Déclaration de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense, sur les forces militaires françaises au Tchad, au Mali et en Centrafrique, à N'Djamena le 1er janvier 2014.

Prononcé le 1er janvier 2014

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Circonstance : Déplacement au Tchad auprès de la force Epervier, le 1er janvier 2013

Texte intégral


Madame l'ambassadrice, mon colonel, officiers, sous-officiers et soldats aviateurs de l'opération « Epervier », je suis heureux de vous retrouver. J'étais venu ici le 14 décembre dernier, très brièvement, trop brièvement. Je vous avais dit que je repasserai au moment des fêtes de fin d'année. Me voilà, encore un peu brièvement puisque je dois aller rencontrer le président DEBY dans peu de temps.
Mais je voulais revenir d'abord pour vous souhaiter une bonne année, vous avez passé ce réveillon loin de vos proches ; je sais tous les sacrifices que cela demande. En même temps, que le ministre vienne vous souhaiter une bonne année 2014, j'espère que c'est un bon signe pour vous, pour cette année. Je voulais aussi venir vous féliciter pour tout ce que vous avez fait en 2013, et vous soutenir pour les opérations qui ne manqueront pas de se poursuivre au cours de l'année 2014.
Ici, vous êtes finalement au centre de tout, ici à N'Djamena, parce que vous êtes à la fois « Epervier » depuis 1986, vous êtes aussi « Serval » et vous êtes désormais aussi « Sangaris ». Vous êtes multi-actions, et vous avez donc un rôle déterminant.
Je voudrais revenir sur ces trois points ; d'abord « Epervier » pour vous dire que nous sommes en phase de réorganisation, de régionalisation de notre présence dans cette partie de l'Afrique. Et dans cette réorganisation, la plateforme de N'Djamena aura un rôle central, parce qu'il nous faut anticiper, dissuader les menaces qui pèsent sur cette région. Le faire d'abord pour protéger les Etats avec lesquels nous avons des accords de défense, mais le faire aussi parce que ces actions contribuent à la sécurité de notre pays. Dans tous les cas de figure que nous rencontrons, on sait très bien que le vide sécuritaire, le désordre sécuritaire induit inévitablement les creusets du terrorisme, le creuset de tous les trafics ; et que cela joue aussi sur notre propre sécurité. Et c'est ce que nous devons expliquer aux Françaises et aux Français et c'est mon rôle. Je voulais vous dire ici que dans cette perspective de régionalisation, l'ensemble de nos actions sur l'ensemble de la zone, cette place de N'Djamena aura un rôle central, je l'ai dit déjà au président DEBY et je vais le lui redire dans un instant.
Nous devons trouver la bonne articulation entre le Mali et entre le Niger, entre le Tchad, notre présence à Bangui, notre présence à Libreville, notre présence à Dakar, notre présence à Abidjan, que cela soit tout à fait cohérent, en particulier pour l'aviation de chasse mais aussi dans les éléments terrestres où N'Djamena aura un rôle central.
Ensuite, il y a eu et il y a le nord Mali, et je sais le rôle que vous avez joué dès les premières heures ici du déclenchement de l'opération « Serval ». Je sais votre compétence, je sais aussi votre courage qui nous a permis, qui vous a permis de remporter au Mali une vraie victoire. J'en viens, j'étais le 31 décembre à Gao et à Bamako, où j'ai rencontré le président du Mali Ibrahim Boubacar KEÏTA.
J'ai dit à vos camarades, et je vous le redis ici puisque vous êtes acteur de «Serval » au même titre que les autres : qui aurait dit il y a un an que le Mali aurait recouvré sa souveraineté, sa liberté, la confiance en lui-même, et sa fierté ? Qui aurait dit que le Mali aurait pu afficher une démocratie retrouvée, alors qu'il y a un an - rappelez-vous, cela passe vite - le djihadisme dominait, on coupait des mains à Gao et à Tombouctou et on s'interrogeait sur les délais qu'il restait avant que le terrorisme ne s'empare de Bamako. Nous ne l'avons pas voulu, le président de la République a décidé, à l'appel des autorités maliennes et en accord avec les Nations Unies, d'y porter un coup d'arrêt. Et c'est vous, c'est vous ici, c'est vous là-bas, à Gao, à Bamako et ailleurs, c'est vous qui avez libéré ce pays. Et lorsqu'on marquera le 19 janvier l'anniversaire de l'opération « Serval » avec les autorités maliennes en ma présence, je rappellerai ce qu'on peut appeler une forme d'épopée que nous avons vécue, que vous avez vécue. Je précise d'ailleurs à ce propos que ce jour-là aussi, j'inaugurerai le monument aux morts en mémoire de tous ceux de vos camarades qui sont tombés pour la France au cours de l'année 2013.
Le Mali ce n'est pas fini, la force africaine est là, elle se met en place déjà depuis plusieurs semaines, elle doit jouer son rôle de relais. Mais dans tous les cas de figure, la France restera présente, je l'ai déjà dit à Bamako, pour lutter contre le terrorisme avec environ un millier de soldats sur le territoire malien.
Votre action ici à N'Djamena pour poursuivre ce qu'on pourrait appeler aujourd'hui «Serval 3 » sera déterminante. Notre défense et notre volonté s'affirmeront là encore.
Je voulais aussi vous parler de « Sangaris » parce que là encore, depuis N'Djamena à la fois par l'intervention aérienne mais aussi par l'intervention terrestre, vous jouez tout votre rôle. Voilà un pays qui subit depuis plus d'un an des massacres, des exactions, des pillages qui si nous n'étions pas intervenus aurait été la proie d'une guerre civile, voire même d'une guerre confessionnelle.
J'entends et je lis les propos de ceux qu'on appelle les experts. Je le redis ici comme je l'ai dit hier : il faut faire attention aux experts. Souvent, ce sont des experts autoproclamés qui s'estiment d'autant plus experts qu'ils sont loin des réalités.
J'entends des experts dire « attention en Centrafrique, est-ce qu'on ne va pas s'enliser ? » A ceux-là, je rappelle aussi qu'il y a un peu moins d'un an, début février 2013, ces mêmes experts disaient pour le Mali « attention, on va s'enliser ». L'histoire leur a donné tort. Je suis convaincu que là encore, en République centrafricaine, l'histoire leur donnera tort. En tout état de cause, il était essentiel que la France en Centrafrique assume ses responsabilités.
Il s'agit d'abord d'éviter des massacres massifs impunis qui auraient été de toute façon mis, qu'on le veuille ou non, à la charge de la France si on avait laissé faire. Et il fallait répondre à la résolution des Nations unies. Nous sommes là-bas parce que nous représentons la communauté internationale et parce qu'il s'agit d'éviter des bains de sang. Parce qu'il s'agit aussi d'éviter que le vide de l'Etat en République centrafricaine, le vide sécuritaire dont vous parliez tout à l'heure n'aboutisse à des zones de non-droit généralisées dans une région de l'Afrique où il y a tant de fragilités : la fragilité du Sahel, la fragilité de la Corne de l'Afrique et la fragilité de la région des Grands Lacs.
Si nous laissons au milieu de tout cela une zone grise où des massacres sont perpétrés, non seulement nous connaîtrions un drame humanitaire mais une grave dégradation sécuritaire. Voilà pourquoi nous y sommes. Et il ne faut pas qu'il y ait de doute sur la volonté de la France d'accomplir sa mission avec la MISCA, ces forces africaines qui sont en train de se déployer pour monter rapidement à 6 000.
La mission, c'est de désarmer, désarmer les uns et les autres, désarmer à la fois les anti-Balaka et les ex-Seleka pour que ce pays retrouve un minimum de sécurité et que demain, on ne voie plus ces malheureux réfugiés autour de l'aéroport M'Poko qui recherche un brin de sécurité et de compassion auprès des forces françaises.
Voilà nos missions pour 2014. Elles sont essentielles à la fois pour les pays d'Afrique, mais aussi pour la France et pour sa sécurité, et pour répondre à ces missions je vois devant moi des femmes et des hommes déterminés,compétents, professionnels, et dont les Français sont fiers.
Jamais depuis la fin de la dernière guerre, l'image de nos armées n'a été aussi forte dans l'opinion. Et cela va croissant. C'est dû surement à votre professionnalisme ; c'est dû sûrement à votre courage ; c'est dû sûrement à votre abnégation mais c'est aussi dû au fait que vous portez les valeurs de la France avec beaucoup de fierté, beaucoup d'affirmation, beaucoup de ténacité et je voulais vous en rendre hommage, vous dire que j'étais fier d'être votre ministre, vous dire que j'ai toute confiance en vous pour mener les actions lourdes que je vous ai rapidement énumérées il y a un instant.
C'est la raison pour laquelle je suis venu vous voir - mais encore trop brièvement ce matin - et aussi pour vous souhaiter une bonne année 2014 à vous-mêmes, à vos familles et à vos proches.
Vive la République, vive la France !
Source http://www.defense.gouv.fr, le 7 janvier 2014