Interview de M. Philippe de Villiers, président du Mouvement pour la France, à RTL le 7 novembre 2001, sur son hostilité à la mise en place de l'euro, la politique étrangère de la France après les attentats aux Etats-Unis et sur la politique de défense.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

Ruth Elkrief
Bonjour Philippe de Villiers, vous êtes le président du Mouvement pour la France, et vous sortez un livre chez Albin Michel : "Vous avez aimé les farines animales, vous adorerez l'euro". C'est un livre un peu à votre habitude, un pamphlet qui dénonce les "Pol Pot" de la monnaie unique, donc contre l'euro. C'est une manière d'amorcer votre campagne présidentielle ?
Philippe de Villiers
- Ecoutez, on ne parle que de la campagne présidentielle, des candidatures, on ne parle pas du fond, et moi je souhaiterais qu'on parle du fond ; c'est une manière d'ouvrir un débat, si tant est que ce soit encore possible !
Vous dites "ouvrir", alors que vous avez des chapitres quand même très violents : propagande d'armes, manipulations. Vous avez votre avis déjà, c'est loin d'être un débat !
- Attendez... je voudrais dire ce que j'ai voulu écrire ! j'ai voulu démontrer, par-delà la gêne que va créer l'euro le 1er janvier prochain, par-delà le malaise, le vague sentiment qu'on aura tous d'être un peu dans un pays étranger, puisque perdre sa monnaie c'est perdre beaucoup de ses repères Et il y a derrière la démarche de l'euro une erreur fondamentale, et je dirais un engrenage. Une erreur fondamentale parce que ça consiste, l'euro, à plaquer une politique monétaire unique sur des économies qui sont divergentes, sur des sociétés qui sont différentes, et des cultures hétérogènes. Par exemple quand vous avez un taux de croissance de 10 % en Irlande et de 1 % en Allemagne, si vous avez la même banque centrale et le même taux d'intérêt, ça ne peut pas fonctionner très longtemps !
C'est quand même ce qui se passe aujourd'hui, ça fonctionne. Vous aviez dit ça sur Maastricht, et puis le temps a passé. Ca ne marche pas trop mal !
- Au moment de Maastricht, on nous a expliqué que la monnaie unique c'était une simple commodité technique, et puis aujourd'hui on s'aperçoit qu'en réalité une monnaie qui n'est pas adossée à un peuple et à un Etat n'a pas de crédibilité ; c'est pour ça d'ailleurs que l'euro est une monnaie génétiquement faible. Et qu'est-ce qu'on va nous dire au lendemain.
Génétiquement faible... vous aimez ces expressions ?
- Ecoutez, l'euro est une monnaie faible par rapport au dollar ! c'est évident ! On nous avait dit : ça sera la plus forte monnaie du monde. Aujourd'hui, c'est une monnaie qui fait sourire les Américains ! elle a perdu 25 % de sa valeur ! c'est ce que j'appelle "une monnaie génétiquement faible". Et pourquoi elle est génétiquement faible ? parce qu'elle n'a pas de crédibilité. Et pourquoi elle n'a pas de crédibilité ? parce qu'elle n'est pas adossée à un Etat ! Et qu'est-ce qu'on va nous expliquer à partir du 1er janvier ? eh bien que pour que cette monnaie fonctionne, il faut une condition qui n'est pas remplie : c'est-à-dire un super Etat européen, avec le pouvoir confié à des banquiers sans légitimité démocratique, et avec l'idée d'une super fiscalité, d'un super droit du travail, etc... C'est-à-dire tout unifier pour que cette monnaie fonctionne. Et moi je refuse l'idée de ce super Etat, qui est un monstre technocratique.
Philippe de Villiers, la semaine dernière vous demandiez un référendum sur le retour de la peine de mort, après la fusillade de Tours. Aujourd'hui vous sortez un livre donc très violent sur l'euro. C'est une manière de crier plus fort que les autres pour se faire entendre ?
- C'est tout, sauf un livre violent ! C'est un livre de démonstrations qui n'est pas un pamphlet. Simplement aujourd'hui quand on a le ton vif, immédiatement. Parce que vous avez remarqué : il n'y a pas de débat ! - C'est quand même extraordinaire que, aujourd'hui en France, on s'apprête à en finir avec notre monnaie, à laquelle les Français sont attachés, et qu'il n'y ait aucun débat ! alors j'espère, je vous remercie d'ailleurs, je remercie RTL, parce qu'on va - peut-être - ouvrir le débat. Je dis à Alain Duhamel, dont j'admire le talent chaque matin : ouvrez le débat ! c'est étonnant ! pourquoi il n'y a pas de débat ? Parce que les gens, les euromaniaques, les eurolâtres, ont peur de ce débat, parce que les Français vont découvrir le 1er janvier que les petits avantages de l'euro sont nettement inférieurs aux grands inconvénients de l'euro ! et qu'en réalité, l'histoire de cette monnaie unique, elle est finalement très simple : elle consiste, pour faciliter la vie d'une petite minorité, à compliquer la vie d'une immense majorité !
Philippe de Villiers, vos n'avez pas l'impression finalement que dans ce contexte de la guerre en Afghanistan, des attentats terroristes, une Europe plus forte serait très utile justement au contraire ?
- Moi je crois qu'une Europe forte, c'est une Europe fondée sur les diplomaties nationales. C'est d'ailleurs ce qu'on voit en ce moment !
Et vous trouvez que ça marche bien ?
- Ecoutez, en tout cas il y a une chose qui ne marche pas du tout, Ruth Elkrief, pas du tout, c'est la PESC !! la fameuse Politique Etrangère et de Sécurité Commune. Elle a disparu ! Monsieur Solana en a même oublié son nom ! Par contre ce qui marche, malgré tout, c'est le voyage de Monsieur Chirac à Washington, le voyage de Monsieur Blair, etc...
Et vous applaudissez Monsieur Chirac, vous trouvez "qu'il fait bien son boulot", entre guillemets ?
- Non, je pense que Jacques Chirac a commis au début de son septennat une erreur grave : c'est d'avoir supprimé le service national ! parce qu'on voit bien aujourd'hui qu'il nous faudrait au moins une garde nationale, c'est-à-dire l'idée d'une conscience civique. Contre le terrorisme, chaque citoyen est son propre défenseur. Dans sa tête. Donc c'est une erreur fondamentale ! De même que Monsieur Chirac, qui a raison d'aller à Washington dire son soutien aux Américains - puisque ce sont les démocraties occidentales qui sont attaquées par le terrorisme islamique - devrait aussi se préoccuper du problème de nos frontières, et d'un problème grave : c'est que les terroristes se préparent en Europe, à Hambourg, à Londres et dans nos banlieues !
Donc Philippe de Villiers répète : l'Europe, attention, l'Europe, c'est mauvais, l'Europe c'est méchant et ça nous fait du mal !
- Non ! mais non attendez je suis aussi européen que vous et que chacun d'entre nous... Je dis simplement que l'organisation actuelle qu'on nous propose, et qui consiste à faire perdre aux nations le pouvoir de faire leur loi, de battre leur monnaie et d'organiser leur défense, c'est une erreur ! Regardez la politique militaire de la France ! Et donc par conséquent sa diplomatie...
Vous l'avez dit, oui ?
- Non, la politique militaire de la France. On a un outil de défense qui a été sabordé sur le plan budgétaire, sur le plan technique et sur le plan stratégique. On ne peut même pas envoyer un porte-avions...
Philippe de Villiers, vous n'avez pas répondu à ma question : est-ce que c'est le début de votre campagne présidentielle ? est-ce que vous allez vous lancer dans la compétition, sachant que Jean-Pierre Chevènement existe déjà, et a déjà ses thèmes anti-européens ?
- Attendez, la campagne présidentielle elle démarrera, Ruth Elkrief, au mois de février !
Vous vous déciderez quand alors ?
- Les gens qui nous écoutent alors, "ils s'en tamponnent le coquillart" de savoir si Philippe de Villiers va être candidat ! Il y a déjà un trop-plein de candidats.
C'est bien de le reconnaître ! vous êtes assez lucide !
- Voilà, exactement ! par contre, ils aimeraient qu'il y ait chaque matin, notamment sur RTL, des gens qui disent que les questions qui se posent il faut les poser ! premièrement : qu'est-ce qu'on fait de la France ? est-ce qu'elle a encore une utilité dans le monde ? et moi j'ai mal à la France ! quand je vois l'affaire du Stade de France, France/Algérie, ça me réveille la nuit ! voilà ! je le dis franchement, voilà ! alors il y a des gens qui s'en foutent, mais moi je ne m'en fous pas ! Et deuxièmement : qu'est-ce qu'on fait de la sécurité des Français ?
Bon ça, ça m'a tout l'air d'un programme quand même, malgré tout ce que vous dites
- Mais ce sont des questions, ce sont des questions qu'il faut poser...
Très bien !
- Et qui doivent être au cur de la campagne présidentielle qui s'engage !
(source http://www.mpf-villiers.org, le 21 novembre 2001)