Texte intégral
JEAN LEYMARIE
Bonjour Laurent FABIUS.
LAURENT FABIUS
Bonjour.
JEAN LEYMARIE
Ça fait 2 mois tout juste que l'Armée française est déployée en Centrafrique, et pourtant les massacres continuent. L'Armée française est-elle dépassée ?
LAURENT FABIUS
Non, non, certainement pas. Heureusement l'Armée française est intervenue, sinon il y aurait des dizaines de milliers de morts, et elle est intervenue dès que les Nations Unies en ont donné l'autorisation, le lendemain même. Alors il faut agir sur trois terrains, le terrain sécuritaire, les choses ne sont pas encore réglées, loin de là, mais il y a des éléments d'apaisement, et les troupes africaines montent en régime, des troupes européennes vont nous rejoindre, donc il y a un gros travail à faire, mais il est en train d'être fait. Il y a l'aspect humanitaire, qui lui est dramatique, parce que sur 4,5 millions d'habitants, il y a 2 millions de personnes qui sont dans une situation humanitaire grave. Et puis il y a la préparation de la transition démocratique, puisqu'il va falloir aller à une élection, là il y a une bonne nouvelle, c'est que la nouvelle présidente, qui a été choisie, madame SAMBA-PANZA, est une femme tout à fait remarquable. Donc on est encore dans une situation très difficile, mais je pense que, heureusement, les Africains, les Français, les Européens, la communauté internationale, se sont mobilisés.
JEAN LEYMARIE
1600 soldats français, Monsieur le ministre, est-ce que ça suffit en Centrafrique aujourd'hui ?
LAURENT FABIUS
C'est le chiffre qui a été fixé. L'essentiel, en termes de nombre, ce sont les troupes africaines, et il faut que ce soit sur les troupes africaines que repose l'essentiel, mais la France
JEAN LEYMARIE
Je peux vous poser la question autrement, pas de soldats français supplémentaires en Centrafrique ?
LAURENT FABIUS
Non, ce n'est pas prévu, en revanche, en revanche, il y a en perspective ce qu'on appelle une opération de maintien de la paix, c'est-à-dire que, à partir, vraisemblablement, de l'été, c'est l'ONU qui va prendre le relais et le chiffre qui a été évoqué dans les débats de l'ONU c'est, au total, 10 000 soldats. Donc voyez, on passerait de 6000 Africains, plus 1600 Français, plus un certain nombre d'Européens, à 10 000.
JEAN LEYMARIE
Restons en Afrique un instant, même si nous parlons aussi de la France, pour évoquer le cas de ce génocidaire présumé, jugé à Paris, 20 ans après le génocide au Rwanda. C'est un procès exceptionnel, à plusieurs égards
LAURENT FABIUS
Oui, c'est le premier.
JEAN LEYMARIE
Est-ce que les relations entre la France et le Rwanda sont apaisées aujourd'hui, Monsieur le ministre ?
LAURENT FABIUS
Oui, moi j'ai souvent, enfin périodiquement, je suis en relations avec ma collègue ministre des Affaires étrangères, et nous avons des relations qui sont redevenues normales, ou apaisées, ça ne veut pas dire, évidemment, que l'histoire n'existe pas, elle a laissé des traces, des traces extrêmement lourdes, mais je pense que c'est une bonne chose que ce procès ait lieu, il faut que la justice passe.
JEAN LEYMARIE
La Syrie est également toujours à la Une et c'est vrai que ce tour d'horizon international, ce matin, il est dense, parce que l'actualité internationale est dense. Je parlais de massacres à propos de Centrafrique, il y en a toujours en Syrie
LAURENT FABIUS
Malheureusement, oui.
JEAN LEYMARIE
Malgré les discussions sur la paix qui se tiennent en Suisse, encore il y a quelques jours, sur la ville d'Alep, à quoi servent les discussions, est-ce que ce ne sont pas des discussions pour rien, Laurent FABIUS ?
LAURENT FABIUS
Malheureusement elles ne débouchent, pour le moment, pas sur grand chose, mais on comprend bien qu'il n'y a pas d'autres solutions que politique, là-bas, en Syrie, et pour qu'il y ait une solution politique il faut que ces discussions aient lieu. Alors, elles ont deux objets, le premier c'est un objet humanitaire, nous demandons que le gouvernement de Bachar EL-ASSAD fasse les gestes qu'il faut pour qu'il y ait des cessez-le feu, des accès humanitaires, pour l'instant il le refuse, il faut donc augmenter la pression. Le deuxième aspect c'est, et c'est l'objet principal de la Conférence de Genève, essayer de bâtir un gouvernement de transition doté de tous les pouvoirs exécutifs, qui prendra le relais de Bachar EL-ASSAD, mais là on en est loin. J'ajoute un élément qui pour l'instant n'a pas été, je crois, souligné, mais que j'ai vu dans les notes qui m'ont été soumises, c'est que le gouvernement syrien freine sur la destruction des armes chimiques. Dans les notes que j'ai vues hier, c'est seulement 5% des armes chimiques qui étaient en train de sortir de Syrie, alors qu'au 1er février on devait être à 100%. Donc il y a nécessité que le gouvernement de Bachar EL-ASSAD respecte les engagements qu'il a pris sur la destruction des armes chimiques.
JEAN LEYMARIE
Et s'il ne respecte pas ses engagements ?
LAURENT FABIUS
A ce moment-là ça reviendra devant l'Organisation internationale des armes chimiques.
JEAN LEYMARIE
Est-ce qu'une frappe internationale, une frappe américaine, ou française, pourrait redevenir d'actualité ?
LAURENT FABIUS
Non, ce n'est pas envisagé, mais à partir du moment où un gouvernement, malheureusement qui nous a habitué à beaucoup d'évictions, à partir du moment où un gouvernement s'engage et s'engage devant la communauté internationale, il doit tenir ses engagements.
JEAN LEYMARIE
C'est un avertissement que vous lancez au régime syrien aussi ce matin ?
LAURENT FABIUS
Oui.
JEAN LEYMARIE
L'Ukraine également est à la Une ce matin, situation bloquée toujours, vous venez de rencontrer les dirigeants de l'opposition, c'était tout récemment. Ils redoutent, ces dirigeants de l'opposition, une opération militaire, l'Etat d'urgence, une répression violente. Vous aussi ?
LAURENT FABIUS
Il n'y a pas de solution dans une escalade répressive, c'est absolument inacceptable, et donc j'ai rencontré les dirigeants de l'opposition, à Munich, où je me trouvais ce week-end, j'ai rencontré également le ministre des Affaires étrangères du gouvernement de monsieur IANOUKOVYTCH, et ce pourquoi nous plaidons, et nous agissons, c'est de trouver les voies du dialogue, il n'y a pas d'autre solution. Madame ASHTON est à Kiev, au nom de l'Europe
JEAN LEYMARIE
La représentante de la diplomatie européenne.
LAURENT FABIUS
Je rencontre les uns et les autres, mon collègue américain fait la même chose, et nous essayons de rassembler nos énergies dans le même sens. Il faut bien comprendre que ce n'est pas, ou la Russie, ou l'Europe, c'est une présentation qui est mauvaise, c'est aux Ukrainiens de choisir. S'ils choisissent l'accord d'association avec l'Europe, ce sera positif pour tout le monde, y compris pour la Russie. La Russie a des intérêts en Ukraine, mais à partir du moment où l'Ukraine pourrait se redévelopper ce serait positif pour tout le monde. En tout cas nous sommes totalement hostiles aux activités répressives qui ont lieu là-bas.
JEAN LEYMARIE
Il est question d'argent aussi, Laurent FABIUS, puisque la Russie a mis sur la table 15 milliards de dollars de crédit, est-ce que l'Europe va sortir son carnet de chèque pour attirer l'Ukraine ?
LAURENT FABIUS
L'Europe a proposé un accord d'association, qui comporte des éléments financiers bien sûr, d'autre part il y a toute une série de démarches qui sont faites avec le Fonds Monétaire International, avec la Banque de reconstruction, c'est un tout, mais c'est un choix qui n'est pas simplement économique, c'est aux Ukrainiens de se déterminer, et s'il n'y a pas de solution, je veux dire, rapide, eh bien il faudra, à un moment, à un autre, qu'il y ait un vote.
JEAN LEYMARIE
Quels moyens financiers l'Europe est-elle prête à mettre sur la table pour attirer l'Ukraine aujourd'hui, comme le fait la Russie, encore une fois ?
LAURENT FABIUS
Oui, mais on ne peut pas choisir
JEAN LEYMARIE
Est-ce que c'est un jeu d'enchères ?
LAURENT FABIUS
Il faut que ça ne le soit pas, et il faut que ce ne soit pas non plus un jeu de chantage. C'est aux Ukrainiens de se décider. L'un des gros problèmes qu'il faut voir, et il ne faut pas la réalité, c'est que vous avez toute la partie Ouest qui est plus tournée, évidemment, vers l'Europe, mais vous avez toute une partie de l'Ukraine russophone qui est tournée vers la Russie, et donc il ne faut pas présenter les choses comme un choix, ou bien, ou bien, il faut arriver à concilier tout cela.
JEAN LEYMARIE
Merci Laurent FABIUS.
LAURENT FABIUS
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 12 février 2014
Bonjour Laurent FABIUS.
LAURENT FABIUS
Bonjour.
JEAN LEYMARIE
Ça fait 2 mois tout juste que l'Armée française est déployée en Centrafrique, et pourtant les massacres continuent. L'Armée française est-elle dépassée ?
LAURENT FABIUS
Non, non, certainement pas. Heureusement l'Armée française est intervenue, sinon il y aurait des dizaines de milliers de morts, et elle est intervenue dès que les Nations Unies en ont donné l'autorisation, le lendemain même. Alors il faut agir sur trois terrains, le terrain sécuritaire, les choses ne sont pas encore réglées, loin de là, mais il y a des éléments d'apaisement, et les troupes africaines montent en régime, des troupes européennes vont nous rejoindre, donc il y a un gros travail à faire, mais il est en train d'être fait. Il y a l'aspect humanitaire, qui lui est dramatique, parce que sur 4,5 millions d'habitants, il y a 2 millions de personnes qui sont dans une situation humanitaire grave. Et puis il y a la préparation de la transition démocratique, puisqu'il va falloir aller à une élection, là il y a une bonne nouvelle, c'est que la nouvelle présidente, qui a été choisie, madame SAMBA-PANZA, est une femme tout à fait remarquable. Donc on est encore dans une situation très difficile, mais je pense que, heureusement, les Africains, les Français, les Européens, la communauté internationale, se sont mobilisés.
JEAN LEYMARIE
1600 soldats français, Monsieur le ministre, est-ce que ça suffit en Centrafrique aujourd'hui ?
LAURENT FABIUS
C'est le chiffre qui a été fixé. L'essentiel, en termes de nombre, ce sont les troupes africaines, et il faut que ce soit sur les troupes africaines que repose l'essentiel, mais la France
JEAN LEYMARIE
Je peux vous poser la question autrement, pas de soldats français supplémentaires en Centrafrique ?
LAURENT FABIUS
Non, ce n'est pas prévu, en revanche, en revanche, il y a en perspective ce qu'on appelle une opération de maintien de la paix, c'est-à-dire que, à partir, vraisemblablement, de l'été, c'est l'ONU qui va prendre le relais et le chiffre qui a été évoqué dans les débats de l'ONU c'est, au total, 10 000 soldats. Donc voyez, on passerait de 6000 Africains, plus 1600 Français, plus un certain nombre d'Européens, à 10 000.
JEAN LEYMARIE
Restons en Afrique un instant, même si nous parlons aussi de la France, pour évoquer le cas de ce génocidaire présumé, jugé à Paris, 20 ans après le génocide au Rwanda. C'est un procès exceptionnel, à plusieurs égards
LAURENT FABIUS
Oui, c'est le premier.
JEAN LEYMARIE
Est-ce que les relations entre la France et le Rwanda sont apaisées aujourd'hui, Monsieur le ministre ?
LAURENT FABIUS
Oui, moi j'ai souvent, enfin périodiquement, je suis en relations avec ma collègue ministre des Affaires étrangères, et nous avons des relations qui sont redevenues normales, ou apaisées, ça ne veut pas dire, évidemment, que l'histoire n'existe pas, elle a laissé des traces, des traces extrêmement lourdes, mais je pense que c'est une bonne chose que ce procès ait lieu, il faut que la justice passe.
JEAN LEYMARIE
La Syrie est également toujours à la Une et c'est vrai que ce tour d'horizon international, ce matin, il est dense, parce que l'actualité internationale est dense. Je parlais de massacres à propos de Centrafrique, il y en a toujours en Syrie
LAURENT FABIUS
Malheureusement, oui.
JEAN LEYMARIE
Malgré les discussions sur la paix qui se tiennent en Suisse, encore il y a quelques jours, sur la ville d'Alep, à quoi servent les discussions, est-ce que ce ne sont pas des discussions pour rien, Laurent FABIUS ?
LAURENT FABIUS
Malheureusement elles ne débouchent, pour le moment, pas sur grand chose, mais on comprend bien qu'il n'y a pas d'autres solutions que politique, là-bas, en Syrie, et pour qu'il y ait une solution politique il faut que ces discussions aient lieu. Alors, elles ont deux objets, le premier c'est un objet humanitaire, nous demandons que le gouvernement de Bachar EL-ASSAD fasse les gestes qu'il faut pour qu'il y ait des cessez-le feu, des accès humanitaires, pour l'instant il le refuse, il faut donc augmenter la pression. Le deuxième aspect c'est, et c'est l'objet principal de la Conférence de Genève, essayer de bâtir un gouvernement de transition doté de tous les pouvoirs exécutifs, qui prendra le relais de Bachar EL-ASSAD, mais là on en est loin. J'ajoute un élément qui pour l'instant n'a pas été, je crois, souligné, mais que j'ai vu dans les notes qui m'ont été soumises, c'est que le gouvernement syrien freine sur la destruction des armes chimiques. Dans les notes que j'ai vues hier, c'est seulement 5% des armes chimiques qui étaient en train de sortir de Syrie, alors qu'au 1er février on devait être à 100%. Donc il y a nécessité que le gouvernement de Bachar EL-ASSAD respecte les engagements qu'il a pris sur la destruction des armes chimiques.
JEAN LEYMARIE
Et s'il ne respecte pas ses engagements ?
LAURENT FABIUS
A ce moment-là ça reviendra devant l'Organisation internationale des armes chimiques.
JEAN LEYMARIE
Est-ce qu'une frappe internationale, une frappe américaine, ou française, pourrait redevenir d'actualité ?
LAURENT FABIUS
Non, ce n'est pas envisagé, mais à partir du moment où un gouvernement, malheureusement qui nous a habitué à beaucoup d'évictions, à partir du moment où un gouvernement s'engage et s'engage devant la communauté internationale, il doit tenir ses engagements.
JEAN LEYMARIE
C'est un avertissement que vous lancez au régime syrien aussi ce matin ?
LAURENT FABIUS
Oui.
JEAN LEYMARIE
L'Ukraine également est à la Une ce matin, situation bloquée toujours, vous venez de rencontrer les dirigeants de l'opposition, c'était tout récemment. Ils redoutent, ces dirigeants de l'opposition, une opération militaire, l'Etat d'urgence, une répression violente. Vous aussi ?
LAURENT FABIUS
Il n'y a pas de solution dans une escalade répressive, c'est absolument inacceptable, et donc j'ai rencontré les dirigeants de l'opposition, à Munich, où je me trouvais ce week-end, j'ai rencontré également le ministre des Affaires étrangères du gouvernement de monsieur IANOUKOVYTCH, et ce pourquoi nous plaidons, et nous agissons, c'est de trouver les voies du dialogue, il n'y a pas d'autre solution. Madame ASHTON est à Kiev, au nom de l'Europe
JEAN LEYMARIE
La représentante de la diplomatie européenne.
LAURENT FABIUS
Je rencontre les uns et les autres, mon collègue américain fait la même chose, et nous essayons de rassembler nos énergies dans le même sens. Il faut bien comprendre que ce n'est pas, ou la Russie, ou l'Europe, c'est une présentation qui est mauvaise, c'est aux Ukrainiens de choisir. S'ils choisissent l'accord d'association avec l'Europe, ce sera positif pour tout le monde, y compris pour la Russie. La Russie a des intérêts en Ukraine, mais à partir du moment où l'Ukraine pourrait se redévelopper ce serait positif pour tout le monde. En tout cas nous sommes totalement hostiles aux activités répressives qui ont lieu là-bas.
JEAN LEYMARIE
Il est question d'argent aussi, Laurent FABIUS, puisque la Russie a mis sur la table 15 milliards de dollars de crédit, est-ce que l'Europe va sortir son carnet de chèque pour attirer l'Ukraine ?
LAURENT FABIUS
L'Europe a proposé un accord d'association, qui comporte des éléments financiers bien sûr, d'autre part il y a toute une série de démarches qui sont faites avec le Fonds Monétaire International, avec la Banque de reconstruction, c'est un tout, mais c'est un choix qui n'est pas simplement économique, c'est aux Ukrainiens de se déterminer, et s'il n'y a pas de solution, je veux dire, rapide, eh bien il faudra, à un moment, à un autre, qu'il y ait un vote.
JEAN LEYMARIE
Quels moyens financiers l'Europe est-elle prête à mettre sur la table pour attirer l'Ukraine aujourd'hui, comme le fait la Russie, encore une fois ?
LAURENT FABIUS
Oui, mais on ne peut pas choisir
JEAN LEYMARIE
Est-ce que c'est un jeu d'enchères ?
LAURENT FABIUS
Il faut que ça ne le soit pas, et il faut que ce ne soit pas non plus un jeu de chantage. C'est aux Ukrainiens de se décider. L'un des gros problèmes qu'il faut voir, et il ne faut pas la réalité, c'est que vous avez toute la partie Ouest qui est plus tournée, évidemment, vers l'Europe, mais vous avez toute une partie de l'Ukraine russophone qui est tournée vers la Russie, et donc il ne faut pas présenter les choses comme un choix, ou bien, ou bien, il faut arriver à concilier tout cela.
JEAN LEYMARIE
Merci Laurent FABIUS.
LAURENT FABIUS
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 12 février 2014