Texte intégral
Mesdames et Messieurs les élus,
Monsieur le Président,
Je suis très heureux d'être ici à Garchizy. Nous nous connaissons déjà puisque je vous ai souvent rencontrés, notamment sur les différents salons auxquels Renault Trucks Défense participe ; mais c'est un plaisir tout particulier de venir sur ce site dont l'histoire est si riche, et qui concentre nombre d'enjeux que je veux aborder aujourd'hui.
Alors oui, votre histoire est riche, et j'ai découvert avec enthousiasme l'origine de vos succès industriels, ancrés dans l'histoire de la métallurgie nivernaise, une aventure industrielle de près de trois siècles. Dès le milieu du 18e siècle, une première forme d'industrie de défense voit le jour à Guérigny, non loin d'ici, grâce à l'installation de forges royales par Pierre Babaud de la Chaussade. Abondamment boisé et riche en minerai de fer, le territoire était tout désigné pour cette activité. Ces forges ont longtemps alimenté la marine nationale, fournissant notamment les ancres, les canons, les mines et les torpilles et différentes pièces de métallurgie.
Plus près d'ici encore, les fonderies de Fourchambault, fondées par la famille Boigues, employaient plusieurs milliers de personnes, et produisaient au 19e siècle plusieurs milliers de tonnes de fer par an. J'ajoute, pour le plaisir de l'anecdote, qu'une partie des engrenages des ascenseurs de la Tour Eiffel ont ainsi été réalisés à Fourchambault.
Pour en venir plus particulièrement au site où nous nous trouvons, son activité industrielle remonte à la compagnie Le Matériel Roulant qui réalise, dès 1916, des wagons de chemins de fer pour le transport de personnels ou de marchandises. Lorsque la compagnie disparaît, au début des années 1920, le site est repris par l'armée qui y répare ses propres matériels. C'est le début de l'établissement central du matériel du chemin de fer.
Après la deuxième guerre mondiale, votre site a perpétué, sous différentes appellations, sa vocation de soutien aux armées : d'abord avec l'établissement de réserve générale du génie en 1945, puis l'établissement du matériel du génie en 1966 et l'établissement du matériel de l'armée de terre en 1994. Il devient enfin base de soutien du matériel de l'armée de terre en 1999. J'étais d'ailleurs hier sur le site de Gien de la 12e BSMAT pour avoir une bonne connaissance de l'ensemble des problèmes de soutien et de motorisation de nos forces armées.
Lorsqu'au début des années 2000 sonne la fin de la conscription, le ministère de la Défense cherche à se séparer d'une partie de ses emprises. La Direction Centrale du Matériel n'échappe pas à cette règle, d'autant qu'ayant hérité d'un grand nombre d'établissements, elle a pour objectif de mieux concentrer ses efforts pour accompagner les unités engagées en opérations.
L'idée de la cession du site naît de la rencontre entre deux hommes, le Général Michel Berthelemy, alors Directeur central du matériel, et Serge Perez, alors président de Renault Trucks Defense.
En 2006, le premier emmène le second visiter l'établissement de Fourchambault ; ils poursuivent pourtant des objectifs divergents : le militaire veut continuer à faire vivre ce site dont il a été le chef de corps, tandis que l'industriel cherche de la charge pour alimenter les usines qu'il possède déjà. Mais très vite, les deux hommes trouvent un terrain d'entente. En visitant le site, avec ses larges travées, l'industriel ne peut qu'être convaincu de son formidable potentiel. L'officier général, de son côté, comprend qu'il est nécessaire de donner un embryon d'activité aux chaines de réparation. Les véhicules de l'avant blindés [VAB] de l'armée de terre, usés par les milliers de kilomètres parcourus sur les pistes de la République de Côte d'Ivoire, lors de l'opération Licorne, viendront les alimenter.
L'accord étant trouvé, il faut désormais convaincre. Le Général Berthelemy doit justifier de ce premier partenariat public-privé d'un autre genre, tandis que Serge Perez doit convaincre le comité de direction de Renault Trucks de reprendre, en 2006, un site industriel majeur de la Nièvre, alors que depuis 10 ans l'entreprise était engagée dans un plan de réduction de son nombre d'emprises.
L'opération démarre et toute son intelligence provient de l'ambition raisonnable, mesurée, qui l'anime au départ. Dix premiers volontaires de Renault Trucks Defense, choisis pour armer cette nouvelle structure, s'installent. Parmi eux, je veux saluer Fabrice Verdeaux, actuel directeur du site, qui a fait partie de ce harpon, comme on dit en langage militaire. On peut imaginer que cette avant-garde se soit sentie un peu seule dans les grandes travées de l'usine.
On peut aussi imaginer, qu'au début, la cohabitation entre le personnel de Renault Trucks Defense et celui de la BSMAT n'a pas été simple. C'était un enjeu pour la réussite du projet, et très vite une bonne entente s'est établie.
La contractualisation elle-même était innovante. De manière modulaire, en fonction du flux et en fonction de son budget, l'administration peut en effet choisir le niveau de réparation. Certains VAB sont remis en état pour servir à l'entrainement en métropole, tandis que d'autres bénéficient d'une revalorisation complète pour être de nouveau utilisés en opérations extérieures. La formule connait un grand succès, puisqu'en dix ans, pas moins d'un millier de VAB a ainsi été réparé.
En même temps, le site s'est également diversifié : les vastes espaces à disposition ont permis d'installer les activités de logistique de l'ensemble des activités de Renault Trucks Defense [RTD]. Cette vocation de la plate-forme logistique s'est confirmée en décembre 2014, lors de la notification du contrat Scorpion, puisque le site de Fourchambault est choisi comme plate-forme logistique global du programme. Il assurera cette fonction pour RTD, Thales et Nexter. Plus de 7 millions d'euros vont être investis à cette fin dans les prochaines années ici. Par ailleurs, un atelier de réalisation de caisses de blindés qui est progressivement mis en place. Plus d'une centaine des caisses de Bastion pour des armées africaines ou de VAB Mark 3 pour l'exportation a ainsi été réalisée en 2016.
Les impacts sur l'emploi sont exceptionnels, et je crois que l'on peut véritablement parler d'une reconversion réussie : d'une dizaine d'emplois en 2006, nous sommes passés aujourd'hui à près de 300 sur ce site. Je voudrais, à ce moment, remercier en particulier les collectivités locales et les élus qui ont aussi beaucoup investi, je sais combien ici vous avez été des acteurs déterminés. Je suis donc heureux de fêter aujourd'hui avec vous le dixième anniversaire de ce transfert.
Je veux ici remercier Renault Trucks Defense : qu'il s'agisse de sa participation au programme SCORPION qui est un programme majeur pour notre armée de Terre - il n'en est qu'à ses débuts et il va avoir un développement considérable - ou de son rôle dans l'entretien d'équipements clefs de l'armée de terre, le groupe assure dans toute la France une activité capitale pour la défense. Il est indéniablement un fournisseur historique de premier plan : avec une gamme couvrant les véhicules blindés légers et médians, les véhicules logistiques et d'autres véhicules tactiques, c'est un parc de près de 25 000 véhicules issus de RTD qui équipe aujourd'hui les forces armées françaises. Parmi ceux-ci, 2 660 des 3 950 véhicules de l'avant blindés (VAB) fabriqués sont encore en service ; une part importante de leur soutien ou de leur régénération est réalisée grâce aux capacités industrielles du site de Fourchambault.
Aujourd'hui, ce parc considérable est rudement mis à l'épreuve par les engagements de nos forces sur les différents théâtres. Ces engagements opérationnels, exigeants dans leur durée comme dans leur dureté génèrent une usure rapide. En termes de consommation de potentiel, les VAB roulent 6 fois plus dans la zone sahélo-saharienne qu'en métropole. Il faut les régénérer en permanence et vous êtes ici au coeur de ce travail.
Dans le cadre de son plan de transformation, la Structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres (SIMMT), dont je salue ici l'adjoint au directeur central, le Général Lacarrière ici présent, développe son partenariat avec les industriels de la Défense et notamment avec RTD afin d'améliorer la disponibilité de ces capacités indispensables pour le développement de nos forces.
Vous êtes donc maintenant au centre d'un programme majeur, le programme SCORPION, la plate-forme logistique va jouer un rôle déterminant pour la mise en oeuvre à la fois des GRIFFON et des JAGUAR.
Je voudrais aussi vous féliciter car vous avez également remporté un marché particulièrement attendu, celui des VLFS et PLFS, à savoir les véhicules légers et les poids lourds pour les forces spéciales dont j'ai pu expérimenter tout à l'heure leurs qualités, leur maniabilité et leur virtuosité. Ce PLFS qui sera bâti à partir du Sherpa, que je connais bien pour l'avoir vu à plusieurs reprises, et notamment au salon des forces spéciales, le SOFINS. Le premier exemplaire du PLFS sera livré aux forces dans les prochains jours. Et vous pouvez voir à ma droite, pour la première fois, le prototype du VLFS. Ce sont des marchés que vous avez gagnés grâce à votre savoir-faire.
Enfin RTD est aussi en lice pour le remplacement du parc de véhicules légers des armées, le programme véhicule léger tactique polyvalent VLTP-NP. Ce programme vise à renouveler rapidement un parc de véhicules légers hétérogène en fin de vie, indispensable à la capacité opérationnelle de nos forces et à l'opération Sentinelle. Je pense ici particulièrement aux P4.
Les besoins initiaux étaient de 4 200 véhicules. Il était urgent, dans cet ensemble, d'en acquérir 500 immédiatement, ce que j'ai fait pour que l'opération Sentinelle, décidée par le Président de la République, se mette en oeuvre le plus efficacement possible.
Au-delà de ces 500 premiers, j'ai lancé en parallèle une procédure d'acquisition pour 3700 VLTP-NP sur la base d'un besoin précis, qui correspond à la fois au contexte de l'opération Sentinelle et à celui des théâtres d'opération. Je souhaitais, je l'ai dit à de nombreuses reprises devant la représentation nationale, que l'industrie française prenne toute sa chance à l'égard de ce marché. Ainsi, et je vous l'annonce ici, c'est votre groupe RTD qui va produire et livrer 3700 véhicules supplémentaires pour les armées ! Ce n'est pas parce que je venais ici que nous avons choisi RTD, c'est parce que vous étiez à la hauteur de la demande que nous formulions. Et comme nous voulons que cet équipement soit rapidement mis en oeuvre en raison des besoins de nos forces armées, j'ai le plaisir de vous dévoiler ici le premier exemplaire. Si le principal site concerné par cette commande est celui de Saint-Nazaire, le contrat aura également des retombées sur Fourchambault, qui aura en charge la logistique associée pour ces 3700 véhicules.
Je voudrais vous dire aussi que m'occupant beaucoup de l'exportation, j'ai souvent l'occasion de vous croiser, je voudrais vous féliciter pour votre efficacité dans cette capacité export. Je cite en particulier votre filiale Mack Defense, qui a remporté l'an dernier un important contrat de plus de 1500 camions logistiques 8x8 lancé par l'armée canadienne. Ils seront en grande partie fabriqués sur le sol national, et je m'en félicite.
Ces dernières années, RTD a livré au total plus de 600 blindés et plus de 2000 camions au Moyen-Orient et en Afrique. Les gammes de produits Sherpa et VAB Mark 3 sont particulièrement appréciées par plusieurs clients. En Afrique, les matériels de la marque historique ACMAT sont très réputés et je m'en réjouis.
Puisqu'une bonne nouvelle ne vient jamais seule, je voudrais vous dire qu'au cours de mon déplacement au Koweït au mois d'août dernier, j'ai pu évoquer avec mon homologue le contrat pour la livraison de 300 véhicules SHERPA, d'un montant de près de 270 millions d'euros. Vous étiez dans l'attente d'une confirmation, cela m'a été confirmé par le ministre lui-même avant hier par téléphone. Vous n'avez plus qu'à signer le contrat.
Ces deux bonnes nouvelles sont dues, avant tout, à votre qualité, à celle des personnels ici présents, leur niveau de qualification, la volonté et la détermination des élus pour ce site. Les résultats sont au rendez-vous et j'imagine qu'il y en aura d'autres.
Vous pouvez donc être rassurés, RTD a un bel avenir devant lui sur l'ensemble de ses sites et singulièrement ici avec la dynamique que va entraîner l'ensemble de ces contrats sur la plate-forme logistique en particulier. Je sais que vous avez tous en tête le fait que le groupe Volvo ait décidé de céder Renault Trucks Defense. Je veux le dire tout de suite : les résultats exceptionnels que je viens d'évoquer sont la preuve que Volvo a été un actionnaire de qualité, qui a permis de développer l'entreprise. Il se retire, nous en prenons acte. Mais, je dois vous dire que je serai extrêmement vigilant pour que le processus de décision qui va se dérouler prenne bien en considération l'avenir de RTD puisque l'avenir est là, puisqu'il y a un plan de charge de qualité, une formidable dynamique à l'exportation, un personnel qualifié et aussi une volonté du gouvernement et de moi-même de faire en sorte que cet outil stratégique demeure sous maîtrise car c'est un élément majeur de notre souveraineté.
Je voulais, à la fois, vous rassurer, vous dire toute ma vigilance sur le processus qui va s'engager et qui, pour ma part, ne m'inquiète pas concernant votre avenir.
Mesdames et Messieurs, je terminerai par une anecdote, qui exprime le lien si particulier qui unit votre site à l'armée de terre : le char FT17, qui a été installé dans la cour d'honneur de Balard le 10 novembre dernier par le chef d'état-major des armées a été entièrement remis en état par des passionnés du site de Fourchambault. La rénovation a pris plus d'un an, et il a fallu avoir recours à des artisans locaux pour réaliser certaines pièces, dont les fameuses roues avant en bois de chêne.
Cette passion, cette compétence, cet amour du métier, je les ai rencontrés ici lors de ma visite, et ils expliquent parfaitement les résultats exceptionnels que vous rencontrez en France comme à l'export. Vous êtes un acteur de premier plan du ministère de la Défense. Soyez assurés que dans les mois qui viennent je veillerai à ce que votre avenir soit à l'image à la fois de vos compétences mais aussi de votre glorieux passé.
Je vous remercie.
Source http://www.defense.gouv.fr, le 12 décembre 2016