Texte intégral
J.-P. Elkabbach Les deux images les plus récentes de R. Hue sont plutôt combatives : à la sortie de Matignon, il ne faisait pas la tête mais, selon le mot de Victor Hugo, "la tronche" et, dimanche, chez M. Drucker à France 2, il s'exerçait au judo avec le champion du monde. Est-ce que vous vous préparez à crocheter L. Jospin, à l'envoyer sur le tatami ?
- "Le judo est quelque chose de très pacifique. Mais en même temps, il faut tenir compte de l'équilibre et utiliser la force de l'autre pour le faire tomber."
C'est le cas ?
- "Nous n'en sommes pas là."
Vous demandez de la souplesse à L. Jospin ?
- "Il faut qu'il penche mieux à gauche dans la dérive que nous connaissons actuellement qui, à mon avis, est une dérive droitière."
Qu'est-ce que cela veut dire "dérive droitière." Ce sont des mots de la langue communiste d'autrefois ?
- "Non, pas vraiment, j'entends d'autres les prononcer ces temps-ci. "Dérive" tout simplement parce qu'il y a une pression néolibérale très forte qui s'exerce en Europe. On la sent bien, on vient de la voir encore à travers le congrès des partis socialistes européens. Je pense qu'on n'y résiste pas assez au niveau du gouvernement français. De ce point de vue, il faut davantage entendre ses partenaires de la majorité plurielle, en particulier les communistes qui ont des choses à proposer par rapport à la situation sociale que nous connaissons."
Est-ce que vous allez rompre avec la majorité plurielle ?
- "Non, nous n'allons pas rompre avec la majorité plurielle. Pourquoi ferions-nous ce cadeau à la droite ? Il est évident que si on rompait avec la majorité plurielle, nous serions immédiatement dans une situation où la droite pourrait revenir aux affaires. Nous ne le souhaitons pas. J'entends bien que parfois certains prennent leur distance, disent-ils, avec la majorité plurielle de la gauche plurielle. J'ai entendu J.-P. Chevènement le dire."
Il dit qu'elle n'existe plus.
- "J.-P. Chevènement a quitté le Gouvernement mais cela n'a pas fait tomber le Gouvernement. Dans ces conditions, il peut faire toutes les déclarations qu'il veut, il ne le met pas en danger."
Cela veut-il dire qu'il ne pèse pas lourd ?
- "En tout cas, il ne met pas en danger la gauche plurielle lorsqu'il quitte le Gouvernement. La preuve, il l'a quitté, la gauche plurielle est toujours en place. Nous, si nous quittons le Gouvernement - ce que nous voulons pas faire naturellement aujourd'hui - effectivement, là, il n'y a plus de majorité et le Gouvernement tombe."
Dans ce cas, vous feriez d'abord du mal à L. Jospin, à la gauche ou au PC ?
- "Il s'agit de ne pas faire de mal à notre peuple. La gauche a été élue pour mettre en oeuvre de grandes réformes, des réformes significatives. Je ne souhaite pas qu'effectivement on laisse aujourd'hui la possibilité à la droite de revenir. Mais il faut prendre des réformes plus significatives."
Donc, pas de rupture de la majorité plurielle ? Les ministres communistes restent au Gouvernement ou ils en sortent ?
- "Les ministres communistes font leur travail dans le Gouvernement. Je crois que d'ailleurs ce travail est remarqué. Ce n'est pas pour rien si par exemple dans le secteur conduit par J.-C. Gayssot, c'est là - à la SNCF notamment - qu'il y a eu le plus d'emplois publics créés ces dernières années. Il y a une différence, un apport communiste. Il y a un travail courageux, significatif de M.-G. Buffet sur les questions de dopage. Elle ne fait aucune concession en la matière."
Le bilan du Gouvernement avec les ministres communistes est-il bon ou médiocre ?
- "Le bilan pourrait être bien meilleur. Il y a un apport communiste, il y a un travail de la gauche plurielle qui n'est pas du tout à négliger, des choses ont été faites. Mais nous voyons bien aujourd'hui qu'on ne peut pas en rester là. La preuve : les Français se retrouvent moins dans cette majorité plurielle qu'ils ne l'ont approuvée dans d'autres périodes."
Achèverez-vous la législature dans la majorité plurielle ?
- "Tout dépendra de l'évolution de la majorité plurielle et des choix faits par le Gouvernement. Le Parti communiste ne va pas se ficeler les mains sans avoir des assurances."
J'ai dit avant la fin de la législature, c'est-à-dire qu'avant 2002 vous pourriez plier bagages ?
- "Je pense qu'en tout état de cause, dans la toute prochaine période, il faut prendre des mesures qui soient de nature à redonner confiance à une partie du peuple de gauche qui a perdu cette confiance."
Il y a un deuxième sommet de la gauche plurielle prévu, si j'ai bien vu, à la fin juin ?
- "Je suis très interrogatif sur ce deuxième sommet. J'ai été de ceux qui le souhaitaient. Aujourd'hui, je demande qu'on commence d'abord à appliquer les dispositions du premier sommet de la gauche plurielle. Une partie de l'échec électoral de la gauche aux municipales - ce revers du côté du Parti communiste, je l'ai dit, mais aussi de l'ensemble de la gauche plurielle, notamment du Parti socialiste - tient au fait que des engagements pris en commun notamment au sommet de novembre n'ont pas été tenus. Donc, je demande déjà qu'on applique ces premiers éléments de l'accord. Après, on verra."
Sinon, il n'y a pas de deuxième sommet ?
- "Je me vois mal imaginer un nouveau sommet de la gauche - mes amis et moi-même en déciderons - si effectivement déjà les éléments du premier sommet ne sont pas appliqués."
Quand vous êtes allé chez L. Jospin il y a quelques jours, vous n'avez rien dit, pas fait de commentaires ? Vous étiez plutôt pas rassuré ?
- "Pas de commentaires à la sortie mais beaucoup de commentaires en tête- à-tête avec le Premier ministre."
Sur le même ton qu'ici ?
- "Pensez-vous un seul instant qu'il y a un ton différent ? Je peux être encore plus franc que quand je suis en tête à tête avec le Premier ministre."
Est-ce qu'il vous a rassuré sur ce que vous lui demandiez ?
- "Pour le moment, je n'ai pas les assurances qu'il faut. En rester simplement à un regard tranquille sur le bilan de la gauche plurielle est insuffisant."
Vous voulez dire qu'il n'y a pas de projets ?
- "Il me semble qu'il faut davantage de projets, davantage de réformes prévues qui n'ont pas été prises. Soyons concret puisque vous me demandez d'être concret, prenons le cas des plans sociaux qui tombent actuellement, ils sont en train d'annuler complètement aux yeux de l'opinion - et c'est normal - le recul positif du chômage qu'on a connu dans la dernière période."
Tous les emplois créés.
- "Les emplois créés sont beaucoup des emplois précaires. Donc, je dis que quand on prend des mesures comme celles qui sont annoncées par L. Jospin et E. Guigou concernant les plans sociaux, et qu'on ne s'attaque pas par exemple aux motifs des licenciements, lorsqu'on ne propose pas de mesures visant à suspendre ces licenciements, il y a là un repli, un retrait que j'analyse comme une dérive libérale, pour reprendre la formule de tout à l'heure."
Est-ce que timidement on peut vous dire que personne ne peut interdire à une entreprise de restructurer, éventuellement de licencier, parce qu'elle peut créer des emplois ? Est-ce que ce n'est pas choisir le court terme et l'illusion et sacrifier l'avenir de ces mêmes salariés, comme dirait J.-L. Gombaud ?
- "Je ne crois pas du tout. Je vous assure ce n'est ni de la surenchère, ni de la démagogie. Il y a la nécessité, pour les entreprises qui font des profits, qui montent en bourse, de dire "stop" lorsqu'ils licencient. Cela ne peut pas continuer. C'est un problème moral. La morale, ça compte en politique ; on crève de l'absence de morale en politique !"
Après vos derniers entretiens avec L. Jospin, est-ce que vous êtes sûr qu'il sera candidat en 2002 ?
- "Je ne sais pas."
A votre avis, il pourrait ne pas y aller ?
- "Je vais être assez brutal : il n'est pas très important de savoir qui sera candidat à l'élection présidentielle. Le problème aujourd'hui est de savoir si la gauche plurielle va se présenter devant l'opinion dans son caractère pluriel, efficacement, avec des éléments qui sont de nature à donner confiance aux Français. C'est la question. Je considère que se situer déjà systématiquement en fonction de la présidentielle est assez désastreux."
Vous le dites aussi pour vous-même ?
- "Je le dis pour moi-même, naturellement."
Mais au deuxième tour, si cela s'arrange un peu, même s'il y a un candidat communiste, vous vous rallierez, vous retrouverez le candidat de gauche, quel qu'il soit ?
- "Le clivage gauche-droite dans un pays comme la France existe, il doit exister et il ne faut pas qu'il y ait d'ambiguïté là-dessus. Je ne laisserai jamais passer la droite. C'est mon opinion. Pour moi, je ne mets pas dos à dos la gauche et la droite - c'est clair - à la différence d'autres."
A. Laguiller - vous en parlez par allusion - ne donnerait pas de consigne de vote au deuxième tour de 2002. Est-ce que cela veut dire qu'elle choisit, elle, la défaite du candidat de gauche ?
- "Je ne sais pas. Mais elle choisit, une nouvelle fois, l'inefficacité. Elle a certainement beaucoup de valeurs mais il lui manque, à mon avis, une qualité essentielle : quand il faut mouiller la chemise, d'entrer dans l'institution et de faire avancer les propositions, de ne pas en rester à l'attitude critique systématique. Il faut construire. Moi je suis là pour construire. C'est toute la différence qu'il y a entre effectivement A. Laguiller et moi."
Deux questions rapides avant de nous séparer : quelle va être la nouvelle posture des communistes de R. Hue ?
- "C'est une posture qui tient compte de ce qui s'est passé aux élections municipales et de ce qu'ont dit les Français à ce moment-là. C'est une posture de résistance sociale visant à une dynamique réelle de novations dans le domaine social. Nous sommes vraiment décidés à être du côté de ceux qui résistent au libéralisme. Il y a fort à faire. Regardez la France, regardez l'Italie, regardez ailleurs."
Donc, la droite peut être tranquille ?
- "Non, la droite n'a pas à être tranquille. Je la trouve d'ailleurs d'une suffisance, d'une arrogance ! On croirait que ça y est, c'est réglé : elle revient aux affaires ! On est en train de désigner les Premiers ministres. C'est lamentable. Cette droite devrait avoir un peu plus de pudeur en la matière. Heureusement que la gauche est arrivée en 1997, sinon où en serions-nous de ce point de vue aujourd'hui."
Dernière question : la torture en Algérie. D'après BVA pour Libération, 56 % des Français souhaitent que la République présente des excuses au peuple algérien. Au nom du PC, êtes-vous prêt, vous-même, à présenter des excuses aussi aux Algériens ?
- "Je ne suis pas Premier ministre ni Président de la République. En tout cas, aujourd'hui la République doit, par un acte fort, significatif, solennel, condamner officiellement ce qui a été sa faillite morale - la faillite morale de la République - à l'époque où elle a décidé de couvrir et même d'instituer la torture. Ce sont des choses que le Président de la République et le Premier ministre doivent vite rendre ..."
Mais pour votre part, parce qu'il ne faut oublier que le PC avait voté les pleins pouvoirs au Gouvernement...
- "Les pleines pouvoirs pour la paix."
Mais il n'y avait pas de guerre.
- "Vous connaissez ma thèse là-dessus."
C'était la pacification, l'ordre, la répression et la justice confiée aux militaires ?
- "S'il y a un parti que les Français reconnaissent ayant lutté contre les guerres coloniales et celle d'Algérie en particulier, c'est bien le Parti communiste français. Personne ne peut le nier."
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 9 mai 2001)
- "Le judo est quelque chose de très pacifique. Mais en même temps, il faut tenir compte de l'équilibre et utiliser la force de l'autre pour le faire tomber."
C'est le cas ?
- "Nous n'en sommes pas là."
Vous demandez de la souplesse à L. Jospin ?
- "Il faut qu'il penche mieux à gauche dans la dérive que nous connaissons actuellement qui, à mon avis, est une dérive droitière."
Qu'est-ce que cela veut dire "dérive droitière." Ce sont des mots de la langue communiste d'autrefois ?
- "Non, pas vraiment, j'entends d'autres les prononcer ces temps-ci. "Dérive" tout simplement parce qu'il y a une pression néolibérale très forte qui s'exerce en Europe. On la sent bien, on vient de la voir encore à travers le congrès des partis socialistes européens. Je pense qu'on n'y résiste pas assez au niveau du gouvernement français. De ce point de vue, il faut davantage entendre ses partenaires de la majorité plurielle, en particulier les communistes qui ont des choses à proposer par rapport à la situation sociale que nous connaissons."
Est-ce que vous allez rompre avec la majorité plurielle ?
- "Non, nous n'allons pas rompre avec la majorité plurielle. Pourquoi ferions-nous ce cadeau à la droite ? Il est évident que si on rompait avec la majorité plurielle, nous serions immédiatement dans une situation où la droite pourrait revenir aux affaires. Nous ne le souhaitons pas. J'entends bien que parfois certains prennent leur distance, disent-ils, avec la majorité plurielle de la gauche plurielle. J'ai entendu J.-P. Chevènement le dire."
Il dit qu'elle n'existe plus.
- "J.-P. Chevènement a quitté le Gouvernement mais cela n'a pas fait tomber le Gouvernement. Dans ces conditions, il peut faire toutes les déclarations qu'il veut, il ne le met pas en danger."
Cela veut-il dire qu'il ne pèse pas lourd ?
- "En tout cas, il ne met pas en danger la gauche plurielle lorsqu'il quitte le Gouvernement. La preuve, il l'a quitté, la gauche plurielle est toujours en place. Nous, si nous quittons le Gouvernement - ce que nous voulons pas faire naturellement aujourd'hui - effectivement, là, il n'y a plus de majorité et le Gouvernement tombe."
Dans ce cas, vous feriez d'abord du mal à L. Jospin, à la gauche ou au PC ?
- "Il s'agit de ne pas faire de mal à notre peuple. La gauche a été élue pour mettre en oeuvre de grandes réformes, des réformes significatives. Je ne souhaite pas qu'effectivement on laisse aujourd'hui la possibilité à la droite de revenir. Mais il faut prendre des réformes plus significatives."
Donc, pas de rupture de la majorité plurielle ? Les ministres communistes restent au Gouvernement ou ils en sortent ?
- "Les ministres communistes font leur travail dans le Gouvernement. Je crois que d'ailleurs ce travail est remarqué. Ce n'est pas pour rien si par exemple dans le secteur conduit par J.-C. Gayssot, c'est là - à la SNCF notamment - qu'il y a eu le plus d'emplois publics créés ces dernières années. Il y a une différence, un apport communiste. Il y a un travail courageux, significatif de M.-G. Buffet sur les questions de dopage. Elle ne fait aucune concession en la matière."
Le bilan du Gouvernement avec les ministres communistes est-il bon ou médiocre ?
- "Le bilan pourrait être bien meilleur. Il y a un apport communiste, il y a un travail de la gauche plurielle qui n'est pas du tout à négliger, des choses ont été faites. Mais nous voyons bien aujourd'hui qu'on ne peut pas en rester là. La preuve : les Français se retrouvent moins dans cette majorité plurielle qu'ils ne l'ont approuvée dans d'autres périodes."
Achèverez-vous la législature dans la majorité plurielle ?
- "Tout dépendra de l'évolution de la majorité plurielle et des choix faits par le Gouvernement. Le Parti communiste ne va pas se ficeler les mains sans avoir des assurances."
J'ai dit avant la fin de la législature, c'est-à-dire qu'avant 2002 vous pourriez plier bagages ?
- "Je pense qu'en tout état de cause, dans la toute prochaine période, il faut prendre des mesures qui soient de nature à redonner confiance à une partie du peuple de gauche qui a perdu cette confiance."
Il y a un deuxième sommet de la gauche plurielle prévu, si j'ai bien vu, à la fin juin ?
- "Je suis très interrogatif sur ce deuxième sommet. J'ai été de ceux qui le souhaitaient. Aujourd'hui, je demande qu'on commence d'abord à appliquer les dispositions du premier sommet de la gauche plurielle. Une partie de l'échec électoral de la gauche aux municipales - ce revers du côté du Parti communiste, je l'ai dit, mais aussi de l'ensemble de la gauche plurielle, notamment du Parti socialiste - tient au fait que des engagements pris en commun notamment au sommet de novembre n'ont pas été tenus. Donc, je demande déjà qu'on applique ces premiers éléments de l'accord. Après, on verra."
Sinon, il n'y a pas de deuxième sommet ?
- "Je me vois mal imaginer un nouveau sommet de la gauche - mes amis et moi-même en déciderons - si effectivement déjà les éléments du premier sommet ne sont pas appliqués."
Quand vous êtes allé chez L. Jospin il y a quelques jours, vous n'avez rien dit, pas fait de commentaires ? Vous étiez plutôt pas rassuré ?
- "Pas de commentaires à la sortie mais beaucoup de commentaires en tête- à-tête avec le Premier ministre."
Sur le même ton qu'ici ?
- "Pensez-vous un seul instant qu'il y a un ton différent ? Je peux être encore plus franc que quand je suis en tête à tête avec le Premier ministre."
Est-ce qu'il vous a rassuré sur ce que vous lui demandiez ?
- "Pour le moment, je n'ai pas les assurances qu'il faut. En rester simplement à un regard tranquille sur le bilan de la gauche plurielle est insuffisant."
Vous voulez dire qu'il n'y a pas de projets ?
- "Il me semble qu'il faut davantage de projets, davantage de réformes prévues qui n'ont pas été prises. Soyons concret puisque vous me demandez d'être concret, prenons le cas des plans sociaux qui tombent actuellement, ils sont en train d'annuler complètement aux yeux de l'opinion - et c'est normal - le recul positif du chômage qu'on a connu dans la dernière période."
Tous les emplois créés.
- "Les emplois créés sont beaucoup des emplois précaires. Donc, je dis que quand on prend des mesures comme celles qui sont annoncées par L. Jospin et E. Guigou concernant les plans sociaux, et qu'on ne s'attaque pas par exemple aux motifs des licenciements, lorsqu'on ne propose pas de mesures visant à suspendre ces licenciements, il y a là un repli, un retrait que j'analyse comme une dérive libérale, pour reprendre la formule de tout à l'heure."
Est-ce que timidement on peut vous dire que personne ne peut interdire à une entreprise de restructurer, éventuellement de licencier, parce qu'elle peut créer des emplois ? Est-ce que ce n'est pas choisir le court terme et l'illusion et sacrifier l'avenir de ces mêmes salariés, comme dirait J.-L. Gombaud ?
- "Je ne crois pas du tout. Je vous assure ce n'est ni de la surenchère, ni de la démagogie. Il y a la nécessité, pour les entreprises qui font des profits, qui montent en bourse, de dire "stop" lorsqu'ils licencient. Cela ne peut pas continuer. C'est un problème moral. La morale, ça compte en politique ; on crève de l'absence de morale en politique !"
Après vos derniers entretiens avec L. Jospin, est-ce que vous êtes sûr qu'il sera candidat en 2002 ?
- "Je ne sais pas."
A votre avis, il pourrait ne pas y aller ?
- "Je vais être assez brutal : il n'est pas très important de savoir qui sera candidat à l'élection présidentielle. Le problème aujourd'hui est de savoir si la gauche plurielle va se présenter devant l'opinion dans son caractère pluriel, efficacement, avec des éléments qui sont de nature à donner confiance aux Français. C'est la question. Je considère que se situer déjà systématiquement en fonction de la présidentielle est assez désastreux."
Vous le dites aussi pour vous-même ?
- "Je le dis pour moi-même, naturellement."
Mais au deuxième tour, si cela s'arrange un peu, même s'il y a un candidat communiste, vous vous rallierez, vous retrouverez le candidat de gauche, quel qu'il soit ?
- "Le clivage gauche-droite dans un pays comme la France existe, il doit exister et il ne faut pas qu'il y ait d'ambiguïté là-dessus. Je ne laisserai jamais passer la droite. C'est mon opinion. Pour moi, je ne mets pas dos à dos la gauche et la droite - c'est clair - à la différence d'autres."
A. Laguiller - vous en parlez par allusion - ne donnerait pas de consigne de vote au deuxième tour de 2002. Est-ce que cela veut dire qu'elle choisit, elle, la défaite du candidat de gauche ?
- "Je ne sais pas. Mais elle choisit, une nouvelle fois, l'inefficacité. Elle a certainement beaucoup de valeurs mais il lui manque, à mon avis, une qualité essentielle : quand il faut mouiller la chemise, d'entrer dans l'institution et de faire avancer les propositions, de ne pas en rester à l'attitude critique systématique. Il faut construire. Moi je suis là pour construire. C'est toute la différence qu'il y a entre effectivement A. Laguiller et moi."
Deux questions rapides avant de nous séparer : quelle va être la nouvelle posture des communistes de R. Hue ?
- "C'est une posture qui tient compte de ce qui s'est passé aux élections municipales et de ce qu'ont dit les Français à ce moment-là. C'est une posture de résistance sociale visant à une dynamique réelle de novations dans le domaine social. Nous sommes vraiment décidés à être du côté de ceux qui résistent au libéralisme. Il y a fort à faire. Regardez la France, regardez l'Italie, regardez ailleurs."
Donc, la droite peut être tranquille ?
- "Non, la droite n'a pas à être tranquille. Je la trouve d'ailleurs d'une suffisance, d'une arrogance ! On croirait que ça y est, c'est réglé : elle revient aux affaires ! On est en train de désigner les Premiers ministres. C'est lamentable. Cette droite devrait avoir un peu plus de pudeur en la matière. Heureusement que la gauche est arrivée en 1997, sinon où en serions-nous de ce point de vue aujourd'hui."
Dernière question : la torture en Algérie. D'après BVA pour Libération, 56 % des Français souhaitent que la République présente des excuses au peuple algérien. Au nom du PC, êtes-vous prêt, vous-même, à présenter des excuses aussi aux Algériens ?
- "Je ne suis pas Premier ministre ni Président de la République. En tout cas, aujourd'hui la République doit, par un acte fort, significatif, solennel, condamner officiellement ce qui a été sa faillite morale - la faillite morale de la République - à l'époque où elle a décidé de couvrir et même d'instituer la torture. Ce sont des choses que le Président de la République et le Premier ministre doivent vite rendre ..."
Mais pour votre part, parce qu'il ne faut oublier que le PC avait voté les pleins pouvoirs au Gouvernement...
- "Les pleines pouvoirs pour la paix."
Mais il n'y avait pas de guerre.
- "Vous connaissez ma thèse là-dessus."
C'était la pacification, l'ordre, la répression et la justice confiée aux militaires ?
- "S'il y a un parti que les Français reconnaissent ayant lutté contre les guerres coloniales et celle d'Algérie en particulier, c'est bien le Parti communiste français. Personne ne peut le nier."
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 9 mai 2001)