Déclaration de M. Alain Richard, ministre de la défense, sur l'évolution du rôle et l'activité actuelle de la DGA, Paris le 9 mai 2001.

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Circonstance : Célébration du quarantième anniversaire de la DGA (Délégation générale pour l'armement) à Paris le 9 mai 2001

Texte intégral

Monsieur le Premier Ministre,
Messieurs les délégués généraux pour l'Armement,
Messieurs les chefs d'Etats majors,
Messieurs les directeurs,
Messieurs les officiers généraux,
Mesdames, Messieurs,
C'est pour moi une grande satisfaction d'être aujourd'hui avec vous pour célébrer le quarantième anniversaire de cette institution prestigieuse qu'est la DGA. Votre maison me semble en effet exemplaire à plusieurs titres et elle est pour tous les membres de la communauté de défense un objet d'orgueil légitime. En effet, elle a su être fidèle aux missions et aux projets que ses fondateurs lui ont assignés. De générations différentes, vous avez tous contribué à la réalisation du grand projet qu'a entrepris il y a 40 ans le Premier Ministre Pierre Messmer et qu'il vient de nous rappeler. Ce projet se poursuit aujourd'hui et il continuera d'être illustré dans l'avenir. Mais la DGA a su également évoluer, se transformer pour s'adapter aux nouveaux enjeux de la défense, à un contexte géopolitique en mouvement et à la réalisation d'un grand dessein, l'Europe de la défense. C'est l'histoire de ces évolutions, à la fois sous le signe de la fidélité aux objectifs initiaux et d'une formidable capacité d'adaptation que je voudrais évoquer, trop brièvement devant vous.
Comme l'a rappelé Pierre Messmer, La Délégation Générale pour l'Armement a été créée, sous son nom originel de Délégation Ministérielle pour l'Armement, en 1961 au moment où la Cinquième République allait pouvoir, avec la fin de la guerre d'Algérie, orienter son effort de défense vers une politique d'indépendance appuyée sur une Force Nucléaire Stratégique, elle-même indépendante.
Si le général de Gaulle, Michel Debré et Pierre Messmer ont voulu regrouper au sein d'une seule entité et sous une seule autorité les Directions d'armement qui relevaient historiquement de trois départements ministériels, c'est bien en effet d'abord pour qu'elle consacre son effort principal à la réalisation de cette Force Nucléaire Stratégique indépendante.
L'objectif a été mené à bien avec un succès remarquable. Les délais ont été respectés, il n'y a pas eu d'échec technique important grâce à un effort constant des équipes.
Le Mirage IV, les missiles sol-sol du plateau d'Albion, les sous-marins nucléaires lanceurs d'engins (SNLE), le Pluton, le Hadès et les missiles air-sol portés par le Mirage 2000 bientôt par le Rafale, sont autant de programmes qui sont à porter au crédit de la DMA, devenue en 1977 la DGA, tout autant qu'à celui de l'industrie qui les a réalisés.
Ces programmes étaient des exemples de ce qu'on nomme aujourd'hui la " gestion de la complexité ". Par leur ampleur, par les difficultés techniques qui devaient être surmontées, par le nombre des industriels en cause, par la variété des techniques mises en jeu, ils étaient d'une complexité supérieure à celle des plus grands projets. En participant de manière déterminante à leur réalisation, la DGA a été l'un des éléments essentiels sur lesquels le gouvernement français a pu s'appuyer pour tenir sa place dans le concert des nations.
Il serait inexact de ne pas commencer par souligner ce rôle. Mais il serait injuste de s'en tenir là. Le rôle de la DGA au cours de ces quarante années ne s'est en effet pas limité à la constitution de la force nucléaire française.
Il y a eu bien d'autres programmes et il serait présomptueux de vouloir les citer tous. Permettez-moi de souligner que, dans tous les domaines, la DGA a su travailler en même temps à l'échelle mondiale et à l'échelle de la France.
En effet, si les programmes nucléaires, de toute évidence, ne pouvaient être menés qu'au plan national, la recherche de coopérations internationales chaque fois que c'était possible a été une constante de la politique de la DGA et un élément fondamental de la réussite des projets. Je pense à la coopération franco-britannique avec le Jaguar, aux hélicoptères Lynx, Puma et Gazelle, au cours des années soixante et soixante-dix. Avec les Allemands ont été réalisés le Transall puis l'Alphajet, l'hélicoptère Tigre et les missiles antichars Milan et Hot. La création d'Eurocopter a parachevé cette association fructueuse. Enfin, d'autres coopérations emblématiques ont été réussies : la coopération franco-italienne pour les engins tactiques, et des coopérations avec d'autres pays européens en bilatéral ou en multilatéral, de l'avion Bréguet Atlantic à l'hélicoptère NH90.
La volonté de s'associer avec des partenaires étrangers pour développer notre capacité d'innovation ou pour promouvoir notre savoir-faire d'armement a été inscrite très tôt dans les priorités de la DGA, puisqu'une Direction des Affaires Internationales a été créée en 1965. Cet axe a été développé jusqu'à aujourd'hui, et il continuera de l'être. Encore une fois cela m'apparaît comme un élément marquant de votre histoire et un gage de la qualité des projets que vous avez menés.
Afin de développer des programmes ambitieux, la DMA, puis la DGA devaient trouver des contractants suffisamment solides, d'un point de vue financier et technologique, pour fabriquer les équipements correspondants. C'est donc naturellement que la DGA a été amené à encadrer le remodelage de l'industrie d'armement nationale puis européenne.
Au niveau national, les tâches dites " étatiques " et les tâches industrielles sont progressivement distinguées. Il est ainsi crée en 1971 au sein de la direction technique des armements terrestres (DTAT) un groupement industriel des armements terrestres, lui-même transformé en société nationale en 1989. Je signalerai également la transformation dès 1971 de la Direction des Poudres en société nationale, avec le succès que l'on connaît.
L'industrie aéronautique et de Défense qui s'était développée depuis la fin de la guerre s'est fortement restructurée avec la fusion entre Dassault et Bréguet en 1967, la formation de l'Aérospatiale à partir de Sud-Aviation, de Nord-Aviation et de la SEREB en 1970 et la création progressive autour de la SNECMA d'un groupe motoriste de taille internationale. Ces dernières années, la formation d'EADS, issu de la fusion d'Aérospatiale Matra, du groupe allemand DASA et de l'entreprise CASA, et la création de Thales issu de Thomson CSF et de l'entreprise britannique Racal donnent à l'Europe deux groupes aéronautiques et de Défense de dimension mondiale.
La transformation du paysage national et européen de l'industrie de défense n'est pas restée sans influence sur la structure de la DMA/DGA. En effet, si les délégués à l'armement successifs ont su encadrer les restructurations en cours, ils ont également cherché à adapter et à moderniser la Délégation.
Pour ne parler que de la décennie passée, la DGA a su s'adapter à une situation nouvelle caractérisée par une situation stratégique bouleversée par la chute du mur de Berlin, qui a conduit à une réduction très importante des crédits d'équipement du Ministère de la Défense. Simultanément, les relations entre pays européens dans le domaine de l'armement se sont transformées et une proportion croissante de nos programmes sont et seront européens. Enfin, un mouvement général conduit à une convergence entre l'industrie de défense et les autres industries civiles.
La DGA a su s'adapter à ces changements et a réformé ses structures autour de la primauté des programmes - c'est à dire la satisfaction des besoins des Armées - et de l'amélioration de son efficacité et de sa productivité dans des conditions et avec une rapidité que l'on doit saluer. Le changement d'échelle qu'a représenté le passage d'un effectif de plus de 100 000 personnes, à sa création, à moins de 20 000 aujourd'hui, démontre la remarquable qualité de réaction et d'adaptation de cette institution.
Je peux témoigner à titre personnel, après 4 ans à la tête de ce ministère, de la grande capacité de modernisation de la DGA et de mobilisation de ses personnels autour d'objectifs ambitieux.
En effet, comme les autres composantes du ministère, la DGA devait se réformer, inscrire les enjeux économiques au premier rang de ses priorités, développer de nouveaux modes de fonctionnement, en focalisant ses efforts dans la conception et la préparation des systèmes de défense de demain. Sous l'impulsion de JY. Helmer, cette vision stratégique s'est aussi accompagnée d'un changement de culture au sein de la Délégation.
Je crois que l'ensemble des personnels de la DGA peuvent être fiers des efforts accomplis qui sont la preuve que l'Etat sait se réformer pour être à la hauteur des missions qui sont les siennes. Permettez-moi de l'être également car la recherche de l'amélioration continue dans la durée au service de l'action publique constitue ma philosophie politique et l'objectif que je m'étais fixé en 1997 en arrivant à la tête du ministère.
Avant d'aborder les priorités pour l'avenir, je souhaite donc redire la confiance collective que je porte et que le Gouvernement porte à la DGA, au moment où son image souffre des enquêtes en cours concernant les infractions financières constatées à la DCN de Toulon. Sans vouloir bien évidemment commenter les procédures judiciaires en cours, je rappellerai que le Ministère s'est porté partie civile dans les différentes affaires pour lesquelles l'Etat a subi un préjudice financier. Je rappellerai aussi, qu'en tant que délégué général à l'armement, JY. Helmer m'avait proposé dès 1997, puis a appliqué et ce sur la base d'une réflexion de toute son équipe de direction un plan de suppression des contrats dits d'assistance technique. JY. Helmer a bénéficié pendant 4 ans de ma pleine confiance pour réformer les services de l'armement.
Je souhaite enfin évoquer les grandes lignes d'évolution de la DGA dans les prochaines années ; celles que vous devrez conduire, Yves Gleizes, avec les différentes équipes de la Délégation ici présentes.
La DGA doit poursuivre son processus de modernisation dans la gestion des programmes dans un contexte d'européanisation de notre politique d'armement. C'est aujourd'hui la journée de l'Europe, laissez moi redire combien le projet politique de constitution d'une force européenne autonome capable de défendre nos intérêts communs doit être une priorité. Or, grand projet politique, l'Europe de la Défense est aussi un grand projet industriel. Pour exister, l'Europe de la Défense peut désormais s'appuyer sur une industrie européenne forte et compétitive en matière de défense, capable d'affronter le mouvement actuel de globalisation et de relever les nouveaux défis technologiques pour équiper durablement nos forces. Il faut désormais que les Etats se coordonnent pour constituer un acheteur puissant face à ces grands groupes industriels, afin d'obtenir en commun - industriels et Etats - les gains d'efficacité que nous attendons de cette ambition européenne commune. La DGA joue un rôle central dans cette dynamique, notamment pour réussir la montée en puissance de l'OCCAR.
Vous devez être, dans le concert européen, un fédérateur de cette vision européenne d'un marché de l'armement où les légitimes préoccupations nationales doivent contribuer à l'efficacité commune plutôt que d'être, au-delà des bonnes intentions affichées, la seule recherche d'une maximisation du retour industriel.
Les modifications du contexte stratégique et l'évolution constante des technologies nécessitent qu'un effort particulier soit porté à tous les éléments concourant à préparer l'avenir de notre outil de défense et à diminuer les délais de développement des programmes. Le projet de loi de programmation militaire que j'ai proposé au Premier Ministre fixe des objectifs ambitieux dans ces domaines.
En matière de préparation de l'avenir, c'est à la DGA au sein du Ministère que revient le rôle de veiller à la disponibilité des capacités technologiques nécessaires au développement des futurs systèmes de défense. Outre les efforts financiers à consentir, il nous faut aussi augmenter les collaborations avec le monde scientifique et mieux valoriser les développements technologiques de Défense pour des applications civiles. Veiller à la qualité de notre recherche est la condition indispensable de notre efficacité future.
Afin d'augmenter notre réactivité aux changements stratégiques, une réduction sensible des délais de développement des programmes devra vous mobiliser, en complément des résultats déjà obtenus sur les coûts.
Les évolutions de l'industrie européenne de défense doivent nous conduire à définir de nouvelles relations entre l'Etat et les entreprises d'armement désormais européennes. Face à des entreprises de premier rang souvent en situation de monopole, il convient d'élargir la gamme de nos fournisseurs en diversifiant les approvisionnements à l'échelle européenne. La DGA devra notamment chercher à renforcer le tissu de PME-PMI duales, équipementiers de second rang, qui apportent à l'industrie de défense un dynamisme et une réactivité bénéfiques.
Mais ces différents objectifs ne seront réalisables que si l'action de la Délégation est fondée sur une politique sociale ambitieuse.
L'adhésion des personnels suppose en effet le dialogue social, la compréhension par tous et toutes des contraintes et des enjeux que doit relever votre institution. Les compétences au sein de la DGA sont très grandes, les savoir-faire techniques irremplaçables pour l'élaboration d'armements performants. Ils doivent être valorisés, renouvelés au meilleur niveau et je ne doute pas qu'ils le seront.
Enfin, je souhaite que l'ouverture de la DGA soit poursuivie, notamment en créant des passerelles plus fortes avec d'autres administrations et avec les structures d'armement de nos principaux partenaires européens. Notre savoir-faire d'armement, basé sur une culture d'excellence technique, doit connaître le rayonnement qu'il mérite.
Je suis persuadé que vous saurez relever ces défis. Demain comme hier, la DGA saura faire la preuve de sa compétence au service de notre défense, de sa capacité de réaction et d'adaptation. Je sais pouvoir compter sur votre nouveau délégué général et sur chacun de vous pour poursuivre la modernisation indispensable de notre outil de défense.
Je vous remercie de votre attention.

(source http://www.defense.gouv.fr, le 2 juillet 2001)