Texte intégral
En ces temps d'incertitudes, le gouvernement multiplie les appels à la mobilisation de tous les acteurs économiques et parle de " patriotisme économique ". De tels messages sont justes : il est dans le rôle d'un gouvernement de lutter contre le pessimisme et ses conséquences. Et l'intérêt politicien rejoint ici, pour une fois, l'intérêt national. Ces messages pourraient même être partagés : personne ne peut se réjouir des mauvais chiffres du chômage, pas plus que des indicateurs inquiétants de l'augmentation de l'insécurité. Si elles grèvent le bilan de Lionel Jospin, ces données sont surtout mauvaises pour le pays. Mais le message du " patriotisme économique " sonne creux face aux actes du gouvernement.
Une mise en garde d'abord : on ne mobilise personne en tentant de faire croire que la croissance sera encore de 2,5 % en 2002. Cette hypothèse retenue pour le budget de l'an prochain est trop éloignée des prévisions des spécialistes, comme du vécu des entrepreneurs et salariés confrontés à la réalité de l'incertitude. Mobiliser, ce serait d'abord tenir le langage de la lucidité et du courage.
Ensuite, quatre propositions : " mobilisation " et 35 heures ne sont guère compatibles. Dans le secteur public, il suffit de penser au paradoxe de la mise en place du plan Vigipirate renforcé alors que toutes les administrations sont occupées par leur passage aux 35 heures au 1er janvier 2002, et aux drames sanitaires et humains qui se préparent à l'hôpital faute d'infirmières en nombre suffisant. Il faudrait étaler la mise en oeuvre des 35 heures dans le secteur public pour assumer les besoins du service public.
Dans le secteur privé, on ne mobilisera pas les PME et leurs salariés en les empêchant de travailler. Au moment où le chômage repart à la hausse, le gouvernement reconnaît qu'il faut débrider les 35 heures, renonçant au mythe de leur caractère créateur d'emplois. Certes, M. Jospin a fini par se laisser convaincre de bricoler quelques assouplissements dans l'application de la loi. Notons toutefois le caractère transitoire dégressif de cette bouffée d'oxygène en matière d'heures supplémentaires, ce qui n'est guère sécurisant pour qui souhaiterait développer son activité et l'emploi.
Il faut être beaucoup plus simple, clair, en un mot mobilisateur, et décider de reporter l'application des 35 heures au-delà de la période au cours de laquelle les entreprises seront en outre confrontées au passage à l'euro. Sans remettre en cause la nouvelle durée légale du travail, cela permettrait ultérieurement de redonner de la souplesse pour de vraies négociations sur le partage des rémunérations entre temps et argent.
Troisième proposition : on ne mobilisera pas non plus les entreprises - et je pense cette fois-ci surtout aux plus grandes - en leur imposant, dans la loi dite de " modernisation sociale ", de nouvelles contraintes qui dissuadent l'embauche et ralentissent la mise en oeuvre des mesures de reclassement des salariés en cas de plans sociaux. Depuis le printemps, l'anticipation de l'entrée en vigueur de ce texte a déjà eu des effets négatifs sur l'emploi et elle crée un climat d'anxiété aussi bien chez les employeurs que chez les salariés. Or le texte n'est pas encore définitivement adopté et pourrait donc être retiré de l'ordre du jour parlementaire ou au moins élagué de ses dispositions contraires à la liberté de manoeuvre nécessaire. Le " patriotisme " politicien (si l'on ose dire !), lié aux divisions de la majorité, risque hélas de l'emporter sur le " patriotisme économique ". Celui qui permet à une administration américaine flexible de ne pas se cramponner dans la crise, à des dogmes de campagne électorale.
Quatrième proposition enfin, et c'est pour moi la plus importante : relancer l'investissement. Ce qui continue à pénaliser les économies européennes, c'est la faiblesse du niveau d'investissements, qu'ils soient publics ou privés. Plutôt que de se lancer dans de nouvelles fournées d'emplois réglementés, il serait plus porteur d'avenir de soutenir l'investissement des entreprises, pourquoi pas par un mécanisme de détaxation ? S'agissant des investissements publics, c'est sans doute à l'échelle européenne que devrait être soutenu le projet d'un emprunt de " mobilisation " partagée.
La politique n'est pas impuissante, si elle accepte de s'adapter aux réalités. Prenons garde à ce que le besoin de sécurité exprimé si puissamment par nos concitoyens ne se traduise pas une fois de plus par la fuite en avant dans la dépense et la réglementation, qui ne garantissent en aucun cas le développement durable de nos capacités de faire face aux difficultés.
(Source http://www.udf.org, le 18 octobre 2001)
Une mise en garde d'abord : on ne mobilise personne en tentant de faire croire que la croissance sera encore de 2,5 % en 2002. Cette hypothèse retenue pour le budget de l'an prochain est trop éloignée des prévisions des spécialistes, comme du vécu des entrepreneurs et salariés confrontés à la réalité de l'incertitude. Mobiliser, ce serait d'abord tenir le langage de la lucidité et du courage.
Ensuite, quatre propositions : " mobilisation " et 35 heures ne sont guère compatibles. Dans le secteur public, il suffit de penser au paradoxe de la mise en place du plan Vigipirate renforcé alors que toutes les administrations sont occupées par leur passage aux 35 heures au 1er janvier 2002, et aux drames sanitaires et humains qui se préparent à l'hôpital faute d'infirmières en nombre suffisant. Il faudrait étaler la mise en oeuvre des 35 heures dans le secteur public pour assumer les besoins du service public.
Dans le secteur privé, on ne mobilisera pas les PME et leurs salariés en les empêchant de travailler. Au moment où le chômage repart à la hausse, le gouvernement reconnaît qu'il faut débrider les 35 heures, renonçant au mythe de leur caractère créateur d'emplois. Certes, M. Jospin a fini par se laisser convaincre de bricoler quelques assouplissements dans l'application de la loi. Notons toutefois le caractère transitoire dégressif de cette bouffée d'oxygène en matière d'heures supplémentaires, ce qui n'est guère sécurisant pour qui souhaiterait développer son activité et l'emploi.
Il faut être beaucoup plus simple, clair, en un mot mobilisateur, et décider de reporter l'application des 35 heures au-delà de la période au cours de laquelle les entreprises seront en outre confrontées au passage à l'euro. Sans remettre en cause la nouvelle durée légale du travail, cela permettrait ultérieurement de redonner de la souplesse pour de vraies négociations sur le partage des rémunérations entre temps et argent.
Troisième proposition : on ne mobilisera pas non plus les entreprises - et je pense cette fois-ci surtout aux plus grandes - en leur imposant, dans la loi dite de " modernisation sociale ", de nouvelles contraintes qui dissuadent l'embauche et ralentissent la mise en oeuvre des mesures de reclassement des salariés en cas de plans sociaux. Depuis le printemps, l'anticipation de l'entrée en vigueur de ce texte a déjà eu des effets négatifs sur l'emploi et elle crée un climat d'anxiété aussi bien chez les employeurs que chez les salariés. Or le texte n'est pas encore définitivement adopté et pourrait donc être retiré de l'ordre du jour parlementaire ou au moins élagué de ses dispositions contraires à la liberté de manoeuvre nécessaire. Le " patriotisme " politicien (si l'on ose dire !), lié aux divisions de la majorité, risque hélas de l'emporter sur le " patriotisme économique ". Celui qui permet à une administration américaine flexible de ne pas se cramponner dans la crise, à des dogmes de campagne électorale.
Quatrième proposition enfin, et c'est pour moi la plus importante : relancer l'investissement. Ce qui continue à pénaliser les économies européennes, c'est la faiblesse du niveau d'investissements, qu'ils soient publics ou privés. Plutôt que de se lancer dans de nouvelles fournées d'emplois réglementés, il serait plus porteur d'avenir de soutenir l'investissement des entreprises, pourquoi pas par un mécanisme de détaxation ? S'agissant des investissements publics, c'est sans doute à l'échelle européenne que devrait être soutenu le projet d'un emprunt de " mobilisation " partagée.
La politique n'est pas impuissante, si elle accepte de s'adapter aux réalités. Prenons garde à ce que le besoin de sécurité exprimé si puissamment par nos concitoyens ne se traduise pas une fois de plus par la fuite en avant dans la dépense et la réglementation, qui ne garantissent en aucun cas le développement durable de nos capacités de faire face aux difficultés.
(Source http://www.udf.org, le 18 octobre 2001)