Interview de Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte parole du gouvernement, à Radio Classsique le 17 janvier 2013, sur l'intervention française au Mali, le renfiorcement du plan vigipirate et la prise d'otages en Algérie.

Prononcé le

Média : Radio Classique

Texte intégral

GUILLAUME DURAND
D’abord est-ce qu’il y a une protection accrue des membres du gouvernement et des Français, au moment où on vous reçoit ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Il y a une protection accrue des Français, en effet, puisque le plan Vigipirate sur le territoire, mais aussi, dans certains nombres de nos ambassades à l’étranger a été renforcé et passé en rouge foncé. Et qu’il permet notamment d’avoir une protection dans les lieux publics, dans les lieux de cultes, dans les lieux de transports aussi.
GUILLAUME DURAND
Donc accentuation dans la nuit et ce matin ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Non, l’accentuation avait commencé auparavant, parce que nous étions déjà conscients à partir de vendredi, lorsque la décision d’intervenir au Mali des dangers qu’elle pouvait faire courir évidemment, et puis il y a aussi un appel à la plus grande vigilance, cela vaut là encore à la fois pour notre territoire, mais surtout pour nos ressortissants à l’étranger, au Mali ou dans un certain nombre de pays autour du Mali.
GUILLAUME DURAND
Mais est-ce que c’est vrai qu’aussi, le gouvernement est plus protégé qu’il ne l’était jusqu’à présent ? Il circule la rumeur, que les ministres délégués par exemple, sont protégés maintenant, alors qu’il ne l’était pas auparavant, etc. etc. Vous me direz que ce n’est pas les Français, mais est-ce que c’est vrai ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Ecoutez, je ne crois pas que des mesures aient été prises à cet égard. C’est vrai qu’il y a une règle qui veut que les ministres de plein exercice aient des officiers de sécurité, mais les ministres délégués peuvent en tant que de besoin recourir à de tels officiers de sécurité, j’allais dire, c’est la norme. Il n’y a pas eu de changement à ma connaissance.
GUILLAUME DURAND
Alors avec Gilles, on va évidemment aborder ce qui se passe sur cette base. Est-ce que vous avez des informations ce matin, sur la présence de Français et sur des liens et des coups de fil entre François HOLLANDE et le président BOUTEFLIKA ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Nous ne sommes pas en mesure, ce matin, à l’heure où je vous parle, de confirmer la présence de Français parmi les otages. De manière générale, j’ai envie de vous dire que sur ces affaires, il faut aussi être assez parcimonieux dans la parole publique, pour une raison très simple, c’est qu’au fond, on a besoin d’avoir une certaine confidentialité dans les opérations qui sont conduites. On a besoin de pouvoir faire les choses, sans les dévoiler en permanence, à ceux qui guettent les moindres désinformations à l’étranger et qui représentent une menace pour la France, pour ses intérêts, pour les otages. Donc aujourd’hui, le ministre de la Défense aura sans doute l’occasion de s’exprimer un peu plus tard dans la journée, mais nous n’avons pas confirmation de la présence de Français…
GUILLAUME DURAND
Et est-ce que nous savons s’il y a eu un assaut qui a été mené cette nuit et qui aurait échoué, en tout cas, c’est ce qu’on dit, parce que c’est très compliqué de le vérifier. Alors j’ai bien compris l’argument de la parcimonie, c’est tout à fait logique, mais comprenez-nous et comprenez les Français, ils aimeraient bien savoir exactement ce qui se passe. Donc est-ce qu’un assaut a été donné ? Est-ce que des liens existent entre François HOLLANDE et le président BOUTEFLIKA ? Evidemment ! Est-ce qu’on pourrait intervenir nous-mêmes ? Enfin, est-ce qu’une opération internationale est prévue ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Je comprends que les Français aient besoin de savoir ce qui se passe évidemment, et c’est pour ça qu’il faut être le plus transparent possible, sur les objectifs, sur les raisons pour lesquelles nous avons été amenées à partir de vendredi, à intervenir au Mali.
GUILLAUME DURAND
On va en parler oui.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Nous y reviendrons peut-être. Sur la suite des choses, pourquoi est-ce que nous y sommes allés et combien de temps nous y resterons ? Et ça rejoint la question des objectifs puisqu’en réalité, il s’agissait à la fois de stopper l’avancée des terroristes vers Bamako pour des raisons que tout le monde peut très bien comprendre. Il s’agissait d’éviter que la population toute entière de Bamako ne soit prise en otage, par ces terroristes. Il s’agissait aussi de donner les moyens aux forces africaines qui vont ensuite prendre le relais de veiller à l’intégrité du territoire malien. Je pense que ça, les Français l’ont compris. Pour le reste, le détail des opérations encore une fois, je pense, que ce n’est pas à nous de le commenter ici sur des antennes publiques, peut-être que le ministre de la Défense lui s’exprimera. Mais je ne crois pas que ce soit le rôle de l’ensemble du gouvernement.
GILLES LECLERC
Tout de même, sur la prise d’otages, est-ce que c’est entièrement géré uniquement par le gouvernement algérien, ou est-ce que la France a son mot à dire ou pas ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Ce que je peux vous dire, c’est que depuis le début de cette affaire, la France est très soutenue et très soutenue dans son intervention au Mali, aussi bien d’ailleurs par les autorités algériennes que par les autres pays du monde.
GILLES LECLERC
Sur le Mali, oui. Mais je parlais là de la prise d’otages en Algérie ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Eh bien, j’allais dire, dans cette collaboration on verra quel sera le rôle exact de la France pour répondre à cette prise d’otages.
GILLES LECLERC
Et vous, vous faites le lien donc entre les deux dossiers, c'est-à-dire que la prise d’otages pour vous, est bien liée à l’intervention française au Mali ? C’est vrai que la coïncidence des dates, elle est là. Mais est-ce que vous avez une preuve de…
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Non, il ne s’agit pas d’avoir des preuves d’un lien, cela étant, de fait, cette prise d’otages, démontre le danger que représentaient ces forces terroristes basées au nord Mali et qui sont une base arrière du terrorisme, qui ne menacent pas simplement le territoire malien, ou la population malienne, mais le monde entier de fait ! Et c’est bien pour ça, d’ailleurs que lorsque la France a décidé d’intervenir, les soutiens des pays européens ou des Etats-Unis et a fortiori des pays africains, sont arrivés très vite. Parce que je crois que tout le monde a conscience du danger que…
GILLES LECLERC
Pardon de vous interrompre, vous dites soutien, c’est vrai soutien oral certes. Bien entendu, conseil de sécurité…
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Pas que oral, pas que oral.
GILLES LECLERC
Non, mais logistiquement pour l’instant, les troupes au sol, ne sont que des troupes françaises. Où sont les voisins européens ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
On commence à se déployer un certain nombre de troupes africaines. D’ailleurs c’est bien la logique de ce qu’on appelle la MISMA, c’est que les troupes doivent être des troupes africaines, en conformité avec tout ce qui a été engagé depuis des mois avant que la France ne décide d’intervenir en urgence devant le… ce qui a été engagé depuis des mois, c’est dans le cadre de la légalité internationale, en passant par le Conseil de Sécurité des Nations-Unies, d’adopter une résolution qui permette que la CEDEAO donc que les Etats africains en réalité puissent déployer des forces africaines, pour aider le Mali…
GILLES LECLERC
Et ces forces seront opérationnelles, vraiment à partir de quand ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
A garantir l’intégrité de son territoire. Et ces forces sont en train de se déployer.
GILLES LECLERC
D’accord !
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
La MISMA, oui. Ces forces sont en train de se déployer.
GILLES LECLERC
Donc ça veut dire que les troupes françaises à un moment, s’arrêteront d’elles-mêmes ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Donc en effet, les troupes françaises n’interviennent que de façon temporaire et pour réagir encore une fois à un risque qui était un risque immédiat, le président TRAORE au fond a appelé la France à l’aide. Je pense qu’on peut présenter les choses comme cela, et il était naturel de lui répondre, dans un moment de grand danger. Et nous avons bien fait, de fait puisque nous avons d’ores et déjà commencé à faire refluer, reculer les forces terroristes mais ce n’est pas le rôle des forces françaises ensuite que de se déployer sur le territoire malien, pour en garantie à la fois l’intégrité, la transition démocratique…
GUILLAUME DURAND
Il y a toujours un risque d’engrenage, madame, vous le savez ? Ca a été le cas dans de nombreux conflits, c'est-à-dire qu’on dit qu’on est là, qu’il va y avoir un débat, au bout de quatre mois, mais jusqu’à quand peut-on être certains que sur un terrain militaire mouvant, avec en plus implication du terrorisme, on reste ou on ne reste pas, c’est quand même très compliqué ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Ce n’est pas moi qui vous dirais le contraire. Bien sûr que c’est compliqué. Et c’est pour ça que ce sont des décisions difficiles à prendre et à prendre en conscience et en responsabilité. Et qu’il faut ensuite assumer. Je crois que le président de la République assume parfaitement sa décision, pour deux raisons. D’abord parce que le Mali est un pays ami, et que quand on est appelé au secours par un pays ami, je crois qu’il est naturel de répondre, surtout si c’est pour défendre les valeurs de démocratie, de liberté, il faut bien voir les exactions commises par les terroristes en question. Quand on parle de gens à qui on a coupé, les pieds et les mains, de femmes violées, de patrimoine culturel détruit, donc il s’agissait vraiment de répondre à cette urgence-là, il s’agissait aussi de protéger nos ressortissants français. Vous avez 6000 Français qui sont installés au Mali, oui, ça nécessitait que la France intervienne…
GUILLAUME DURAND
Mais est-ce qu’il y a quand même l’idée d’une vengeance d’AQMI contre à la fois les Algériens qui ont donné ou l’autorisation de leur survol, et hop, ils se retrouvent donc avec l’affaire de la base, et contre nous-mêmes parce que c’est quand même ce qui est affirmé publiquement par les terroristes, puisqu’ils réclament le transfert des otages sur la zone du conflit. Donc ils vont les installer comme une sorte de ligne Maginot face aux forces françaises, et face aux forces africaines ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Permettez-moi de finir mon propos, parce que…
GUILLAUME DURAND
Je vous en prie.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Justement, le troisième point et la raison pour laquelle François HOLLANDE a pris cette décision, c’est justement qu’au fond, on ne peut pas être indifférent, à la constitution d’une base arrière du terrorisme dans ce territoire. On ne peut pas se dire que ça ne concerne que le Mali. On le voit bien d’ailleurs, puisqu’on en a souffert personnellement, j’allais dire. La France avec les otages qui ont été pris là-bas, les otages français par le passé, et donc nous avions cette obligation d’intervenir, parce que ne pas le faire pouvait signifier que nous cédions finalement à la pression terroriste, que nous détournions les yeux de ce qui se passait là-bas, alors que l’on sait très bien que ce qui se passait là-bas risquait d’avoir à plus ou moins long terme, des conséquences. Ce que je veux dire par-là, c’est que la prise d’otages qu’on a eu hier, bien sûr, c’est toujours difficile de faire de la politique fiction, mais elle aurait pu se passer y compris, si on n’était pas intervenu. Donc est-ce qu’on se dit, qu’on ne peut rien, face aux preneurs d’otages, ou est-ce qu’au contraire, on fait preuve de détermination sans faille et je crois que c’est ce qu’on a fait et que c’était…
GUILLAUME DURAND
Gilles, sur le cumul des mandats.
GILLES LECLERC
Toute dernière question, en effet. Sur le cumul des mandats, François HOLLANDE a été très net, hier, ma question est très simple, à partir de quand, cette disposition pourrait réellement s’appliquer au cours de ce quinquennat ? C’est 2014 ou c’est plus tard ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Ecoutez, le président de la République a parlé hier de courant du quinquennat, ce que je trouve déjà assez fort comme message. Parce que vous savez…
GILLES LECLERC
C’était une des promesses !
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui, bien sûr, mais la promesse aurait pu s’entendre comme on l’applique pour les élections législatives de 2017. Soyons francs, c’est comme ça que la plupart des observateurs le voyaient ?
GILLES LECLERC
Et vous, par exemple, vous souhaitez que ce soit applicable dès 2014 ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Moi, je pense qu’il faut s’en donner les moyens. Je pense que le non-cumul des mandats est un très beau progrès démocratique, qui va permettre à la fois la modernisation de nos institutions avec des élus qui pourront se consacrer totalement, notamment à leur tâche de parlementaire. Mais qui va aussi permettre surtout, un renouvellement, un rajeunissement, une féminisation du personnel politique, et donc à partir du moment où nous avons pris cette décision, qui est assez unanimement soutenue par ailleurs, parmi les militants, parmi les Français, il faut y aller assez rapidement, ça ne se fait pas sans difficulté, mais le président de la République a précisé hier que ça s’appliquerait de la même façon aux deux chambres, ce qui était aussi une information nouvelle. Et que ça s’appliquerait quelle que soit la taille de la collectivité locale considérée.
GUILLAUME DURAND
Merci, beaucoup d’être venue nous voir ce matin. Après donc ces propos qui sont liés à la gravité de la situation, vous avez une marinière montebourienne !
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui, c’est ça.
GUILLAUME DURAND
Tout le monde au gouvernement…
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Esprit collectif au gouvernement.Source : Service d'information du Gouvernement, le 24 janvier 2013