Texte intégral
J.-P. Elkabbach Toulouse, la ville dont nous sommes tous solidaires, a t-elle retrouvée sinon sa gaieté, au moins son entrain, le goût de vivre et de repartir ?
- "Oui, après une phase réactive et solidaire, Toulouse entre dans sa phase créative et innovante. Elle veut être la ville de la renaissance. Cela a été très difficile et très dur pendant quinze jours, trois semaines. La ville a été comme anéantie. Il a d'abord fallu ce temps de deuil et de recueillement. Il a fallu s'occuper des blessés - il y en a encore de très nombreux. Maintenant nous avons envie de relever la tête et de montrer que Toulouse a été blessée, que la France a été blessée à Toulouse aussi, mais que nous allons transformer ce drame en ville de l'espoir et en ville de la renaissance au niveau industriel, culturel. Sans jamais rien oublier."
On verra comment Toulouse se reconstruit. Les Toulousains s'intéressent, comme tous les Français, à la situation en Afghanistan, je suppose. Après deux nuits de frappes aériennes, êtes-vous favorable, en tant que responsable politique, au prochain engagement aux côtés des Américains ?
- "Le président de la République a été très net : notre pays est engagé aux côtés des Américains dans cette offensive contre le régime des taliban qui détient Ben Laden. Nous sommes évidemment totalement d'accord, parce qu'il s'agit d'une lutte sans merci entre la démocratie d'un côté et le terrorisme de l'autre."
La solidarité sans faille est-elle pour vous sans condition ?
- "Aujourd'hui, il ne s'agit pas d'une guerre contre une nation ou contre un Etat, encore moins d'une guerre contre une religion. Ce n'est pas l'Occident contre le monde arabe. Il s'agit de lutter contre le terrorisme islamiste fondamentaliste. Evidemment, c'est sans condition, car ce qui se passe est tellement grave qu'on n'a pas le droit de ne pas être aux côtés des Américains aujourd'hui."
Ce fondamentalisme fait aussi des dégâts dans différents pays européens et dans les banlieues.
- "La France se doit évidemment de montrer et de faire quelques signes très importants. Le premier est de savoir qu'il n'y a pas une différence importante entre la lutte contre l'islamisme fondamentaliste et ce que nous devons faire vis-à-vis de l'islam. Nous avons, aujourd'hui en France, la plus grande communauté musulmane en Europe. Nous devons tout faire pour l'intégration des musulmans qui acceptent nos valeurs et qui respectent nos lois. En même temps, nous devons tout faire pour éliminer des foyers dans certains quartiers, parce que l'on sait que lorsque la violence est là, la radicalisation arrive, et lorsque la radicalisation arrive, le terreau de l'islamisme est là."
Est-ce que vous faîtes partie de ceux qui réclament au Gouvernement un vrai débat au Parlement et un vote ?
- "Nous avons eu un premier débat la semaine dernière. Il y a deux solutions : ou il s'agit de frapper les réseaux terroristes là où il sont, d'essayer d'anéantir l'appareil militaire des taliban - à ce moment-là, on n'a pas besoin de refaire un nouveau débat, tout le monde est d'accord - ; ou alors il s'agit, parce que le développement de la situation y conduit, de faire des frappes visant des Etats. Là, il me semble que la France a alors deux choses à faire : demander d'abord un débat avec information et consultation du Parlement et d'autre part insister pour que ces frappes soient autorisées par le Conseil national [sic] de sécurité."
En tant qu'ancien ministre de la Santé, que pensez-vous de la découverte en Floride d'un deuxième cas d'anthrax ? Est-ce que c'est grave ?
- "Tous les épidémiologistes du monde - dont je fais partie - attendent de savoir s'il va y avoir un troisième cas. Comme vous le savez, il n'y a pas eu de cas d'anthrax - cette bactérie au charbon - depuis 1976 aux Etat-Unis. Là, à un kilomètre près de distance, nous en trouvons deux en l'espace de trois ou quatre jours. Evidemment, l'ensemble du monde médical sur la planète attend."
Cela pourrait être une forme d'agression bactériologique ?
- "Attention à la psychose. Attendons. C'est vrai que s'il y en a trois, cela commencerait à être tout à fait anormal et beaucoup."
Je reviens à Toulouse. Est-ce qu'aujourd'hui, les Toulousains acceptent la version définitive de la justice et des experts certifiant que c'est un accident ?
- "J'attends. Il y a le temps des journalistes et il y a le temps judiciaire. Aujourd'hui, le temps judiciaire n'est pas terminé. Je dois la vérité aux Toulousains. Nous la devons tous. Je la leur dirai, celle qui me sera transcrite. Aujourd'hui, on pense de plus en plus à l'accident."
Vous avez votre conviction ou pas encore ?
- "Non, d'abord je ne suis pas chimiste, mais c'est vrai que 300 tonnes d'engrais banals stockés qui explosent, cela veut dire qu'ils doivent monter à 180°. Personnellement, je n'ai pas d'explication. Il faut attendre les experts."
Est-ce que vous confirmez, ce matin, que la ville de Toulouse va attaquer TotalFina-Elf dont la responsabilité serait engagée ?
- "En tout cas, il faut en tirer les leçons. Nous allons évidemment attendre les assurances de TotalFina-Elf. Encore faut-il que l'enquête judiciaire dise qu'elle est responsable. Aujourd'hui, il faut tirer des leçons. Qu'avons-nous vu ?"
Vous les attaquer ou non ?
- "La réponse est "oui". Mais attendons de savoir quelles sont les responsabilités. Je viens d'apprendre que les études de danger qui sont faites dans ces usines aux portes des villes - des usines où il y a des engins explosifs ou de gaz toxiques - sont faites par les industriels et non par l'Etat. Une des missions régaliennes de l'Etat est de faire lui-même, sous sa responsabilité, ces études de danger."
Vous dites que c'est une des leçons. Il y a en d'autres ?
- "Oui, la deuxième est que, pour le débat écologique, j'ai fait une campagne électorale municipale avec mon adversaire socialiste pour savoir s'il fallait mieux des bus électriques ou des bus au G.P.L. Personne n'a jamais parlé du risque d'explosion. Je crois qu'il faut que nous commencions à réfléchir nous-mêmes à ce qu'est l'environnement. L'environnement, c'est avant tout la santé et la vie. Il faut recadrer le débat écologique."
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 10 octobre 2001)
- "Oui, après une phase réactive et solidaire, Toulouse entre dans sa phase créative et innovante. Elle veut être la ville de la renaissance. Cela a été très difficile et très dur pendant quinze jours, trois semaines. La ville a été comme anéantie. Il a d'abord fallu ce temps de deuil et de recueillement. Il a fallu s'occuper des blessés - il y en a encore de très nombreux. Maintenant nous avons envie de relever la tête et de montrer que Toulouse a été blessée, que la France a été blessée à Toulouse aussi, mais que nous allons transformer ce drame en ville de l'espoir et en ville de la renaissance au niveau industriel, culturel. Sans jamais rien oublier."
On verra comment Toulouse se reconstruit. Les Toulousains s'intéressent, comme tous les Français, à la situation en Afghanistan, je suppose. Après deux nuits de frappes aériennes, êtes-vous favorable, en tant que responsable politique, au prochain engagement aux côtés des Américains ?
- "Le président de la République a été très net : notre pays est engagé aux côtés des Américains dans cette offensive contre le régime des taliban qui détient Ben Laden. Nous sommes évidemment totalement d'accord, parce qu'il s'agit d'une lutte sans merci entre la démocratie d'un côté et le terrorisme de l'autre."
La solidarité sans faille est-elle pour vous sans condition ?
- "Aujourd'hui, il ne s'agit pas d'une guerre contre une nation ou contre un Etat, encore moins d'une guerre contre une religion. Ce n'est pas l'Occident contre le monde arabe. Il s'agit de lutter contre le terrorisme islamiste fondamentaliste. Evidemment, c'est sans condition, car ce qui se passe est tellement grave qu'on n'a pas le droit de ne pas être aux côtés des Américains aujourd'hui."
Ce fondamentalisme fait aussi des dégâts dans différents pays européens et dans les banlieues.
- "La France se doit évidemment de montrer et de faire quelques signes très importants. Le premier est de savoir qu'il n'y a pas une différence importante entre la lutte contre l'islamisme fondamentaliste et ce que nous devons faire vis-à-vis de l'islam. Nous avons, aujourd'hui en France, la plus grande communauté musulmane en Europe. Nous devons tout faire pour l'intégration des musulmans qui acceptent nos valeurs et qui respectent nos lois. En même temps, nous devons tout faire pour éliminer des foyers dans certains quartiers, parce que l'on sait que lorsque la violence est là, la radicalisation arrive, et lorsque la radicalisation arrive, le terreau de l'islamisme est là."
Est-ce que vous faîtes partie de ceux qui réclament au Gouvernement un vrai débat au Parlement et un vote ?
- "Nous avons eu un premier débat la semaine dernière. Il y a deux solutions : ou il s'agit de frapper les réseaux terroristes là où il sont, d'essayer d'anéantir l'appareil militaire des taliban - à ce moment-là, on n'a pas besoin de refaire un nouveau débat, tout le monde est d'accord - ; ou alors il s'agit, parce que le développement de la situation y conduit, de faire des frappes visant des Etats. Là, il me semble que la France a alors deux choses à faire : demander d'abord un débat avec information et consultation du Parlement et d'autre part insister pour que ces frappes soient autorisées par le Conseil national [sic] de sécurité."
En tant qu'ancien ministre de la Santé, que pensez-vous de la découverte en Floride d'un deuxième cas d'anthrax ? Est-ce que c'est grave ?
- "Tous les épidémiologistes du monde - dont je fais partie - attendent de savoir s'il va y avoir un troisième cas. Comme vous le savez, il n'y a pas eu de cas d'anthrax - cette bactérie au charbon - depuis 1976 aux Etat-Unis. Là, à un kilomètre près de distance, nous en trouvons deux en l'espace de trois ou quatre jours. Evidemment, l'ensemble du monde médical sur la planète attend."
Cela pourrait être une forme d'agression bactériologique ?
- "Attention à la psychose. Attendons. C'est vrai que s'il y en a trois, cela commencerait à être tout à fait anormal et beaucoup."
Je reviens à Toulouse. Est-ce qu'aujourd'hui, les Toulousains acceptent la version définitive de la justice et des experts certifiant que c'est un accident ?
- "J'attends. Il y a le temps des journalistes et il y a le temps judiciaire. Aujourd'hui, le temps judiciaire n'est pas terminé. Je dois la vérité aux Toulousains. Nous la devons tous. Je la leur dirai, celle qui me sera transcrite. Aujourd'hui, on pense de plus en plus à l'accident."
Vous avez votre conviction ou pas encore ?
- "Non, d'abord je ne suis pas chimiste, mais c'est vrai que 300 tonnes d'engrais banals stockés qui explosent, cela veut dire qu'ils doivent monter à 180°. Personnellement, je n'ai pas d'explication. Il faut attendre les experts."
Est-ce que vous confirmez, ce matin, que la ville de Toulouse va attaquer TotalFina-Elf dont la responsabilité serait engagée ?
- "En tout cas, il faut en tirer les leçons. Nous allons évidemment attendre les assurances de TotalFina-Elf. Encore faut-il que l'enquête judiciaire dise qu'elle est responsable. Aujourd'hui, il faut tirer des leçons. Qu'avons-nous vu ?"
Vous les attaquer ou non ?
- "La réponse est "oui". Mais attendons de savoir quelles sont les responsabilités. Je viens d'apprendre que les études de danger qui sont faites dans ces usines aux portes des villes - des usines où il y a des engins explosifs ou de gaz toxiques - sont faites par les industriels et non par l'Etat. Une des missions régaliennes de l'Etat est de faire lui-même, sous sa responsabilité, ces études de danger."
Vous dites que c'est une des leçons. Il y a en d'autres ?
- "Oui, la deuxième est que, pour le débat écologique, j'ai fait une campagne électorale municipale avec mon adversaire socialiste pour savoir s'il fallait mieux des bus électriques ou des bus au G.P.L. Personne n'a jamais parlé du risque d'explosion. Je crois qu'il faut que nous commencions à réfléchir nous-mêmes à ce qu'est l'environnement. L'environnement, c'est avant tout la santé et la vie. Il faut recadrer le débat écologique."
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 10 octobre 2001)