Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les membres du gouvernement sénégalais,
Mesdames et Messieurs les ministres,
Madame la Haute représentante, cher Federica Mogherini,
Monsieur le secrétaire général adjoint, cher Hervé Ladsous,
Mesdames et Messieurs, chers amis,
Monsieur le Président, après le succès de la première édition du Forum de Dakar en 2014, vous aviez annoncé l'an dernier, lors de l'ouverture de la deuxième édition, votre volonté de faire de ce Forum un rendez-vous annuel. L'enjeu était clair : assurer la pérennité de ce cadre unique d'échanges informels sur la paix et la sécurité en Afrique. Grâce à l'implication des autorités sénégalaises, en particulier de mon ami le ministre Mankeur Ndiaye, que je salue, et de toute son équipe, c'est aujourd'hui un pari réussi : l'événement que nous attendions connaît, en cette année 2016, sa troisième édition.
Ce qui nous rassemble, c'est une aventure collective à partir de l'idée visionnaire portée par le Président Macky Sall, lors du Sommet de l'Elysée en 2013. Aujourd'hui, l'idée est une réalité solidement ancrée : le Forum de Dakar est devenu incontournable ; il est ce rendez-vous annuel où se confrontent les approches et les visions, avec la ferme intention de faire avancer la réflexion stratégique concernant la paix et la sécurité sur le continent africain.
Grâce au caractère informel et non contraignant de nos échanges, c'est une véritable liberté de parole qui est à l'uvre. Ce Forum de Dakar est vraiment unique en son genre. Il est surtout soucieux, non seulement de la maturation de la réflexion stratégique sur l'Afrique, mais aussi d'une réflexion qui permette la décision. Le choix des thèmes retenus cette année nous place plus que jamais dans cette perspective politique et opérationnelle.
Les trois thèmes auxquels cette nouvelle édition du Forum nous propose de réfléchir plus spécifiquement, en croisant nos approches et nos expériences, doivent nous permettre d'envisager des solutions innovantes afin de relever ces défis.
Un mot sur chacun de ces trois thèmes : le premier d'entre eux, c'est la menace terroriste. A ce propos, la triste actualité de l'année 2016, avec les attentats qui ont frappé Bamako, Grand Bassam et Ouagadougou, mais aussi les actions violentes du groupe terroriste Boko Haram dans le bassin du lac Tchad ou d'Al Shebab en Somalie et au Kenya, nous rappelle, s'il en était besoin, que la menace terroriste demeure, plus que jamais, au centre de nos préoccupations.
Il est nécessaire de le rappeler, dans leur développement et leur tentative de prolifération, les organisations terroristes tirent principalement parti de la faiblesse des États. C'est un fait que nul d'entre nous n'ignore, le secrétaire général adjoint le rappelait tout à l'heure. Mais elles se nourrissent aussi, nous le savons bien, de la pauvreté, du sous-développement et de l'absence de perspectives au sein de sociétés en pleine expansion démographique, qui exigent donc une vision partagée de l'avenir. Ce sont là autant de fragilités qui constituent un terreau fertile pour l'ancrage et l'expansion de la menace terroriste.
Ne nous y trompons pas : ce qui motive ces groupes terroristes, c'est une soif de conquête du pouvoir par des moyens autres que politiques ; ils contestent en effet la légitimité des Etats tout ayant l'ambition de contrôler des territoires. Lorsqu'ils y parviennent, c'est au mépris de tout lien de société et d'humanité, en avilissant par leurs exactions les religions qu'ils prétendent représenter.
Je voudrais insister sur la dimension idéologique, parce que c'est malheureusement la plus difficile et la plus importante à réduire. Une arme peut neutraliser les terroristes, elle peut endommager leurs structures, mais il est autrement plus complexe de détruire une idée, même fallacieuse et meurtrière. C'est aussi sur ce terrain-là que nous devons mener le combat contre les groupes armés terroristes qui menacent aujourd'hui la sécurité de l'Afrique.
Avec le deuxième thème de ce Forum, nous nous pencherons cette fois sur la question cruciale du contrôle des espaces et des ressources.
Concernant les ressources, je pense à la saturation du foncier dans de nombreux pays, au manque d'accès à l'eau et à l'électricité, ou à la transition démographique. Ce sont autant de questions structurantes auxquelles nous tenterons d'apporter des éléments de réponse. A propos du contrôle des espaces, je pense notamment aux défis sécuritaires directs que l'immensité et, parfois, la porosité des frontières africaines, font peser sur les États face à des organisations terroristes et mafieuses qui sont par essence transnationales. Les organisations terroristes en Afrique de l'Ouest nous offrent un exemple prégnant de cette réalité : je pense à AQMI, qui profite des immensités sahéliennes ; je pense à Boko Haram auquel doivent faire face non pas un mais quatre États de la région.
A ce sujet, je rappellerai ici une des conclusions majeures à laquelle nous étions parvenus lors de l'édition 2014 du Forum : face à des menaces qui sont désormais principalement transnationales, il est primordial de privilégier des approches collectives et régionales. Aujourd'hui, ces approches régionales existent, et elles fonctionnent, J'en veux pour preuve le mécanisme du G5 Sahel ou bien la Force multinationale mixte (FMM) de lutte contre Boko Haram. La France est pleinement engagée dans ce type d'approches. Nous les soutenons, avec l'opération Barkhane et de la Cellule de Coordination et de Liaison installée à N'Djamena mais aussi avec l'action régional à partir de Dakar, des Eléments Français au Sénégal ainsi que dans le cadre de la dimension de sécurité maritime développée au niveau régional comme au niveau de l'Union Africaine.
A cet égard, je tiens à souligner l'excellence de notre coopération avec nos partenaires africains que ce soit dans les opérations communes que nous menons ou que ce soit aussi dans l'esprit de régionalisation qui anime, chère Federica, l'Union Européenne dans l'opération EUTM Mali dont nous devons saluer le rôle pour l'appui à la reformation et à l'entraînement opérationnel des forces armées maliennes depuis 2013.
Enfin, le panorama des réponses aux défis sécuritaires ne serait pas complet si je n'évoquais pas l'évolution des réponses armées africaines, en termes d'adaptation aux risques comme en termes d'objectifs. C'est le troisième thème : celui des nouveaux défis sécuritaire pour le continent africain.
Le caractère hybride des menaces et, par conséquent, celui des champs d'action des diverses forces de sécurité, appellent là encore des réponses innovantes et la France sera au rendez-vous auprès de ses partenaires africains pour soutenir cette démarche. Nous souhaitons d'abord renforcer notre coopération structurelle et opérationnelle, mais aussi en opération, dans une logique de continuum allant de la formation à l'engagement en passant par l'entraînement et l'équipement. Cette logique de soutien est aussi partagée par l'Union Européenne, la Haute représentante en parlera dans un instant. Elle exige de la formation de la formation mais elle exige aussi de l'équipement. Le chantier lancé à l'occasion du Sommet UE-Afrique de 2014 sur le soutien en équipements non-létaux par l'Union européenne, qui est devenu depuis l'initiative CBSD (en français, renforcement capacitaire en soutien à la sécurité et au développement). Cette initiative est en voie de produire ses premiers résultats. Cela prend du temps, mais nous souhaitons vivement que cela puisse s'accélérer lors du prochain sommet UE-Afrique fin 2017 qui se tiendra à Abidjan. Elles méritent notre mobilisation rsolue pour contribuer à leur engagement et au succès de leurs missions.
D'ici là, la France reste engagée aussi à titre national, puisque nous avons décidé de développer un plan stratégique de cession d'équipements qui permettra de rompre avec une logique qui, jusqu'à présent, nous paraissait trop se rapprocher du saupoudrage ou de l'émiettement.
Je conclurai ce propos liminaire par quelques réflexions s'agissant des voies où pourraient nous conduire les recommandations qui seront formulées à Dakar durant ces deux jours. Il nous reviendra notamment de les porter dans les enceintes multilatérales adéquates pour nourrir la décision politique et, in fine, faire progresser nos instruments de sécurité collective.
Je sais que certaines des thématiques qui seront abordées ici nous ont déjà mobilisés et que Dakar est le lieu d'un dialogue soutenu avec New-York, Bruxelles ou Addis Abeba. A ce titre, je tiens à rendre hommage au travail effectué par le Sénégal lors de sa présidence du Conseil de sécurité des Nations Unies en novembre dernier. Je pense aux débats qui ont été initiés, sous son impulsion, à propos des menaces asymétriques auxquelles font face les opérations de maintien de la paix ; je pense, en particulier, à la coopération renforcée entre l'ONU et l'Union Africaine, ou bien encore aux réflexions sur la question de l'eau à travers l'intéressant triptyque « eau-paix-sécurité ». L'ensemble de ces sujets font écho, de façon pertinente et féconde, aux thèmes de cette troisième édition du Forum.
S'agissant par exemple des opérations de maintien de la paix et des menaces asymétriques, nous soulignons l'urgence de voir les opérations de maintien de la paix de missions plus robustes pour faire face à des situations sécuritaires de plus en plus complexes et risquées.
A ce propos, nous avons tous à l'esprit l'exemple du Mali, où les Casques bleus conduisent des opérations essentielles et sont régulièrement la cible de groupes terroristes. Ils continuent à payer un lourd tribut en vies humaines, malgré le réajustement de leur mandat. C'est la preuve que cette initiative ne doit pas s'arrêter là : notre réflexion doit encore gagner en ambition ; c'est ce que nous pourrons faire dans le cadre de l'un des volets de discussion du Forum qui traite cette année de ce sujet central, ouvert tout à l'heure par M. Ladsous.
Ce sont là des exemples concrets du rôle essentiel du Forum de Dakar qui doit être concret. Je suis convaincu que la dynamique engagée depuis trois ans se poursuivra cette année encore.
En guise de conclusion, je tiens à remercier tous ceux qui ont à cur de faire de cette troisième édition du Forum de Dakar un nouveau succès. En acceptant de venir partager leur expérience et de réfléchir à des solutions d'avenir, ils contribuent à relever les défis qui nous rassemblent ici. Qu'ils puissent, cette année encore, éclairer les décideurs politiques dans leurs choix au service de la paix et de la sécurité en Afrique.
Je vous remercie.
Source http://www.defense.gouv.fr, le 5 janvier 2017