Texte intégral
Madame la présidente,
Monsieur le président,
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Mesdames et Messieurs, chers amis,
Permettez-moi d'abord de vous dire le plaisir que j'ai de vous retrouver ici, à Bordeaux, pour cette nouvelle édition des Universités d'été de la Défense. Je suis d'autant plus heureux de ces échanges que, cette année à nouveau, nous avons beaucoup de sujets à évoquer ensemble.
Je reviens du sommet de l'OTAN à Newport au Royaume-Uni, où j'étais aux côtés du Président de la République. Je ferai le point tout à l'heure, à l'issue de la séance plénière, sur les grands enjeux stratégiques de cette rentrée, alors que notre environnement de sécurité a rarement été aussi fébrile, pour ne pas dire fragile devant des crises majeures et inédites.
Pour l'heure, je voudrais me concentrer sur un autre front, celui de la santé de l'économie française et de l'éminente contribution que lui apportent nos industries de défense. Je dis « éminente » ; je pourrais dire « cruciale », au regard des éléments que je souhaite porter à votre connaissance ce matin.
Le premier élément est en partie connu : c'est le bilan de nos exportations de défense pour l'année 2013. Puisque cette matinée est pour moi l'occasion de vous présenter la nouvelle édition du rapport au Parlement sur les exportations d'armement, je voudrais y revenir en détail.
Ne boudons pas notre plaisir : les résultats de 2013 sont en forte hausse, et ce en dépit d'une très rude concurrence internationale, et la tendance au recul des dépenses militaires des États occidentaux, qui oriente à la baisse le marché de l'exportation de Défense. La France, grâce à notre mobilisation collective - je crois qu'on peut le dire -, a obtenu des résultats meilleurs encore qu'en 2012. En un an, les exportations d'armement ont réalisé un bond de près de 43%, avec un total de 6,87 milliards d'euros de prises de commandes en 2013. Ces résultats, qui sont exceptionnels au regard de ces dernières années, mais surtout prometteurs, permettent à la France de figurer parmi les cinq premiers exportateurs mondiaux de matériels de défense, aux côtés des États-Unis, du Royaume-Uni, de la Russie et d'Israël.
Derrière ces résultats, il y d'abord la qualité de notre base industrielle et technologique de défense, hissée au plus haut niveau de valeur ajoutée pour maintenir sa compétitivité. Je pense à la valeur de nos savoir-faire technologiques, de nos compétences humaines. Je pense aussi à la régularité de l'investissement, qui alimente l'innovation. Tout cela contribue au succès de nos exportations.
A côté de ces éléments pérennes, il y a aussi bien sûr une dynamique récente.
Les opérations nombreuses et difficiles, dans lesquelles sont engagées nos armées, font pleinement partie de cette dynamique. Je pense en effet que la démonstration de notre force, c'est-à-dire de la puissance et de l'efficacité de notre matériel, partout dans le monde, contribue d'une manière décisive à la crédibilité de nos équipements et, par-là, à la réussite de nos exportations.
Au cœur de cette dynamique, il y a également la révision en profondeur de la politique de soutien aux exportations, que j'ai menée depuis 2012. Je l'avais annoncé, je l'ai fait, la méthode a changé. Et la réussite de cette année est là pour montrer le bien-fondé de cette nouvelle méthode.
Pour la politique d'exportation, j'ai défini trois grands principes. Ils sont clairs : un partage des tâches entre l'État et l'industrie, la priorité donnée au dialogue politique, et l'inscription des projets d'exportations dans le cadre de coopérations de défense et de partenariats stratégiques. Ces nouveaux principes vont de pair avec une organisation rénovée. Je pourrai y revenir si vous le souhaitez au moment des questions, mais laissez-moi souligner le rôle clé de la Direction générale de l'armement, dont le Délégué est ici présent. Le soutien des exportations d'armement est, et restera, dans le cadre de la réorganisation de la fonction « Relations Internationales », l'une des trois grandes missions de la DGA, avec la conduite des programmes d'armement et la préparation de l'avenir. Ce rôle de la DGA est probablement une spécificité française. Vis-à-vis de nos partenaires étrangers, la DGA est souvent perçue comme un acheteur, qui discute avec d'autres acheteurs. Elle met à la disposition de nos partenaires sa force technique et son savoir-faire en gestion de programmes complexes et en expression de besoin. Je voulais profiter de cette occasion pour lui rendre cet hommage mérité.
Depuis 2012, vous le savez, j'ai institué une présentation du rapport devant vous, parlementaires qui, semble-t-il, en appréciez le principe puisqu'il a été gravé dans le texte de la loi de programmation militaire. Chaque année, je veille à ce que les services du ministère dont j'ai la charge enrichissent le rapport de nouvelles informations. Cet effort de clarté est unique en Europe. La France est en effet le seul pays à publier le détail de ses prises de commandes, comme à fournir des données précises sur ses exportations par pays. Cette transparence n'est pas une menace pour le travail que nous menons. C'est au contraire, l'expérience le montre désormais, l'une des clés de notre réussite en la matière.
Ces mesures de transparence, que nous devons à la Représentation nationale et à travers elle à nos concitoyens, permettent d'instaurer un climat de confiance pour les acheteurs. Cet effort rejoint par ailleurs celui du Traité sur le Commerce des Armes, largement soutenu par la France, qui prend de nombreuses initiatives pour lutter contre la prolifération et les trafics. Ce souci de clarté coïncide enfin avec une démarche de simplification, qui bénéficie là encore aux entreprises qui exportent, en particulier au sein de l'Union européenne, comme le prouve la suppression des autorisations d'importation ou la mise en place du mécanisme des licences générales.
Les mesures qui visaient à alléger le poids administratif des procédures d'autorisation d'export ont été complétées par une autre initiative. Celle-là a pour objet de renforcer les mesures de contrôle des entreprises réalisant des exportations de matériels militaires. Ainsi, le ministère de la Défense a mis en place un système de vérification a posteriori visant à contrôler sur pièces et sur place le sérieux des mesures de suivi demandées aux entreprises. Une trentaine d'agents de la DGA sont à pied d'œuvre depuis 2013 pour conduire ces vérifications, et plus d'une douzaine de sociétés françaises ont déjà été soumises à celles-ci.
Ces différents éléments, relayés par une extraordinaire mobilisation de ce que j'aime appeler « l'équipe de France » des exportations d'armement, convergent pour expliquer les impressionnants résultats de 2013, et annoncer ceux de 2014 qui, nous l'espérons tous, ne le seront pas moins.
Je voudrais verser ici un deuxième élément à la discussion sur nos exportations. Que veut dire, au fond, ce chiffre de 6,87 milliards d'euros ? Quel est, sur l'économie française, son impact exact ? Ces questions, qui nous concernent tous, m'ont interpellé au premier chef. Surtout, je me suis rendu compte qu'elles n'avaient jamais été vraiment posées. C'est pourquoi, pour mieux comprendre la portée de ce chiffre majeur - 6,87 milliards d'euros d'exportations de défense en 2013 -, j'ai souhaité que l'on expertise ce qu'il voulait dire concrètement pour l'économie et la société françaises.
A mon initiative, le ministère de la Défense autour de la direction générale de l'armement et de l'observatoire économique de la défense de la direction des affaires financières ainsi que le conseil des industries de défense ont mené, avec l'aide du cabinet McKinsey, une étude de l'impact social, économique et technologique des exportations françaises d'armement. Au moment de vous la présenter, je tiens à remercier très chaleureusement tous ceux qui l'ont rendue possible.
Cette étude, inédite, ambitieuse, démontre l'importance pour la France de ses ventes d'armement à l'étranger. Leurs bénéfices majeurs se déclinent dans trois domaines. Ce qu'apporte cette étude, notre étude, c'est la mise en lumière de ces bénéfices à travers des chiffres d'une grande précision.
Le bénéfice économique, je l'ai dit, est immense. Ces ventes représentent une part considérable des exportations totales de notre pays. Voici les chiffres qui le disent : si les sociétés de la Base Industrielle et Technologique de Défense ne représentent qu'1% des sociétés exportatrices résidentes sur le territoire national, elles sont cependant à l'origine d'une forte valeur ajoutée dans la mesure où elles exportent trois fois plus qu'elles n'importent d'équipements militaires (taux de couverture de 315% sur la période 2003-2013), générant ainsi un effet de levier de 1 à 3 (sur le périmètre des équipements militaires).
De plus, si l'ensemble des exportations (civiles et militaires) réalisées par ces entreprises est pris en compte, alors ces exportations représentent 24% du total des exportations françaises, dont 6% pour les seules exportations de la gamme civile du groupe Airbus.
Sans les exportations d'armement, le déficit commercial de la France, sur la période 2008-2013, aurait été de 5 à 8 points plus élevé chaque année. L'étude d'impact montre donc, avec clarté, combien les exportations d'armement sont essentielles à la santé économique de notre pays.
Ce qui est important, c'est le dynamisme de ce secteur, et ce qui l'explique, c'est l'existence d'une politique d'exportation pertinente, volontariste, en un mot efficace. Cette politique a su se renouveler. Elle l'a fait en particulier depuis 2012. Aujourd'hui, elle repose sur un dialogue continu, où entrent autant de confiance que de rigueur, avec les 669 entreprises exportatrices directes d'armement recensées en France.
Ces entreprises, ce sont les grandes entreprises, qui assurent, par leur savoir-faire et leur ambition, le rayonnement international de la France. Mais ce sont aussi les petites et moyennes entreprises, qui représentent la moitié de ces 669 entreprises présentes directement sur les marchés à l'export. Elles sont, vous le savez, un interlocuteur privilégié du Ministère et un acteur central de notre réussite.
Toutes ces entreprises portent, ensemble une très belle image de la France à l'étranger - une image où se reflète son sérieux, sa qualité, son inventivité -, mais elles sont aussi des forces vives au cœur de nos territoires. Le bénéfice économique qu'elles apportent à la France s'accompagne ainsi d'un autre bénéfice, un bénéfice social, essentiel lui aussi et qui a fait l'objet d'une analyse précise.
Les exportations d'armement dynamisent tout le territoire français et en particulier sept grands bassins d'emploi : l'Ile de France, la région PACA, la Bretagne, Midi-Pyrénées, la région Centre et la région Rhône-Alpes, et bien sûr l'Aquitaine. Cette industrie qui est tournée vers l'extérieur offre donc à de nombreux Français un emploi. L'étude d'impact révèle que 27 500 emplois sont liés aux exportations d'armement, directement et au travers des fournisseurs de premier rang, soit 18% de l'ensemble des emplois de l'industrie de défense. Si l'on ajoute à ce chiffre les emplois induits, c'est une dynamique de près de 40 000 emplois sur notre territoire que nous devons aux seules exportations d'armement. Et pour aller plus loin encore, les estimations des emplois générés par la chaîne de sous-traitance, au-delà des équipementiers de premier rang, permettraient d'ajouter près de 10 000 emplois supplémentaires. Soit un total de 50 000 emplois résultant de l'exportation de Défense.
L'étude a par ailleurs permis d'identifier deux types de maillage d'emplois qui concourent à l'exportation. Elle souligne en premier lieu l'existence de territoires spécialisés, localisés autour des centres de production. C'est le cas par exemple de MBDA autour du site de Bourges, ou de DCNS autour des bases de Brest, Lorient et Toulon. L'autre maillage se localise sur l'ensemble du territoire, générant ici un effet d'entraînement sur une grande partie de l'industrie nationale. C'est le cas pour les fournisseurs de Thales ou les fournisseurs de rang 1 associés aux activités défense du groupe Airbus.
Dans une France frappée par le chômage, menacée par la désindustrialisation, ces 50 000 emplois sont d'une importance vitale. Ils constituent le témoignage des grandes capacités de notre industrie. Ils sont la preuve de nos qualités, de cet état d'esprit conquérant, de ce savoir-faire solide et ambitieux, de cet esprit d'innovation permanent, qui fondent la volonté du Gouvernement de rétablir en France une dynamique de prospérité économique.
Cet esprit d'innovation, d'autant plus nécessaire que la concurrence internationale est rude, engendre un troisième bénéfice pour l'ensemble de la société française : le bénéfice technologique. Les exportations d'armement sont en effet au cœur d'un écosystème plus vaste, qui repose sur l'investissement de l'État dans la Défense et dont il faut dire un mot ici. Les emplois que ces exportations génèrent sont en effet très interdépendants de l'investissement de défense consenti par l'État, car ils contribuent à maintenir un seuil critique d'activité, qui préserve des emplois à haute valeur ajoutée et non délocalisables.
Ce socle de compétences construit par les investissements de l'État et soutenu par les exportations, permet également de conserver les autres emplois liés aux activités civiles des acteurs duaux. C'est bien cet écosystème, développé grâce à l'impulsion de la Défense, qui garantit l'avance technologique de la France, y compris dans le domaine dual et civil.
De même, c'est en grande partie l'acquisition par la France et l'utilisation de son matériel de défense porté au plus haut niveau technologique, qui permet de le crédibiliser et d'en favoriser l'exportation.
Comme je vous l'ai déjà dit, la valeur ajoutée de ces exportations est très significative : nos entreprises de la base industrielle et technologique de Défense, au travers de leurs exportations duales, représentent certes 1% des entreprises françaises en nombre, mais 24% en valeur des exportations sur la période 2010-2013.
Les exportations de Défense s'intègrent donc aujourd'hui dans un écosystème qui est rendu possible et entretenu par les investissements que la Nation consent pour sa Défense, et qui se traduit par les emplois créés et conservés en France dans les activités civiles et militaires de nos entreprises.
De nombreux exemples, apportés par l'étude, viennent illustrer l'importance de ce bénéfice technologique. C'est pour conquérir le marché de l'exportation que DCNS a conçu le sous-marin Scorpène, vendu aujourd'hui au Chili, à la Malaisie, à l'Inde ou encore au Brésil. Certaines technologies développées à cette occasion seront reprises et améliorées pour les prochaines générations de sous-marins français.
Les exportations d'armement créent une dynamique vertueuse dans l'industrie française : les bénéfices économiques, sociaux et technologiques se conjuguent et concourent à d'éclatantes réussites, dans un pays qui en a besoin. Ces exportations, en outre, sont des vecteurs d'influence et de diplomatie à travers les offres de service qui accompagnent les équipements aujourd'hui. Elles participent également à l'instauration d'un climat favorable au développement ultérieur d'exportations civiles.
Au terme de cette étude qui a permis de traduire les impacts économiques, sociaux et technologiques de nos exportations de défense, les résultats de 2013 confirment que l'État et les industries de défense doivent continuer à travailler main dans la main, dans le cadre de la politique que j'ai souhaité mettre en œuvre : une politique renouvelée dans sa méthode, ferme sur ses principes, ambitieuse dans ses objectifs. Soyons fiers de ce que nous avons fait en 2013. Mais préparons-nous, et faisons le nécessaire, pour l'être plus encore, à l'issue de cette année 2014.
source http://www.defense.gouv.fr, le 30 septembre 2014