Déclaration de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense, sur les efforts en faveur des industries d'armement, à Paris le 19 mars 2014.

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Circonstance : Conférence des Echos, à Paris le 19 mars 2014

Texte intégral


Mesdames et Messieurs, chers amis,
Je suis très heureux d'être parmi vous et de pouvoir m'exprimer sur un sujet qui non seulement est d'importance, mais qui en plus me tient à cœur.
Je tiens d'abord à remercier les Echos pour leur invitation. Je dois dire que, déjà l'année dernière, j'avais été invité, mais je n'avais pu venir : j'étais alors en pleine préparation d'arbitrages importants, entre le Livre blanc et la Loi de programmation militaire (LPM). C'était d'ailleurs une autre manière de penser à vous, car je défendais notamment les crédits consacrés aux programmes de défense. Ce sont ces crédits qui nous permettent aujourd'hui, avec le vote de la LPM, de lancer une programmation solide et ambitieuse, à la mesure des défis que nous partageons, et que je suis heureux d'évoquer avec vous ce matin.
J'ai coutume de le dire, ministre de la Défense, cela veut dire aussi ministre des industries de défense. Ce n'est certes pas mon titre officiel, mais c'est la réalité de mon engagement depuis près de deux ans.
Un ministre de la Défense se doit en effet d'accorder une attention particulière à l'industrie. C'est l'une des matrices de notre souveraineté. C'est elle qui garantit, par ses travaux, par ses réalisations, notre autonomie d'appréciation, de décision et d'action, en contribuant très directement à la puissance militaire de la France et à l'efficacité de nos forces armées. Mais mon intérêt vient aussi du formidable levier de l'industrie de défense sur l'économie française. Souveraineté et compétitivité sont ainsi au cœur des industries de défense. Ce n'est pas pour rien que les Echos ont choisi, pour le thème qui nous réunit aujourd'hui, de mettre en regard les activités civiles et les activités militaires.
Je crois que nous sommes entre nous, alors on peut se le dire : le ministère de la Défense est le premier investisseur de l'État. Et cela au profit de 4 000 entreprises, dont une grande majorité de PME/ETI ; au bénéfice de 165 000 emplois directs, hautement qualifiés, sensibles, et à ce titre peu délocalisables, dont les compétences sont reconnues dans le monde entier – je vais y revenir.
Défendre les industries de défense, c'est donc un enjeu d'autonomie stratégique pour notre pays. Mais c'est également un enjeu économique et social majeur, dont j'entends me saisir.
Bien souvent, les activités de défense ont des retombées civiles claires. Les exemples abondent : il suffit de penser à la cybersécurité, à l'imagerie spatiale, aux systèmes de propulsion ou encore aux commandes de vol électriques…. En outre, au quotidien, les activités de défense sont le plus souvent en synergie évidente avec des activités civiles, pour le plus grand bénéfice de tout le monde. Les bureaux d'étude sont mixtes ; il y a des passerelles d'un secteur à l'autre ; les outils de développement sont pour beaucoup communs, et les méthodes industrielles également. Ce n'est pas très connu, mais l'exemple de la mixité des bureaux d'études est tout à fait éclairant : celui de Dassault Aviation par exemple voit des mêmes équipes travailler sur le Rafale et le Falcon. Enfin, les cycles de commandes civils et militaires sont différents, et pour cette raison même ils se complètent bien – certaines entreprises l'ont très bien compris, par exemple sur les hélicoptères, et font de cette complémentarité la clé de leur succès sur la durée. La Défense apporte le sens du long terme, un socle d'activités récurrentes, la possibilité d'investir sur des ruptures technologiques. Le civil est plus volatil, avec des phases de croissance intense comme en ce moment dans l'aéronautique, mais avec aussi, parfois, des retournements de marché qu'il faut pouvoir contrebalancer.
Dans ce paysage, le ministère de la Défense occupe une place importante. Près de deux ans après ma prise de fonctions, je crois d'ailleurs inscrire mon travail de ministre des industries de défense dans une certaine continuité.
Cette continuité repose sur une méthode qui a toujours été simple : le pragmatisme et la volonté comme principes d'action, la ténacité comme tempérament. Ce qui m'intéresse de bâtir, c'est une politique industrielle dans ce qu'elle a de plus concret : financement de la recherche, commandes publiques, soutien volontariste à l'export, attention particulière aux PME…
C'est dans cette démarche que j'ai pris, depuis près de deux ans, un certain nombre d'engagements. Je les ai tenus, avec le lancement de la programmation, mais je ne m'en contente pas, en demeurant personnellement attentif à la bonne marche de leur mise en œuvre.
Pour nos entreprises et pour nos armées, il faut dire où on va, donner de la visibilité, et rester sur la trajectoire qu'on s'est donnée. Vous me permettrez de rappeler ici les grandes lignes de mes priorités industrielles.
Il y a donc, d'abord, les arbitrages rendus par le Président de la République qui rendent cette programmation si solide. Pour les rendre possibles, il y a eu des batailles que l'on peut qualifier d'homériques. J'en ai pris ma part aux côtés des industriels. Et de la même manière, j'œuvre depuis cet automne à la mise en œuvre de cette programmation.
J'ai tout d'abord lancé un certain nombre de programmes, comme cela a été prévu par la loi de programmation. Nouveau standard du Rafale, rénovation des avions ATL2, radios Contact, missile moyenne portée de l'armée de terre… Nul besoin de les citer tous pour comprendre ma démarche, qui est d'appliquer rigoureusement la feuille de route que j'ai négociée : la loi de programmation militaire.
J'assume, au passage, le fait d'être un client exigeant. J'attends de l'industrie des innovations au meilleur niveau, des prix et des délais tenus. C'est bien parce que j'ai confiance que j'attends le meilleur.
La LPM, vous le savez, m'a conduit à renégocier un certain nombre de contrats passés avec l'industrie. Ce travail, mené avec détermination par la DGA, est dans l'ensemble achevé ou en voie d'achèvement. Je dois dire que j'ai rencontré, dans les discussions, une industrie qui a su se montrer responsable. Parce que c'était indispensable, chacun a dû faire des efforts. Je crois que chacun a compris que cette LPM est une loi d'équilibre, sans confort particulier, mais où l'avenir est préservé. Je tiens d'autant plus à le souligner que je me suis personnellement engagé pour parvenir à ce résultat.
J'avais également dit que je ferais de la recherche une priorité. Toujours dans le cadre de cette programmation, j'ai confirmé cet engagement. L'enjeu, c'est bien préparer notre outil de défense à vingt ans. Les compétences qui forment l'excellence de nos industries sont aussi longues à acquérir qu'elles sont rapides à perdre. Pour les préserver dans la durée, et ainsi préparer l'avenir, j'ai donc tenu à marquer un engagement très fort en faveur de la recherche. Sanctuariser le budget de R&T, dans le contexte actuel, n'était pas le choix budgétaire le plus évident ; mais je m'y suis tenu, tant ma conviction a, sur ce sujet en particulier, la solidité du granit.
Concrètement, entre cette année et 2019, il y aura 730M€ par an en moyenne de contrats d'études-amont directement conclus avec l'industrie. Ce total d'effort dépasse le milliard d'euros annuel lorsqu'on y intègre les subventions à nos opérateurs de recherche comme l'ONERA, le CNES ou le CEA. Je note au passage que cet effort de recherche est significativement plus élevé que le niveau que l'on observe dans les autres pays européens, comme le Royaume-Uni ou l'Allemagne.
Cela me permet de définir un certain nombre de priorités. Je citerai les deux principales, à titre d'exemple : le renouvellement des deux composantes de la dissuasion (cela représente 1.200M€ sur la période), et la préparation de la prochaine génération de l'aéronautique de combat, avec des travaux sur les drones de combat et l'avion de chasse du futur (cela représente ici 875M€ sur la période).
Dans un autre domaine, celui de l'export, j'ai pris des engagements forts, et je suis déterminé à les tenir. Vous me trouverez toujours à vos côtés sur ces marchés, pour soutenir la fourniture par l'industrie française d'équipements militaires à des pays amis. La méthode est éprouvée : rigueur et ténacité. Chacun doit être dans son rôle – le technique et le commercial pour l'industrie, le politique pour ce qui me concerne. Et nous devons agir en étroite coordination. Lorsque nous respectons ces principes simples, cela marche. Le montant des prises de commandes à l'export des entreprises françaises de défense s'est élevé à 6,3 milliards d'euros en 2013, soit une augmentation de plus de 30% par rapport à 2012. L'équipe de France de l'export défense est une équipe qui gagne, et qui va continuer de gagner, dans ce même esprit de conquête qui a fait ses récents succès. Dans cette perspective, vous avez devant vous un capitaine d'équipe déterminé.
Vous me permettrez de clore ce bref tour d'horizon par deux sujets qui me tiennent particulièrement à cœur. Les PME d'abord. En novembre 2012, j'ai lancé le pacte « Défense PME » pour mobiliser l'ensemble des acteurs au service du développement des PME de défense, qui sont 29 000 à travailler en relation avec le ministère. Ce pacte, je le mets en œuvre avec énergie, et je suis heureux de voir que les résultats commencent à arriver. Ainsi, les délais de paiement décroissent, l'allègement des clauses administratives a permis à un certain nombre de PME de rentrer dans le marché défense, notre action en région est en train de se structurer – pour ne citer que quelques signes, qui sont plus qu'encourageants.
La cyberdéfense ensuite. J'ai récemment lancé le pacte « Défense Cyber ». Avec lui, à travers cinquante mesures très concrètes, nous allons investir sur 2014-2019 un milliard d'euros au profit d'un renforcement sans précédent de nos moyens de cyberdéfense, dans les domaines de la formation, de la recherche, du développement ou encore, bien évidemment, des capacités opérationnelles.
Voilà l'ambition industrielle que je porte à la tête du ministère de la Défense.
Cette ambition industrielle est pleinement partie prenante de notre ambition opérationnelle. A l'occasion de chacun de mes déplacements au Mali, j'ai mesuré combien l'excellence de nos matériels comptait de manière décisive dans l'excellence de nos forces sur le terrain. Mais il y a plus encore : déployer des matériels français sur les théâtres d'opérations, ce n'est pas seulement une garantie que l'on se donne dans la réussite de nos missions, c'est aussi l'image de la France que l'on renforce. De même, vendre des équipements militaires à des pays alliés, c'est un vecteur d'influence, une formidable manière de renforcer la relation stratégique, car ces contrats s'accompagnent d'actions de coopération diplomatique, opérationnelle ou industrielle. On le mesure chaque jour pour nos relations avec les pays du golfe, l'Inde ou encore le Brésil.
Sur l'ensemble des sujets que je viens d'évoquer, sur les programmes lancés comme sur nos prospects à l'export, vous pouvez compter sur moi, autant que je compte sur vous. Le contexte actuel ne laisse de place qu'à une mobilisation de tous. Nous ne réussirons que dans une dynamique commune.
Puisqu'il m'appartient d'être l'un des inspirateurs de cette dynamique, je suis heureux de vous dire ce matin la confiance que j'ai dans les perspectives qui sont les nôtres, en même temps que ma détermination à les atteindre avec vous.Source http://www.defense.gouv.fr, le 21 mars 2014