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- Tunisie -
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Q - Il faut que nous parlions ce matin de la Tunisie. Est-ce devenu un pays dangereux ?
R - L'ensemble de la région est sous risque, il faut le reconnaître honnêtement. D'abord, le terrorisme est devenu maintenant tragiquement un risque pour tous les pays ; aucun d'entre eux n'est vraiment à l'abri puisque le terrorisme se développe de manière internationale.
Dans toute une série de zones, il y a des risques particuliers, notamment parce que Daech développe son action, que d'autres groupes terroristes se mettent sous son pavillon et parce qu'il y a un problème particulièrement lourd en Libye. Ces deux pays sont limitrophes, la Libye a deux gouvernements, deux parlements, au sud et à l'est de ce pays.
Il y a maintenant des mouvements terroristes qui se développent. Il y a donc les risques propres au pays, plus les risques qui viennent de Libye. C'est la raison pour laquelle tous, que ce soit les pays de la région ou l'Europe qui n'est pas loin - il y a 300 km entre la frontière de la Méditerranée et l'Italie - sont amenés à développer leur coopération et leurs relations.
Je veux surtout ce matin - et on le comprendra - redire ce que j'ai dit à nos amis tunisiens à plusieurs reprises, c'est-à-dire à quel point nous sommes à leurs côtés dans cette épreuve extrêmement lourde. J'ai eu l'occasion de voir mon collègue des affaires étrangères au moment-même où il y avait l'attaque terroriste. Le président viendra au début du mois d'avril en France, à notre invitation, et nous sommes en train de discuter de mesures supplémentaires à prendre.
M. Bernard Cazeneuve, le ministre de l'intérieur, était hier là-bas ; c'est une coopération de l'ensemble des pays de la région et de l'Europe qui doit être mise sur pied, beaucoup plus forte encore pour lutter contre le terrorisme.
Q - vous dites ce matin aux Français qui hésiteraient à partir en vacances en Tunisie qu'ils peuvent y aller ?
R - C'est très difficile. Vous savez que nous avons un centre de crise qui dépend du Quai d'Orsay et qui a des renseignements très objectifs. Nous avons une carte, qui figure sur d'ailleurs l'un des sites les plus consultés de France et peut-être même le site le plus consulté de France où, en fonction d'informations objectives que nous avons, les services compétents - je n'interviens pas et ce doit être tout à fait objectif - mettent des couleurs différentes.
Il est vrai que nous avons été amenés à rehausser la menace compte tenu de ce qui s'est passé. En même temps, chacun a à l'esprit que ce que souhaitent les terroristes, c'est précisément d'affaiblir la Tunisie et d'autres pays qui tirent leurs ressources pour une grande part du tourisme et de créer une sorte de cercle vicieux, rendant la situation économique plus difficile.
De toutes les manières, la solution de moyen et de long terme est dans l'éradication du terrorisme et dans l'appui à nos amis tunisiens et aux pays voisins.
- Iran -
Q - Il y a une autre actualité, c'est le nucléaire iranien. Des négociations ont eu lieu toute la semaine ; elles doivent reprendre. Êtes-vous certain que vous parviendrez à un accord politique avec l'Iran avant la date buttoir du 31 mars ?
R - On le souhaite. Je me suis encore entretenu hier avec mon collègue John Kerry à ce sujet. Ce soir, nous avons une réunion à Heathrow, en Angleterre, pour faire le point entre nous. Les Iraniens ont dû repartir pour l'Iran parce qu'une fête va les mobiliser quelques jours. Nous aurons rendez-vous pour la seconde partie de la semaine prochaine.
La France souhaite un accord mais un accord robuste, c'est-à-dire un accord qui garantisse vraiment que l'Iran puisse avoir, évidemment, accès au nucléaire civil, mais pas à la bombe atomique.
Pourquoi est-ce si long et si complexe ? Parce qu'il faut prendre tous les aspects de la négociation : ce que l'on appelle l'enrichissement par les centrifugeuses ; le contrôle des sanctions ; ce qui se passe à Fordo et à Natanz. Ce que demande la France, c'est de prendre les dispositions pour que les Iraniens puissent développer leur programme civil ; en revanche, tout ce qui leur permettrait d'avoir la bombe atomique, c'est non. Sur des discussions très techniques, il y a aussi un aspect politique.
Je souhaite donc qu'il y ait cet accord mais cet accord doit être robuste. Pourquoi ? Parce qu'il faut se prémunir contre l'éventualité d'une bombe atomique iranienne, c'est quand même l'objet de la négociation. Il y a également une autre raison, qui est peu souvent soulevée, et que je vais vous expliquer. Si on arrivait à un accord qui ne serait pas suffisamment solide, les pays de la région, la Turquie, l'Arabie saoudite, l'Égypte pourraient se dire : «sans doute un accord est conclu mais il n'est pas suffisamment sérieux, alors nous, les voisins de l'Iran, nous allons nous-mêmes nous doter de l'arme nucléaire». Il y aurait alors une prolifération nucléaire extraordinairement dangereuse. C'est la raison pour laquelle il est de l'intérêt de tout le monde, y compris d'ailleurs de l'Iran, que l'accord soit robuste, car c'est la seule manière d'empêcher la prolifération nucléaire.
Q - Il y a 12 ans que ce dossier est sur la table et ce sont 12 années de gagnées pour Téhéran...
R - Non, parce que nous avons conclu un accord provisoire l'an dernier et que cet accord a abouti, il faut le reconnaître. Depuis cet accord, il y a un gel de tous les programmes et cela n'est pas contesté. L'AIEA a fait toutes les vérifications et nous a confirmé que depuis cet accord provisoire, pour lequel j'étais intervenu très fortement, il n'y a pas eu d'avancée du programme nucléaire iranien. Avant, il y en avait et c'est d'ailleurs la raison pour laquelle les Nations unies ont pris des sanctions. Vous savez que l'Iran est sous sanctions parce qu'il y avait des soupçons très nets que l'Iran développe un programme pour une arme nucléaire et militaire.
(...).
- Promotion du tourisme - Dérèglement climatique -
Q - Vous non plus vous ne vouliez pas manquer les grandes marées ?
R - Non ! et à double titre : d'abord parce que je suis ministre des affaires étrangères, chargé de la promotion du tourisme - je n'oublie pas que le Mont Saint-Michel est un centre touristique extraordinaire ; ensuite parce que je suis normand. Cela fait donc une double raison.
Ce qui se passe ici est extraordinaire !
Q - Vous parliez du tourisme, est-on au-delà du gadget et cela peut-il vraiment nous aider en termes de croissance et de développement économique ?
R - Énormément ! Le tourisme représente actuellement près de 8% du PIB et nettement plus de deux millions d'emplois.
Autre chiffre, nous avons actuellement 85 millions de touristes étrangers ; nous sommes la première destination au monde, mais le prochain objectif que j'ai fixé, c'est d'accueillir 100 millions de touristes. Je ne veux pas vous abreuver de chiffres mais il y a un milliard de personnes qui voyagent à travers le monde aujourd'hui ; dans 15 ans, il y en aura deux milliards. Si nous sommes capables d'attirer - et on a tous les atouts pour cela : la France est absolument magnifique - une partie importante de ces touristes, cela change complètement en terme d'emplois, car ce sont de nombreux emplois créés dans la restauration, la gastronomie, dans l'ensemble des filières du tourisme. En même temps, cela rapporte beaucoup de devises.
Nous avons, cependant, encore des progrès à faire parce que nous avons des concurrents, que l'accueil n'est pas toujours comme il devrait être, et que nous devons aussi apprendre davantage de langues étrangères.
Cela peut nous rapporter beaucoup de ressources financières et, surtout, beaucoup d'emplois non délocalisables car c'est en France que cela se passe.
Q - L'actualité aujourd'hui Monsieur le Ministre, c'est aussi ce pic de pollution, en termes de publicité auprès des touristes étrangers, l'effet est très mauvais.
R - En effet, c'est certain mais lorsque l'on regarde l'ensemble de la pollution en France, la France n'est pas, loin de là, un des pays les plus pollués. Ne donnons pas le sentiment que la France est le pays le plus pollué, ce n'est pas exact.
Cela rejoint un autre thème qui est absolument central : le dérèglement climatique. Les sources de pollution sont bien sûr différentes, mais l'un des risques les plus graves est ce que l'on appelle le dérèglement climatique, le réchauffement climatique et l'on aborde là un autre aspect de notre diplomatie. C'est la fameuse conférence de Paris, prévue à la fin de l'année - la COP21 -, que l'on est en train de préparer et où il faut que la France soit leader.
(...).
source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 26 mars 2015
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