Déclaration de Mme Michèle Alliot-Marie, présidente du RPR, à RTL le 26 septembre 2001, sur les questions soulevées par l'explosion de l'usine AZT à Toulouse et sur la situation politique face aux enjeux de la tension internationale.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Explosion d'une usine de produits chimiques à Toulouse le 21 septembre 2001

Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

R. Elkrief Vous êtes la présidente du RPR. Vous vous rendez à Toulouse cet après-midi, aux côtés de J. Chirac et de L. Jospin, pour assister à une messe à la mémoire des victime de l'explosion de Toulouse. Vous êtes maire d'une ville, Saint-Jean-de-Luz. Que pensez-vous de ce débat, indispensable et inévitable, sur la fermeture des usines à risques ?
- "Je vais à Toulouse parce que je suis maire de la ville de Saint-Jean-de-Luz et qu'il y a beaucoup de liens avec Toulouse. C'est peut-être ce qui me rend d'autant plus sensible au drame qu'ont vécu les Toulousains. Nous avons de nombreux Toulousains qui viennent à Saint-Jean-de-Luz en week-end ou en vacances, nous avons des étudiants qui étudient à Toulouse, nous avons donc des liens très forts. Ce qui me frappe dans cela, c'est que ce drame a frappé à Toulouse des milliers de victimes, alors même qu'existe un dispositif juridique complet de prévention. Ce sont les lois de 1976 sur les installations classées, c'est la loi de 1987 pour l'organisation de la sécurité civile."
Et qui n'a pas marché ?
- "C'est justement les questions que nous nous posons. Est-ce que ces dispositions qui avaient été prises par des gouvernements et complétées par d'autres dispositions européennes, ont été respectées ? Et d'ailleurs, comme maire, bien que je n'aie pas d'usine à risques près de ma ville, est-ce que ces dispositions sont respectées sur les 1.250 sites dits Seveso, c'est-à-dire des sites classés pour un risque dans l'ensemble de la France ? Est-ce que les études de dangerosité qui sont prévues par ces textes sont régulièrement mises à jour ? Est-ce que les plans sont opérationnels ? Est-ce que l'administration a les moyens de procéder à l'ensemble des introspections qui sont nécessaires ? Est-ce que les zones de non-construction ont été respectées ? Je ne sais pas et c'est la raison pour laquelle nous sommes favorables à la constitution d'une commission d'enquête parlementaire sur cela, mais également sur d'autres problèmes qui peuvent aussi mettre en danger la vie des gens, comme par exemple, les transports ferroviaires de matières dangereuses ou bien un certain nombre de sites où sont déposés des explosifs. Tout cela doit nous amener à nous interroger. Je pense effectivement aujourd'hui aux victimes, à leurs familles et je dis : "Faisons en sorte que cela ne risque pas de se reproduire"."
Est-ce qu'il faut répondre concrètement, par exemple, à J.-C. Gaudin, qui a deux usines dans la région de Marseille, à A . Juppé qui en a une à Bordeaux ? Faut-il faut répondre par la fermeture des usines près des agglomérations ? Est-ce que c'est aussi simple que cela ?
- "Ce n'est pas aussi simple que cela, d'abord parce qu'il y a des milliers de personnes qui y travaillent. Mais la première des choses est de voir si toutes les conditions de sécurité sont effectivement respectées. De la même façon, il va falloir que l'enquête, espérons-le, puisse expliquer ce qui s'est passé, s'il y a eu des défaillances pour ce dispositif ; car s'il y a eu des défaillances, il faudra y mettre fin."
Revenons à la situation international : elle est évidemment prégnante, cela met un peu au chômage technique les partis politiques et la campagne électorale, non ?
- "Dans des situations aussi dramatiques, on vient aux questions essentielles et, à partir de là, cela élimine toute une série de questions secondaires et d'attitudes qui ne sont pas à la hauteur. Les Français ne comprendraient pas les petites polémiques, les petites querelles de personnes et de ce point de vue là, c'est une bonne chose, le débat politique est remis à son vrai niveau, c'est-à-dire celui des enjeux principaux."
Est-ce qu'il faut comprendre que le débat ne doit donc que finalement se dérouler qu'entre les plus fortes personnalités de l'Etat, comme a dit J.-L. Debré dans Le Monde, hier : "Les Français ont besoin d'un chef d'Etat, pas d'un chef de bande" ? Est-ce que cela veut dire qu'il ne faut pas qu'il y ait d'autres personnalités que le président et le Premier ministre qui tiennent la parole, que les autres candidats à la présidentielle n'ont pas tellement voix au chapitre ?
- "Cela veut dire d'abord que les questions de personne doivent passer au deuxième plan et que ce sont les idées qui doivent faire l'enjeu du débat. Ce qui devrait toujours être le cas. Mais je constate souvent qu'on s'attache davantage aux querelles de personnes ou aux petites phrases. Nous ne sommes plus à la période des petites phrases et des petites attaques personnelles."
Que pensez-vous de la candidature inopinée de V. Giscard d'Estaing ?
- "Les Français ne pensent pas à cela. Les Français veulent aujourd'hui qu'on les rassure, qu'on leur dise ce qui va se passer, qu'on leur explique à la fois quels sont les enjeux de la tension internationale actuelle, quels vont être les enjeux de la résistance contre le terrorisme à laquelle nous nous sommes engagés aux côtés des Etats-Unis, mais également avec le plus grand nombre de pays. Ils veulent également, probablement, qu'on leur dise quelle est la part qui revient à la responsabilité des terroristes et des fondamentalistes intégristes et quelle part il ne faut pas faire dans un amalgame qui serait dramatique, et qui correspondrait d'ailleurs à ce que cherchent les terroristes, avec l'ensemble du monde musulman. Il ne s'agit pas aujourd'hui de montrer du doigt l'ensemble du monde musulman et de créer les bases d'une guerre entre un monde occidental et un monde musulman. Les Français attendent cela. Ils attendent aussi des responsables politiques, quels qu'ils soient et quelles que soient les personnes, qui leur disent ce que l'on va faire pour eux. Parce qu'il est vrai aussi que la vie continue en France, qu'il y a de grands enjeux, que les Français s'interrogent sur la sécurité"
Ne soyons pas dupes, la campagne continue ! On a vu la réunion de l'Union en mouvement, samedi dernier, où l'on a tressé des lauriers à J. Chirac sur tous les tons - c'était quand même un peu le candidat - et où on a critiqué L. Jospin, l'adversaire potentiel. Cela, tout de même, les Français le voient aussi.
- "Il ne faut pas rentrer dans ce type de raisonnement. Aujourd'hui, il y a un débat. Mais c'est, je crois, un vrai débat. C'est-à-dire qu'entre les socialistes et nous, au moment des élections, dans huit mois maintenant, nous allons proposer deux visions de la société, deux visions de la sécurité au quotidien, deux visions du développement économique"
Les centristes, A. Madelin et les autres, c'est terminé pour vous ?
- "Non, mais je crois qu'il y a simplement des gens qui sont plus proches les uns des autres. Aujourd'hui, il y a un vrai débat d'idée entre la droite et la gauche. Et ce qui est important, c'est de montrer ce que l'on a à proposer. Nous proposons, nous, de créer une société où les gens puissent avoir confiance dans l'Etat et se dire que l'Etat va garantir leur sécurité, que l'Etat va garantir un développement économique, qu'en même temps l'Etat va suffisamment leur faire confiance pour reconnaître leur travail, leur mérite, laisser faire."
Pour revenir sur V. Giscard d'Estaing. Comment avez-vous pris sa déclaration : comme une bonne blague, comme une manière de se remettre en scène, sérieuse ?
- "Je l'ai trouvée un peu surprenante et peut-être, dans le contexte international actuel, un peu décalée."
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 27 septembre 2001)