle administrative, ni se résumer à un projet de transport, encore moins à l’ajout d’un nouvel outil de gouvernance. Il s’agit bien d’une projet global mais je m’arrête là car je ne veux pas conclure avant même l’engagement de vos débats.
Je n’aurai pas l’indécence de dire comment Sarajevo doit évoluer. C’est à ses acteurs, politiques, économiques, culturels, c’est à ses habitants de le faire. Nous partageons ensemble, Français et Bosniens le même objectif. Sarajevo doit redevenir la grande capitale d’un même pays, la Bosnie Herzégovine. Elle doit retrouver la fonction de carrefour des cultures et des civilisations qu’elle a eu pendant plus de 5 siècles. J’en suis sûr : elle peut être ce lieu de passage entre orient et occident dont l’Europe a tellement besoin. Je sais ce qui s’est passé ici il y a 20 ans. J’ai vu les stigmates de ce que beaucoup d’entre vous ont vécu.
Le travail de mémoire doit continuer, mais, sans rien oublier, Sarajevo se tourne maintenant vers son avenir.
20 ans après le début de la guerre, elle est une des villes qui se développe le plus rapidement au monde. Chaque fois que j'y reviens, je la retrouve différente. Ses responsables politiques ont une responsabilité historique s’ils ne veulent pas laisser les seuls investisseurs économiques décider de l’avenir de cette ville, de son urbanisme, de ses équipements.
Cela suppose, comme pour nous français, de ne pas s’enliser, dans des outils et des niveaux de gouvernance qui se superposent et finissent par se neutraliser.
Cela suppose également de ne pas confondre objectifs et moyens d’y parvenir. C’est en identifiant les problèmes de la population de Sarevo, qui sont, quand on y réfléchit bien ceux de l’ensemble des habitants de l’Europe, et en créant les conditions pour les résoudre, que Sarajevo redeviendra une ville phare en Europe. C’est en s’attaquant au développement économique, à l’éducation et à la formation, en laissant libre la création et l’intelligence que Sarajavo redeviendra la ville mixte que nous appelons tous de nos voeux.
Pour finir, je veux donc partager avec vous un espoir, celui que ce forum qui s’ouvre ici soit le premier d’une longue série. Sarajevo est une ville regardée par le monde entier, une ville « symptôme de l’Europe » comme le dit Michel Cantal-Dupart. C’est avec cet horizon, l’Europe, qu’elle doit renouer. J’espère que dans deux ans, Sarajevo ne sera pas seulement le lieu de la commémoration du centenaire de l’assassinat de l’archiduc François Ferdinand, Mais aussi le lieu et l’occasion d’une nouvelle rencontre urbaine avec une autre capitale d’Europe.
Mon cher Jean-François, à la place qui sera la mienne, j’y apporterai ma pierre. Car, j’en ai la conviction, c’est en envisageant l’avenir ensemble sans rien oublier du passé que nous pourrons clore un siècle d’ombre pour Sarajevo et pour l’Europe entière.
Source http://www.ambafrance-ba.org, le 1er octobre 2012