Conférence de presse de M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie, sur la situation politique au Pérou, la coopération entre la France et le Pérou et l'aide de la France pour la construction d'une centaine de maisons à l'attention des populations de Moquegua, victimes du récent tremblement de terre, Lima, Perou, le 28 juillet 2001.

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Circonstance : Voyage de M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie, au Pérou, le 28 juillet 2001

Texte intégral

Je voudrais tout d'abord vous présenter mes excuses pour le retard avec lequel je vous rencontre, le protocole a été très efficace mais pas au point de pouvoir contrôler le temps : je n'avais pas prévu que j'aurais l'honneur d'être parmi les pays qui planteraient un arbre dans le Jardin de la Démocratie. Non pas que la France n'ait pas toutes les raisons d'être associée à cette célébration mais parce qu'initialement, seuls les chefs d'Etat et de gouvernement des pays voisins étaient normalement mobilisés.
Je voudrais vous dire également que cette journée aura su mêler la majesté et l'émotion et que les Républiques peuvent produire des rites que bien des églises pourraient leur envier. J'ai évidemment participé à l'hommage rendu au président Valentin Paniagua et à M. Javier Perez de Cúellar qui ont réalisé au cours de ces derniers mois un travail magnifique pour ce retour à la démocratie.
Le discours du nouveau président de la République, M. Alejandro Toledo Manrique, a été évidemment le moment le plus attendu de la cérémonie. J'y ai pour ma part trouvé de la générosité et du courage. Le président Toledo a voulu à la fois mobiliser les acteurs économiques et la référence insistante aux chefs d'entreprises en est la preuve. Mais les références qu'il a faites également au dialogue social, au rôle qu'il entend reconnaître aux syndicats ont, en quelque sorte, équilibré ce propos. Plus généralement j'ai retenu l'appel à la mobilisation qu'il a lancé à toutes les forces politiques, économiques et sociales du Pérou pour lutter contre la pauvreté et la corruption.
Toujours dans le domaine de la politique intérieure, j'ai entendu l'appel très fort qu'il a lancé en faveur de la décentralisation. Confirmant la priorité qu'il donne à cette réforme et le rôle qu'il entend confier au maire d'Arequipa avec lequel je me suis entretenu hier. La volonté également exprimée de redresser les finances publiques en luttant contre la fraude fiscale mérite en particulier d'être entendue. Par ailleurs, les auditeurs auront été frappés par la force avec laquelle il a exprimé sa volonté de vouloir redonner à l'armée et à la police leur dignité, manifestant ainsi son désir de procéder à une profonde réforme directement liée à la lutte contre la corruption et le narcotrafic.
Sur le plan de la politique étrangère, j'ai noté avec satisfaction la volonté exprimée de poursuivre l'intégration économique des pays andins. L'appel à la paix et par voie de conséquence l'encouragement que le président Toledo s'adressait à lui-même et à ses collègues, chefs d'Etat et de gouvernement des pays voisins, de consacrer davantage à l'éducation et à la santé et moins à l'achat d'armement. Nous aurons l'occasion demain ou après demain de relire en quelque sorte un vrai discours que le Pérou est en train d'écrire. Je souhaite qu'avec le président Toledo, le peuple péruvien se rassemble sur ces grandes ambitions, malgré certaines réactions, que j'ai pu entendre ce matin, qui n'étaient pas évidemment d'adhésion. Il faudra sans doute que le temps fasse son oeuvre pour apaiser certaines tensions et fermer quelques blessures. Il faut que les Péruviens aussi comprennent la volonté du président Toledo de faire de la vérité une oeuvre de justice.
Cette journée a été l'occasion, il est important de le souligner, de mettre fin à quelques tensions avec certains pays voisins et je pense précisément au geste que le Président Toledo a tenu à faire en particulier en direction de Hugo Chavez. C'est ainsi que pendant le déjeuner qui nous réunissait, le président Toledo a signalé que l'ambassadeur du Venezuela était à Lima et que l'ambassadeur du Pérou au Venezuela était en route pour Caracas. Voilà pour cette journée qui n'est pas terminée.
Si j'ai souhaité parler un moment avec vous c'est bien sûr pour souligner la qualité des relations ente le Pérou et la France qui s'exprime au travers d'une coopération que nous allons renforcer. Le Pérou sait qu'il pourra également compter sur la France dans les enceintes internationales, qu'elles soient européennes, ou plus largement multilatérales, pour appuyer les concours que le Pérou sollicite de la communauté internationale.
Il y a bien évidemment cette question particulière, que le tremblement de terre intervenu il y a un mois pose à la solidarité internationale. J'ai pu aller sur place hier grâce au président Toledo qui a mis à ma disposition son avion personnel, ce qui montre bien l'intérêt qu'il accorde à cette question de la reconstitution d'Arequipa et de Moquegua. Dès l'annonce de la catastrophe, la France avait mobilisé un secours d'urgence. Mais cette fois en application de la promesse faite par le Premier ministre au président Toledo lors de sa visite à Paris j'ai pu annoncer officiellement que la France débloquait un million de dollars pour la construction d'une centaine de maisons à l'attention des populations de Moquegua. Cette opération sera conduite en partenariat avec l'université de San Marcos, dont le recteur nous a accompagné hier, et qui, grâce à son équipe, a préparé la maquette ici présente de ce que pourra être le "Village français".
M. l'Ambassadeur et ses services s'assureront que le terrain, offert par la municipalité pour réaliser cette opération, pourra être aménagé convenablement, et qu'il disposera notamment des arrivées d'eau et des infrastructures nécessaires pour initier le plus rapidement possible ces constructions.
A l'occasion de ma visite à Moquegua et Arequipa, j'ai pu rencontrer les populations touchées par le séisme et mesurer l'importance des destructions, qu'il s'agisse des habitations, c'est surtout le cas à Moquegua où des collines entières sont pratiquement rasées, où de certains monuments publics, parfois même symboliques et qu'il va falloir consolider et peut-être même reconstruire. Dans les deux cas il va falloir mobiliser des moyens importants. J'espère que les bailleurs de fond qui se réuniront pour répondre à la demande du Pérou auront alors présente à l'esprit cette situation particulière.
Partout j'ai trouvé des populations courageuses, et loin de se laisser abattre et de se désespérer j'ai trouvé des responsables locaux qui comptent saisir cette occasion pour développer davantage, organiser mieux leur ville ou leur agglomération.
Ce voyage m'a enfin permis de découvrir personnellement une superbe région pour mesurer les espérances que le Pérou peut avoir au développement touristique considéré comme une des priorités du président Toledo, qu'il a par ailleurs évoqué dans son discours. Je souhaite qu'un certain nombre de villes françaises, et je vais m'y employer, pourront nouer des liens particuliers avec les villes que je viens de citer, car au moment où le Pérou va s'engager sur la voie de la décentralisation, ces relations directes entre villes françaises et villes péruviennes peuvent représenter une chance potentielle dans les domaines aussi divers que l'urbanisme, l'écologie urbaine ou les échanges universitaires.
Je suis maintenant à votre disposition pour répondre à vos questions.
Q - Monsieur le Ministre d'autres projets de coopération sont-ils envisagés ? Si la réponse est affirmative, de quels projets s'agit-il et quels types d'accords impliqueraient-ils ?
R - Il n'est pas facile de répondre de manière précise à cette question car il faudrait reprendre tous les sujets évoqués pendant la visite du président élu Toledo à Paris. De toute évidence, autour du thème de la décentralisation, une coopération spécifique va s'établir. S'agissant des investissements, il n'y a pas que les investissements publics, il y a aussi les investissements privés. Les entreprises françaises sont présentes et nous souhaitons que celles-ci participent notamment à ces créations d'emplois que le président Toledo a appelé de ses vux ce matin.
Il y a cependant parmi les projets spécifiques l'idée de la création d'un musée cher à Mme Toledo, sur le principe duquel nous sommes tout à fait d'accord mais dont il faut encore en définir le contenu et les moyens, faisant certainement de ce projet un des investissements qui serviront à la coopération culturelle entre nos deux pays.
Outre cela, je rappelle qu'une mission du MEDEF est prévue très prochainement au Pérou pour examiner les opportunités que l'économie péruvienne présente et ainsi contribuer au développement du pays. La France est par exemple partenaire en matière de pêche avec le Groupe Adrien que j'ai bien connu quand j'étais Secrétaire d'Etat à la Mer et qui a déjà réalisé de nombreux investissements au Pérou. Il y a également d'autres secteurs, je pense notamment aux secteurs du transport, de l'énergie, de l'eau et de l'assainissement. Les entreprises françaises jouissent d'une réputation d'excellence, aussi je souhaite que celles-ci s'investissent davantage.
Q - Monsieur le Ministre, concernant le projet de reconstruction d'un quartier de Moquegua, pouvez-vous nous donner une date pour le début des travaux et nous dire qui se chargera de la réalisation des travaux ?
R - Cette opération suivra l'exemple d'une expérience similaire, conduite au Venezuela à la suite de fortes inondations : le terrain devra d'abord être préparé, alimenté en eau et en électricité avant de pouvoir commencer les travaux. Ensuite la période de construction proprement dite pourrait être concentrée entre six et neuf mois, autrement dit si les choses vont bien dans un an. Il est important cependant de ne pas confondre une solution d'urgence avec une solution définitive, en effet, il s'agit ici de maisons qui permettront de vivre dans de meilleures conditions.
Q - Monsieur le Ministre, d'autres projets similaires n'ont jamais vu le jour, comment
garantissez-vous la bonne utilisation des fonds ?
R - S'agissant du million de dollars en question il a été d'ores et déjà bloqué. Il sera décaissé en fonction des contrôles que l'ambassade fera quant à l'avancement des travaux c'est-à-dire un contrôle sur factures. De plus nous avons déjà, dans nos conversations avec les autorités péruviennes, précisé que nous entendions contrôler la dépense pour éviter comme cela a pu se faire d'en d'autres opérations, que l'argent ne soit pas utilisé à d'autres fins.
Par ailleurs, l'université de San Marcos conduira les études techniques, c'est elle qui, en liaison avec l'ambassade, fera le choix des entreprises susceptibles de réaliser l'opération.
Q - M. Juan Manuel Guillen, maire d'Arequipa, sera-t-il chargé de cette opération sachant que dans le discours de ce matin le président Toledo a fait part de sa décision de le nommer "grand responsable" de la décentralisation ?
R - Pour la décentralisation, M. Toledo avait déjà indiqué lors de son passage à Paris, lui ayant fait part de mon intention d'aller sur place, qu'il souhaitait que je rencontre le maire d'Arequipa pour parler de décentralisation. Puisqu'il a été officiellement désigné comme tel, Il sera notre interlocuteur, celui de l'ambassade pour la coopération spécifique que nous allons apporter.
Lors de notre entrevue, le maire d'Arequipa s'est montré intéressé par l'expérience française, et par la vision des élus locaux français dont l'expertise permettrait la réussite de cette décentralisation.
Q - Quelle est la surface du terrain sur lequel sera construit le "village français" ?
R - Cinq hectares. Nous en avons vu l'emplacement, pas exactement la délimitation. Je rappelle par ailleurs que le maire compte parmi ses partenaires la société d'exploitation du cuivre, qui est la grande entreprise de Moquegua, pour restructurer sa ville.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 31 juillet 2001)