Texte intégral
* Libye - Union européenne
(...)
Q - Sur la question libyenne vous avez dit «convergence de vue». Que vous a répondu le président Bouteflika ?
R - La même chose. 2011 a laissé des traces, comme l'intervention américaine en Irak a laissé des traces politiques, avec des conséquences très concrètes dans ce pays. Vous connaissez notre point de vue, celui du président Hollande et le mien, contre cette intervention à l'époque. Nous en voyons toutes les conséquences dramatiques, malheureusement les faits parlent. Et, en ce qui concerne la Libye, il y a eu une intervention, par des frappes aériennes, mais il n'y a pas eu de suite politique et on est dans une situation de chaos. Aussi, il y a convergence de vues, mais pas seulement avec les Algériens, mais avec aussi d'autres partenaires, tous les Européens, les Américains, les Russes. Il faut une solution politique. La Constitution doit être établie le plus vite possible avec un gouvernement d'union nationale.
J'ai eu l'occasion de le dire, j'ai vu M. Sarraj à Tunis auquel j'ai apporté le soutien de la France. Je lui ai fait part aussi de ce que les Européens pensaient, en souhaitant qu'il puisse vite s'installer à Tripoli en toute sécurité. Mais sans que, pour autant, il y ait une ingérence extérieure, parce que je crois que les Libyens souhaitent que leur gouvernement puisse assurer sa propre sécurité en organisant les choses. Des échanges ont été faits entre lui et un certain nombre de partenaires locaux. Le gouvernement algérien a travaillé à ces rapprochements exactement dans le même esprit.
Des sanctions - et notre partenaire algérien le pense aussi - sont nécessaires pour adresser plus qu'un avertissement mais une menace à ceux qui se mettent en travers du processus politique, qui, lui, est indispensable et est attendu à la fois par le peuple libyen mais aussi par les voisins de la Libye.
Quand j'étais en Tunisie, j'ai entendu le même langage, le même message et les Algériens le souhaitent aussi. Tous les pays voisins le souhaitent, en priorité parce qu'il y a une menace sur les voisins mais aussi une menace sur nous. Parce que Daech, qui est en Libye, est combattu et, de fait, recule grâce à cet effort de la coalition. On l'a vu sur le terrain en Irak et en Syrie. Mais il faudra poursuivre pour attaquer le coeur de ce système qui déstabilise et détruit une région mais qui aussi, organise des attentats, notamment en Europe, en France, en Belgique.
Mais, aujourd'hui, s'il recule là-bas, il peut progresser en Libye. Donc il faut l'arrêter, mais s'il n'y a pas de gouvernement, s'il n'y a pas d'autorités libyennes, que peut-on faire ? On ne peut pas refaire le passé, comme certains le croient de façon un peu naïve et simpliste, aussi la constitution d'un gouvernement libyen est devenue une priorité. Comme les choses ne bougent pas, j'avais été le premier à évoquer les sanctions à Munich le 13 février et j'ai constaté que nos amis algériens étaient sur la même longueur d'onde. Je l'ai proposé à la réunion des ministres des affaires étrangères à Bruxelles il y a quelques jours. Donc maintenant il faut y aller, il faut avancer.
Q - À propos des sanctions...
R - Les sanctions seront ciblées sur un certain nombre de personnes. Ce seront des saisies d'avoir, des interdictions de se déplacer... Ce ne sont pas des sanctions globales, ce seront des sanctions personnalisées.
Q - ...et qu'on peut attendre à quelle échéance ? Parce que ce n'est pas la même chose que tout le monde souhaite ?
R - Je souhaite que cela aille le plus vite possible désormais. J'en ai parlé le 13 février, là nous sommes quand même à la fin mars, aussi il est temps d'y aller. En tout cas, c'est ce que nous avons convenu avec nos amis algériens avec qui nous sommes exactement sur la même longueur d'onde. On ne peut plus attendre.
Q - Qui bloque ?
R - C'est l'Union européenne qui peut le décider.
Q - Est-ce que la décision est prise ?
R - La décision de principe est prise. Maintenant, il faut activer, donc je vais relancer.
Q - Cela signifie que les Européens sont d'accord ?
R - Oui. J'ai évoqué cela le 13 février, puis le 15 février aussi à Bruxelles une première fois et lors de la deuxième réunion qui a eu lieu le 14 mars, j'ai proposé à nouveau ces sanctions et, là, les points de vue avaient évolué et il y a eu un accord de principe qui a été pris par l'Union européenne mais il faut passer à l'acte.
Q - Qu'est-ce qui empêche que cet accord de principe soit mis en application ?
R - On est en procédure d'approbation écrite pour concrétiser cet accord politique qui prend quelques jours. Je ne peux pas vous donner de date précise, mais le moment est venu d'agir. Cette situation ne peut pas durer. (...).
* Mali
(...)
Q - Sur la situation au Mali.
R - On a parlé du Mali et de l'accord d'Alger. Je me souviens d'en avoir parlé avec M. Sellal, il y a déjà bien longtemps, juste après l'intervention au Mali en janvier 2013. Le président algérien imaginait déjà une solution politique pour le Nord Mali, avec la connaissance qui est la sienne, cette bonne connaissance de cette région, qui est quand même commune à l'Algérie aussi.
Sur l'accord d'Alger, il y avait un contexte qui était favorable. Alors il est important qu'il ait été passé. Maintenant, ce qui reste à faire, c'est sa mise en oeuvre. Je pense qu'il y a encore un travail de persuasion, d'encouragement à faire et nous allons essayer de conjuguer nos efforts.
Q - S'adresser à qui pour faire avancer cet accord ?
R ? Il faut s'adresser aux autorités maliennes. Il faut les aider si elles le souhaitent pour que la mise en oeuvre ne soit pas trop tardive, car la situation peut se dégrader. Par ailleurs, il y a toujours l'opération Barkhane en soutien et qui traite aussi des questions de terrorisme. Mais je pense que là, on est sur le terrain politique, qui appartient aux autorités maliennes.
(...)
Q - Monsieur le Ministre, s'il vous plaît. Le dossier malien, vous l'avez abordé avec les responsables algériens. Est-ce que vous êtes d'accord avec les Algériens dans la manière dont il faut réconcilier les Maliens, suivre l'accord de paix ?
R - Le Premier ministre a évoqué, comme référence, l'expérience du Niger. Je n'ai pas à faire la leçon au gouvernement malien. Simplement, il y a eu un accord, positif, que nous avons encouragé, l'accord d'Alger ; cela va dans la bonne direction. Simplement, si l'on veut que le climat s'améliore, que le rassemblement national se fasse, il faut que cet accord soit mis en oeuvre.
Q - Mais quels moyens vous avez pour pousser à la mise en oeuvre ?
R - Les moyens, ce sont les moyens diplomatiques, les moyens politiques, c'est notre rôle.
Q - Mais ce qui a été fait depuis la signature de l'accord ne fonctionne pas donc est-ce que vous avez de nouveaux moyens ?
R - Ce n'est pas que cela ne fonctionne pas, c'est que du retard a été pris. Nous recommanderons, nous donnerons notre avis, de façon tout à fait amicale et confiante avec le Mali, pour considérer qu'il y a l'action militaire mais qu'il y a aussi l'action politique et diplomatique. A quoi sert un ministre des affaires étrangères ? A faire de la diplomatie.
Q - Est-ce que les autorités algériennes réclament ça de la France justement ?
R - Non, on a prévu de conjuguer nos efforts. Il y a convergence de vues, je vous l'ai dit, sur beaucoup de sujets ; c'est vrai aussi de la même façon pour la Libye.
* Algérie - Relations bilatérales - Lutte contre le terrorisme
Merci d'être là et d'avoir patienté, mais le lieu où nous sommes invite à la méditation. Cette Résidence de France est tellement magnifique et c'est aussi un lieu chargé d'histoire, qui nous impressionne aussi. La résidence aujourd'hui de Monsieur l'ambassadeur est presque un petit musée consacré à la présence du général de Gaulle, dans la dernière partie de la guerre, jusqu'à la libération de la France. Quand on lit les Mémoires de guerre, il faut venir ici pour imaginer les conditions dans lesquelles il a vécu et travaillé ici, mais il n'était pas tout le temps-là. Il se déplaçait beaucoup et dans des conditions hautement plus difficiles, précaires et dangereuses que ce que l'on peut connaitre aujourd'hui lorsque l'on se déplace.
Je crois que ma visite ici, du point de vue du sens du message, est très importante dans la relation franco-algérienne. Je tenais, et je l'avais dit à mon homologue quand il m'a appelé pour me féliciter, je tenais à venir très vite. Après, évidemment, c'est toujours difficile de gérer les agendas. Nous avons pu trouver cette date très rapidement avec les autorités algériennes et je dois dire que depuis que je suis arrivé ici, l'accueil a été extrêmement chaleureux.
On aborde des choses sur lesquelles on converge et aussi celles sur lesquelles on peut avoir des différences d'appréciation, le tout avec beaucoup de franchise et de simplicité. J'y vois la marque d'un changement important dans la relation franco-algérienne depuis la première visite du président François Hollande en 2012, et la décision des deux présidents de mettre en oeuvre ce partenariat d'exception, avec l'installation du comité intergouvernemental de haut niveau, auquel j'ai pu participer en tant qu'ancien Premier ministre en décembre 2013, avec le Premier ministre Sellal. Et, cette année ce sera avec plusieurs ministres, et on s'inscrit dans la durée. Je sens un changement, y compris dans le dossier économique de partenariat, de coopération. Le désir est partagé de progresser dans la coopération et le partenariat. Et cela, c'est très important.
L'échange avec le Premier ministre a d'abord été celui d'une séance de travail, très direct, avec ensuite un déjeuner - un moment important de convivialité - qui nous a permis de continuer à aborder les questions politiques. Nous avons abordé la question syrienne. J'ai pu aussi lors de ma rencontre avec le président Bouteflika, non seulement lui adresser un message de confiance de François Hollande, aborder aussi toutes les questions auxquelles le président s'intéresse : le Mali, la Libye, la Syrie, l'initiative française pour le Proche-Orient et que j'ai pu aborder avec mon homologue et avec le Premier ministre tout au long de cette journée.
Tout à l'heure, je vais rencontrer les chefs d'entreprises qui sont implantés ici à Alger. On va aborder très concrètement les dossiers, dont certains sont à l'ordre du jour de la réunion intergouvernementale et j'espère que plusieurs accords vont être signés. Les choses avancent, même si parfois il faut persévérer car il peut y avoir des obstacles administratifs, cela existe. Mais entre 2013 et aujourd'hui, j'ai senti une évolution positive.
Voilà, toutes ces questions ont été abordées franchement, y compris la question du Sahara occidental. Comme vous avez pu le voir tout à l'heure, on a depuis longtemps une différence d'appréciation, mais avec le souhait, que j'ai dit au président Bouteflika, que lorsque la question va revenir dans quelques semaines concernant le mandat de la MINURSO, que nous agissions. C'est le souhait de la France, pour le renouvellement de cette mission. C'est un point que nous avons abordé en toute franchise et en toute simplicité lors de nos échanges.
J'ai insisté aussi sur la manière dont la France aujourd'hui souhaite aborder l'Histoire et la question de la mémoire concernant nos deux pays. J'ai évoqué le discours du président le 19 mars, où c'est la première fois qu'un président de la République française organisait, à travers un discours, une cérémonie à cette date, même si, depuis longtemps, la presque quasi-totalité des communes de France ont organisé des cérémonies du 19 mars. Mais c'était la première fois au niveau de l'État, au niveau du président de la République. C'est un message que j'ai adressé à mes interlocuteurs et en particulier au président Bouteflika, sachant que la question de la relation entre l'Algérie et la France est toujours une question sensible qui provoque souvent des réactions de politique intérieure. Mais la manière apaisée dont le président de la République a souhaité aborder l'Histoire et la question de la mémoire contribue aussi à rendre nos liens et nos relations plus faciles et nous permet d'avancer. Je crois que tous ces gestes, et tous ces faits, sont des gestes d'apaisement et de réconciliation sont indispensables. La France et l'Algérie ont bien sûr une Histoire commune et en partie tragique, mais elles ont un avenir à construire en commun, avec les autres pays du Maghreb, que ce soient le Maroc ou la Tunisie, où je me suis rendu il y a quelques semaines. Nous avons pu aborder toutes ces questions, question des relations bilatérales, question des relations avec le Maghreb, question de la paix, sécurité et bien sûr la question de la lutte contre le terrorisme, qui a été abordée évidement à plusieurs reprises dans tous nos échanges.
Voilà un résumé avant de me rendre demain matin en Centrafrique, après avoir fait cette escale à Alger, que je trouve très intéressante et très utile. Escale qui sera prolongée tout à l'heure par un dîner avec plusieurs ministres, dont le ministre des affaires étrangères. Nous allons ainsi poursuivre les échanges que nous venons d'avoir.
(...)
Q - Monsieur le Premier ministre, comment vous avez trouvé notre président Abdelaziz Bouteflika ? En forme, attentif ?
R - Très courageux, car en plus tout le monde sait qu'il fait face à une épreuve de santé qui est quand même difficile pour lui, mais j'ai trouvé quelqu'un d'extrêmement informé, très lucide et souhaitant être informé de tout. Notamment très attentif à tous les messages politiques que j'ai évoqués il y a quelques instants. Sur les questions internationales, évidemment, très au fait des questions, très soucieux de ce qui se passe.
(...)
Q - Monsieur le Ministre, est-ce que le dossier des moines de Tibéhirine a été évoqué ? Nous sommes 20 ans après.
R - Nous avons abordé cette question avec le Premier ministre Sellal. Bien sûr, 20 ans après, c'est une question qui reste très sensible. Mais j'ai senti du côté des autorités algériennes le désir d'arriver à une conclusion. À nous d'avancer concrètement, il reste quelques points qu'il faut clarifier. Mais je n'ai pas senti de blocage de ce côté-là. Maintenant, on va travailler entre nos deux administrations, la justice en particulier, il y a encore quelques pas à faire mais de façon pratique, et non pas sur le fond. Sur le fond, il y a plutôt une envie d'arriver à une conclusion qui soit satisfaisante pour les deux pays.
Q - Est-ce que M. Sellal a réagi au fait que le juge Trévidic parle d'une responsabilité des autorités algériennes dans cette disparition ?
R - Il n'a pas parlé du juge Trévidic du tout. Il a simplement dit que lui ne craignait pas la mise en cause des autorités actuelles qui sont à la tête du pays, pas plus le président que le gouvernement. Voilà ce qu'il nous a dit. J'ai vu quelqu'un qui voulait que les choses avancent, mais en même temps, il a abordé ce sujet avec une certaine hauteur de vue sans aucune tension particulière.
Q - Est-ce que vous avez abordé la question de la migration vers l'Europe depuis l'Algérie ?
R - Non, on n'a pas parlé de cela. On a parlé, certes brièvement, des visas, mais l'ambassadeur a fait le point sur la gestion des visas par les autorités consulaires, qui se fait avec beaucoup de dévouement, 75% des demandes sont accordées pour l'instant. Il y a juste un problème que le consul général a abordé franchement, ce sont les délais de réponse, sauf pour certains types de visas, qui peuvent être plus rapides. Pour beaucoup d'autres, c'est trop long, et le consulat général, travaille à améliorer, même si le travail qui est fait est un travail extrêmement professionnel. Les gens sont très dévoués, mais je pense que tout ce qui est engagé en matière de numérisation, devrait nous permettre d'arriver à des résultats très satisfaisants. De traiter rapidement ces demandes.
Q - Monsieur le Ministre, je voulais poser une question sur l'ambiance. Vous êtes passé en 2013, l'Algérie était quand même dans une autre phase sur le plan économique. Est-ce que vous avez ressenti chez vos interlocuteurs une inquiétude par rapport à la crise économique qui peut se pointer dans un pays comme l'Algérie ?
R - La crise économique est liée surtout au niveau du prix des matières premières.
Q - En Algérie, ce n'est pas, c'est tout. Quand on a dit cela on a tout dit.
R - Mais je suis d'accord. C'est pour cela que j'ai senti un gouvernement qui est très attentif à développer la diversification des investissements, d'où le partenariat, mais ce n'est pas exclusif, avec la France. La coopération avec la France sur le plan économique est tout à fait indispensable. C'est comme cela que j'ai perçu les choses. Alors après, il faut que cela se concrétise mais nous, nous sommes prêts. C'est dans l'intérêt des deux pays, parce que c'est gagnant-gagnant. La formule est peut-être un peu facile mais je pense que c'est utile à l'Algérie, mais c'est aussi utile à la France. Quand on ouvre une usine ici, ce n'est pas de la délocalisation, c'est de l'investissement, de l'emploi mais c'est aussi du travail en France. On a plusieurs dossiers en cours, et je pense que justement le comité intergouvernemental de haut niveau permettra d'identifier les dossiers concrets qui parlent à tout le monde. Mais ces sujets ont été abordés toujours en toute franchise. Il n'y a jamais de langue de bois, en tout cas avec mes interlocuteurs, je n'en ai pas trouvé.
Q - Il y a un autre point de crispation, c'est les biens immobiliers.
R - Oui j'ai abordé cette question.
Q - Cela c'est un petit peu aggravé récemment notamment avec la non-reconnaissance des testaments...
R - Oui, l'ambassadeur doit beaucoup travailler sur ces questions. On les a abordées, on n'est pas rentré dans le détail. J'ai mentionné tous les sujets, y compris les sujets de personnes. Après évidemment il y a aura un travail qui sera finalisé par l'ambassadeur, ce sujet a été évoqué.
Juste un dernier mot si vous le permettez. J'ai fait un petit tour en ville mais trop court à mes yeux. Mais je le souhaitais, comme je l'ai fait à Tunis et c'est important d'aller au contact. Alors c'était trop bref, bien cadré, peut-être trop. Mais c'est toujours un peu frustrant car moi j'aime toujours aller au contact, et au coeur d'une ville comme Alger, où une telle foule, une telle jeunesse me donne envie de pouvoir échanger davantage. C'est un message que je voulais adresser. Le moment où j'ai pu échanger avec quelques jeunes, mais là encore trop brièvement, c'est à l'Institut français qui est très fréquenté par les Algériens, notamment les jeunes algériens. J'ai pu discuter avec des jeunes qui préparaient le bac ou qui sont étudiants et qui étaient heureux de venir là, non seulement pour retrouver de la documentation, la presse, ... etc, mais aussi qui y trouvent une ambiance d'échange entre eux, et j'ai trouvé cela très positif, très sympathique. Si je reviens à Alger, j'espère revenir, j'espère avoir un peu plus de temps...
Q - En 2017 peut-être ?
R - Peut-être avant, je ne sais pas. J'espère avoir un peu plus de temps parce que ce sont des moments toujours utiles et humainement enrichissants. On peut se promener dans Alger, comme je l'ai fait à Tunis, ou lors d'un dîner le soir dans un restaurant, sans forcément n'aller qu'à la Résidence. Même si cette Résidence, Monsieur l'ambassadeur est très belle.
(...).
* Maroc - Sahara occidental
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Q - Sur la question du Sahara occidental, tout à l'heure, lors de votre conférence de presse, vous avez souhaité l'apaisement.
R - Oui, effectivement.
Q - Sauf que les Marocains ont un peu rejeté le malentendu en disant que ce n'était pas du tout un malentendu.
R - Oui, mais nous, nous continuerons à travailler à l'apaisement.
Q - Cela reste quand même très crispé ?
R - Non, mais ce qui est important, c'est d'éviter trop de tensions entre le Maroc et le secrétaire général des Nations unies, ce n'est dans l'intérêt de personne. J'ai noté qu'après la période de tensions, la France a agi pour apaiser les choses, pour partir sur des bases différentes, plus positives, et que le secrétaire général, par la voix de son porte-parole, avait adressé un message qui me paraît aller dans ce sens. Je m'en félicite.
Pour la suite, on sait que c'est un sujet très compliqué il faut l'aborder avec beaucoup de précautions, éviter tout ce qui pourrait envenimer la situation de tensions et, en tout cas, la question reviendra puisque, je vous l'ai dit tout à l'heure, lorsque la question du mandat de la MINURSO reviendra, la France va agir pour qu'il puisse être renouvelé, puisqu'il est indispensable. (...).
* Syrie
(...)
Q - Sur la Syrie, Monsieur le Ministre, vous dites que vous avez évoqué ce dossier
R - Oui, nous avons évoqué la Syrie, bien sûr, avec mes interlocuteurs. J'ai rappelé la position de la France qui est la suivante : la France se félicite du cessez-le-feu qui maintenant dure depuis près d'un mois et qui est globalement respecté. C'est un fait reconnu, même si, comme je l'ai dit à mes interlocuteurs, nous regrettons, et nous continuons d'agir pour ça, que l'aide humanitaire n'arrive pas partout et elle est indispensable. Et puis, par ailleurs, la reprise du processus de négociations politiques à Genève, sous l'autorité de l'envoyé spécial des Nations unies, M. Staffan de Mistura. Nous souhaitons que nous avancions sur la solution politique et c'est ce que j'ai dit à mes interlocuteurs.
J'ai évoqué la question de Bachar al-Assad qui ne peut pas être la solution. Il ne peut pas être le président d'une Syrie réconciliée, avec des institutions stables, qui garantissent la paix et permettent à ce pays de se reconstruire.
Q - Et qu'ont répondu vos interlocuteurs ? Sachant que M. Mouallem était aujourd'hui présent à Alger.
R - Ils n'en font pas un sujet prioritaire, mais c'est un point d'appréciation sur lequel nous divergeons. Mais nous ne mettons pas de préalables au processus politique, nous souhaitons qu'avec toutes les parties, toutes les questions soient abordées. On ne dit pas qu'il faut commencer par cela avant d'avancer, mais sur la solution ultime, il faut le dire. Nous le disons à tous nos interlocuteurs qui sont les Iraniens, les Russes et les Américains, lesquels partagent aussi cet objectif. Aussi les discussions continuent.
Nous avons encouragé l'opposition syrienne à participer à ces discussions, à ces négociations et je dois dire qu'elle a fait des propositions. Le négociateur de l'opposition syrienne a été extrêmement précis, constructif. On ne peut pas en dire autant du côté des autorités du régime de Damas. Il faut poursuivre, persévérer et avancer en parlant à tout le monde. En tout cas, la France souhaite parler à tout le monde. J'ai eu mon homologue iranien, la semaine dernière au téléphone, on a abordé ces questions. Avec l'Arabie saoudite, on a aussi un dialogue, avec les Émirats aussi. On essaie d'avancer, de parler avec tout le monde, y compris avec les Russes. On est bien sûr en liaison avec nos partenaires européens, en particulier, avec les Allemands et les Britanniques, mais aussi avec les Italiens, et bien entendu avec les Américains puisque nous avons fait une réunion ensemble, il y a très peu de temps pour bien harmoniser nos positions. Mais en tout cas, on le voit bien, et les faits parlent d'eux-mêmes d'une certaine façon, la solution à la guerre, c'est une solution politique.
Q - Est-ce que la reprise de Palmyre est une bonne nouvelle pour le gouvernement français ?
R - On ne va pas se plaindre que Palmyre ne soit plus aux mains de Daech puisque le combat contre Daech est un combat prioritaire. Ce combat doit se poursuivre avec une très grande détermination, nous l'avons abordé dans nos échanges avec nos amis algériens. Nous devons combattre Daech en Irak, en Syrie, mais aussi en Libye, nous avons abordé aussi le problème libyen. Aussi il s'agit du combat de toute la coalition contre Daech.
Palmyre, aux yeux de beaucoup de gens, c'est un symbole. La destruction de Palmyre, ou la tentative de destruction de Palmyre, c'est un symbole de haine contre la culture et une certaine idée de la civilisation. Mais en même temps, quand Palmyre a été conquise par Daech, on ne peut pas dire que le régime de Damas ait été très défensif pour empêcher cette prise, et on peut le regretter. Peut-être que s'il y avait eu, à l'époque, une réaction aussi forte, on n'en serait pas là, on aurait pu éviter la prise de Palmyre. Voilà, c'est du passé, mais je tenais à le rappeler et cela ne doit pas exonérer le régime de Damas de la responsabilité qu'il a de la manière dont il a traité son peuple.
Q - Vous étiez surpris de la concomitance de votre visite avec celle de M. Mouallem ?
R - Je n'étais pas informé de cette visite, les autorités algériennes font ce qu'elles ont à faire. Mais je n'ai pas eu l'opportunité ni le souhait de rencontrer le ministre des affaires étrangères syrien et je pense que la concomitance tient au fait que mon voyage a été organisé très récemment. Et j'imagine que l'autre était déjà envisagé depuis un certain temps.
Q - Donc pas de rencontre secrète ?
R - Non, pas de rencontre secrète. Tout est transparent en ce qui nous concerne, et clair. C'est pour cela que je tenais à vous affirmer tout ça. Ce que je vous dis, je le dis à mes interlocuteurs, dans les mêmes termes. (...).
source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 8 avril 2016