Texte intégral
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M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des anciens combattants et de la mémoire.
M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'État chargé des anciens combattants et de la mémoire. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je souhaite tout d'abord excuser le ministre de la défense, qui ne pouvait être présent aujourd'hui. C'est un honneur pour moi, autant qu'un plaisir, d'être avec vous pour ce débat sur l'avenir du secteur industriel de défense et des capacités de maintenance industrielle des matériels.
Permettez-moi d'abord de rappeler, dans ses grandes lignes, ce qu'est la stratégie industrielle du ministère de la défense. Elle se décline dans les cinq dimensions du rôle général de l'État vis-à-vis des industries en France : l'État client, l'État stratège, l'État régulateur, l'État promoteur, et enfin l'État actionnaire.
Au titre de l'État client, il s'agit de garantir la pérennité de l'industrie par le biais de la commande publique nationale, mais aussi par une expertise technique qui permet à nos industries d'être au meilleur niveau mondial. Je veux rappeler ici que le ministère de la défense, notamment la direction générale de l'armement, reste le premier investisseur de France, avec 17 milliards d'euros consacrés en moyenne chaque année aux équipements de défense.
En tant qu'État stratège, il s'agit d'éclairer les besoins futurs et de définir les axes de développement stratégique et technique.
Au titre de l'État régulateur, le ministère dispose des pouvoirs réglementaires pour protéger des actifs industriels essentiels vis-à-vis des démarches de prédation, d'ingérence économique et de pillage technologique.
L'État promoteur, de son côté, valorise nos produits industriels nationaux à l'export. C'est là encore une démarche forte du ministre de la défense, qui s'engage personnellement pour contribuer au rayonnement de la France, mais aussi pour assurer le plan de charge des industriels concernés et concourir à la réduction de leur dépendance à la commande publique.
S'agissant enfin de l'État actionnaire, il s'agit d'avoir une capacité d'orientation stratégique des sociétés concernées, notamment dans leurs différentes opérations de consolidation. J'y reviendrai dans un instant au sujet du rapprochement entre les entreprises Nexter et KMW, baptisé Kant, que vous avez déjà dû largement évoquer.
Voilà, en quelques mots, les cinq volets de la stratégie industrielle du ministère de la défense. À travers chacun d'entre eux, de façon transversale, on peut dégager quelques grands principes d'action, que je présente rapidement et simplement ici.
Il s'agit tout d'abord de privilégier l'acquisition de nouvelles compétences au bénéfice des entreprises et des savoir-faire nationaux.
Il s'agit ensuite de favoriser les politiques de consolidation, nationale ou de préférence à l'échelle européenne, en recherchant là encore la garantie du maintien sur le territoire des compétences et des savoir-faire les plus sensibles et les plus pointus. Kant s'inscrit pleinement dans cette logique, décrite dans le Livre blanc.
En matière de coopération, il convient de se fonder sur le principe de l'excellence technique, qui rejoint souvent à moyen terme la question des dépendances mutuelles ; le domaine des missiles, avec le missile franco-britannique ANL, en est un bon exemple.
Enfin, en matière d'accessibilité aux marchés, il faut renforcer les possibilités offertes aux petites et moyennes entreprises et aux entreprises de taille intermédiaire par divers dispositifs incitatifs, que le ministre de la défense a lancés et dynamisés avec le Pacte Défense PME.
Le ministère de la défense, premier investisseur de l'État, développe donc une politique industrielle dans toutes les dimensions de son activité. L'objectif est à la fois d'être efficace à court et moyen termes, mais aussi de développer une vision stratégique pour prévenir les éventuelles surprises.
Cette stratégie, telle que je viens de vous la présenter brièvement, se décline concrètement dans le projet Kant.
Ce projet, dont les principes généraux ont été rendus publics le 1er juillet dernier, vise à rapprocher Nexter et KMW sous la forme d'une société commune, détenue à 50 % par l'État français et à 50 % par les actionnaires actuels de KMW, le groupe familial Wegmann. Ce nouvel ensemble constituera un leader européen de l'armement terrestre, capable de faire jeu égal avec les plus grands acteurs mondiaux du secteur, comme les deux leaders actuels du marché les acteurs transatlantiques General Dynamics et BAE Systems qui réalisent chacun un chiffre d'affaires quatre à cinq fois supérieur à ceux des acteurs européens les plus importants. Un tel ensemble pourra offrir une gamme élargie de produits, bénéficiera des compétences et savoir-faire complémentaires des deux sociétés, et sera suffisamment compétitif pour assurer son développement dans la durée, notamment à l'export.
Pendant des décennies, l'industrie d'armement terrestre européenne s'est surtout appuyée sur la réalisation de programmes nationaux d'équipement. Compte tenu de la réduction des budgets de défense européens, cette industrie doit désormais, plus que jamais, chercher à l'export, auprès d'une clientèle élargie, les moyens d'assurer son développement.
Cette obligation de développement est encore accrue par l'arrivée, sur les mêmes marchés tiers, des industries d'Amérique du Nord et des pays émergents. Dans ce contexte, les acteurs qui veulent conserver une offre globale dans le secteur terrestre doivent accroître leur taille pour gagner en efficacité et en compétitivité. Le nouveau groupe disposera à cet égard d'une offre complète d'engins blindés, armes, systèmes d'armes, munitions et services, au bénéfice des forces terrestres et aéroterrestres.
Cette opération, je veux le souligner, démontre la capacité de l'État à engager des démarches structurantes pour ses entreprises. L'État fait ici, pour l'armement terrestre, ce qu'il a fait avec Airbus.
Je précise qu'il ne s'agit pas d'une cession des parts de l'État, mais d'un apport de cette participation au sein d'une structure rassemblant Nexter et KMW, détenue à 50-50. En outre, l'État détiendra une action spécifique dans Nexter Systems, afin de protéger les actifs stratégiques pour la France que l'entreprise détient. L'État reste donc un soutien effectif.
C'est dans ce cadre que le Parlement est sollicité pour autoriser l'opération de transfert au secteur privé. Il s'agit de l'article 47 du projet de loi pour la croissance et l'activité du ministre de l'économie, dont la rapporteure est Mme Valter. En parallèle, de nombreux chantiers juridiques et financiers sont en cours pour réaliser l'opération au cours du premier trimestre.
Le sujet plus particulier du maintien en condition opérationnelle, le MCO, est l'autre point à l'ordre du jour de cette audition. Je voudrais ici souligner les points essentiels de la politique du Gouvernement dans ce domaine.
Le maintien en condition opérationnelle des systèmes d'armes recouvre deux ensembles : des activités de maintenance opérationnelle, réalisées par les forces, et des activités de maintenance industrielle, réparties entre acteurs étatiques et privés. Pérennité et performance du tissu industriel sont donc indispensables au succès des armées, et vous comprenez que la juste répartition entre l'État et le privé des activités de maintenance constitue une question structurante.
Le MCO est désormais au premier rang des priorités pour les années à venir. En effet, dans un contexte de tension accrue sur les effectifs et de sophistication technologique croissante des systèmes d'armes, le constat est que la disponibilité de nos équipements baisse et qu'il convient de la restaurer pour que nos troupes puissent atteindre les standards de l'OTAN.
Cela passe en premier lieu par une évolution de gouvernance. Ainsi, il a été décidé d'appréhender plus globalement le MCO, en commençant par le milieu aérien compte tenu de son poids budgétaire il représente 62 % du budget consacré au MCO et de son caractère interarmées. Dans le cadre de la réforme du MCO aéronautique lancée au printemps dernier, la responsabilité et le contrôle de ce MCO ont été confiés au chef d'état-major de l'armée de l'air, ce qui englobera les besoins aéronautiques de chacune des armées et qui passe par une modernisation de la Structure intégrée de MCO des matériels aéronautiques de la défense, la SIMAD.
Cela passe également par une plus grande globalisation des contrats de MCO, en ne limitant pas les prestations commandées à l'industrie aux seules réparations de matériels et approvisionnement de rechanges, mais en y incluant des activités logistiques, dès lors que ce service permet de répondre aux besoins des forces avec un bilan économique favorable. Cette orientation renforce la possibilité de nouveaux entrants dans le domaine du MCO, s'agissant des opérateurs logistiques.
Cela passe enfin par une nouvelle politique d'acquisition, qui conduit à appréhender globalement acquisitions, rénovations et MCO des systèmes d'armes. Cette orientation est l'un des éléments majeurs de la réforme du MCO aéronautique lancée au printemps dernier.
Cette approche globale permet de dégager de meilleures solutions, de renforcer la capacité de négociation de l'État et de minimiser l'indisponibilité des matériels. Elle ne peut pas être dissociée d'une politique industrielle d'ensemble, afin d'assurer une approche cohérente sur le cycle de vie des systèmes d'armes.
En la matière, le milieu aéronautique a fait l'objet d'une réflexion approfondie à l'occasion de la création du Service industriel de l'aéronautique, le SIAé, en 2008. Par cette décision, l'État a confirmé sa volonté de disposer de deux piliers pour assurer la maintenance industrielle des matériels aéronautiques : l'ensemble des industriels privés d'une part, le service étatique d'autre part.
Il s'agit pour l'État d'avoir l'assurance dans la durée que les matériels seront soutenus dans des conditions maîtrisées, dans un contexte où pour de nombreux acteurs industriels, le client « défense » n'est pas prépondérant.
Les critères de répartition des activités de maintenance industrielle entre l'État et le privé peuvent également s'appliquer aux milieux terrestre et naval, même si les contextes sont différents et les dépenses moindres.
Le milieu terrestre est notamment caractérisé par une forte activité étatique réalisée par le Service de la maintenance industrielle terrestre. À la différence du SIAé, le SMITer réalise non seulement des activités de soutien industriel répondant à des logiques d'efficience et de productivité, mais aussi un volume important d'activités de soutien opérationnel répondant à une logique d'efficacité et de réactivité.
Le milieu naval est, quant à lui, marqué par une part d'activité étatique relativement faible et un industriel privé dominant, DCNS.
La relation de la défense avec les industriels est donc complexe. Le ministère est à la fois responsable de la pérennité à moyen et long termes de la base industrielle et technologique de défense, mais il doit aussi optimiser sa politique d'acquisition pour répondre à des objectifs économiques se situant parfois à plus court terme. Bien que distinctes, politique industrielle et politique d'acquisition doivent donc faire l'objet d'une approche cohérente sur le périmètre de l'ensemble des prestations d'acquisition, de rénovation et de MCO des systèmes d'armes.
Voilà, mesdames et messieurs les députés, ce que je souhaitais dire à ce moment de nos échanges. Je me tiens à votre disposition pour répondre à vos questions.
M. le président. Nous en venons aux questions. La parole est à M. André Chassaigne.
M. André Chassaigne. Merci pour cette présentation, monsieur le secrétaire d'État, même si nous l'avons ressentie comme un peu académique, car des questions de fond ont été soulevées pendant la première heure d'échanges.
Une inquiétude, en particulier, s'est exprimée sur tous les bancs au sujet des conséquences de votre politique sur la souveraineté nationale.
Je voudrais poser deux questions. Pour la première, je reprendrai directement les propos que vous venez de tenir sur la réforme du MCO aéronautique par sa globalisation : vous avez confirmé qu'il y aurait de nouveaux entrants parmi les opérateurs et dit que la meilleure solution résidait dans un équilibre entre les industriels privés et le service étatique.
Vous avez fait allusion aux critères de répartition, sans vraiment les définir. C'est sur ce point-là que je voudrais tout particulièrement vous interroger. Ce qui est en jeu, pour le député du Puy-de-Dôme que je suis, c'est le devenir des ateliers industriels de l'aéronautique et plus particulièrement de l'AIA de Clermont-Ferrand. Quel sera le plan de charge ? Faire davantage appel aux opérateurs privés pour la maintenance n'aura-t-il pas de conséquences sur l'emploi ? Je pense notamment aux agents ouvriers d'État qui sont d'une grande compétence et dont le savoir-faire est reconnu : un travail important pourrait leur être enlevé au profit du privé.
On constate, de plus, que les recrutements sont bloqués, avec toutes les conséquences que cela peut avoir sur les capacités d'intervention et la réactivité de l'entreprise, à plus forte raison en période de conflit.
La seconde question, très précise, que je voudrais poser concerne une dimension de la privatisation : la mise en place des sociétés de projet.
Nous sommes très inquiets s'agissant de ce partenariat public-privé dans lequel, au bout du compte, des sociétés financières qui vont investir dans l'achat du matériel. Mais la fabrication, où se fera-t-elle ? Quelle sera l'intervention de l'État ? Pour ce qui est de l'utilisation, qui sera propriétaire de ces matériels financés par ces sociétés de projet ? Et puisque nous sommes dans une approche de partenariat public-privé, qui sera chargé de la maintenance ? Qui en décidera ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'État. Vous avez balayé beaucoup de sujets. Je voudrais d'abord vous répondre sur les sociétés de projet, que le Président de la République a évoquées hier, dans son discours de vux aux armées. J'étais avec lui, j'accompagnais le ministre de la défense.
Le Président a rappelé sa volonté de créer des sociétés de projet. La mise en place d'une telle société de projet répond à la problématique financière
M. André Chassaigne. Hélas !
M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'État. par analogie avec les schémas de mise à disposition de matériel dans le secteur privé. Il s'agit de créer une société qui conduira des opérations de location de matériel militaire, au bénéfice du ministère de la défense.
M. André Chassaigne. Du matériel militaire, ce n'est pas une marchandise comme les autres, monsieur le secrétaire d'État !
M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'État. Je ne vous apprends rien, mais les détails sont encore à l'étude. Le ministère de la défense et celui de l'économie sont pleinement mobilisés. Un conseil de défense doit se tenir la semaine prochaine. Je ne peux vous en dire plus aujourd'hui sur les sociétés de projet : sinon je broderais, sans vous apporter d'éléments particuliers.
Vous avez évoqué les effectifs dans nos entreprises. Le projet de fusion Kant ne fait courir aucun risque de perte d'effectifs, que ce soit au niveau du MCO ou de l'entreprise Nexter. L'emploi ne pâtira pas des rapprochements, ni chez Nexter ni chez les sous-traitants et les fournisseurs.
La mise en uvre de synergies entre les deux sociétés actuelles doit respecter en tout cas l'équilibre global de l'activité entre la France et l'Allemagne. Nexter doit rester performante à l'export. Nous y reviendrons peut-être, mais c'est un aspect intéressant du projet de rapprochement. La société Nexter, dans le cadre du programme Scorpion, a signé récemment un partenariat avec Renault Trucks Defense RTD et Thalès.
M. André Chassaigne. Ma question portait aussi sur les ateliers industriels de l'aéronautique.
M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq.
M. Nicolas Dhuicq. Monsieur le secrétaire d'État, je suis toujours très étonné de voir que nous n'intégrons pas, que nos chefs n'intègrent pas que nous assistons à une transformation profonde du monde et que nous avons perdu l'avantage technologique que nous détenions depuis la Renaissance.
Les ministres qui se succèdent ne cessent d'imaginer qu'ils vont équilibrer leur budget par des exportations. Quand je regarde la flotte japonaise, la flotte sud-coréenne, la technologie asiatique, je constate que la concurrence est de plus en plus vive sur les marchés extérieurs, sans que pour autant le discours ne change.
Comment imaginer que la sécurité de la nation, la sécurité des Françaises et des Français, va être assurée et la souveraineté nationale garantie par des exportations, alors que dans tous les domaines économiques, nous voyons bien que le capitalisme financier subit une crise terrible, que l'accès aux matières premières nous est dénié, y compris en Afrique, d'un côté par les Chinois, de l'autre par nos chers amis Américains, que nous ne voulons pas entendre les offres de la Fédération de Russie dans la lutte contre le terrorisme, que nous n'avons aucune vision, que nous sommes à la solde des monarchies du Golfe ?
Et vous venez nous dire, et vous imaginez, que vous allez équilibrer votre budget par des exportations ! Alors que les concurrents sont de plus en plus nombreux !
Je ne comprends pas cette logique. Je trouve que nos chefs, une fois de plus, acceptent que nous sortions de l'Histoire. La situation de l'Europe est catastrophique. Le tonnage de la Royal Navy atteint un niveau historiquement bas. À cet instant, je pense à l'ancien Premier lord de l'Amirauté qui, en 1938, devant les États-unis d'Amérique, parla de la liberté et de la tempête qui montait dans le monde.
Une fois de plus, nos chefs capitulent, abandonnent.
Monsieur le ministre, ce discours n'est pas raisonnable : c'est la sécurité des Français, la souveraineté nationale, l'emploi de nos ingénieurs et de nos ouvriers qui sont en jeu.
Je ne laisserai pas faire des puissances étrangères, je ne leur laisserai pas dire que notre sécurité dépendrait d'elles car elle dépend avant tout de la nation.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'État. Vous êtes très maximaliste, monsieur le député
M. Nicolas Dhuicq. Non. Patriote !
M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'État. Il est clair que, pour les sociétés d'armement françaises, la seule commande de la défense
M. Nicolas Dhuicq. Parce que, monsieur le secrétaire d'État, vous appartenez à un gouvernement qui capitule et qui ne dépense pas assez pour la défense nationale !
Mme Marie Récalde. Patriote, peut-être, mais pas bien élevé !
M. le président. Écoutez la réponse de M. le secrétaire d'État, mes chers collègues. Lui seul a la parole.
M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'État. Je continue. Nous allons essayer de garder notre sang-froid, monsieur le député.
Les commandes nationales sont certes essentielles mais ne peuvent suffire à assurer le plan de charge global de nos entreprises. Pourquoi ? Vous le savez bien.
M. Nicolas Dhuicq. Parce que vous ne dépensez pas assez pour la défense !
M. le président. Seul M. le secrétaire d'État a la parole.
M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'État. Cela, monsieur le député Dhuicq, c'est votre position.
Si nous souhaitons garantir la continuité du savoir-faire de chaque segment de nos entreprises, nous ne pouvons que souhaiter le développement des sociétés d'armement françaises qui produisent et nouent des coopérations.
Les groupes français sont armés, si j'ose dire, pour répondre à l'enjeu des exportations et disposent de la taille critique pour ce faire.
Si nous ne parvenons pas à leur permettre d'investir autrement qu'à travers les commandes nationales, nos sociétés risquent de connaître de grandes difficultés.
Contrairement à ce que vous dites, le Gouvernement veut à la fois développer le système de production français et l'exportation afin de renforcer notre système de défense. Le Livre blanc, me semble-t-il, a réaffirmé la nécessité d'une telle politique responsable d'exportation.
La politique gouvernementale de soutien à l'export de nos entreprises est très importante. Le contrôle des exportations d'armements et de technologies demeure quant à lui, bien entendu, essentiel mais une telle politique n'en reste pas moins vitale pour nos entreprises.
M. le président. La parole est à Mme Marie Récalde.
Mme Marie Récalde. En préambule, même si ce n'est ni le lieu ni le moment, je considère que l'intervention de notre collègue Dhuicq aurait pu faire l'objet d'un rappel au règlement.
Ma question, monsieur le secrétaire d'État, porte sur le pacte Défense-PME qui est en vigueur depuis deux ans un premier bilan peut donc en être tiré.
Il a permis la signature de six conventions avec de grands groupes et d'améliorer les relations entre les maîtres d'uvre et les PME. Il a également permis au ministère de la défense lui-même de remettre en question certaines pratiques afin de mieux prendre en compte les PME je salue à ce propos le rôle de la SIMAD, qui a tout particulièrement intégré ces nouvelles pratiques. Il a permis enfin d'améliorer les conditions de paiement et de renforcer le soutien de nos entreprises nous savons combien nos PME et PMI sont extrêmement créatrices d'emplois.
Monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous donc dresser rapidement un premier bilan des quarante actions qui ont été engagées ? Concrètement, comment nos entreprises ont-elles pu être confortées sur le plan local et national ? Avec quels résultats ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'État. Madame la députée, vous évoquez donc le pacte Défense-PME dont, à l'occasion de la troisième édition du forum DGA-Innovation, le 20 novembre dernier, deux ans après son lancement, le ministre de la défense a dressé le bilan, décrivant les résultats concrets obtenus dans quatre directions.
Premièrement : l'amélioration de l'accès à la commande publique. Le ministère de la défense procède en effet à une étude systématique du positionnement des PME sur les segments d'achats, ce qui permet de définir des stratégies adaptées et entraîne les PME à concourir plus souvent pour les contrats émanant du ministère. Plus de 8 500 nouvelles entreprises se sont inscrites sur les annuaires du portail de la défense afin de se rendre visibles et de connaître systématiquement ses appels d'offres, témoignant ainsi qu'elles ne le considèrent plus comme inaccessible et combien les procédures ont été grandement simplifiées. Dans le même esprit, le ministère a fait en sorte que les informations diffusées soient plus accessibles en modernisant ses sites Internet et en améliorant ses conditions de paiement.
Deuxièmement : le soutien financier à l'innovation dans les PME. Les crédits consacrés aux études ont été maintenus à 730 millions d'euros en moyenne annuelle conformément aux prévisions de la loi de programmation militaire 2014-2019 contre 695 millions entre 2009 et 2012.
Troisièmement : les engagements entre la défense et les grands maîtres d'uvre. Sept conventions bilatérales visant à soutenir la croissance des PME ont été signées et mises en uvre avec Airbus Group, Safran, Thalès, MBDA, Nexter, DCNS et Dassault Aviation. Leur suivi fait l'objet d'une attention toute particulière au ministère de la défense.
Quatrièmement : nous avons renforcé notre action en région, sujet que vous avez évoqué. Vingt-trois pôles nationaux à l'économie de défense ont ainsi été créés afin de faciliter l'accès des PME au ministère. Ses services se rendent d'ailleurs à la rencontre de ces dernières sur le territoire : à ce jour, 44 rencontres Achats Défense ont été organisées en région en 2013 et 2014 en association avec les acteurs économiques locaux, dont le rôle est essentiel en matière d'accompagnement des PME aux côtés des collectivités territoriales. Depuis 2013, plus de 3 000 entreprises ont ainsi été rencontrées auxquelles il faut ajouter plus de 450 PME rencontrées, elles, pour le soutien à l'export.
Les résultats sont donc concrets et, pour le ministère de la défense, le pacte Défense-PME a atteint ses objectifs.
Je rappelle que le label Relations fournisseur responsables a été attribué au ministère de la défense le 8 septembre 2014 et qu'il est décerné par la Médiation des marchés publics ainsi que par la Médiation inter-entreprises et la Compagnie des dirigeants et acheteurs de France.
M. le président. La parole est à M. Philippe Vitel.
M. Philippe Vitel. Vous venez de confirmer, monsieur le secrétaire d'État, que la réflexion sur les sociétés de projets ne résulte pas d'une stratégie économique et industrielle mais constitue bien une réponse à une situation comptable négative en raison du caractère aléatoire des recettes exceptionnelles.
Il y a là matière à réflexion, surtout dans un domaine où le temps est important puisque le lancement d'un projet de matériels implique d'envisager leur utilisation pendant cinquante ans. Je ne vois pas comment les sociétés de projets pourraient nous apporter la pérennité et la solidité que nous sommes en droit attendre.
S'agissant de Nexter, aujourd'hui, tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil mais je tiens à rappeler que le ministre allemand de l'économie, Sigmar Gabriel, se montre tout à fait réticent à un projet qui, pour nous, soulève des problèmes majeurs en matière de politique d'exportations nous savons pourtant combien notre industrie de défense repose encore sur ces dernières puisqu'elles représentent un tiers du chiffre d'affaires de nos entreprises.
Autre question : nous devons changer nos fusils FAMAS. Or, pour la première fois depuis trois cents ans, l'industrie française n'est plus capable de fournir un matériel de ce type. Qu'en est-il du marché qui doit être conclu, le choix devant être arrêté cette année ?
S'agissant du maintien en condition opérationnelle et de l'entretien programmé des matériels de l'armée de terre, le chef d'état-major nous a signalé que 1 400 véhicules sont hors d'état de circuler et qu'une augmentation de 50 % des crédits d'EPM serait nécessaire pour s'en sortir contre les 9 % seulement qui lui ont été accordés.
Pouvons-nous continuer nos opérations, en particulier, les OPEX sans que nos militaires puissent disposer du matériel nécessaire le plus rapidement que possible ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'État. Vous avez évoqué le ministre de l'économie allemand. Or, selon les informations diffusées dans la presse, il n'est pas opposé
M. Philippe Vitel. M. Macron dispose d'une note spécifique.
M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'État. Je lui poserai la question si vous le voulez mais sachez tout de même qu'au sein d'un Gouvernement, on se parle !
M. Philippe Vitel. Demandez à M. Macron !
M. le président. Monsieur le secrétaire d'État et lui seul a la parole, mes chers collègues.
M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'État. En l'état, il ne semble pas que M. Gabriel soit défavorable à une consolidation européenne et nationale.
Vous avez évoqué Nexter et le projet Kant. La famille actionnaire s'est prononcée en faveur d'un rapprochement avec Nexter et a engagé une période d'exclusivité bloquant pour elle toute autre discussion. Il convient donc de s'en tenir aux faits, à la réalité. Contrairement à ce que vous dites, nous ne disposons pas d'informations qui iraient dans un autre sens.
S'agissant du fusil FAMAS, je peux simplement vous dire qu'un appel d'offres est lancé.
M. Philippe Vitel. Où en est-on ?
M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'État. Précisément, l'appel d'offres étant lancé, je ne ferai pas de commentaire.
Il faut raison garder
Je ne reviendrai pas sur la réponse que j'ai faite s'agissant des sociétés de projets. J'ai exposé clairement les choix qui ont été arrêtés et nous n'allons pas recommencer un vaste débat. Vous en saurez plus, je pense, dans les jours à venir puisque le conseil de défense qui se tiendra je crois mercredi prochain se penchera sur ce sujet.
M. le président. La parole est à M. Nicolas Sansu.
M. Nicolas Sansu. Monsieur le secrétaire d'État, je souhaite formuler quelques remarques et poser quelques questions.
Nos industries de défense, tout comme le maintien en condition opérationnelle de nos matériels, conditionnent notre souveraineté et notre indépendance, non la volonté d'exporter même si nous devons bien entendu coopérer avec nos alliés et partenaires : l'objectif, ce n'est pas d'exporter mais d'assurer la souveraineté et l'indépendance nationales.
En outre, il est également possible d'équilibrer les comptes et de donner du travail à nos ouvriers, nos techniciens et nos ingénieurs en travaillant à l'essaimage des compétences technologiques et des savoir-faire vers le civil. Outre que cela existe déjà, nous savons combien il importe qu'en France le monde militaire puisse diffuser ses compétences et ses qualités dans les industries civiles.
MBDA est implantée dans mon département où nous savons très bien combien il importe de disposer de telles compétences dans le domaine aréonautique, tant civil que militaire et, plus précisément, missiliaire pour Bourges-Le Subdray.
Cette entreprise, précisément, a évolué puisqu'elle construisait des pièces pour avions et qu'elle fabrique désormais des missiles. Peut-être reviendra-t-elle demain à sa première compétence, un tel processus constituant un moyen d'assurer l'emploi industriel depuis le secteur militaire vers le secteur civil via les transferts de technologies.
Les sociétés de projets qui, disons-le, sont des partenariats public-privé puisque des sociétés privées recevront des dividendes pour les parts qu'elles auront prises sont d'abord liées à une volonté d'exportation. Or, cela ne doit pas être en la matière la première des motivations.
S'agissant du projet Kant de fusion entre Nexter et KMW, que deviendront les véhicules blindés produits en France ? Les personnes qui sont intervenues tout à l'heure lors de la table ronde l'ont dit : à un horizon de quinze ans, la fabrication même d'un véhicule blindé notamment, du VBCI sera problématique dans notre pays alors qu'il aurait été possible de constituer un groupement d'intérêt économique, un GIE. Il est tout même un peu stupéfiant que l'État français se marie avec une famille !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'État. S'agissant de l'export, je répète ce que j'ai déjà dit : le développement à l'exportation permet à nos entreprises de rester compétitives et d'atteindre un seuil critique pour être opérationnelles afin d'améliorer les matériels et d'innover sur un plan technologique et industriel.
Vous évoquez le projet Kant de fusion entre Nexter et le groupe allemand KMW.
D'autres voies, là aussi, ont été explorées parce qu'il n'était pas possible d'en rester à un niveau simplement national dès lors que Volvo a des participations au sein de Nexter et que ses préoccupations excèdent cette dernière.
Contrairement à vous, je crois que Kant confère un avenir industriel à long terme à Nexter. L'alliance repose sur un principe de co-contrôle et non d'achat, l'État français continuant à contrôler Nexter via les actions qu'il apporte et étant co-propriétaire, à hauteur de 50 %, donc, du groupe allemand.
Je crois que, sur les sujets qui vous préoccupent, les deux sociétés sont aujourd'hui complémentaires. Vous avez évoqué un horizon à quinze ans. Quant à moi, je ne lis pas dans les boules de cristal. Il n'y a toutefois pas de raison que le groupe Nexter soit mis en difficulté à la suite à ce rapprochement au contraire, même, puisqu'il n'y a pas de concurrence directe sur les produits actuels.
M. le président. La parole est à M. Eduardo Rihan Cypel.
M. Eduardo Rihan Cypel. Monsieur le ministre, nous avons voté une loi de programmation militaire, conforme aux orientations du Livre blanc, qui définit le modèle et les missions que le Président de la République a fixés à nos armées. Il s'agit d'une bonne loi de programmation, mais la situation de nos armées reste difficile, compte tenu des efforts qu'elles ont eus à faire.
La France est aujourd'hui engagée sur des théâtres d'opération extérieurs, particulièrement au Sahel et au Mali, où nous assurons la sécurité des populations, à la demande des Maliens et de nos amis dans l'ensemble du Sahel, mais aussi celle des Français, puisque nous constatons aujourd'hui qu'il existe un continuum de sécurité défense : que ce soit à l'extérieur ou sur le plan domestique, c'est la même sécurité que nous assurons.
Nous agissons pour la sécurité des Français et, plus largement, comme chacun sait, pour la sécurité collective des Européens. Après les attentats de la semaine dernière, le moment semble donc venu, compte tenu des difficultés que nous rencontrons dans l'accomplissement de toutes ces missions et nous savons que nous ne pourrons pas aller beaucoup plus loin, étant donné que le budget militaire est stabilisé à 31,4 milliards d'euros par an pour toute la durée de la loi de programmation militaire de sortir les dépenses de défense, hors pensions, du calcul du déficit budgétaire, tel qu'apprécié par Bruxelles.
Cette solution rassemble nombre d'entre nous, au-delà des clivages et des sensibilités politiques. Le moment ne serait-il pas venu, alors que les leaders européens ont manifesté leur solidarité dans la rue, de demander à nos partenaires européens que cette solidarité s'exprime aussi sur le plan budgétaire afin de faciliter nos missions, dans la mesure où celles-ci contribuent à la sécurité de tous les Européens ?
Que pense le Gouvernement de cette idée qui consisterait à sortir les dépenses d'investissement, pour le moins, voire toutes les dépenses de défense, hors pensions, du calcul du déficit budgétaire ? Comment voyez-vous la chose avec nos partenaires européens ? Et comment pouvons-nous vous aider à faire prendre conscience, dans toute l'Europe, que ce que nous faisons sur le plan extérieur contribue, non seulement à la sécurité des Français, mais à celle de tous les Européens ? Nous le savons : la menace reste très élevée en France, mais elle est aussi, je le crains, très élevée dans toute l'Europe.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'État. Vous posez là un vaste problème. La France n'est pas isolée : lorsque le Président de la République a décidé d'engager nos forces armées, on a entendu, dans un premier temps, que la France était isolée et qu'elle allait intervenir seule. Or ce n'est pas le cas, puisque nous avons réussi à obtenir la participation d'autres pays européens, ce qui est très important. Je me suis moi-même rendu dernièrement en Centrafrique, où la force française va bientôt se désengager pour laisser place aux forces des Nations unies.
Les pays européens ont suivi la France, et ils apportent aussi du matériel : un pont sera bientôt monté par les Italiens, et il a été construit dans un autre pays d'Europe. Bref, la France a cherché à avoir des partenaires.
Vous évoquez, plus largement, le débat relatif au déficit. Le ministre de l'économie et le secrétaire d'État chargé du budget travaillent sur cette question à Bercy. C'est effectivement un sujet important, qui doit être négocié au niveau européen. Je ne peux pas vous donner d'informations plus précises sur ce sujet ; je peux seulement vous dire que ces questions sont discutées par le Gouvernement avec nos partenaires européens.
M. le président. La parole est à M. Éric Alauzet.
M. Éric Alauzet. Je souhaiterais revenir, monsieur le secrétaire d'État, sur des questions que j'ai déjà abordées au cours de la table ronde.
La première concerne l'impact financier, pour le budget de l'État et celui du ministère de la défense, du modèle qui est proposé ici. Dans un contexte financier et économique difficile, nous devons faire attention à ne pas choisir des solutions qui, à terme, pourraient se retourner contre nous, en réduisant nos recettes et en augmentant nos dépenses.
Le choix de l'implantation aux Pays-Bas, un pays réputé, au même titre que l'Irlande ou le Luxembourg, pour sa fiscalité avantageuse l'oreille se dresse toujours quand on évoque ces pays pourrait entraîner une perte de recettes. Un de nos collègues faisait valoir tout à l'heure que seuls les dividendes seraient soumis au régime fiscal des Pays-Bas. Il n'empêche que ce nouveau modèle fait courir à l'État le risque d'une perte de recettes.
S'agissant des dépenses, le fait de déléguer la maintenance à une société privée qui ne sera plus en situation de concurrence risque d'en faire augmenter le prix. De la même façon, la société de projets peut être une solution intéressante financièrement à court terme, mais on sait très bien, comme pour les partenariats public-privé, que la note se paie à la sortie, après coup.
Prenons donc garde de ne pas hypothéquer le futur pour tenter de résoudre, à très court terme, des équations budgétaires compliquées.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'État. Je vais certainement vous répondre ce que vous avez déjà entendu lors de la table ronde. S'agissant d'abord du risque de pertes de revenus pour l'État, je vous confirme effectivement que ce risque n'existe pas, puisque seuls les dividendes remonteront à la société commune.
Le choix de localiser le siège aux Pays-Bas, ensuite, a été fait en concertation. Pour la France, il était inacceptable que le siège se trouve en Allemagne et, pour les investisseurs allemands et la famille Wegmann, il n'était pas davantage acceptable qu'il se trouve en France. Chacun a voulu préserver l'équilibre visé dans le partenariat, un équilibre à 50-50. Il s'agit d'un co-contrôle, et non d'un rachat d'une entreprise par une autre.
Il a donc fallu définir des critères pour localiser le siège de l'entreprise. Il fallait d'abord que ce siège se trouve dans un pays membre de l'Union européenne, et plus précisément de la zone euro. Il valait mieux, par ailleurs, que cet État soit aussi membre associé des organisations structurantes de l'Europe de la défense. Ce pays devait en outre présenter une certaine stabilité politique et économique, et il n'était pas question de choisir un paradis fiscal ou un État pouvant être soupçonné de l'être. Il fallait une proximité directe avec la France et l'Allemagne et il importait qu'il n'y ait pas, dans ce pays, de concurrence avec une industrie d'armement terrestre. Il fallait enfin veiller à une certaine neutralité fiscale et nous avons un traité de non-double imposition. C'est sur la base de ces critères que le choix s'est porté sur les Pays-Bas.
Je vous rappellerai que d'autres grandes sociétés européennes sont implantées aux Pays-Bas c'est notamment le cas d'Airbus. En tout cas, ce ne sont en aucun cas des critères d'optimisation fiscale qui ont présidé à ce choix. Je tiens en outre à souligner que de grandes entreprises franco-allemandes ou françaises, dans lesquelles l'État détient des participations, sont implantées aux Pays-Bas.
Je vous confirme que chacune des deux sociétés qui composeront le futur groupe Kant continuera à s'acquitter, dans son pays d'origine, de ses obligations fiscales, qu'il s'agisse de la TVA, des charges sociales ou de l'impôt sur les sociétés. Bref, je ne peux que vous confirmer ce que l'on a déjà dû vous dire.
Vous avez ensuite, à propos de la privatisation, évoqué une situation de monopole pour la société. Mais je vous rappelle que l'État ne vend pas ses actions : il les apporte et continue, par ce biais, de contrôler Nexter à 50 %. L'État, a en outre obtenu, au cours des négociations, que soit introduite une action spécifique. C'est pour nous, dans ce secteur, l'une des composantes de notre stratégie industrielle. L'ouverture du capital s'inscrit obligatoirement dans une alliance : il n'y avait pas d'autre solution, pour fusionner deux sociétés à 50-50 au sein d'un même groupe, que de passer par une loi de privatisation. Mais je répète que l'État ne vend pas ses actions.
M. le président. La parole est à M. le président André Chassaigne, à qui il revient de conclure ce débat, puisque c'est à l'initiative de son groupe qu'il s'est tenu.
M. André Chassaigne. Je voudrais commencer par remercier les collègues qui ont bien voulu participer à cet échange : le fait que tous les groupes aient été représentés l'a rendu extrêmement intéressant. Je vous remercie également pour vos propos, monsieur le secrétaire d'État, même si vous comprendrez que nous regrettions l'absence du ministre de la défense, qui aurait sans doute pu nous apporter des réponses beaucoup plus précises. Mais je ne doute pas que nous recevrons par écrit ses réponses aux questions qui ont été posées, et en particulier à l'une de celles que je vous poserai à la fin de mon intervention, et à laquelle vous ne serez peut-être pas en mesure de répondre aujourd'hui.
Je reviendrai d'abord sur un constat qui s'est exprimé sur tous les bancs. Même s'il s'est exprimé avec une force variable et une véhémence plus ou moins exprimée, plus ou moins rentrée, ce constat, c'est celui de l'impérieuse nécessité de disposer d'un outil industriel et de maintenance à la hauteur des enjeux. C'est l'exigence de garantir notre indépendance et notre liberté politique et d'action dans le domaine de la défense nationale et des industries de l'armement. Il y a unanimité sur ce sujet.
Nous constatons tous que, parallèlement à ce contexte, les politiques d'austérité en Europe comme en France conduisent à contraindre fortement les budgets nationaux de défense. Par répercussion, les choix politiques qui sont faits aujourd'hui portent atteinte, fondamentalement, considérablement, à notre outil industriel de défense. On constate par ailleurs la remise en cause des moyens et des savoir-faire humains et techniques affectés à ces missions. Je voulais revenir sur ce constat, qui est très largement partagé au sein de la représentation nationale.
Cela m'amène à vous poser deux questions, monsieur le secrétaire d'État. La première porte sur l'annonce faite hier par le Président de la République que vous avez vous-même évoquée ce matin de revenir sur les objectifs de baisse des effectifs, tels qu'ils ont été prévus dans la loi de programmation militaire. L'objectif était de réduire les effectifs de 23 500 postes, mais le Président a dit clairement hier que cet objectif serait revu à la baisse.
Les agents des industries de défense et de maintenance seront-ils concernés par les baisses d'effectifs ? Ou bien pouvez-vous nous dire, monsieur le secrétaire d'État, à la suite de ce débat notamment, et compte tenu des enjeux nationaux et internationaux, que les agents des industries de défense et de maintenance ne seront pas concernés par la baisse des effectifs prévue dans la loi de programmation militaire ?
Ma deuxième question, plus précise, que je pose en tant que député du Puy-de-Dôme, porte sur les incertitudes qui pèsent sur le plan de charge des ateliers industriels de l'aéronautique, et en particulier de l'AIA de Clermont-Ferrand. Le ministre devait se rendre sur le site lundi prochain, et il aurait vraisemblablement fait des annonces, ou du moins donné des informations sur le sujet, mais il ne pourra pas venir, pour des raisons que j'ignore d'ailleurs. Êtes-vous en mesure de nous donner des éléments, ou de me répondre par écrit, sur ce plan de charge des AIA, notamment en lien avec les évolutions de la gouvernance du Service industriel de l'aéronautique, car des inquiétudes s'expriment sur le site ? Les salariés, qui sont inquiets, et qui devaient interpeller le ministre de la défense, attendent des réponses. Chacun sait que lorsqu'une visite ministérielle est annulée, on ignore toujours à quand elle sera reportée
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'État. Le ministre devait effectivement se déplacer, non pas lundi, mais demain, sur le site que vous évoquez. Vous comprendrez qu'avec les événements qui se sont précipités depuis la semaine dernière, le ministre de la défense, comme le ministre de l'intérieur, a été largement sollicité. Aujourd'hui encore, il doit faire face aux suites de l'événement. Il doit se déplacer à l'étranger lundi et mardi, ce qui n'était pas prévu, et ce sera aussi mon cas. Nous faisons tous face à l'imprévu.
Je vous ai dit tout à l'heure que le ministre regrette de ne pouvoir assister à ce débat. Il regrette également de devoir renoncer aux déplacements qu'il avait prévus, mais ceux-ci auront bien lieu. Votre question, en tous les cas, lui sera transmise, et le ministre vous répondra précisément par écrit s'il ne peut se déplacer et échanger avec vous à cette occasion.
S'agissant de la baisse des effectifs, je ne vous répondrai pas plus. Le Président de la République a demandé hier au ministre de la défense de lui faire des propositions dans un délai d'une semaine suite à l'annonce concernant les effectifs. Il appartient donc au ministre de la défense de préparer activement le conseil de défense qui se tiendra la semaine prochaine, je crois que des réunions de travail auront lieu aujourd'hui et demain à cette fin. Dans tous les cas, le ministre de la défense doit faire des propositions au Président de la République qui devrait trancher au cours de la semaine prochaine et annoncer ses décisions très rapidement.
M. le président. Mes chers collègues, monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie.
Source http://www.assemblee-nationale.fr, le 16 janvier 2015
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des anciens combattants et de la mémoire.
M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'État chargé des anciens combattants et de la mémoire. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je souhaite tout d'abord excuser le ministre de la défense, qui ne pouvait être présent aujourd'hui. C'est un honneur pour moi, autant qu'un plaisir, d'être avec vous pour ce débat sur l'avenir du secteur industriel de défense et des capacités de maintenance industrielle des matériels.
Permettez-moi d'abord de rappeler, dans ses grandes lignes, ce qu'est la stratégie industrielle du ministère de la défense. Elle se décline dans les cinq dimensions du rôle général de l'État vis-à-vis des industries en France : l'État client, l'État stratège, l'État régulateur, l'État promoteur, et enfin l'État actionnaire.
Au titre de l'État client, il s'agit de garantir la pérennité de l'industrie par le biais de la commande publique nationale, mais aussi par une expertise technique qui permet à nos industries d'être au meilleur niveau mondial. Je veux rappeler ici que le ministère de la défense, notamment la direction générale de l'armement, reste le premier investisseur de France, avec 17 milliards d'euros consacrés en moyenne chaque année aux équipements de défense.
En tant qu'État stratège, il s'agit d'éclairer les besoins futurs et de définir les axes de développement stratégique et technique.
Au titre de l'État régulateur, le ministère dispose des pouvoirs réglementaires pour protéger des actifs industriels essentiels vis-à-vis des démarches de prédation, d'ingérence économique et de pillage technologique.
L'État promoteur, de son côté, valorise nos produits industriels nationaux à l'export. C'est là encore une démarche forte du ministre de la défense, qui s'engage personnellement pour contribuer au rayonnement de la France, mais aussi pour assurer le plan de charge des industriels concernés et concourir à la réduction de leur dépendance à la commande publique.
S'agissant enfin de l'État actionnaire, il s'agit d'avoir une capacité d'orientation stratégique des sociétés concernées, notamment dans leurs différentes opérations de consolidation. J'y reviendrai dans un instant au sujet du rapprochement entre les entreprises Nexter et KMW, baptisé Kant, que vous avez déjà dû largement évoquer.
Voilà, en quelques mots, les cinq volets de la stratégie industrielle du ministère de la défense. À travers chacun d'entre eux, de façon transversale, on peut dégager quelques grands principes d'action, que je présente rapidement et simplement ici.
Il s'agit tout d'abord de privilégier l'acquisition de nouvelles compétences au bénéfice des entreprises et des savoir-faire nationaux.
Il s'agit ensuite de favoriser les politiques de consolidation, nationale ou de préférence à l'échelle européenne, en recherchant là encore la garantie du maintien sur le territoire des compétences et des savoir-faire les plus sensibles et les plus pointus. Kant s'inscrit pleinement dans cette logique, décrite dans le Livre blanc.
En matière de coopération, il convient de se fonder sur le principe de l'excellence technique, qui rejoint souvent à moyen terme la question des dépendances mutuelles ; le domaine des missiles, avec le missile franco-britannique ANL, en est un bon exemple.
Enfin, en matière d'accessibilité aux marchés, il faut renforcer les possibilités offertes aux petites et moyennes entreprises et aux entreprises de taille intermédiaire par divers dispositifs incitatifs, que le ministre de la défense a lancés et dynamisés avec le Pacte Défense PME.
Le ministère de la défense, premier investisseur de l'État, développe donc une politique industrielle dans toutes les dimensions de son activité. L'objectif est à la fois d'être efficace à court et moyen termes, mais aussi de développer une vision stratégique pour prévenir les éventuelles surprises.
Cette stratégie, telle que je viens de vous la présenter brièvement, se décline concrètement dans le projet Kant.
Ce projet, dont les principes généraux ont été rendus publics le 1er juillet dernier, vise à rapprocher Nexter et KMW sous la forme d'une société commune, détenue à 50 % par l'État français et à 50 % par les actionnaires actuels de KMW, le groupe familial Wegmann. Ce nouvel ensemble constituera un leader européen de l'armement terrestre, capable de faire jeu égal avec les plus grands acteurs mondiaux du secteur, comme les deux leaders actuels du marché les acteurs transatlantiques General Dynamics et BAE Systems qui réalisent chacun un chiffre d'affaires quatre à cinq fois supérieur à ceux des acteurs européens les plus importants. Un tel ensemble pourra offrir une gamme élargie de produits, bénéficiera des compétences et savoir-faire complémentaires des deux sociétés, et sera suffisamment compétitif pour assurer son développement dans la durée, notamment à l'export.
Pendant des décennies, l'industrie d'armement terrestre européenne s'est surtout appuyée sur la réalisation de programmes nationaux d'équipement. Compte tenu de la réduction des budgets de défense européens, cette industrie doit désormais, plus que jamais, chercher à l'export, auprès d'une clientèle élargie, les moyens d'assurer son développement.
Cette obligation de développement est encore accrue par l'arrivée, sur les mêmes marchés tiers, des industries d'Amérique du Nord et des pays émergents. Dans ce contexte, les acteurs qui veulent conserver une offre globale dans le secteur terrestre doivent accroître leur taille pour gagner en efficacité et en compétitivité. Le nouveau groupe disposera à cet égard d'une offre complète d'engins blindés, armes, systèmes d'armes, munitions et services, au bénéfice des forces terrestres et aéroterrestres.
Cette opération, je veux le souligner, démontre la capacité de l'État à engager des démarches structurantes pour ses entreprises. L'État fait ici, pour l'armement terrestre, ce qu'il a fait avec Airbus.
Je précise qu'il ne s'agit pas d'une cession des parts de l'État, mais d'un apport de cette participation au sein d'une structure rassemblant Nexter et KMW, détenue à 50-50. En outre, l'État détiendra une action spécifique dans Nexter Systems, afin de protéger les actifs stratégiques pour la France que l'entreprise détient. L'État reste donc un soutien effectif.
C'est dans ce cadre que le Parlement est sollicité pour autoriser l'opération de transfert au secteur privé. Il s'agit de l'article 47 du projet de loi pour la croissance et l'activité du ministre de l'économie, dont la rapporteure est Mme Valter. En parallèle, de nombreux chantiers juridiques et financiers sont en cours pour réaliser l'opération au cours du premier trimestre.
Le sujet plus particulier du maintien en condition opérationnelle, le MCO, est l'autre point à l'ordre du jour de cette audition. Je voudrais ici souligner les points essentiels de la politique du Gouvernement dans ce domaine.
Le maintien en condition opérationnelle des systèmes d'armes recouvre deux ensembles : des activités de maintenance opérationnelle, réalisées par les forces, et des activités de maintenance industrielle, réparties entre acteurs étatiques et privés. Pérennité et performance du tissu industriel sont donc indispensables au succès des armées, et vous comprenez que la juste répartition entre l'État et le privé des activités de maintenance constitue une question structurante.
Le MCO est désormais au premier rang des priorités pour les années à venir. En effet, dans un contexte de tension accrue sur les effectifs et de sophistication technologique croissante des systèmes d'armes, le constat est que la disponibilité de nos équipements baisse et qu'il convient de la restaurer pour que nos troupes puissent atteindre les standards de l'OTAN.
Cela passe en premier lieu par une évolution de gouvernance. Ainsi, il a été décidé d'appréhender plus globalement le MCO, en commençant par le milieu aérien compte tenu de son poids budgétaire il représente 62 % du budget consacré au MCO et de son caractère interarmées. Dans le cadre de la réforme du MCO aéronautique lancée au printemps dernier, la responsabilité et le contrôle de ce MCO ont été confiés au chef d'état-major de l'armée de l'air, ce qui englobera les besoins aéronautiques de chacune des armées et qui passe par une modernisation de la Structure intégrée de MCO des matériels aéronautiques de la défense, la SIMAD.
Cela passe également par une plus grande globalisation des contrats de MCO, en ne limitant pas les prestations commandées à l'industrie aux seules réparations de matériels et approvisionnement de rechanges, mais en y incluant des activités logistiques, dès lors que ce service permet de répondre aux besoins des forces avec un bilan économique favorable. Cette orientation renforce la possibilité de nouveaux entrants dans le domaine du MCO, s'agissant des opérateurs logistiques.
Cela passe enfin par une nouvelle politique d'acquisition, qui conduit à appréhender globalement acquisitions, rénovations et MCO des systèmes d'armes. Cette orientation est l'un des éléments majeurs de la réforme du MCO aéronautique lancée au printemps dernier.
Cette approche globale permet de dégager de meilleures solutions, de renforcer la capacité de négociation de l'État et de minimiser l'indisponibilité des matériels. Elle ne peut pas être dissociée d'une politique industrielle d'ensemble, afin d'assurer une approche cohérente sur le cycle de vie des systèmes d'armes.
En la matière, le milieu aéronautique a fait l'objet d'une réflexion approfondie à l'occasion de la création du Service industriel de l'aéronautique, le SIAé, en 2008. Par cette décision, l'État a confirmé sa volonté de disposer de deux piliers pour assurer la maintenance industrielle des matériels aéronautiques : l'ensemble des industriels privés d'une part, le service étatique d'autre part.
Il s'agit pour l'État d'avoir l'assurance dans la durée que les matériels seront soutenus dans des conditions maîtrisées, dans un contexte où pour de nombreux acteurs industriels, le client « défense » n'est pas prépondérant.
Les critères de répartition des activités de maintenance industrielle entre l'État et le privé peuvent également s'appliquer aux milieux terrestre et naval, même si les contextes sont différents et les dépenses moindres.
Le milieu terrestre est notamment caractérisé par une forte activité étatique réalisée par le Service de la maintenance industrielle terrestre. À la différence du SIAé, le SMITer réalise non seulement des activités de soutien industriel répondant à des logiques d'efficience et de productivité, mais aussi un volume important d'activités de soutien opérationnel répondant à une logique d'efficacité et de réactivité.
Le milieu naval est, quant à lui, marqué par une part d'activité étatique relativement faible et un industriel privé dominant, DCNS.
La relation de la défense avec les industriels est donc complexe. Le ministère est à la fois responsable de la pérennité à moyen et long termes de la base industrielle et technologique de défense, mais il doit aussi optimiser sa politique d'acquisition pour répondre à des objectifs économiques se situant parfois à plus court terme. Bien que distinctes, politique industrielle et politique d'acquisition doivent donc faire l'objet d'une approche cohérente sur le périmètre de l'ensemble des prestations d'acquisition, de rénovation et de MCO des systèmes d'armes.
Voilà, mesdames et messieurs les députés, ce que je souhaitais dire à ce moment de nos échanges. Je me tiens à votre disposition pour répondre à vos questions.
M. le président. Nous en venons aux questions. La parole est à M. André Chassaigne.
M. André Chassaigne. Merci pour cette présentation, monsieur le secrétaire d'État, même si nous l'avons ressentie comme un peu académique, car des questions de fond ont été soulevées pendant la première heure d'échanges.
Une inquiétude, en particulier, s'est exprimée sur tous les bancs au sujet des conséquences de votre politique sur la souveraineté nationale.
Je voudrais poser deux questions. Pour la première, je reprendrai directement les propos que vous venez de tenir sur la réforme du MCO aéronautique par sa globalisation : vous avez confirmé qu'il y aurait de nouveaux entrants parmi les opérateurs et dit que la meilleure solution résidait dans un équilibre entre les industriels privés et le service étatique.
Vous avez fait allusion aux critères de répartition, sans vraiment les définir. C'est sur ce point-là que je voudrais tout particulièrement vous interroger. Ce qui est en jeu, pour le député du Puy-de-Dôme que je suis, c'est le devenir des ateliers industriels de l'aéronautique et plus particulièrement de l'AIA de Clermont-Ferrand. Quel sera le plan de charge ? Faire davantage appel aux opérateurs privés pour la maintenance n'aura-t-il pas de conséquences sur l'emploi ? Je pense notamment aux agents ouvriers d'État qui sont d'une grande compétence et dont le savoir-faire est reconnu : un travail important pourrait leur être enlevé au profit du privé.
On constate, de plus, que les recrutements sont bloqués, avec toutes les conséquences que cela peut avoir sur les capacités d'intervention et la réactivité de l'entreprise, à plus forte raison en période de conflit.
La seconde question, très précise, que je voudrais poser concerne une dimension de la privatisation : la mise en place des sociétés de projet.
Nous sommes très inquiets s'agissant de ce partenariat public-privé dans lequel, au bout du compte, des sociétés financières qui vont investir dans l'achat du matériel. Mais la fabrication, où se fera-t-elle ? Quelle sera l'intervention de l'État ? Pour ce qui est de l'utilisation, qui sera propriétaire de ces matériels financés par ces sociétés de projet ? Et puisque nous sommes dans une approche de partenariat public-privé, qui sera chargé de la maintenance ? Qui en décidera ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'État. Vous avez balayé beaucoup de sujets. Je voudrais d'abord vous répondre sur les sociétés de projet, que le Président de la République a évoquées hier, dans son discours de vux aux armées. J'étais avec lui, j'accompagnais le ministre de la défense.
Le Président a rappelé sa volonté de créer des sociétés de projet. La mise en place d'une telle société de projet répond à la problématique financière
M. André Chassaigne. Hélas !
M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'État. par analogie avec les schémas de mise à disposition de matériel dans le secteur privé. Il s'agit de créer une société qui conduira des opérations de location de matériel militaire, au bénéfice du ministère de la défense.
M. André Chassaigne. Du matériel militaire, ce n'est pas une marchandise comme les autres, monsieur le secrétaire d'État !
M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'État. Je ne vous apprends rien, mais les détails sont encore à l'étude. Le ministère de la défense et celui de l'économie sont pleinement mobilisés. Un conseil de défense doit se tenir la semaine prochaine. Je ne peux vous en dire plus aujourd'hui sur les sociétés de projet : sinon je broderais, sans vous apporter d'éléments particuliers.
Vous avez évoqué les effectifs dans nos entreprises. Le projet de fusion Kant ne fait courir aucun risque de perte d'effectifs, que ce soit au niveau du MCO ou de l'entreprise Nexter. L'emploi ne pâtira pas des rapprochements, ni chez Nexter ni chez les sous-traitants et les fournisseurs.
La mise en uvre de synergies entre les deux sociétés actuelles doit respecter en tout cas l'équilibre global de l'activité entre la France et l'Allemagne. Nexter doit rester performante à l'export. Nous y reviendrons peut-être, mais c'est un aspect intéressant du projet de rapprochement. La société Nexter, dans le cadre du programme Scorpion, a signé récemment un partenariat avec Renault Trucks Defense RTD et Thalès.
M. André Chassaigne. Ma question portait aussi sur les ateliers industriels de l'aéronautique.
M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq.
M. Nicolas Dhuicq. Monsieur le secrétaire d'État, je suis toujours très étonné de voir que nous n'intégrons pas, que nos chefs n'intègrent pas que nous assistons à une transformation profonde du monde et que nous avons perdu l'avantage technologique que nous détenions depuis la Renaissance.
Les ministres qui se succèdent ne cessent d'imaginer qu'ils vont équilibrer leur budget par des exportations. Quand je regarde la flotte japonaise, la flotte sud-coréenne, la technologie asiatique, je constate que la concurrence est de plus en plus vive sur les marchés extérieurs, sans que pour autant le discours ne change.
Comment imaginer que la sécurité de la nation, la sécurité des Françaises et des Français, va être assurée et la souveraineté nationale garantie par des exportations, alors que dans tous les domaines économiques, nous voyons bien que le capitalisme financier subit une crise terrible, que l'accès aux matières premières nous est dénié, y compris en Afrique, d'un côté par les Chinois, de l'autre par nos chers amis Américains, que nous ne voulons pas entendre les offres de la Fédération de Russie dans la lutte contre le terrorisme, que nous n'avons aucune vision, que nous sommes à la solde des monarchies du Golfe ?
Et vous venez nous dire, et vous imaginez, que vous allez équilibrer votre budget par des exportations ! Alors que les concurrents sont de plus en plus nombreux !
Je ne comprends pas cette logique. Je trouve que nos chefs, une fois de plus, acceptent que nous sortions de l'Histoire. La situation de l'Europe est catastrophique. Le tonnage de la Royal Navy atteint un niveau historiquement bas. À cet instant, je pense à l'ancien Premier lord de l'Amirauté qui, en 1938, devant les États-unis d'Amérique, parla de la liberté et de la tempête qui montait dans le monde.
Une fois de plus, nos chefs capitulent, abandonnent.
Monsieur le ministre, ce discours n'est pas raisonnable : c'est la sécurité des Français, la souveraineté nationale, l'emploi de nos ingénieurs et de nos ouvriers qui sont en jeu.
Je ne laisserai pas faire des puissances étrangères, je ne leur laisserai pas dire que notre sécurité dépendrait d'elles car elle dépend avant tout de la nation.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'État. Vous êtes très maximaliste, monsieur le député
M. Nicolas Dhuicq. Non. Patriote !
M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'État. Il est clair que, pour les sociétés d'armement françaises, la seule commande de la défense
M. Nicolas Dhuicq. Parce que, monsieur le secrétaire d'État, vous appartenez à un gouvernement qui capitule et qui ne dépense pas assez pour la défense nationale !
Mme Marie Récalde. Patriote, peut-être, mais pas bien élevé !
M. le président. Écoutez la réponse de M. le secrétaire d'État, mes chers collègues. Lui seul a la parole.
M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'État. Je continue. Nous allons essayer de garder notre sang-froid, monsieur le député.
Les commandes nationales sont certes essentielles mais ne peuvent suffire à assurer le plan de charge global de nos entreprises. Pourquoi ? Vous le savez bien.
M. Nicolas Dhuicq. Parce que vous ne dépensez pas assez pour la défense !
M. le président. Seul M. le secrétaire d'État a la parole.
M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'État. Cela, monsieur le député Dhuicq, c'est votre position.
Si nous souhaitons garantir la continuité du savoir-faire de chaque segment de nos entreprises, nous ne pouvons que souhaiter le développement des sociétés d'armement françaises qui produisent et nouent des coopérations.
Les groupes français sont armés, si j'ose dire, pour répondre à l'enjeu des exportations et disposent de la taille critique pour ce faire.
Si nous ne parvenons pas à leur permettre d'investir autrement qu'à travers les commandes nationales, nos sociétés risquent de connaître de grandes difficultés.
Contrairement à ce que vous dites, le Gouvernement veut à la fois développer le système de production français et l'exportation afin de renforcer notre système de défense. Le Livre blanc, me semble-t-il, a réaffirmé la nécessité d'une telle politique responsable d'exportation.
La politique gouvernementale de soutien à l'export de nos entreprises est très importante. Le contrôle des exportations d'armements et de technologies demeure quant à lui, bien entendu, essentiel mais une telle politique n'en reste pas moins vitale pour nos entreprises.
M. le président. La parole est à Mme Marie Récalde.
Mme Marie Récalde. En préambule, même si ce n'est ni le lieu ni le moment, je considère que l'intervention de notre collègue Dhuicq aurait pu faire l'objet d'un rappel au règlement.
Ma question, monsieur le secrétaire d'État, porte sur le pacte Défense-PME qui est en vigueur depuis deux ans un premier bilan peut donc en être tiré.
Il a permis la signature de six conventions avec de grands groupes et d'améliorer les relations entre les maîtres d'uvre et les PME. Il a également permis au ministère de la défense lui-même de remettre en question certaines pratiques afin de mieux prendre en compte les PME je salue à ce propos le rôle de la SIMAD, qui a tout particulièrement intégré ces nouvelles pratiques. Il a permis enfin d'améliorer les conditions de paiement et de renforcer le soutien de nos entreprises nous savons combien nos PME et PMI sont extrêmement créatrices d'emplois.
Monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous donc dresser rapidement un premier bilan des quarante actions qui ont été engagées ? Concrètement, comment nos entreprises ont-elles pu être confortées sur le plan local et national ? Avec quels résultats ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'État. Madame la députée, vous évoquez donc le pacte Défense-PME dont, à l'occasion de la troisième édition du forum DGA-Innovation, le 20 novembre dernier, deux ans après son lancement, le ministre de la défense a dressé le bilan, décrivant les résultats concrets obtenus dans quatre directions.
Premièrement : l'amélioration de l'accès à la commande publique. Le ministère de la défense procède en effet à une étude systématique du positionnement des PME sur les segments d'achats, ce qui permet de définir des stratégies adaptées et entraîne les PME à concourir plus souvent pour les contrats émanant du ministère. Plus de 8 500 nouvelles entreprises se sont inscrites sur les annuaires du portail de la défense afin de se rendre visibles et de connaître systématiquement ses appels d'offres, témoignant ainsi qu'elles ne le considèrent plus comme inaccessible et combien les procédures ont été grandement simplifiées. Dans le même esprit, le ministère a fait en sorte que les informations diffusées soient plus accessibles en modernisant ses sites Internet et en améliorant ses conditions de paiement.
Deuxièmement : le soutien financier à l'innovation dans les PME. Les crédits consacrés aux études ont été maintenus à 730 millions d'euros en moyenne annuelle conformément aux prévisions de la loi de programmation militaire 2014-2019 contre 695 millions entre 2009 et 2012.
Troisièmement : les engagements entre la défense et les grands maîtres d'uvre. Sept conventions bilatérales visant à soutenir la croissance des PME ont été signées et mises en uvre avec Airbus Group, Safran, Thalès, MBDA, Nexter, DCNS et Dassault Aviation. Leur suivi fait l'objet d'une attention toute particulière au ministère de la défense.
Quatrièmement : nous avons renforcé notre action en région, sujet que vous avez évoqué. Vingt-trois pôles nationaux à l'économie de défense ont ainsi été créés afin de faciliter l'accès des PME au ministère. Ses services se rendent d'ailleurs à la rencontre de ces dernières sur le territoire : à ce jour, 44 rencontres Achats Défense ont été organisées en région en 2013 et 2014 en association avec les acteurs économiques locaux, dont le rôle est essentiel en matière d'accompagnement des PME aux côtés des collectivités territoriales. Depuis 2013, plus de 3 000 entreprises ont ainsi été rencontrées auxquelles il faut ajouter plus de 450 PME rencontrées, elles, pour le soutien à l'export.
Les résultats sont donc concrets et, pour le ministère de la défense, le pacte Défense-PME a atteint ses objectifs.
Je rappelle que le label Relations fournisseur responsables a été attribué au ministère de la défense le 8 septembre 2014 et qu'il est décerné par la Médiation des marchés publics ainsi que par la Médiation inter-entreprises et la Compagnie des dirigeants et acheteurs de France.
M. le président. La parole est à M. Philippe Vitel.
M. Philippe Vitel. Vous venez de confirmer, monsieur le secrétaire d'État, que la réflexion sur les sociétés de projets ne résulte pas d'une stratégie économique et industrielle mais constitue bien une réponse à une situation comptable négative en raison du caractère aléatoire des recettes exceptionnelles.
Il y a là matière à réflexion, surtout dans un domaine où le temps est important puisque le lancement d'un projet de matériels implique d'envisager leur utilisation pendant cinquante ans. Je ne vois pas comment les sociétés de projets pourraient nous apporter la pérennité et la solidité que nous sommes en droit attendre.
S'agissant de Nexter, aujourd'hui, tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil mais je tiens à rappeler que le ministre allemand de l'économie, Sigmar Gabriel, se montre tout à fait réticent à un projet qui, pour nous, soulève des problèmes majeurs en matière de politique d'exportations nous savons pourtant combien notre industrie de défense repose encore sur ces dernières puisqu'elles représentent un tiers du chiffre d'affaires de nos entreprises.
Autre question : nous devons changer nos fusils FAMAS. Or, pour la première fois depuis trois cents ans, l'industrie française n'est plus capable de fournir un matériel de ce type. Qu'en est-il du marché qui doit être conclu, le choix devant être arrêté cette année ?
S'agissant du maintien en condition opérationnelle et de l'entretien programmé des matériels de l'armée de terre, le chef d'état-major nous a signalé que 1 400 véhicules sont hors d'état de circuler et qu'une augmentation de 50 % des crédits d'EPM serait nécessaire pour s'en sortir contre les 9 % seulement qui lui ont été accordés.
Pouvons-nous continuer nos opérations, en particulier, les OPEX sans que nos militaires puissent disposer du matériel nécessaire le plus rapidement que possible ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'État. Vous avez évoqué le ministre de l'économie allemand. Or, selon les informations diffusées dans la presse, il n'est pas opposé
M. Philippe Vitel. M. Macron dispose d'une note spécifique.
M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'État. Je lui poserai la question si vous le voulez mais sachez tout de même qu'au sein d'un Gouvernement, on se parle !
M. Philippe Vitel. Demandez à M. Macron !
M. le président. Monsieur le secrétaire d'État et lui seul a la parole, mes chers collègues.
M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'État. En l'état, il ne semble pas que M. Gabriel soit défavorable à une consolidation européenne et nationale.
Vous avez évoqué Nexter et le projet Kant. La famille actionnaire s'est prononcée en faveur d'un rapprochement avec Nexter et a engagé une période d'exclusivité bloquant pour elle toute autre discussion. Il convient donc de s'en tenir aux faits, à la réalité. Contrairement à ce que vous dites, nous ne disposons pas d'informations qui iraient dans un autre sens.
S'agissant du fusil FAMAS, je peux simplement vous dire qu'un appel d'offres est lancé.
M. Philippe Vitel. Où en est-on ?
M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'État. Précisément, l'appel d'offres étant lancé, je ne ferai pas de commentaire.
Il faut raison garder
Je ne reviendrai pas sur la réponse que j'ai faite s'agissant des sociétés de projets. J'ai exposé clairement les choix qui ont été arrêtés et nous n'allons pas recommencer un vaste débat. Vous en saurez plus, je pense, dans les jours à venir puisque le conseil de défense qui se tiendra je crois mercredi prochain se penchera sur ce sujet.
M. le président. La parole est à M. Nicolas Sansu.
M. Nicolas Sansu. Monsieur le secrétaire d'État, je souhaite formuler quelques remarques et poser quelques questions.
Nos industries de défense, tout comme le maintien en condition opérationnelle de nos matériels, conditionnent notre souveraineté et notre indépendance, non la volonté d'exporter même si nous devons bien entendu coopérer avec nos alliés et partenaires : l'objectif, ce n'est pas d'exporter mais d'assurer la souveraineté et l'indépendance nationales.
En outre, il est également possible d'équilibrer les comptes et de donner du travail à nos ouvriers, nos techniciens et nos ingénieurs en travaillant à l'essaimage des compétences technologiques et des savoir-faire vers le civil. Outre que cela existe déjà, nous savons combien il importe qu'en France le monde militaire puisse diffuser ses compétences et ses qualités dans les industries civiles.
MBDA est implantée dans mon département où nous savons très bien combien il importe de disposer de telles compétences dans le domaine aréonautique, tant civil que militaire et, plus précisément, missiliaire pour Bourges-Le Subdray.
Cette entreprise, précisément, a évolué puisqu'elle construisait des pièces pour avions et qu'elle fabrique désormais des missiles. Peut-être reviendra-t-elle demain à sa première compétence, un tel processus constituant un moyen d'assurer l'emploi industriel depuis le secteur militaire vers le secteur civil via les transferts de technologies.
Les sociétés de projets qui, disons-le, sont des partenariats public-privé puisque des sociétés privées recevront des dividendes pour les parts qu'elles auront prises sont d'abord liées à une volonté d'exportation. Or, cela ne doit pas être en la matière la première des motivations.
S'agissant du projet Kant de fusion entre Nexter et KMW, que deviendront les véhicules blindés produits en France ? Les personnes qui sont intervenues tout à l'heure lors de la table ronde l'ont dit : à un horizon de quinze ans, la fabrication même d'un véhicule blindé notamment, du VBCI sera problématique dans notre pays alors qu'il aurait été possible de constituer un groupement d'intérêt économique, un GIE. Il est tout même un peu stupéfiant que l'État français se marie avec une famille !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'État. S'agissant de l'export, je répète ce que j'ai déjà dit : le développement à l'exportation permet à nos entreprises de rester compétitives et d'atteindre un seuil critique pour être opérationnelles afin d'améliorer les matériels et d'innover sur un plan technologique et industriel.
Vous évoquez le projet Kant de fusion entre Nexter et le groupe allemand KMW.
D'autres voies, là aussi, ont été explorées parce qu'il n'était pas possible d'en rester à un niveau simplement national dès lors que Volvo a des participations au sein de Nexter et que ses préoccupations excèdent cette dernière.
Contrairement à vous, je crois que Kant confère un avenir industriel à long terme à Nexter. L'alliance repose sur un principe de co-contrôle et non d'achat, l'État français continuant à contrôler Nexter via les actions qu'il apporte et étant co-propriétaire, à hauteur de 50 %, donc, du groupe allemand.
Je crois que, sur les sujets qui vous préoccupent, les deux sociétés sont aujourd'hui complémentaires. Vous avez évoqué un horizon à quinze ans. Quant à moi, je ne lis pas dans les boules de cristal. Il n'y a toutefois pas de raison que le groupe Nexter soit mis en difficulté à la suite à ce rapprochement au contraire, même, puisqu'il n'y a pas de concurrence directe sur les produits actuels.
M. le président. La parole est à M. Eduardo Rihan Cypel.
M. Eduardo Rihan Cypel. Monsieur le ministre, nous avons voté une loi de programmation militaire, conforme aux orientations du Livre blanc, qui définit le modèle et les missions que le Président de la République a fixés à nos armées. Il s'agit d'une bonne loi de programmation, mais la situation de nos armées reste difficile, compte tenu des efforts qu'elles ont eus à faire.
La France est aujourd'hui engagée sur des théâtres d'opération extérieurs, particulièrement au Sahel et au Mali, où nous assurons la sécurité des populations, à la demande des Maliens et de nos amis dans l'ensemble du Sahel, mais aussi celle des Français, puisque nous constatons aujourd'hui qu'il existe un continuum de sécurité défense : que ce soit à l'extérieur ou sur le plan domestique, c'est la même sécurité que nous assurons.
Nous agissons pour la sécurité des Français et, plus largement, comme chacun sait, pour la sécurité collective des Européens. Après les attentats de la semaine dernière, le moment semble donc venu, compte tenu des difficultés que nous rencontrons dans l'accomplissement de toutes ces missions et nous savons que nous ne pourrons pas aller beaucoup plus loin, étant donné que le budget militaire est stabilisé à 31,4 milliards d'euros par an pour toute la durée de la loi de programmation militaire de sortir les dépenses de défense, hors pensions, du calcul du déficit budgétaire, tel qu'apprécié par Bruxelles.
Cette solution rassemble nombre d'entre nous, au-delà des clivages et des sensibilités politiques. Le moment ne serait-il pas venu, alors que les leaders européens ont manifesté leur solidarité dans la rue, de demander à nos partenaires européens que cette solidarité s'exprime aussi sur le plan budgétaire afin de faciliter nos missions, dans la mesure où celles-ci contribuent à la sécurité de tous les Européens ?
Que pense le Gouvernement de cette idée qui consisterait à sortir les dépenses d'investissement, pour le moins, voire toutes les dépenses de défense, hors pensions, du calcul du déficit budgétaire ? Comment voyez-vous la chose avec nos partenaires européens ? Et comment pouvons-nous vous aider à faire prendre conscience, dans toute l'Europe, que ce que nous faisons sur le plan extérieur contribue, non seulement à la sécurité des Français, mais à celle de tous les Européens ? Nous le savons : la menace reste très élevée en France, mais elle est aussi, je le crains, très élevée dans toute l'Europe.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'État. Vous posez là un vaste problème. La France n'est pas isolée : lorsque le Président de la République a décidé d'engager nos forces armées, on a entendu, dans un premier temps, que la France était isolée et qu'elle allait intervenir seule. Or ce n'est pas le cas, puisque nous avons réussi à obtenir la participation d'autres pays européens, ce qui est très important. Je me suis moi-même rendu dernièrement en Centrafrique, où la force française va bientôt se désengager pour laisser place aux forces des Nations unies.
Les pays européens ont suivi la France, et ils apportent aussi du matériel : un pont sera bientôt monté par les Italiens, et il a été construit dans un autre pays d'Europe. Bref, la France a cherché à avoir des partenaires.
Vous évoquez, plus largement, le débat relatif au déficit. Le ministre de l'économie et le secrétaire d'État chargé du budget travaillent sur cette question à Bercy. C'est effectivement un sujet important, qui doit être négocié au niveau européen. Je ne peux pas vous donner d'informations plus précises sur ce sujet ; je peux seulement vous dire que ces questions sont discutées par le Gouvernement avec nos partenaires européens.
M. le président. La parole est à M. Éric Alauzet.
M. Éric Alauzet. Je souhaiterais revenir, monsieur le secrétaire d'État, sur des questions que j'ai déjà abordées au cours de la table ronde.
La première concerne l'impact financier, pour le budget de l'État et celui du ministère de la défense, du modèle qui est proposé ici. Dans un contexte financier et économique difficile, nous devons faire attention à ne pas choisir des solutions qui, à terme, pourraient se retourner contre nous, en réduisant nos recettes et en augmentant nos dépenses.
Le choix de l'implantation aux Pays-Bas, un pays réputé, au même titre que l'Irlande ou le Luxembourg, pour sa fiscalité avantageuse l'oreille se dresse toujours quand on évoque ces pays pourrait entraîner une perte de recettes. Un de nos collègues faisait valoir tout à l'heure que seuls les dividendes seraient soumis au régime fiscal des Pays-Bas. Il n'empêche que ce nouveau modèle fait courir à l'État le risque d'une perte de recettes.
S'agissant des dépenses, le fait de déléguer la maintenance à une société privée qui ne sera plus en situation de concurrence risque d'en faire augmenter le prix. De la même façon, la société de projets peut être une solution intéressante financièrement à court terme, mais on sait très bien, comme pour les partenariats public-privé, que la note se paie à la sortie, après coup.
Prenons donc garde de ne pas hypothéquer le futur pour tenter de résoudre, à très court terme, des équations budgétaires compliquées.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'État. Je vais certainement vous répondre ce que vous avez déjà entendu lors de la table ronde. S'agissant d'abord du risque de pertes de revenus pour l'État, je vous confirme effectivement que ce risque n'existe pas, puisque seuls les dividendes remonteront à la société commune.
Le choix de localiser le siège aux Pays-Bas, ensuite, a été fait en concertation. Pour la France, il était inacceptable que le siège se trouve en Allemagne et, pour les investisseurs allemands et la famille Wegmann, il n'était pas davantage acceptable qu'il se trouve en France. Chacun a voulu préserver l'équilibre visé dans le partenariat, un équilibre à 50-50. Il s'agit d'un co-contrôle, et non d'un rachat d'une entreprise par une autre.
Il a donc fallu définir des critères pour localiser le siège de l'entreprise. Il fallait d'abord que ce siège se trouve dans un pays membre de l'Union européenne, et plus précisément de la zone euro. Il valait mieux, par ailleurs, que cet État soit aussi membre associé des organisations structurantes de l'Europe de la défense. Ce pays devait en outre présenter une certaine stabilité politique et économique, et il n'était pas question de choisir un paradis fiscal ou un État pouvant être soupçonné de l'être. Il fallait une proximité directe avec la France et l'Allemagne et il importait qu'il n'y ait pas, dans ce pays, de concurrence avec une industrie d'armement terrestre. Il fallait enfin veiller à une certaine neutralité fiscale et nous avons un traité de non-double imposition. C'est sur la base de ces critères que le choix s'est porté sur les Pays-Bas.
Je vous rappellerai que d'autres grandes sociétés européennes sont implantées aux Pays-Bas c'est notamment le cas d'Airbus. En tout cas, ce ne sont en aucun cas des critères d'optimisation fiscale qui ont présidé à ce choix. Je tiens en outre à souligner que de grandes entreprises franco-allemandes ou françaises, dans lesquelles l'État détient des participations, sont implantées aux Pays-Bas.
Je vous confirme que chacune des deux sociétés qui composeront le futur groupe Kant continuera à s'acquitter, dans son pays d'origine, de ses obligations fiscales, qu'il s'agisse de la TVA, des charges sociales ou de l'impôt sur les sociétés. Bref, je ne peux que vous confirmer ce que l'on a déjà dû vous dire.
Vous avez ensuite, à propos de la privatisation, évoqué une situation de monopole pour la société. Mais je vous rappelle que l'État ne vend pas ses actions : il les apporte et continue, par ce biais, de contrôler Nexter à 50 %. L'État, a en outre obtenu, au cours des négociations, que soit introduite une action spécifique. C'est pour nous, dans ce secteur, l'une des composantes de notre stratégie industrielle. L'ouverture du capital s'inscrit obligatoirement dans une alliance : il n'y avait pas d'autre solution, pour fusionner deux sociétés à 50-50 au sein d'un même groupe, que de passer par une loi de privatisation. Mais je répète que l'État ne vend pas ses actions.
M. le président. La parole est à M. le président André Chassaigne, à qui il revient de conclure ce débat, puisque c'est à l'initiative de son groupe qu'il s'est tenu.
M. André Chassaigne. Je voudrais commencer par remercier les collègues qui ont bien voulu participer à cet échange : le fait que tous les groupes aient été représentés l'a rendu extrêmement intéressant. Je vous remercie également pour vos propos, monsieur le secrétaire d'État, même si vous comprendrez que nous regrettions l'absence du ministre de la défense, qui aurait sans doute pu nous apporter des réponses beaucoup plus précises. Mais je ne doute pas que nous recevrons par écrit ses réponses aux questions qui ont été posées, et en particulier à l'une de celles que je vous poserai à la fin de mon intervention, et à laquelle vous ne serez peut-être pas en mesure de répondre aujourd'hui.
Je reviendrai d'abord sur un constat qui s'est exprimé sur tous les bancs. Même s'il s'est exprimé avec une force variable et une véhémence plus ou moins exprimée, plus ou moins rentrée, ce constat, c'est celui de l'impérieuse nécessité de disposer d'un outil industriel et de maintenance à la hauteur des enjeux. C'est l'exigence de garantir notre indépendance et notre liberté politique et d'action dans le domaine de la défense nationale et des industries de l'armement. Il y a unanimité sur ce sujet.
Nous constatons tous que, parallèlement à ce contexte, les politiques d'austérité en Europe comme en France conduisent à contraindre fortement les budgets nationaux de défense. Par répercussion, les choix politiques qui sont faits aujourd'hui portent atteinte, fondamentalement, considérablement, à notre outil industriel de défense. On constate par ailleurs la remise en cause des moyens et des savoir-faire humains et techniques affectés à ces missions. Je voulais revenir sur ce constat, qui est très largement partagé au sein de la représentation nationale.
Cela m'amène à vous poser deux questions, monsieur le secrétaire d'État. La première porte sur l'annonce faite hier par le Président de la République que vous avez vous-même évoquée ce matin de revenir sur les objectifs de baisse des effectifs, tels qu'ils ont été prévus dans la loi de programmation militaire. L'objectif était de réduire les effectifs de 23 500 postes, mais le Président a dit clairement hier que cet objectif serait revu à la baisse.
Les agents des industries de défense et de maintenance seront-ils concernés par les baisses d'effectifs ? Ou bien pouvez-vous nous dire, monsieur le secrétaire d'État, à la suite de ce débat notamment, et compte tenu des enjeux nationaux et internationaux, que les agents des industries de défense et de maintenance ne seront pas concernés par la baisse des effectifs prévue dans la loi de programmation militaire ?
Ma deuxième question, plus précise, que je pose en tant que député du Puy-de-Dôme, porte sur les incertitudes qui pèsent sur le plan de charge des ateliers industriels de l'aéronautique, et en particulier de l'AIA de Clermont-Ferrand. Le ministre devait se rendre sur le site lundi prochain, et il aurait vraisemblablement fait des annonces, ou du moins donné des informations sur le sujet, mais il ne pourra pas venir, pour des raisons que j'ignore d'ailleurs. Êtes-vous en mesure de nous donner des éléments, ou de me répondre par écrit, sur ce plan de charge des AIA, notamment en lien avec les évolutions de la gouvernance du Service industriel de l'aéronautique, car des inquiétudes s'expriment sur le site ? Les salariés, qui sont inquiets, et qui devaient interpeller le ministre de la défense, attendent des réponses. Chacun sait que lorsqu'une visite ministérielle est annulée, on ignore toujours à quand elle sera reportée
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'État. Le ministre devait effectivement se déplacer, non pas lundi, mais demain, sur le site que vous évoquez. Vous comprendrez qu'avec les événements qui se sont précipités depuis la semaine dernière, le ministre de la défense, comme le ministre de l'intérieur, a été largement sollicité. Aujourd'hui encore, il doit faire face aux suites de l'événement. Il doit se déplacer à l'étranger lundi et mardi, ce qui n'était pas prévu, et ce sera aussi mon cas. Nous faisons tous face à l'imprévu.
Je vous ai dit tout à l'heure que le ministre regrette de ne pouvoir assister à ce débat. Il regrette également de devoir renoncer aux déplacements qu'il avait prévus, mais ceux-ci auront bien lieu. Votre question, en tous les cas, lui sera transmise, et le ministre vous répondra précisément par écrit s'il ne peut se déplacer et échanger avec vous à cette occasion.
S'agissant de la baisse des effectifs, je ne vous répondrai pas plus. Le Président de la République a demandé hier au ministre de la défense de lui faire des propositions dans un délai d'une semaine suite à l'annonce concernant les effectifs. Il appartient donc au ministre de la défense de préparer activement le conseil de défense qui se tiendra la semaine prochaine, je crois que des réunions de travail auront lieu aujourd'hui et demain à cette fin. Dans tous les cas, le ministre de la défense doit faire des propositions au Président de la République qui devrait trancher au cours de la semaine prochaine et annoncer ses décisions très rapidement.
M. le président. Mes chers collègues, monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie.
Source http://www.assemblee-nationale.fr, le 16 janvier 2015