Déclaration de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense, sur l'industrie d'armement et la recherche militaire, à Paris le 6 mars 2014.

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Circonstance : Inauguration des Thalès Innov'Days, à Paris le 6 mars 2014

Texte intégral

Monsieur le président, cher Jean-Bernard Lévy,
Mesdames et Messieurs,
Je suis très heureux d'être avec vous ce matin pour inaugurer ces deux journées « Thalès Innov'days ». Ces journées vous appartiennent. Elles sont l'occasion de rassembler tous les savoir-faire, tous les talents, en France et dans le monde entier, dont Thalès représente la somme. Mais ces savoir-faire, ces talents sont au service d'un projet plus vaste, qui rencontre les aspirations de l'ensemble de la communauté nationale. Je pense ici à l'excellence de nos industries de défense, votre excellence, qui bénéficie très directement à nos forces sur le terrain. Mais je pense aussi au dynamisme de ces mêmes industries, votre dynamisme, qui irrigue notre économie, encourage la croissance, développe l'emploi. « Bravo et merci ! », voilà le premier message que je tenais vous apporter ce matin.
Je dois vous dire que je suis très enthousiasmé par les présentations qui m'ont été faites. Je ne citerai pas tous les équipements, tous les systèmes innovants qui m'ont été montrés, mais ceux qui m'ont frappé en particulier.
- Il y a par exemple Avionics 2020, qui présente un cockpit avec des commandes tactiles et des fonctions de surveillance et de navigation connectées. Ce système intégré va permettre de réduire le risque d'erreur humaine, en simplifiant les commandes et en facilitant leur apprentissage.
- Il y a aussi ce nouveau concept de communication par satellite, qui combine protection et haut débit, à travers une approche complémentaire entre les équipements au sol et les équipements embarqués.
- Il y encore cette caméra radar qui, avec une haute résolution, permet de mieux appréhender la position et la trajectoire d'une cible à longue distance.
Quelques exemples, parmi plus d'une centaine de démonstrations, qui démontre toute la compétence et toute l'intelligence rassemblées par Thalès. Cela, d'ailleurs, au-delà du seul secteur de la défense, puisque l'ensemble de ses marchés couvre aussi la sécurité, l'aéronautique, le spatial et les transports au sens large.
« Thalès acteur de notre Défense », mais j'ajoute aussitôt : « le ministère de la défense, acteur de l'innovation », cette innovation qui compose la toile de fond de ces journées. Cette visite me donne donc l'occasion de préciser l'effort que j'ai souhaité confirmer en matière de recherche ; de dévoiler, pour les six ans qui viennent, les orientations du ministère dont j'ai la charge en matière de R&T.
Cet effort et ces orientations ne sont pas à prendre à la légère. La sanctuarisation de notre effort de recherche est un engagement personnel que j'ai pris dans le cadre de la préparation du Livre blanc puis de la loi de programmation militaire.
Mon raisonnement est simple. Cet effort, c'est d'abord un outil essentiel de politique industrielle, qui est au service de notre autonomie stratégique, puisqu'un bon niveau de recherche, concentré sur les priorités du ministère, permet de développer les technologies dont nous avons besoin. C'est ensuite un outil majeur de compétitivité pour l'industrie française, avec des milliers de chercheurs – environ 20 000 si l'on s'en tient aux bureaux d'étude des industries de défense, sur un total de 165 000 emplois, auxquels il faut ajouter, notamment, ces haut-lieux de la recherche française que sont le CNES, le CEA ou l'ONERA.
Je souligne – comme ce forum m'y invite – que la recherche de défense, le plus souvent, a des retombées civiles claires. Les exemples abondent : la cybersécurité, l'imagerie spatiale, la propulsion, les commandes de vol électriques, pour n'en citer que quelques-uns. Même quand ce n'est pas le cas, cette recherche est en synergie évidente avec des activités civiles – je pense ici aux missiles balistiques ou à l'aéronautique – puisque les bureaux d'étude sont mixtes et les méthodes communes.
Voilà très succinctement les raisons qui m'ont incité à défendre, jusque devant le Parlement, une sanctuarisation de notre budget de R&T, avec toujours l'idée que les compétences qui forment l'excellence de nos industries sont aussi longues à acquérir qu'elles sont rapides à perdre. Pour les préserver dans la durée, et ainsi préparer l'avenir, j'ai donc tenu à marquer un engagement très fort en faveur de la recherche.
Concrètement, entre cette année et 2019, il y aura 730M€ par an en moyenne de contrats d'études-amont directement conclus avec l'industrie.
Ce total d'effort dépasse le milliard d'euros annuel en y intégrant les subventions à nos opérateurs de recherche comme l'ONERA, le CNES ou le CEA.
Je n'oublie pas, non plus, les travaux de développement sur les programmes qui ont été prévus par la LPM. Depuis le vote, j'ai déjà eu, d'ailleurs, l'occasion d'en notifier un certain nombre (dont Thalès a eu sa part !). L'effort de R&D financé par le budget de la défense dépasse ainsi les 3,5Md€ annuels. J'en profite pour vous dire que l'articulation des marchés de recherche amont et des marchés de développement est un enjeu crucial, que je suis avec la plus grande attention.
Je note que cet effort de recherche, tel que je viens de vous le présenter, est significativement plus élevé que le niveau que l'on observe dans les autres pays européens, comme le Royaume-Uni ou l'Allemagne.
Pour réaliser ces priorités 2014-2019, j'ai souhaité simplifier notre gouvernance. Car ces montants, dans le contexte actuel, nous obligent à la plus grande rigueur, pour être certain que le client – en l'occurrence l'État – atteint ses objectifs. Dans cette perspective, j'ai établi une instruction ministérielle importante. Publiée le 2 octobre 2013, elle simplifie la comitologie, acte la validation des décisions à mon niveau, et pose des objectifs clairs, au sein d'agrégats technologiques cohérents. Pour porter cette dynamique nouvelle, je suis très heureux de pouvoir compter sur la DGA, dont je tiens à saluer une fois de plus l'excellence et l'implication au service de la compétitivité des industries de défense.
Pour donner du relief à mon propos, je voudrais simplement, avant de conclure, évoquer les priorités elles-mêmes que j'ai retenues.
Parmi les principaux domaines d'études-amont :
- figure d'abord la dissuasion, avec des études qui vont permettre le renouvellement des deux composantes, notamment les travaux autour du successeur des SNLE et ceux autour du renouvellement de la composante nucléaire aéroporté (cela représente 1.200M€ sur la période) ;
- figure ensuite l'aéronautique de combat, avec les travaux autour de la prochaine génération, notamment sur les futurs drones de combat dans la continuité du démonstrateur Neuron (ce sont ici des travaux menés en coopération franco-britannique), mais aussi sur les futurs avions de chasse, avec des études sur la furtivité et la guerre électronique (cela représente 875M€ sur la période) ;
- figurent encore les missiles et bombes, dans le cadre de « One Complex Weapon », avec ici des travaux qui vont nous permettre de renouveler la gamme actuelle, je pense notamment aux missiles de croisière. De nombreux secteurs seront approfondis, autour de la propulsion, des senseurs inertiels ou bien encore des composants électroniques (cela représente plus de 300M€ sur la période).
De façon transverse, par ailleurs, j'ai, au cours des derniers mois et dernières semaines, insisté sur deux priorités majeures, qui se trouvent confortées par cet effort de recherche. Je pense d'abord à la cyberdéfense, puisqu'au sein du milliard d'euros que j'ai décidé d'y consacrer à travers le Pacte « Défense Cyber », plus de 150M€ seront directement consacrés à la recherche. Je pense ensuite à la priorité que j'ai marquée en faveur des PME, à travers le Pacte « Défense PME ». A ce titre, les différents dispositifs de soutien à l'innovation transverses sont renforcés, et j‘y consacrerai 510M€ sur 2014-2019, comme le dispositif RAPID par exemple.
Dans ce trop bref panorama, je n'oublie pas, bien sûr, le renseignement, avec dans le domaine spatial, le post-MUSIS, le post-CERES, les drones, mais aussi les futures frégates, la lutte anti-sous-marine, la protection des blindés terrestres, et de nombreux autres sujets.
Pour chacun d'entre eux, j'en suis sûr, Thalès aura des solutions à proposer, des innovations à imaginer. J'ai commencé en vous félicitant. Je finirai en vous encourageant. Nos armées comptent sur vous. Vous êtes, par vos travaux, l'un des premiers facteurs de leurs nombreuses réussites sur les théâtres d'opérations.
Source http://www.defense.gouv.fr, le 7 mars 2014