Interview de Mme Michèle Alliot-Marie, présidente du RPR, à France 2 le 2 octobre 2001, sur la préparation de l'élection présidentielle, la coopération entre le RPR et l'Union en mouvement et sur le soutien à J. Chirac dans une situation politique et économique difficile.

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Texte intégral

F. Laborde Nous allons parler du RPR, de son actualité, et pas seulement. Avec une première question concernant les réquisitions du parquet de la Cour de cassation sur le statut du Président de la République : le parquet préconise le maintien de l'immunité, mais, dit-il, "le Président peut être entendu comme témoin, s'il le veut." Un premier commentaire sur ces réquisitions du parquet ?
- "Non, parce que je n'ai pas l'habitude de faire des commentaires sur des avis. La Cour décidera en dernier ressort. Mais je trouve effectivement que ce que l'on sait pas la presse, de ce réquisitoire, est extrêmement prudent, par rapport à d'autres positions qui avaient été prises antérieurement."
Ce qui vous satisfait, c'est que le principe de l'immunité présidentielle et de la fonction soit maintenu ?
- "Ce n'est pas que ce soit maintenu : c'est que c'est une évidence. Elle relève de la Constitution et de l'avis du Conseil constitutionnel."
Et votre sentiment est que la Cour de cassation devrait tout de même suivre ces avis du parquet ?
- "Laissons la Cour de cassation décider en toute sérénité."
Je vois que sur ces questions-là, vous n'en direz pas plus. Revenons au RPR : on assiste aujourd'hui à une sorte de double écurie présidentielle. Il y a l'appareil, le parti d'un côté, le RPR, et puis l'UEM - l'Union en Mouvement -, qui "ratisse plus large", pour employer une expression un peu familière. Quelle est la place du mouvement là-dedans ?
- "C'est simple : l'UEM est une structure qui est destinée à accueillir des personnes qui sont chiraquiennes, pour simplifier, sans pour autant être membres du RPR ou gaullistes, et sans souhaiter adhérer. Donc, à l'initiative des groupes parlementaires, cette structure a été créée pour elles. Bien entendu, à partir du moment où nous, au parti, qui soutenons le président de la République - nous sommes "chiraquiens", comme l'on dit, pour toutes les élections -, il est normal que l'on essaie d'aider cette structure à exister et à se constituer."
Le risque n'est-il pas, à terme, que cette structure, l'UEM, prenne le pas sur le RPR et qu'au fond, le parti que vous dirigez, devienne un élément de quelque chose de plus grand, soit noyé, passe au second plan ?
- "C'est bien qu'il y ait un certain nombre de personnes qui ne veulent pas adhérer à un parti politique et qui viennent à l'UEM. Mais le RPR, depuis quelques temps, est redevenu le premier parti de l'opposition. Nous avons aujourd'hui dépassé le stade des 100.000 militants. Nous avons un projet pour la prochaine alternance législative, que nous constituons chaque semaine, avec des experts extérieurs, en faisant venir les syndicats pour débattre de tout ceci. Le RPR est une structure non pas dominante, mais est une structure essentielle de la vie politique française."
L'UEM ne préfigure pas une sorte de grand parti unique du Président, qui pourrait rassembler toutes les tendances et qui serait enfin l'union de l'opposition qui a déjà été évoquée à moult reprises ?
- "Je suis pour l'union, depuis toujours. Depuis que je suis arrivée au mouvement, j'ai essayé d'oeuvrer en ce sens et d'ailleurs, nous avons assez bien réussi aux élections municipales, puisque nous avons eu 92 % de candidatures uniques entre tous les partis de l'opposition. Aujourd'hui, c'est vrai, l'UEM nous permet de rassembler toutes les personnes qui se sentent de sensibilité chiraquienne. Mais il faudra aller au-delà. Si nous avons peut-être un rapport privilégié effectivement avec cela, il faudra également essayer de faire, après les élections bien entendu, une structure unique, qui comporte aussi, l'UDF, DL, le CNI, les Bleus, etc..."
Ce parti s'appellerait comment ?
- "Vous ne croyez pas que vous anticipez un peu les échéances ? Il faut savoir respecter chacun et c'est cela qui est important."
On a le sentiment aujourd'hui, qu'au RPR, chacun voit la victoire à sa porte et qu'on est déjà en train de distribuer les portefeuilles. On a même parfois, en tant que journalistes, des coups de fil assez stupéfiants de personnes qui disent : "Vous savez, c'est le futur ministre de...." Pour le coup, c'est peut-être aller un peu vite en besogne, ce triomphalisme ?
- "Non. Je mets en garde contre ce genre d'attitude. Une élection n'est jamais gagnée par avance, deux élections a fortiori. Une élection est gagnée quand le dernier bulletin de vote est dépouillé."
C'est la règle en démocratie...
- "Exactement. Et par conséquent, je dis de faire attention."
Mais que faites-vous dans ces cas-là ? Vous allez dire à vos troupes de se calmer, d'être plus modestes ?
- "Non, je rappelle simplement aux intéressés que s'il feuillettent par exemple les journaux d'il y a plusieurs années, ils s'apercevront que certains d'entre eux - vous savez dans les rubriques confidentielles -, ont annoncé des tas de gens comme un ministre sûr, parfois pour les huit jours à venir - c'étaient donc des échéances beaucoup plus proches -, et ces noms, on les a complètement oubliés, ils n'ont jamais été ministres. Alors, attention. En la matière, la première des choses, c'est de rassembler toutes nos forces d'abord, pour essayer d'emporter la victoire à l'élection présidentielle autour de J. Chirac, et à l'élection législative."
Mais est-ce que ce type de comportement vous choque ?
- "Les Français attendent autre chose. D'abord, on ne doit pas être en campagne électorale permanente. Cela n'est bon ni pour la France, ni pour les Français. Et je crois que, de plus, les Français n'aiment pas non plus ces personnes qui anticipent les échéances et qui essaient, en téléphonant aux journalistes, par exemple, de faire parler d'eux. Parlons d'abord des Français, de leurs préoccupations. Aujourd'hui, nous sommes dans une situation difficile, au plan international comme au plan national, et les Français ont envie qu'on leur parle des problèmes qui les préoccupent : la sécurité, les retraites, l'emploi. C'est cela que nous faisons au RPR."
Après les attentats, on a beaucoup entendu le Premier ministre, les membres du Gouvernement dire qu'il faut rester mobilisés, continuer à vivre, soutenir l'économie. On a entendu le président du Medef, E.-A. Seillière, demander à ce qu'il y ait une sorte de concertation autour d'un plan de relance. Est-ce que vous, vous considérez aussi qu'il faut soutenir l'économie en injectant peut-être de l'argent directement ?
- "Il faut d'abord davantage de concertation. Et le Medef, qui n'a fait que reprendre nos propos, a dénoncé depuis déjà un certain temps, le fait que le Gouvernement veuille trop administrer l'économie et les relations sociales, en disant qu'il faut au contraire qu'il y ait, sur la base des négociations, sur la base des conventions, de véritables accords. C'est indispensable, si l'on veut redonner aux gens l'envie d'agir et de progresser. Ce dont a besoin l'économie française, c'est peut-être d'être un peu soutenue dans certains secteurs."
Comme font les Américains, ils n'ont pas d'état-d'âme là-dessus. Ils sont libéraux, mais quand il y a un problème tout le monde dit qu'il faut y aller, changer les règles du jeu économique s'il le faut, pourvu que l'économie s'en sorte bien ?
- "Oui. Et c'est d'autant plus facile pour les Américains qu'ils sont dans un contexte de grande liberté. Le problème en France, c'est que, depuis des années, dans le domaine de l'entreprise, comme d'ailleurs dans le domaine familial ou associatif, on a voulu encadrer l'action des Français, et de plus en plus. Il est évident qu'il est beaucoup plus difficile de faire un effort quand les circonstances l'exigent, dans un cadre qui est déjà très strict, plutôt que dans un cadre beaucoup plus libre. Ce que nous disons, c'est qu'il faut redonner aux Français le goût de travailler et non pas les décourager de travailler ; leur redonner le goût de l'effort, en reconnaissant leur mérite."
Ces circonstances très difficiles pour tout le monde, ont, si je puis dire, une conséquence : cela remet au premier rang la stature du président de la République et son rôle. C'est évidemment quelque chose qui vous satisfait ?
- "Dans les circonstances graves, comme celles-ci, le président de la République est en charge de l'essentiel. Et J. Chirac a montré dans ces circonstances dramatiques, qu'il réagissait avec sang-froid - c'est la première chose que l'on attend -, avec détermination, et avec humanité ; il est proche des gens, nous l'avons vu, que ce soit à New York ou à Toulouse. Donc, c'est simplement la répartition logique des activités et des responsabilités essentielles. Le président de la République, effectivement, fait face à cette situation très difficile. Nous devons tous être autour de lui pour lui faciliter la tâche."
(Source http :sig.premier-ministre.gouv.fr, le 3 octobre 2001)