Texte intégral
FABIENNE SINTES
Et votre invité, ce matin, Jean-François ACHILLI, est donc ministre du Travail, de l'Emploi et de la Formation professionnelle.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Bonjour François REBSAMEN.
FRANÇOIS REBSAMEN
Bonjour.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Je ne sais pas si vous êtes un ministre suffisamment écouté, en tout cas il est beaucoup question de téléphones ce matin. Tiens, Martin BOUYGUES qui refuse l'offre de Patrick DRAHI, NUMERICABLE SFR ne va pas racheter BOUYGUES TELECOM. Faut-il s'en réjouir ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Ecoutez, il faut d'abord prendre la mesure du refus de Martin BOUYGUES, enfin de BOUYGUES TELECOM. Pourquoi ? Parce que tout le monde nous disait que c'était une belle proposition, nous entendions financièrement s'entend, 10 milliards d'euros sur la table. Donc moi je suis satisfait de la réponse, mais on voit bien que c'est un monde qui est en mouvement. NUMERICABLE, Patrick DRAHI a racheté SFR, il l'a repris, d'ailleurs Martin BOUYGUES voulait aussi l'acquérir. Derrière tout cela, il y a de l'emploi, puisque je suis ministre du Travail, c'est ça qui me concerne en premier. Il y a plus de 10 000 salariés sur SFR NUMERICABLE
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
De l'autre
FRANÇOIS REBSAMEN
il y en a près de 9 000 chez Martin BOUYGUES, 20 000 emplois sont en jeu
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Ça voulait dire quoi, donc, des milliers de salariés sur le tapis en cas de fusion ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Pas forcément, parce que je me rappelle que quand il n'y avait que trois fréquences, trois autorisations, trois opérateurs, on disait : « Quand on va passer à quatre, ça va avoir un effet sur, certainement de baisse des prix pour les consommateurs, mais ça va avoir donc un effet sur l'emploi ». Ce n'est pas ce qui s'est produit, donc il faut être vigilant, il faut surveiller ce secteur, qui est un secteur en mouvement et qui est appelé à se développer, d'ailleurs le Premier ministre a rappelé des engagements qu'il demandait, des conditions qu'ils mettaient, qui étaient liées bien évidemment à l'investissement, à l'innovation et au service aux consommateurs.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Donc vous allez avoir quelques exigences, parce que la négociation continue, on le sait très bien.
FRANÇOIS REBSAMEN
J'ai rencontré Patrick DRAHI il y a une dizaine de jours, j'ai rencontré Martin BOUYGUES, voir quelles sont leurs perspectives, même s'il s'agit de sociétés privées et ils ne donnent pas toujours toutes les informations.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Oui, mais ça concerne l'emploi, en fait.
FRANÇOIS REBSAMEN
Mais ça concerne l'emploi, et je rappelle que dans le capital social de Martin BOUYGUES, il y a plus de 20 % qui est détenu par des salariés.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Alors, François REBSAMEN, nous allons parler des chiffres du chômage, un sujet de conversation, j'imagine, permanent avec le chef de l'Etat, avec François HOLLANDE. Disons un mot, vous êtes souvent au téléphone avec lui à propos du chômage, je vous demande cela parce que, au fond, la révélation Wikileaks ce matin, on en parlait à l'instant, a de quoi surprendre, voire choquer, CHIRAC, SARKOZY, HOLLANDE sur écoute, ses ministres également. Vous êtes surpris ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Oui, enfin, on le savait finalement, on le savait, ces informations qui sont distillées par la presse sont graves, les pratiques sont anormales. On avait appris ainsi que la chancelière avait été, personnellement, la chancelière MERKEL avait été personnellement écoutée. J'ai noté l'annonce des Etats-Unis, qui dit « le président de la République, François HOLLANDE, n'est pas écouté », ce qui veut dire qu'il a pu l'être
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Pas aujourd'hui, donc hier c'était le cas.
FRANÇOIS REBSAMEN
Exactement, parce qu'il a pu l'être. C'est une affaire que, et le président de la République et le Premier ministre prennent au sérieux, il y a un conseil qui se tiendra, extraordinaire, exceptionnel, de défense
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Un Conseil de défense, oui.
FRANÇOIS REBSAMEN
à 09h00 ce matin, donc il faut examiner tout cela. Entre amis on ne fait pas cela, même si on voit bien que chacun défend d'abord son indépendance nationale, donc il faut aussi se protéger de ce genre de chose. Le mieux, quand on a effectivement des choses secrètes à se dire, c'est de ne pas se le dire au téléphone.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Ça veut dire quoi ? Que le ministre du Travail que vous êtes, va enfin utiliser son téléphone crypté, que vous laissez sans doute de côté ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Non, mais, vous savez, les informations que je communique au président de la République, elles ont, en tous les cas pour tout ce qui concerne l'activité de mon ministère, elles ne sont pas secrètes.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Alors, François REBSAMEN, Pôle emploi publie aujourd'hui ses chiffres du mois de mai, faut-il s'attendre à une nouvelle hausse du chômage, après le record, on l'a dit, de 3,5 millions enregistrés fin avril ? Alors ?
FRANÇOIS REBSAMEN
J'essaie de m'astreindre à un exercice qui n'est pas facile, parce que tous les mois, de manière répétitive, tombe le nombre d'inscrits à Pôle emploi dans les diverses catégories, donc j'essaie de tracer des perspectives. Comment on peut les tracer ? D'abord à travers les mesures que nous prenons, ainsi le gouvernement avec le Premier ministre, a mis en place un certain nombre de dispositifs de soutien à l'embauche pour les Très petites entreprises, parce que c'est là qu'il y a la clef dans l'emploi demain. Il faut de la croissance, la croissance, on regarde ce que prévoient tous les économistes et donc on est sur une pente, on nous annonce de 1,5 % pour la fin de l'année, on sait que c'est à ce moment-là que le chômage peut refluer. Et donc, que dire aujourd'hui ? L'année 2015 sera meilleure que l'année 2014, fort heureusement
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
C'est compliqué, tout ça.
FRANÇOIS REBSAMEN
Ça a été mauvaise année, l'année 2014, et dire que, à la fin de l'année, on constatera, je l'espère, ça va passer par une phase de stabilisation et puis une décrue du nombre de demandeurs d'emploi. Les Français, pour le moment, n'y croient pas, je les comprends, on leur a tellement dit des choses, en leur disant « les choses vont s'améliorer », eh bien moi je dis que l'année 2015 va être meilleure, avec les dispositifs qu'on a mis en place, avec les politiques de lemploi qui sont là, avec la formation que nous faisons, avec l'apprentissage, j'en profite pour rappeler que nous lançons une grande campagne sur l'apprentissage aujourd'hui
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
On entend des messages à la radio, oui.
FRANÇOIS REBSAMEN
C'est mon ministère, j'ai pris cette décision de lancer ça, parce que les entreprises françaises ont besoin d'embaucher des apprentis, bref c'est un appel à la confiance aux entreprises françaises, embauchez, la croissance est là, elle revient, les dispositifs sont là pour vous aider. Pour une première embauche, vous le savez, un premier apprenti, jeune apprenti, aujourd'hui, c'est zéro salaire, zéro coût et c'est l'Etat qui prend en charge, et puis pour celui prend son premier emploi, qui embauche quelqu'un, eh bien une très petite entreprise, c'est une prime de 2 000 , 4 000 sur deux ans.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Alors, François REBSAMEN, vous dites : au fond, l'année 2015 sera sans doute meilleure en termes d'emploi, de façon globale
FRANÇOIS REBSAMEN
Elle sera meilleure.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
et j'imagine que les chiffres du mois de mai ne seront pas très bons.
FRANÇOIS REBSAMEN
Eh bien écoutez, on verra ce soir, mais les inscriptions à Pôle emploi, il faut les prendre sur une durée, et donc il faudra voir au mois de septembre où on en sera, moi je suis sûr que nous aurons, en fin d'année, si la croissance est celle qu'on nous prévoit, avec les dispositifs que l'on a mis en place, une baisse du nombre d'inscrits à Pôle emploi.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Alors, c'est un ministère difficile, de venir à la radio commenter des chiffres qui seront mauvais. C'est ça en fait.
FRANÇOIS REBSAMEN
C'est je ne parle pas des chiffres là, je parle des tendances, c'est vrai que depuis maintenant 7 ans, 6 ans très exactement, tous les mois, il y a plus d'inscrits à Pôle emploi, voilà, mais je dois quand même dire que beaucoup de dispositifs ont été mis en place, que nous faisons, nous agissons, les politiques d'emploi sont là, la formation est là, il y a encore des zones en France, et il y a encore des métiers en tension, donc il faut qu'on améliore l'adéquation entre l'offre et la demande. Pour ça, les formations prioritaires sont là, à disposition. La semaine dernière, c'était le Salon de l'Aéronautique, 10 000 emplois vont être créés dans ce secteur, il faut pouvoir y répondre, il faut des formations.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Alors, François REBSAMEN, à propos des métiers en tension, allez-vous arbitrer, je veux dire sur le plan du droit du travail, le conflit qui oppose les taxis, à UBER, en tout cas UberPOP, l'appli, vous savez l'application qui organise le transport entre les particuliers, une Grèce demain, de violences. Faut-il libéraliser une bonne fois pour toutes, le marché du taxi en France ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Je crois que UberPOP a été condamné, en correctionnelle, pour des pratiques commerciales qui sont trompeuses, et donc il y a des sanctions qui doivent s'appliquer. UberPOP a fait appel, mais pour autant on ne peut pas laisser tirer vers le bas, pas une sorte de moins-disant social, les pratiques, et donc UberPOP ne peut pas aujourd'hui continuer d'exercer son activité, il faut qu'il soit sanctionné, il y a eu 470 PV qui ont été établis et donc on va continuer et le ministère de l'Intérieur sera très ferme sur ce point.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Alors, est-il encore possible de réformer en France ? Allez-vous avancer sur le Code du travail, d'ici à la fin du quinquennat, il reste encore deux ans, code devenu obèse, a dit Robert BADINTER.
FRANÇOIS REBSAMEN
C'est très long à expliquer, mais
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Oui.
FRANÇOIS REBSAMEN
Non mais les sources qui ont créé le droit du travail, elles sont multiples. Il y a la loi, il y a la négociation collective, il y a la jurisprudence, là aussi, le combat des salariés pour leur propre protection, je le disais souvent, de la journée de 8 heures, de l'interdiction du travail des enfants, de nuit, jusqu'à l'égalité professionnelle femmes/hommes, tout cela figure dans le Code du travail, et c'est donc tout un ensemble de dispositifs qui garantit des règles.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
C'est une réforme qui est envisageable d'ici à deux ans, d'ici à la prochaine présidentielle ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Eh bien nous, nous le faisons tous les jours. Moi je le fais avec ma loi sur le dialogue social, j'étais encore au Sénat cette nuit pour cela, donc on allège, on assouplit, on facilite la vie des entreprises, c'est très important pour l'emploi d'ailleurs, on leur permet d'avoir plus d'agilité et en même temps on ne porte pas atteinte au droit des salariés. Et donc c'est cette, comment dire, c'est les deux bouts de la chaine qu'il faut tenir, tout à la fois donner plus de possibilités de liberté aux entreprises pour se développer, moins de contraintes, moins de réunions qui ne servent à rien, plus de réunions stratégiques, et protéger les droits des salariés.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Pierre GATTAZ estime qu'il y a trop de freins, trop de complexité, dit-il, pour embaucher, vous savez c'est le président du MEDEF, avec son pin's « Un million d'emplois ».
FRANÇOIS REBSAMEN
Oui, mais je dis à Pierre GATTAZ : « Il faut s'y mettre maintenant ». Il ne peut pas tous les jours faire, susciter de l'inquiétude auprès des entreprises, elles ont besoin de cette confiance, le cadre juridique que nous proposons aux entreprises, aujourd'hui, c'est la confiance assurée, c'est-à-dire de la visibilité, de la lisibilité et de la stabilité.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Vous estimez que, aujourd'hui, les patrons ne jouent pas forcément le jeu en dépit du pacte de responsabilité qui est sur la table ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Mais moi je ne me pose pas comme cela. Je trouve que les organisations patronales doivent créer ce climat de confiance, après, vous savez, les chefs d'entreprise ils embauchent si le carnet de commandes se remplit et s'ils n'ont pas de freins. Or, nous avons levé les freins, ils le savent, donc la confiance est là, la croissance revient, je suis optimiste pour la fin de l'année.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Voilà. Merci François REBSAMEN. Il y a du boulot, hein.
FRANÇOIS REBSAMEN
Il y a du boulot.
FABIENNE SINTES
Et Guy BIRENBAUM qui est là dans une seconde.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 25 juin 2015