Texte intégral
9 septembre 2014
BRUCE TOUSSAINT
On va parler dans quelques instants de ce projet de loi sur l'adaptation de la société au vieillissement. C'est la formule un petit peu techno pour parler en effet de la dépendance, de la vieillesse. Juste avant, j'aimerais avoir évidemment votre sentiment sur Thomas Thévenoud parce que c'est l'info de la nuit qu'on a appris très tard hier soir. Si j'ai bien compris, votre ex-collègue du gouvernement Thomas Thévenoud quitte le PS mais reste député. Pardon de vous posez la question comme ça mais est-ce qu'on n'est pas un peu au comble de l'hypocrisie avec cette décision un peu bizarre ?
MARISOL TOURAINE
Cette décision lui appartient, c'est sa responsabilité. Vous savez, personne n'a les moyens d'obliger un parlementaire à renoncer à son mandat. C'est une réalité, il a été élu et il n'y a pas une autorité administrative qui peut lui dire : On met fin à ton mandat.
BRUCE TOUSSAINT
En effet.
MARISOL TOURAINE
Il a donc pris la décision qui me semble sage de se retirer du Parti socialiste. C'est une affaire qui prend des proportions que je regrette. Je voudrais quand même rappeler une chose. C'est la loi sur la transparence qui a été voulue par le président de la République, votée par cette majorité, qui a permis de détecter la situation de Thomas Thévenoud et de mettre fin à ses fonctions. Le Président et le Premier ministre n'ont pas hésité et n'ont pas tergiversé. Ils ont dit : On ne peut pas accepter qu'un ministre se soit comporté de cette façon-là. Maintenant, il a pris sa décision.
BRUCE TOUSSAINT
Ce qui choque aujourd'hui, Marisol Touraine, c'est qu'il reste député, ce n'est pas qu'il soit encore au Parti socialiste. Honnêtement !
MARISOL TOURAINE
Mais je le dis, je le dis.
BRUCE TOUSSAINT
C'est ce qui choque les contribuables, j'imagine.
MARISOL TOURAINE
Mais c'est sa responsabilité. C'est à lui de voir ce qu'il doit faire en se regardant dans la glace. C'est vrai que c'est un peu dur à avaler. Je vous le dis franchement : c'est dur à avaler pour tous les élus qui font leur travail sans hésiter, de façon tout à fait honnête, en s'engageant pleinement au service des Français. Moi, je regrette que ce soit parce qu'il y a eu une loi qui a été voulue par le président, qui fait la transparence, qu'on se retrouve dans cette situation-là. Franchement, c'est un peu paradoxal. Tournons la page le plus vite possible, que Thomas Thévenoud assume ses responsabilités, qu'il regarde ce qu'il lui appartient de faire, et puis engageons-nous dans le travail qu'attendent les Français.
BRUCE TOUSSAINT
Le travail, c'est donc ce projet de loi tout à l'heure. Pour être très concret, qu'est-ce que vous allez proposer ? Par exemple, est-ce que vous allez proposer plus d'aide à domicile ? On sait que c'est un sujet central pour ce qui concerne la dépendance.
MARISOL TOURAINE
Oui. C'est un projet de loi qui est absolument essentiel parce qu'il a pour ambition de changer le quotidien de la vie de millions de Français, les personnes âgées, nos aînés et leurs proches. C'est un projet de loi extrêmement concret. Vous savez, les Français vieillissent. C'est une chance formidable mais ils ont besoin pour certains d'entre eux d'être accompagnés. Très concrètement, qu'est-ce que nous proposons ? Nous proposons de leur apporter davantage d'aide à domicile parce que beaucoup de Français veulent pouvoir rester chez eux le plus longtemps possible. Mais rester chez soi suppose d'être accompagné, d'avoir de l'aide et que cette aide ne coûte pas trop cher. Je vous donne des exemples précis. Quelqu'un qui est très peu autonome pourra avoir une heure de soutien à domicile de plus par jour par jour !
BRUCE TOUSSAINT
Quand vous dites une heure de plus, c'est gratuitement ?
MARISOL TOURAINE
Cela dépend du revenu que vous avez. Quelqu'un qui a une retraite de mille cinq cents euros par mois, un revenu de mille cinq cents euros, paiera cent cinquante euros de moins chaque mois pour une heure de plus par jour. Aujourd'hui, il paye quatre cents euros par mois pour cette aide ; il aura une heure de plus et ne paiera plus que deux cent cinquante euros. A la fin de l'année, cela fait quand même une économie de deux mille euros et ça, c'est une aide concrète. Ce que je veux dire, c'est que ce projet de loi c'est changer la vie au quotidien des personnes âgées et de ceux qui les aident.
BRUCE TOUSSAINT
Justement, ceux qui les aident c'est souvent l'entourage et la famille. Vous allez créer ce que vous appelez un droit de répit. C'est quoi précisément ?
MARISOL TOURAINE
Oui. Le droit au répit, c'est que malheureusement quand vous aidez quelqu'un qui n'est pas très en forme, qui est âgé, vous vous épuisez vous-même. On veut que vous puissiez prendre des vacances, aller souffler, et en même temps savoir que la personne que vous aimez est en de bonnes mains. Nous créons ce droit : ça veut dire que chaque année, vous pourrez prendre une semaine de vacances. Cinq cents euros d'aide vous sera apporté.
BRUCE TOUSSAINT
Qui précisément ? Aux aidants familiaux ?
MARISOL TOURAINE
Aux aidants familiaux, aux proches. Vous prenez une semaine de vacances, vous allez où vous voulez et il y a des personnes qui viennent chez vous pour s'occuper de la personne que vous accompagnez.
BRUCE TOUSSAINT
Vous disiez à l'instant : On veut changer la vie de ces personnes âgées. Est-ce qu'il n'y aurait pas un moyen plus simple de changer la vie des personnes âgées, comme revaloriser les petites retraites ? On sait qu'elles se plaignent très souvent et à juste titre de ne pas avoir assez d'argent pour vivre. D'accord pour s'occuper de ces personnes lorsqu'elles sont en difficulté physique mais parfois, ne serait-ce que pour se loger, manger
MARISOL TOURAINE
Ça n'est pas contradictoire. Il y a des retraités qui ne sont pas en perte d'autonomie et qui n'ont pas nécessairement besoin d'ailleurs d'être soutenus ou d'être accompagnés. Les petites retraites font l'objet d'une attention particulière. Les retraites les plus basses ont été revalorisées à deux reprises cette année. Vous le savez, dans l'effort qui est demandé à l'ensemble de nos concitoyens, nous avons explicitement laissé de côté les retraités les plus modestes. La moitié des retraités, ceux qui ont des retraites plus petites que mille deux cents euros, seront revalorisés cette année.
BRUCE TOUSSAINT
Marisol Touraine, est-ce que vous allez changer la durée du congé parental ? C'est ce que disaient Les Echos hier.
MARISOL TOURAINE
Je l'ai lu.
BRUCE TOUSSAINT
Pourquoi ? « Parce qu'il faut faire des économies dans la branche famille de la Sécurité sociale ». Il y a huit cents millions d'économies à faire et une des pistes étudiées par vous serait de réduire ce congé.
MARISOL TOURAINE
Aucune décision n'est prise.
BRUCE TOUSSAINT
Ça ne veut pas dire que c'est faux !
MARISOL TOURAINE
Non. Je dis qu'il n'y a absolument aucune décision. Nous n'avons pas décidé de la manière dont nous allions poursuivre le travail de maîtrise des dépenses. Il y a des économies qui doivent être réalisées ; elles ont été annoncées il y a maintenant plusieurs mois par le Premier ministre dans le cadre du plan d'économies qui est porté par notre pays.
BRUCE TOUSSAINT
Vous prendrez une décision quand ?
MARISOL TOURAINE
Dans les prochaines semaines.
BRUCE TOUSSAINT
La prime de naissance pourrait aussi baisser.
MARISOL TOURAINE
Franchement, j'ai lu énormément de choses.
BRUCE TOUSSAINT
Mais dites-nous !
MARISOL TOURAINE
Non ! Je ne peux pas vous dire ce qui n'est pas décidé.
BRUCE TOUSSAINT
C'est sur la table ?
MARISOL TOURAINE
Rien n'est sur la table pour le moment. Le travail va se faire et je proposerai des décisions au Premier ministre dans les prochaines semaines.
BRUCE TOUSSAINT
L'actualité politique a été extrêmement riche et, j'allais dire, dramatique pour le gouvernement et pour la majorité ces derniers jours. On vous a assez peu entendue finalement. J'aimerais savoir si vous avez lu par exemple le livre de Valérie Trierweiler.
MARISOL TOURAINE
Non. Je n'ai pas lu ce livre mais comme beaucoup de journaux en ont cité abondamment les extraits, je vois assez bien ce qu'il y a dedans. Franchement, je souhaite là aussi qu'on passe à autre chose. Ce livre n'a fait de bien à personne et je regrette qu'elle ait jugé utile d'attaquer les valeurs du président de la République.
BRUCE TOUSSAINT
Quand on est ministre des Droits des femmes, ce n'est pas rien. C'est une lourde responsabilité. C'est récent, depuis la fin de l'été
MARISOL TOURAINE
C'est une belle responsabilité.
BRUCE TOUSSAINT
Est-ce qu'on n'a pas un regard différent sur ce livre qui est présenté aussi comme le livre d'une femme blessée, humiliée, trompée ? Là, ce n'est plus de la politique.
MARISOL TOURAINE
Des histoires d'amour qui finissent mal
BRUCE TOUSSAINT
En général.
MARISOL TOURAINE
Non, elles ne finissent pas toutes mal. Il y en a des milliers qui finissent mal dans notre pays mais elles ne donnent pas toutes lieu à des règlements de comptes publics. Je ne porte pas de jugement sur la relation entre le président et son ex-compagne. Pour moi, ce qui est de l'ordre du privé doit rester privé.
BRUCE TOUSSAINT
Vous connaissiez bien Valérie Trierweiler ? Vous la voyiez souvent ? Elle ne vous cite pas dans le livre.
MARISOL TOURAINE
Non. Je l'ai croisée à quelques reprises, je ne la connaissais pas particulièrement bien mais, au fond, leur affaire privée est de leur ressort. Ce qui me heurte, c'est que l'on puisse mettre en cause l'engagement du président de la République en direction des plus modestes.
BRUCE TOUSSAINT
Si je reprends l'intitulé de votre ministère, vous êtes aussi en charge de la lutte contre la pauvreté.
MARISOL TOURAINE
Oui.
BRUCE TOUSSAINT
Est-ce que l'expression « les sans dents » est quelque chose qui fait écho à ce que vous avez pu entendre dans la bouche du président.
MARISOL TOURAINE
Absolument pas. Absolument pas ! Je connais le président de la République depuis évidemment très longtemps. J'ai travaillé avec lui sur ces questions-là depuis très longtemps au Parti socialiste, pendant les campagnes électorales, depuis que je suis au gouvernement et qu'il est président. Franchement, jamais je n'ai pu prendre en défaut son engagement et même son empathie en direction des personnes concernées. Je ne crois pas du tout à cette expression.
BRUCE TOUSSAINT
Trois questions très vite pour terminer. La première : Martine AUBRY manque à la gauche ? Elle manque au gouvernement ?
MARISOL TOURAINE
Elle n'a pas souhaité rentrer au gouvernement. C'est une grande figure de la gauche et qu'elle contribue au débat est tout à fait utile.
BRUCE TOUSSAINT
Les petites bisbilles avec Manuel Valls
MARISOL TOURAINE
Qu'elle apporte une contribution est utile dès lors que cela vient conforter les choix du président. Vous savez, je ne crois pas que les Français attendent que nous changions de politique ; ils attendent que notre politique change leur quotidien. Une loi comme celle dont nous allons débattre aujourd'hui qui est de nature à rassembler la gauche, à rassembler les socialistes, est de nature aussi à montrer aux Français que nous, nous leur proposons des avancées que la droite ne propose pas. Dans les débats qu'il y a à gauche, je ne voudrais pas que s'installe l'idée au fond que ce que nous faisons est la même chose que ce qu'a fait la droite, ce que certains à gauche laissent entendre lorsque j'écoute certaines de leurs déclarations. La droite n'aurait pas fait n'a pas fait ! la loi que nous proposons pour les personnes âgées. La droite n'a pas porté les avancées sociales comme nous l'avons fait depuis deux ans.
BRUCE TOUSSAINT
A propos des personnes âgées, Marisol Touraine, hier il y a un automobiliste de quatre-vingt-cinq ans qui a tué une fillette de huit ans dans le Pas-de-Calais. Il y a aussi deux blessés, le conducteur a perdu le contrôle de son véhicule. Pourquoi est-ce que finalement aucun gouvernement n'ose s'attaquer à ce sujet grave des personnes âgées au volant ? Est-ce que c'est un sujet tabou ? Est-ce que c'est compliqué ? Pourquoi est-ce qu'on n'y arrive pas ?
MARISOL TOURAINE
Ce sont des situations dramatiques. Evidemment, au-delà de cet accident, il y a des vies qui disparaissent.
BRUCE TOUSSAINT
Il y en a malheureusement régulièrement.
MARISOL TOURAINE
Au fond, les personnes âgées doivent pouvoir savoir quand elles ne peuvent plus conduire.
BRUCE TOUSSAINT
On pourrait engager une réflexion, on pourrait essayer d'en parler. On a le sentiment qu'on ne peut même pas en parler.
MARISOL TOURAINE
Si, on peut en parler mais ne nous y trompons pas. Il y a des personnes plus jeunes qui font davantage de morts sur les routes et il faut donc regarder les choses de manière sereine. Il y a un accident dramatique mais cet accident dramatique ne doit pas occulter le fait que les conduites sur la route, les conduites les plus dangereuses, ne sont pas nécessairement le fait des personnes les plus âgées.
BRUCE TOUSSAINT
Dernière question à la Ministre de la Santé sur Ebola. Vous nous confirmez qu'il n'y a aucun cas en Europe, en France. Ça n'existe pas.
MARISOL TOURAINE
Il n'y a aucun cas en France. Je vous parle de la France : il n'y a aucun cas d'Ebola en France, cela je peux vous le confirmer. Nous sommes évidemment extrêmement attentifs. Les réseaux de veille sanitaire sont mobilisés vingt-quatre heures sur vingt-quatre pour pouvoir identifier, détecter voire prendre en charge un cas s'il s'en présentait un. Puis la France est très mobilisée pour soutenir les pays concernés. Nous venons d'envoyer une première équipe de soignants en Guinée, qui va identifier les besoins, soutenir le ministère de la Santé sur place parce que la priorité aujourd'hui est d'aider les pays africains qui sont confrontés à cette maladie.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 17 septembre 2014