Texte intégral
Le monde est une scène, écrivait Shakespeare. Cette semaine, nous naurons quà pousser la porte des quelque 50 Instituts culturels étrangers de la capitale pour nous en rendre compte. Car cest bien la richesse et la vitalité de la création partout dans le monde qui sont au cur de cette 12ème édition de la Semaine des cultures étrangères. Une richesse et une vitalité qui sont les raisons premières du combat que nous menons pour lexception culturelle.
Je tiens, à saluer devant vous tous, mesdames et messieurs les conseillers culturels, les directrices et directeurs, laction du réseau Instituts culturels étrangers. Cest vous qui faites de Paris un lieu de rencontre et de convergence de toutes les cultures du monde. Cest votre action qui rend la plus grande richesse du monde accessible à un large public.
Cest grâce à vous et au Passeport pour les langues que tous ceux qui le souhaitent, à Paris ou dans nos régions, peuvent sinitier à la pratique des langues étrangères et découvrir, au-delà dune langue, une culture. Car bien plus quune expérience linguistique, lapprentissage dune langue, cest la rencontre avec une culture qui ne nous est pas familière. Cest aussi une formidable découverte de laltérité.
La langue structure notre identité, elle porte en elle notre mode de représentation, précise notre mode dappartenance et de sociabilité. Sinitier à une langue, la découvrir, cest mieux comprendre lautre. Et cest essentiel dans notre contexte de crise économique, sociale, politique mais aussi morale, où la tentation est au repli sur soi, à la peur de lautre et aux tendances les plus réactionnaires. Souvrir aux autres et résister à la force dangereusement centripète de cette crise, aux relents populistes de certains discours, cela commence par quelque chose daussi simple que des mots. Et cest dune efficacité redoutable.
Les langues sont au fondement du dialogue interculturel. Aujourdhui, plus que jamais, en France mais aussi partout dans le monde, ce dialogue est précieux.
Cette Semaine des cultures étrangères, cest aussi la preuve que la France est terre de création pour les artistes étrangers. Elle est ouverte, elle est terre daccueil et de liberté pour les artistes et défend toutes les créations du monde dont chacun de vos Instituts se fait la vitrine. Cest cela qui est en jeu dans le combat que nous menons pour lexception culturelle.
Le combat mené pour la diversité culturelle nest pas prétexte à un protectionnisme culturel, impérialiste et nationaliste. Ce nest pas une position défensive visant à protéger son pré carré. Au contraire, il sapparente à bien des égards à cette Semaine des cultures étrangères que nous inaugurons aujourdhui. Car ce qui le motive, cest la création des conditions nécessaires au plein épanouissement du dialogue interculturel, cest la préservation de cette diversité culturelle qui nous est si chère.
Nous avons voulu, mes homologues européens et moi-même, réaffirmer ces principes dans le mandat de négociation de la commission européenne pour laccord de libre-échange transatlantique. Dans ce combat, votre soutien fut décisif. Je vous en remercie. Il nous faut encore poursuivre nos efforts.
La France continuera à porter cette idée forte. Car envers et contre ce que suggèrent les actualités récentes, cest dans lADN de notre pays, dans son histoire, dans sa tradition philosophique, de défendre la diversité des cultures, la liberté de la création et lélan imaginaire qui dépassent nos frontières.
Cette diversité qui se manifestera toute la semaine à Paris et dans nos régions, ces langues, cette création, il nous faut les mettre en avant. Et cest pour cela que je me réjouis de lampleur de cette manifestation à laquelle je souhaite de rencontrer un très large public. Cest à travers cette diversité des langues et de la création que lon se dote des outils de se représenter le monde et à travers elle aussi que lon peut agir sur lui. Cest par elle que nous pourrons faire régner la paix dans le monde et dans nos sociétés.
Pour conclure, je voudrais reprendre une métaphore de Claude Lévi-Strauss : « les cultures ressemblent à des trains qui circulent chacun sur sa voie propre et dans une direction différente. » Ces trains, nous les voyons défiler sous nos yeux et depuis la fenêtre de notre wagon, nous nen avons quun trop rapide aperçu, rendu confus par la vitesse. Ils ne sont plus que visions ou mirages qui brouillent momentanément notre champ visuel. Cette interruption du paysage familier nous étonne, parfois même elle nous irrite, parce que nous nen saisissons pas le sens. Aujourdhui plus que jamais, dans notre contexte de crise politique et morale, nous devons aller au-delà de cet étonnement ou de cette irritation.
Cette semaine consacrée aux cultures étrangères permet à chacun de descendre de son wagon, et de monter dans un des nombreux trains à quai dans Paris. Elle nous permet dêtre ce passager idéal, que René Char nomme le désir : un voyageur à lunique bagage et aux multiples trains.
Je vous remercie.
Source http://www.culturecommunication.gouv.fr, le 30 septembre 2013