Déclaration de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense, sur l'usine SAGEM et sa production d'armements, à Montluçon le 5 avril 2016.

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Circonstance : Visite de l'usine SAGEM, à Montluçon (Allier) le 5 avril 2016

Texte intégral


Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs,
Monsieur le Président,
Monsieur le Directeur général adjoint, cher Philippe Petitcolin,
Je suis très heureux d'être avec vous, d'autant que nous nous retrouvons ici dans un lieu exceptionnel pour un moment exceptionnel.
A l'évidence il y avait un peu de folie, au milieu de la Grande Dépression, en 1934, à venir implanter une usine ici à Montluçon. Vos aînés pouvaient-ils parier que ce site gagnerait un leadership européen et mondial dans les domaines alors inconnus de la navigation inertielle et des drones tactiques ?
Je suis frappé de cette audace, celle d'un enfant du pays revenu de Paris. Je suis surtout impressionné par la capacité d'adaptation unique dont a fait preuve cet établissement tout au long de son histoire. Avant de faire des gyroscopes, des missiles, des drones, les ateliers de Montluçon ont fabriqué des téléimprimeurs, des machines à chaussures, des engins d'extraction pour la mine, des décodeurs de télévision… Vous, salariés de SAGEM à Montluçon, êtes les dépositaires de cette agilité. Elle est, pour l'avenir, un atout incomparable.
Bien sûr, l'agilité est parfois difficile à soutenir dans la durée. Il y a plusieurs années, ce site a subi un plan social rigoureux. Je sais les inquiétudes, encore récentes, concernant l'activité de certains ateliers que nous venons de visiter. C'est vrai qu'il a pu être question de réfléchir à des solutions palliatives, pour préserver l'emploi. Mais c'était avant les contrats export de l'Armement Air-Sol Modulaire, l'AASM [l'A2SM], induits par l'export du Rafale. C'était avant la sélection du Patroller. J'y reviendrai. Aussi, en visitant ce site aujourd'hui, je suis heureux de constater cette formidable vitalité et des perspectives exceptionnelles. Combien d'entreprises rêveraient d'avoir leur plan de charge assuré jusqu'en 2020 ? C'est votre cas aujourd'hui et vous avez toutes les raisons d'en être fiers.
Cette réussite, elle n'est pas tombée du ciel. Vous la devez à votre ténacité, à votre souci de la qualité – cette exigence de perfection qui permet à un gyroscope de sous-marin de garder une position fiable pendant des milliers d'heures.
Cette réussite, Montluçon la doit également, j'en suis convaincu, à sa capacité à transmettre son savoir-faire industriel à travers les générations. On me dit que l'apprentissage est une longue tradition dans cet établissement. Sagem proposait une formation très complète à ses apprentis dès les années 1930 – ce qui incluait des séances de gymnastique et de jardinage. Transmettre, ce n'est pas figer. J'ai pu échanger au cours de la visite avec des jeunes salariés embauchés en apprentissage. Ils héritent de compétences de pointe mais également de la capacité à les faire évoluer, car tout au long de leur carrière ils participeront au développement de nouvelles technologies. Cet esprit de transmission permet que les atouts du passé deviennent les clés de réussite du futur.
Votre établissement est, depuis plus de cinquante ans, un fournisseur essentiel de la Défense puisque, avec les centrales inertielles, il produit une composante essentielle de notre autonomie stratégique et de la dissuasion française. Les technologies inertielles, je le rappelle simplement, permettent de se repérer même sans satellites de géolocalisation. Voilà pourquoi les composants issus des ateliers Coriolis équipent nos forces, depuis les sous-marins, les Rafale, les hélicoptères, jusqu'aux missiles. Ce savoir-faire unique a su évoluer au fur et à mesure que des technologies nouvelles sont apparues : les gyroscopes classiques, puis les gyrolasers, et enfin les gyroscopes résonnants hémisphériques, les « GRH », apparus dans les années 2000.
Le guidage inertiel est une composante essentielle des missiles AASM, qui sont assemblés sur ce site. Les AASM constituent une vraie réussite industrielle, sur laquelle je veux insister. Le succès du Rafale, en effet, ne peut pas être séparé de la capacité de frappe que lui procure l'AASM, qui est un armement discriminant pour le Rafale, puisqu'il offre la capacité, unique, de frapper simultanément six objectifs dans la profondeur à partir d'un seul avion.
Si le plan de charge de l'établissement de Montluçon est assuré pour les cinq prochaines années, c'est ainsi grâce aux contrats export en Egypte, au Qatar. Je souligne par ailleurs que nos forces se retrouvent à employer quotidiennement le missile AASM au Levant, dans l'opération Chammal. Elles disposent avec lui d'une arme extrêmement performante au service des opérations. Je sais que l'Armée de l'Air en est très satisfaite – ses représentants ici ne me contrediront pas.
Mais permettez-moi de revenir à la raison première de notre présence ici aujourd'hui : la signature du contrat Patroller, dans quelques instants, par Vincent Imbert, le délégué général adjoint pour l'armement, et Philippe Petitcolin, le directeur général de Safran. Dans l'atelier où nous sommes, qui a produit le SDTI, notre ancien drone tactique, seront bientôt produits les nouveaux drones tactiques de l'armée de terre, les Patroller. Il y a là, je crois, une autre raison de se réjouir et d'être confiants dans l'avenir.
Le nouveau drone tactique offrira, par rapport à son prédécesseur, des performances accrues, en particulier une meilleure endurance et une plus grande qualité d'image. Il permettra une approche « multi-capteurs », emportant simultanément deux charges utiles – optique et radar par exemple. Cette capacité est essentielle sur le terrain, car elle apportera des renseignements précieux au chef tactique pour le conforter dans la manœuvre terrestre, pour l'aider à préserver au mieux la sécurité de ses hommes, l'orienter dans ses décisions.
Pour ce drone tactique, il existait plusieurs solutions industrielles. En application de la réglementation, j'ai décidé de lancer une compétition en 2014. L'appel d'offres a été mené conjointement par la DGA et l'armée de terre, avec une grande rigueur, que je tiens à saluer. Des tests grandeur nature ont été réalisés l'été dernier afin de comparer les deux produits concurrents en situation réelle. Au final, et sans ambiguïté, c'est le Patroller qui s'est avéré le mieux pour répondre au besoin de l'armée de terre, notamment pour ses qualités optroniques, son endurance, et ses capacités à voler sur le territoire national.
Une telle compétition, j'en suis convaincu, honore l'industrie française. Je me félicite que nous disposions, dans ce domaine des drones tactiques, d'une filière industrielle solide avec deux produits d'une qualité exceptionnelle. C'est un luxe que nous n'avons pas toujours eu : ainsi dans le domaine des drones « Moyenne Altitude Longue Endurance », les drones MALE, nous n'avions pas eu de meilleur choix que de commander aux États-Unis.
Cette victoire de Sagem n'aurait pas été possible sans sa capacité à fédérer une équipe, à travers le cluster Patroller qui réunit 25 entreprises, principalement des PME. J'ai la conviction que les PME sont essentielles à la réussite de notre industrie. L'excellence du Rafale, et ses succès à l'export, reposent sur des PME. Si je me permets ce message ici, dans le grand groupe Safran, c'est que je connais votre capacité à entretenir un écosystème d'entreprises de toutes tailles pour soutenir son innovation et son dynamisme. Le Patroller en est la démonstration éclatante. Je tiens à saluer à cet égard les dirigeants de Vodea et Silkan, qui appartiennent au cluster Patroller et que j'ai pu rencontrer tout à l'heure au cours de la visite. Silkan est une PME spécialisée dans les systèmes de simulation embarqués. Je sais qu'elle rayonne jusque dans la Silicon Valley ! Vodea, de son côté, développe des boîtiers qui permettent de gérer le flux d'image du drone en temps réel.
A rebours d'une attitude décliniste qui est trop souvent de mise dans notre pays, je voudrais souligner que le Patroller marque la présence de l'industrie française, de son excellence, dans un domaine aussi important pour notre souveraineté que celui des drones. Le Patroller est « made in France » à 85%. Pour produire le Patroller acheté pour l'armée de terre, Sagem créera 300 emplois qualifiés en France – ici à Montluçon, mais également à Fougères, à Eragny, à Poitiers. Si le Patroller est vendu à l'export – et je crois savoir que certains pays ont déjà présenté des marques d'intérêt, d'autres emplois seront alors créés.
Ces créations de poste annoncent, j'en suis certain, des jours meilleurs sur le front de l'emploi dans le département de l'Allier comme ailleurs. Je me souviens de la décision que j'ai dû prendre en septembre 2013. Cette décision douloureuse, c'était la fermeture du détachement air 277 de Varennes-sur-Allier. Mais aujourd'hui, à Varennes aussi, plusieurs emplois industriels dans le secteur de la Défense ont été créés avec l'arrivée du groupe NSE en plus des mesures d'accompagnement en faveur des personnels de la base qui ont retrouvé un poste, principalement dans le département de l'Allier. Les temps changent, Mesdames et Messieurs, et nos territoires renouent avec l'industrie. Vous qui travaillez dans ce lieu exceptionnel, vous pouvez être fiers de votre succès. Le Patroller, les missiles AASM, les centrales inertielles, sont des produits de très haute technologie au service de la France, de sa Défense et de son économie. Il résulte de la haute exigence de l'esprit d'équipe, de la capacité d'adaptation, de l'audace dont vous faites preuve au quotidien sur ce site.
Je vous remercie de votre accueil chaleureux, et je vous propose de passer maintenant à la signature du contrat Patroller.
Source http://www.defense.gouv.fr, le 13 avril 2016