Texte intégral
Mesdames et Messieurs de la presse,
J'achève le premier jour de ma visite au Cameroun. J'ai décidé de consacrer deux journées au Tchad, au Cameroun et au Niger où je me trouverai demain. Pourquoi ? Parce que ce sont des pays amis et qu'ils sont sous la menace extrêmement grave de Boko Haram. J'ai coutume de dire que Boko Haram, ce sont des faux religieux et des vrais criminels. C'est une secte extrêmement dangereuse qu'il faut combattre.
La France est l'amie du Cameroun et donc il est tout à fait légitime que nous soyons là pour dire notre soutien et notre solidarité au Cameroun dans sa lutte, et pour dire ce que j'ai dit tout à l'heure au président Biya, que nous voulons saluer le courage des Camerounais. Vous avez subi des pertes, aussi bien sur le plan militaire que sur le plan de la population civile et j'ai présenté au nom du président français mes condoléances au président du Cameroun.
Notre solidarité est sur tous les plans car le choix que vous avez fait de combattre Boko Haram est un choix légitime. Notre solidarité est sur le plan international, puisque nous apportons des renseignements pour les troupes qui sont engagées.
Notre solidarité est aussi sur le plan diplomatique. Les Africains ont décidé de constituer une force de 8.700 hommes, celle-ci a été approuvée par l'Union africaine et maintenant il faut que les Nations unies à leur tour approuvent cette force.
Comme membre permanent du conseil de sécurité, nous allons travailler avec nos amis tchadiens, camerounais, nigériens et nigérians, pour faire approuver cette force. Ce qui aura pour effet de lui donner une grande légitimé internationale et aussi, nous l'espérons, d'alléger le fardeau financier. Parce qu'un autre aspect qui est très important, et dont j'ai discuté bien sûr avec le président du Cameroun, c'est le coût que tout cela représente. Nous sommes dans une situation économique qui déjà est difficile, mais en plus il y a les charges que cela représente pour les pays concernés. C'est la raison pour laquelle, outre l'aide que la France apporte, nous allons augmenter notre aide sur le plan humanitaire et nous voulons qu'il y ait une conférence des donateurs qui permette d'alléger la charge pour les pays concernés, et singulièrement pour le Cameroun.
Puisque je parle économie je voudrais confirmer - cela n'est pas toujours connu de la population camerounaise, alors qu'il faut que par votre intermédiaire Mesdames et Messieurs de la presse nous puissions le dire - qu'il a été décidé de convertir un certain nombre de dettes du Cameroun en investissements. Il est beaucoup plus intéressant que ces fonds puissent être consacrés à l'investissement. Et nous avons fait la liste d'un certain nombre de projets concrets qui pourront donner de l'emploi aux Camerounais. Voilà le message principal que je souhaite que vous reteniez de cette visite, c'est la solidarité et le soutien de la France à l'égard d'un Cameroun qui se montre particulièrement courageux. Et je suis à votre disposition pour répondre à vos questions s'il y en a.
Q - Quelle est la situation avec le projet de résolution devant le conseil de sécurité ?
R - Vous connaissez la mécanique. Lorsqu'il y a une résolution, pour qu'elle soit adoptée au conseil de sécurité des Nations unies, il faut qu'elle comporte des éléments militaires. Il faut que l'on présente le concept de génération de force pour que les Nations unies vérifient que ce concept corresponde bien à ce qui est nécessaire sur le terrain et donnent leur approbation. Cette approbation internationale entraîne le budget conséquent.
Pour répondre plus facilement à votre question, nous sommes là à la fin du mois de février, et nous espérons avoir cette résolution au cours du mois d'avril. Il y a un travail préparatoire que nous faisons avec l'ensemble des pays concernés pour que la présentation qui soit faite puisse être adoptée par le conseil de sécurité. Il faut aussi sensibiliser nos collègues du conseil de sécurité, que ce soit les Etats-Unis, la Russie, et ceux qui sont actuellement membres du conseil de sécurité. Ce travail de conviction internationale, nous le menons, et nous devons le mener aussi au niveau de l'Europe, parce que l'Europe est importante et que l'Europe peut aider à la formation et à l'efficacité.
Q - En ce qui concerne le Cameroun, neuf mois de guerre déjà depuis qu'on est parti en guerre en mai 2014, est-ce que votre venue aujourd'hui au Cameroun marque un changement dans la manière dont la France se tient aux côtés du Cameroun dans la guerre contre Boko Haram ? Ou bien est-ce que c'est seulement un jalon dans une façon de faire qui restera exactement la même ?
R - C'est une marque forte de soutien politique et de solidarité, j'ai employé ce mot. Vous rappeliez que c'était effectivement au mois de mai de l'année dernière que, pour la première fois, une réunion a eu lieu à Paris pour se saisir de ce problème. Depuis, un certain nombre d'évolutions ont eu lieu mais on peut dire, sans travestir la réalité, que Boko Haram a décidé d'attaquer de façon plus forte que c'était le cas à l'époque. Et très naturellement les Africains ont dû réagir. C'est le sens des décisions qui ont été prises par le Cameroun, par le Tchad, par le Niger et qui doivent être prises par le Nigeria.
La France bien sûr accompagne tout cela. Et cela prend une dimension nouvelle, puisque vous avez décidé, c'est la décision africaine, nous la respectons et nous l'approuvons, de mettre sur pied une force de 8.700 hommes, et d'avoir si je puis dire la bénédiction des Nations unies. Et là la France est à vos côtés, c'est un point que j'ai discuté à la fois avec le président Déby au Tchad et avec le président Biya ici sur ce que nous pouvons apporter - je ne vais pas rentrer dans les détails, il ne faut pas fournir trop de détails à l'ennemi - en particulier en matière de renseignement. Il y a des éléments qui sont demandés par nos amis sur le terrain. Nous avons commencé à les fournir et nous allons augmenter notre fourniture de renseignements.
Q - Would you clarify for the public opinion in Cameroon about the French assistance in Cameroon in this war against Boko Haram? How?
R - France is supporting completely the actions against Boko Haram. We consider that Boko Haram is an enormous danger. They are criminals, they are throat-cutters, what they are doing is over any description in terms of horror.
And France is by the sides of Cameroon, of Chad, of Niger, of all the countries which are decided to fight against Boko Haram. Now how is that ? First, it's in Paris that last year the first meeting with Nigeria, Niger, Chad, Cameroon and the US, has been organized in order to decide what could be the elements of the fight against Boko Haram.
Then we have started to give some elements of information to our friends here and some training. And some other aspects on which I will not insist because I don't want to give elements to our common enemy, Boko Haram. Today it is a new phase because the Africans have decided, and we support this decision, to organize a force of 8.700 men, in order to fight Boko Haram. We'll be the ambassador of the will of the Africans, especially of Cameroon, in the United nations because as you know we are members of the Security Council.
Therefore at all levels we are supporting the fight against Boko Haram. And I have been very surprised when I've been told that some people were saying or thinking that France was not against Boko Haram. It is a figment but a horrible figment of their imagination. If one nation, one great nation throughout the world is fighting against Boko Haram, it is France. And there is no doubt about it. Et j'espère avoir été clair.
Q - Monsieur le Ministre, lorsqu'on observe des groupes terroristes comme Boko Haram, on se rend compte qu'ils sont lourdement armés. Or, il n'y a pas d'industries d'armement en Afrique. Quelles dispositions la France prend-elle pour que des armes de fabrication française ne se retrouvent pas dans mains de Boko Haram?
R - Je ne voudrais pas être injuste mais j'ai eu plusieurs rapports selon lesquels les armes, peut-être pas toutes les armes mais une partie des armes, avaient été prélevées sur l'armée nigériane. Et c'est évidemment extrêmement dangereux car cette armée dispose de matériel puissant, et si dans telle ou telle circonstance, Boko Haram peut se saisir de ce matériel et s'en servir pour lutter contre le Cameroun ou contre le Niger, c'est évidemment extrêmement dangereux.
Il n'est pas question si peu que ce soit, en ce qui concerne la France, d'autoriser telle ou telle vente d'armements qui se retournerait contre nos amis du Cameroun, du Tchad ou du Niger, mais le phénomène que j'ai décrit, sur lesquels il existe pas mal d'informations, est évidemment très préoccupant. Nous avons des relations, vous le savez, cordiales avec les autorités nigérianes, mais nous n'avons pas manqué de leur dire à plusieurs reprises que la lutte contre Boko Haram qui se trouve sur leur territoire commence par l'action des autorités du Nigéria.
Q - M. le Ministre, la France est engagée en Centrafrique et au Mali dans la coalition contre l'État islamique. A vous entendre, on comprend parfaitement que la France n'enverra pas de troupes au front contre Boko Haram. Comment est-ce que va s'articuler la politique française lorsque vous parlez du renseignement ? Est-ce qu'il pourrait y avoir une réorientation de l'opération Barkhane afin que l'appui du renseignement français soit plus intense ?
R - Merci beaucoup de votre question. C'est un point que nous avons traité ce matin avec le président Deby et cet après-midi avec le président Biya. J'étais à Ndjamena où il existe une petite cellule où sont représentés à la fois le Cameroun, le Tchad, le Niger, la France, les Américains - et où doit être représentée le Nigeria - qui coordonne les renseignements qui sont collectés sur Boko Haram. Depuis hier d'ailleurs, le Cameroun a un officier que j'ai rencontré ce matin, qui est dans cette cellule. Tous les renseignements qui vont être glanés, au Niger, au Tchad, ici au Cameroun par les uns et par les autres doivent être centralisés dans cette cellule qui ensuite va redistribuer tous les renseignements dont elle dispose aux combattants contre Boko Haram sur le terrain. Ce qui était extrêmement intéressant, après ma rencontre avec les officiers en charge de ce dossier, c'est que le fonctionnement de cette cellule doit être amélioré. Je l'ai répercuté sur les présidents du Tchad et du Cameroun.
Et bien évidemment la France, nous en avons parlé avec le président Biya ce soir, va prendre des dispositions pour que cette cellule soit encore plus efficace. Pour qu'elle soit très efficace il faut à la fois que nous mettions tous les moyens à disposition pour avoir des informations, que ce soit des moyens satellitaires ou que ce soit des moyens par avion. Et en même temps, il faut que nous disposions de renseignements sur le terrain, qu'on appelle des renseignements tactiques qui nous remontent du terrain. Il y avait quelques améliorations à effectuer, et ma tournée ici va permettre de faire ces améliorations, qui sont nécessaires car si vous voulez lutter contre Boko Haram il faut pouvoir avoir un maximum d'informations sur ce qui passe sur le terrain. Et je pense que désormais ce sera fait.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 février 2015