Texte intégral
Q - Le petit mot que j'ai choisi pour vous aujourd'hui, c'est le mot retrait. Car le retrait, vous le savez, c'est l'action de quitter un lieu et c'est précisément ce que vous avez confirmé hier pour les troupes françaises qui combattaient depuis onze ans en Afghanistan.
R - Le président de la République s'est engagé à ce qu'elles soient retirées à la fin de l'année. Ce sera fait.
Q - En dépit des condamnations très fermes et répétées que vous avez formulées à l'égard de Bachar Al-Assad, vous ne pouvez, là encore, que rester en retrait. Impossible d'agir en Syrie sans l'accord de la Chine et de la Russie. Vous voilà donc, de facto, condamné à tolérer l'intolérable. Je vous pose donc une question : La diplomatie française est-elle si faible qu'elle ne puisse exister qu'en choisissant de rester en retrait ?
R - La réponse est non. Mais vous l'avez dit vous-même, en Afghanistan, nous sommes en train de retirer nos troupes et c'est une action positive.
En Syrie, il se trouve que, pour arriver à vaincre M. Bachar Al-Assad, il faut avoir une autorisation militaire d'intervenir et elle ne peut être donnée que par les Nations unies. Il y a deux États, la Russie et la Chine qui bloquent. Le pouvoir de la France n'est malheureusement pas de contraindre les Russes et les Chinois à changer. Cela ne veut pas dire qu'on ne fait rien. On agit sur le plan humanitaire, on agit pour rassembler l'opposition, on agit aussi sur le plan diplomatique et politique. Mais c'est vrai qu'à nous seuls, nous n'avons pas la possibilité d'éliminer les 550 avions de M. Bachar Al-Assad et je le regrette.
Q - Ce qui est surprenant, c'est d'entendre, d'un côté, les déclarations que vous faites, de l'autre, le constat d'impuissance. Vous avez vu la tribune qui est publiée aujourd'hui.
R - Je partage tout à fait l'indignation des auteurs de la tribune. Simplement, quand on en vient aux solutions, qu'est-ce qui est proposé ? Je partage leur indignation. Cependant, et vous en avez montré des extraits, ils proposent - même si c'est à mots couverts - de tuer M. Bachar Al-Assad, or même s'il y a certainement des puissances qui sont en train de regarder cela, ce n'est quand même pas la France qui va dire : «on va envoyer quelqu'un qui...».
Deuxièmement, ils proposent, comme en Libye, de vaincre les troupes. Seulement, la différence, c'est qu'en Libye, les Nations unies avaient dit oui, alors que cette fois elles disent non. D'autre part, en Libye, Mouammar El-Kadhafi n'avait aucune force. Tandis qu'au contraire, Bachar Al-Assad a des forces puissantes. Donc, je partage complètement l'indignation de Bernard-Henri Levy et d'autres. Mais dans les faits, malheureusement, je constate que c'est beaucoup plus difficile.
Q - Il y a une urgence parce que c'est toute une région qui est déstabilisée...
R - Bien sûr. Il y a déjà eu - le chiffre est épouvantable - 35.000 morts. Il y a plus de 100 morts par jour. La tactique de Bachar Al-Assad, c'est d'étendre le conflit ailleurs.
Q - Comment gérer l'urgence ?
R - D'abord, en disant ce que j'ai dit, hier, aux responsables du Liban lorsque je me suis entretenu avec eux par téléphone : il ne faut absolument pas tomber dans la provocation. Il est probable - on ne le sait pas encore - que Bachar Al-Assad a commandité des meurtres... De toutes les manières, la mort du général qui dirigeait les services de renseignements s'inscrit dans le prolongement de la Syrie. Bachar fait ce que les tyrans font d'habitude : quand il a un énorme problème chez lui, il essaye de l'étendre aux régions voisines. Il faut que les Libanais restent solidaires et que nous refusions la provocation. C'est aussi ça la diplomatie.
Q - Autre sujet, on a vu que la situation au Sahel est très compliquée. Est-ce que la vie des otages français est menacée par une intervention militaire ?
R - C'est très compliqué parce qu'il faut à la fois libérer le Nord-Mali qui est la proie du terrorisme, des narcotrafiquants intégristes et, en même temps, libérer les otages. Nous devons faire le maximum. Nous nous en occupons tous les jours, le président de la République, moi-même, d'autres, pour faire en sorte que nous fassions les deux choses à la fois. C'est très difficile. Chacun le comprend.
Q - J'ai une question complètement naïve. Qui est-ce qui définit la politique étrangère finalement ? Est-ce que c'est François Hollande seul qui prend les décisions ou est-ce que vous lui donnez des conseils... ?
R - Le président de la République, en vertu de la Constitution, a évidemment un pouvoir fort. Jean-Marc Ayrault et moi-même, nous l'appuyons. Et puis, le gouvernement, le Parlement contrôle cela. L'un des points sur lequel j'insiste - c'est un peu aussi en réponse à votre question - c'est que pour les grandes décisions, je consulte et je consulterai les différents responsables politiques, j'en reçois et j'en recevrai. Ce n'est pas une affaire qui soit de gauche ou de droite, c'est la politique étrangère de la France.
Q - Qu'aimeriez-vous que l'on retienne de votre action au Quai d'Orsay ? Cela ne fait que cinq mois que vous y êtes, vous avez déjà fait quatre fois le tour du monde !
R - Oui, parce qu'aux «affaires étrangères», il est normal que l'on aille dans beaucoup de pays. Je pense que l'une des choses les plus importantes, c'est d'abord que dans tous ces conflits, la France contribue à leur solution. Deuxièmement, j'ai mis en avant ce que j'appelle «la diplomatie économique», c'est-à-dire qu'il faut que l'ensemble de nos diplomates aident les entreprises à redresser économiquement la France.
Q - Sur la Syrie, il y a quand même une chose qui est assez frappante, le Conseil de sécurité des Nations unies finalement, n'est capable d'assurer, ni la sécurité, ni l'unité.
R - C'est une bonne formule que j'ai employée moi-même lorsque j'ai réuni et présidé une réunion du Conseil de sécurité sur les problèmes humanitaires en Syrie, à la fin du mois d'août. Nous avons une proposition qui évidemment déplaît aux autres. Au Conseil de sécurité des Nations unies - qui décide donc - il y a des membres non permanents et des membres permanents. Il y a cinq membres permanents. Ces membres permanents ont le droit de veto, ce sont la Russie, la Chine, les États-Unis, la France, le Royaume-Uni. Là, en l'occurrence, la Chine et la Russie utilisent leur droit de veto. Nous pensons, nous Français, que le droit de veto ne devrait être utilisable que lorsque cela concerne son propre pays. Mais lorsque cela concerne un autre pays et lorsqu'il y a crime contre l'humanité, comme c'est le cas en Syrie, il faudrait rendre impossible l'utilisation de son droit de veto.
(...)
Q - En 2008, vous vous étiez clairement prononcé pour Obama. Alors aujourd'hui, vous êtes pour qui, Barack Obama ou Mitt Romney ?
R - Aujourd'hui, je suis ministre des affaires étrangères, donc je ne peux pas donner au nom de la France ma préférence.
Q - Mais pensez-vous que cela sera plus serré qu'on ne le pense ?
R - C'est ce que disent les sondages.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 24 octobre 2012
R - Le président de la République s'est engagé à ce qu'elles soient retirées à la fin de l'année. Ce sera fait.
Q - En dépit des condamnations très fermes et répétées que vous avez formulées à l'égard de Bachar Al-Assad, vous ne pouvez, là encore, que rester en retrait. Impossible d'agir en Syrie sans l'accord de la Chine et de la Russie. Vous voilà donc, de facto, condamné à tolérer l'intolérable. Je vous pose donc une question : La diplomatie française est-elle si faible qu'elle ne puisse exister qu'en choisissant de rester en retrait ?
R - La réponse est non. Mais vous l'avez dit vous-même, en Afghanistan, nous sommes en train de retirer nos troupes et c'est une action positive.
En Syrie, il se trouve que, pour arriver à vaincre M. Bachar Al-Assad, il faut avoir une autorisation militaire d'intervenir et elle ne peut être donnée que par les Nations unies. Il y a deux États, la Russie et la Chine qui bloquent. Le pouvoir de la France n'est malheureusement pas de contraindre les Russes et les Chinois à changer. Cela ne veut pas dire qu'on ne fait rien. On agit sur le plan humanitaire, on agit pour rassembler l'opposition, on agit aussi sur le plan diplomatique et politique. Mais c'est vrai qu'à nous seuls, nous n'avons pas la possibilité d'éliminer les 550 avions de M. Bachar Al-Assad et je le regrette.
Q - Ce qui est surprenant, c'est d'entendre, d'un côté, les déclarations que vous faites, de l'autre, le constat d'impuissance. Vous avez vu la tribune qui est publiée aujourd'hui.
R - Je partage tout à fait l'indignation des auteurs de la tribune. Simplement, quand on en vient aux solutions, qu'est-ce qui est proposé ? Je partage leur indignation. Cependant, et vous en avez montré des extraits, ils proposent - même si c'est à mots couverts - de tuer M. Bachar Al-Assad, or même s'il y a certainement des puissances qui sont en train de regarder cela, ce n'est quand même pas la France qui va dire : «on va envoyer quelqu'un qui...».
Deuxièmement, ils proposent, comme en Libye, de vaincre les troupes. Seulement, la différence, c'est qu'en Libye, les Nations unies avaient dit oui, alors que cette fois elles disent non. D'autre part, en Libye, Mouammar El-Kadhafi n'avait aucune force. Tandis qu'au contraire, Bachar Al-Assad a des forces puissantes. Donc, je partage complètement l'indignation de Bernard-Henri Levy et d'autres. Mais dans les faits, malheureusement, je constate que c'est beaucoup plus difficile.
Q - Il y a une urgence parce que c'est toute une région qui est déstabilisée...
R - Bien sûr. Il y a déjà eu - le chiffre est épouvantable - 35.000 morts. Il y a plus de 100 morts par jour. La tactique de Bachar Al-Assad, c'est d'étendre le conflit ailleurs.
Q - Comment gérer l'urgence ?
R - D'abord, en disant ce que j'ai dit, hier, aux responsables du Liban lorsque je me suis entretenu avec eux par téléphone : il ne faut absolument pas tomber dans la provocation. Il est probable - on ne le sait pas encore - que Bachar Al-Assad a commandité des meurtres... De toutes les manières, la mort du général qui dirigeait les services de renseignements s'inscrit dans le prolongement de la Syrie. Bachar fait ce que les tyrans font d'habitude : quand il a un énorme problème chez lui, il essaye de l'étendre aux régions voisines. Il faut que les Libanais restent solidaires et que nous refusions la provocation. C'est aussi ça la diplomatie.
Q - Autre sujet, on a vu que la situation au Sahel est très compliquée. Est-ce que la vie des otages français est menacée par une intervention militaire ?
R - C'est très compliqué parce qu'il faut à la fois libérer le Nord-Mali qui est la proie du terrorisme, des narcotrafiquants intégristes et, en même temps, libérer les otages. Nous devons faire le maximum. Nous nous en occupons tous les jours, le président de la République, moi-même, d'autres, pour faire en sorte que nous fassions les deux choses à la fois. C'est très difficile. Chacun le comprend.
Q - J'ai une question complètement naïve. Qui est-ce qui définit la politique étrangère finalement ? Est-ce que c'est François Hollande seul qui prend les décisions ou est-ce que vous lui donnez des conseils... ?
R - Le président de la République, en vertu de la Constitution, a évidemment un pouvoir fort. Jean-Marc Ayrault et moi-même, nous l'appuyons. Et puis, le gouvernement, le Parlement contrôle cela. L'un des points sur lequel j'insiste - c'est un peu aussi en réponse à votre question - c'est que pour les grandes décisions, je consulte et je consulterai les différents responsables politiques, j'en reçois et j'en recevrai. Ce n'est pas une affaire qui soit de gauche ou de droite, c'est la politique étrangère de la France.
Q - Qu'aimeriez-vous que l'on retienne de votre action au Quai d'Orsay ? Cela ne fait que cinq mois que vous y êtes, vous avez déjà fait quatre fois le tour du monde !
R - Oui, parce qu'aux «affaires étrangères», il est normal que l'on aille dans beaucoup de pays. Je pense que l'une des choses les plus importantes, c'est d'abord que dans tous ces conflits, la France contribue à leur solution. Deuxièmement, j'ai mis en avant ce que j'appelle «la diplomatie économique», c'est-à-dire qu'il faut que l'ensemble de nos diplomates aident les entreprises à redresser économiquement la France.
Q - Sur la Syrie, il y a quand même une chose qui est assez frappante, le Conseil de sécurité des Nations unies finalement, n'est capable d'assurer, ni la sécurité, ni l'unité.
R - C'est une bonne formule que j'ai employée moi-même lorsque j'ai réuni et présidé une réunion du Conseil de sécurité sur les problèmes humanitaires en Syrie, à la fin du mois d'août. Nous avons une proposition qui évidemment déplaît aux autres. Au Conseil de sécurité des Nations unies - qui décide donc - il y a des membres non permanents et des membres permanents. Il y a cinq membres permanents. Ces membres permanents ont le droit de veto, ce sont la Russie, la Chine, les États-Unis, la France, le Royaume-Uni. Là, en l'occurrence, la Chine et la Russie utilisent leur droit de veto. Nous pensons, nous Français, que le droit de veto ne devrait être utilisable que lorsque cela concerne son propre pays. Mais lorsque cela concerne un autre pays et lorsqu'il y a crime contre l'humanité, comme c'est le cas en Syrie, il faudrait rendre impossible l'utilisation de son droit de veto.
(...)
Q - En 2008, vous vous étiez clairement prononcé pour Obama. Alors aujourd'hui, vous êtes pour qui, Barack Obama ou Mitt Romney ?
R - Aujourd'hui, je suis ministre des affaires étrangères, donc je ne peux pas donner au nom de la France ma préférence.
Q - Mais pensez-vous que cela sera plus serré qu'on ne le pense ?
R - C'est ce que disent les sondages.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 24 octobre 2012