Texte intégral
F. Laborde Quel regard portez-vous sur la situation en Afghanistan ? Il va y avoir la réunion à Berlin la semaine prochaine, cet après-midi, au Parlement français, un débat. Et puis nos soldats - qui sont 60 ? - bloqués à la frontière ouzbèque, parce qu'ils ne peuvent pas rentrer sur le territoire afghan ?
- "Je voudrais parler de ce projet d'envoyer des troupes françaises - un tout petit détachement, 200 soldats - en Afghanistan. Evidemment, nous sommes aux côtés des Américains pour lutter et détruire le terrorisme islamiste. Nous avons nous-mêmes connu le terrorisme en France, nous savons ce que c'est et nous comprenons bien que c'est une affaire essentielle pour eux, qui ont subi des attentats épouvantables, et c'est une affaire qui concerne l'ensemble de la planète et notamment l'Europe. Mais en Afghanistan, les Etats-Unis ont voulu mener seuls le combat, décider seuls des opérations, rester maître de bout en bout des initiatives et des actions à entreprendre. C'était leur choix, et d'ailleurs c'était leur droit. Mais du coup, je pense qu'il ne faut pas envoyer nos soldats là-bas. D'abord, ils vont arriver après la bataille, comme vous le savez ; ensuite, avec des moyens dérisoires et sous la stricte autorité des Américains, ils seront réduits à faire la police de la circulation sur un aéroport. Il n'y manque plus d'ailleurs, ce qu'on voit maintenant, c'est-à-dire le refus de l'Alliance du Nord de voir nos soldats arriver. Franchement, tout ceci est humiliant."
"Humiliant" ? C'est le mot que vous employez ?
- "Tout ceci est humiliant ! C'est humiliant pour l'armée française, qui a l'ambition d'être la troisième ou la quatrième armée du monde, c'est humiliant pour la France. L'Europe n'aurait pas dû être en-dehors de tout ça. Mais la France ne devrait pas accepter d'être reléguée en deuxième position, comme un pays de second ordre, pour jouer des rôles de figuration."
J. Chirac a eu tort, en insistant pour que la France soit aux côtés des Américains ?
- "Je pense que la présence française en Afghanistan, dans le contexte que je viens de rappeler, ne se justifie pas et qu'elle est humiliante pour notre pays et pour notre armée. La France a un très grand rôle à jouer dans la lutte politique, stratégique, d'ensemble, planétaire contre le terrorisme islamique. Parce que nous sommes un pays qui a un place encore importante dans le monde. Mais encore faut-il vouloir jouer ce rôle et être capable de dire "non !" quand c'est nécessaire."
Là, vous considérez qu'on fait de la gesticulation ?
- "Rien..."
Quand vous entendez par exemple J. Chirac parler, vendredi soir aux Français, de façon un peu solennelle...
- "Oui, on fait semblant... Mais en même temps, on place la France dans une position de second ordre, on accepte qu'elle soit reléguée comme une petite nation."
On ne devrait pas jouer les seconds rôles ?
- "On ne devrait pas faire cela. On devrait s'efforcer de garder une place de grande nation."
On dit que les Américains n'ont rien demandé aussi aux Français, parce qu'ils ont gardé un très mauvais souvenir du Kosovo, où, à chaque fois, les Français demandaient ce que les Américains allaient taper, quels étaient leurs objectifs, c'était une négociation pied à pied ...
- "Je comprends que la France dise que nous ne voulons pas engager nos troupes sans que nous participions à l'entente des décisions. Cette attitude-là, je l'approuve, et donc au Kosovo je l'approuvais. Ce que je n'approuve pas c'est que, du coup, nous acceptions de jouer "les utilités"."
Sujet d'actualité de ce matin et des jours précédents, avec la grogne des policiers qui enfle, un mouvement qui n'en finit pas en dépit des tentatives de négociations du ministre de l'Intérieur, en dépit des budgets supplémentaires. Que faudrait-il faire : retirer la loi Guigou ?
- "D'abord, il y a une première question qui est très importante : c'est qu'on voit bien que le ministre de l'Intérieur ne tient pas son ministère, ne tient pas la police. Nous sommes à un moment où il y a des problèmes très sérieux de sécurité à l'intérieur de notre pays et celui qui en a la responsabilité est contesté par les personnels qu'il doit diriger."
Vous voulez dire qu'il faudrait que Jospin "se défasse" de D. Vaillant ?
- "Non, je ne demande pas au Premier ministre de décomposer le Gouvernement, il fait ce qu'il veut. Simplement, il voit bien que la situation de son ministre de l'Intérieur est aujourd'hui de plus en plus fragilisée... Je constate que les policiers manifestent. Alors, je voudrais bien les voir dans les quartiers, je voudrais bien les voir dans le métro, je voudrais bien les voir faire leur métier plutôt que de manifester. Quand dans la République, les personnels chargés du maintien de l'ordre commencent à manifester, c'est que le pays va mal. Un mot seulement : que monsieur Jospin fasse preuve d'un peu d'autorité ! Que monsieur Vaillant fasse preuve d'autorité ! Cela fait deux ans qu'il est là !"
Qu'il réquisitionne les fonctionnaires de police ?
-"Mais non ! Mais qu'il traite les problèmes ! Cela fait deux ans que D. Vaillant est en place, deux ans et demi, et cela va de problème en problème, rien ne marche, rien ne fonctionne. On voit d'ailleurs, pendant ce temps, les statistiques de la sécurité grimper et montrer à quel point la sécurité dans ce pays s'est dégradée."
Ce que vous dites, c'est qu'il faut que D. Vaillant s'en aille ?
- "Non, le Premier ministre prend ses responsabilités, ce n'est pas moi qui ait choisi le ministre de l'Intérieur, c'est son affaire. Je dis simplement que cela ne va pas et que cela ne peut pas durer !"
La popularité de J.-P. Chevènement qui est un ministre de l'Intérieur extrêmement apprécié, aussi bien à droite qu'à gauche, par l'ensemble des politiques français, est-ce lié justement, c'est-à-dire une capacité à s'affirmer ?
- "Je ne sais pas, ce n'est pas mon affaire. Si on veut avoir une opinion sur la campagne de monsieur Chevènement, il faut lui demander, peut-être à monsieur Jospin qui doit avoir des idées sur le sujet. Pour ma part, je me contente de mon camp et cela me suffit."
Justement, dans votre camp, les choses se sont un peu agitées parfois. Avant le congrès qui aura lieu à Amiens, le 1er décembre, vous avez tenu des propos qui ont pu choquer à l'égard de F. Bayrou. On a cru que vous trouviez que sa candidature n'était pas vraiment indispensable. A-t-on a mal compris ?
- "Je ne pense pas cela du tout, bien au contraire. Clarifions un peu les choses. Premièrement, j'appartiens à l'opposition et je veux la victoire de l'opposition, je vais travailler à la victoire de l'opposition aux prochaines élections. Deuxièmement, j'appartiens à l'UDF, j'en suis même le président-délégué. Et, à ce titre, je consacre tous mes efforts à l'avenir de ma famille politique, que ce soit aux élections législatives ou à l'élection présidentielle. En particulier, nous avons décidé à un congrès qui s'est tenu dans ma ville, à Angers, il y a un an, qu'il y aurait un candidat à l'élection présidentielle et tout le monde avait compris que ce serait F. Bayrou."
Vous le soutenez ?
- "J'approuve tout cela, je soutiens tout cela. Mais, ce qui me préoccupe, c'est ce que tout le monde voit, et franchement, il n'y a pas crime de lèse-majesté à dire que la campagne de F. Bayrou ne prend pas bien et qu'il y a des problèmes..."
Oui, mais pourquoi le dire publiquement ? Franchement, on ne le dit pas entre amis, comme cela, on s'abstient de le dire sur les plateaux de télévision...
- "Après avoir passé de longs mois à le dire en privé, en débats de nos instance, j'ai pensé qu'il fallait que je le fasse et que j'assumais mes responsabilités politiques en disant clairement les problèmes tels qu'ils se posaient. Je souhaite qu'on les traite. Maintenant, c'est simple, F. Bayrou va déclarer sa candidature prochainement, nous avons un congrès à Amiens. Je vais écouter avec beaucoup d'attention les réponses aux questions que j'ai posées. J'espère que nous les aurons."
Certains esprits particulièrement aigus ont pu penser que vous agissiez pour le compte du Président Giscard d'Estaing, qui pourrait être candidat, et que vous seriez une sorte de "sous-marin", pour employer un vocabulaire un peu simple, du style à "torpiller" la candidature Bayrou...
- "Je ne "torpille" personne. Je crois à ma famille politique. Quant à monsieur Giscard d'Estaing, il ne me consulte pas pour les déclarations qu'il fait et je n'ai aucune information sur ses intentions."
(Source http://Sig.premier-ministre.gouv.fr, le 23 novembre 2001)
- "Je voudrais parler de ce projet d'envoyer des troupes françaises - un tout petit détachement, 200 soldats - en Afghanistan. Evidemment, nous sommes aux côtés des Américains pour lutter et détruire le terrorisme islamiste. Nous avons nous-mêmes connu le terrorisme en France, nous savons ce que c'est et nous comprenons bien que c'est une affaire essentielle pour eux, qui ont subi des attentats épouvantables, et c'est une affaire qui concerne l'ensemble de la planète et notamment l'Europe. Mais en Afghanistan, les Etats-Unis ont voulu mener seuls le combat, décider seuls des opérations, rester maître de bout en bout des initiatives et des actions à entreprendre. C'était leur choix, et d'ailleurs c'était leur droit. Mais du coup, je pense qu'il ne faut pas envoyer nos soldats là-bas. D'abord, ils vont arriver après la bataille, comme vous le savez ; ensuite, avec des moyens dérisoires et sous la stricte autorité des Américains, ils seront réduits à faire la police de la circulation sur un aéroport. Il n'y manque plus d'ailleurs, ce qu'on voit maintenant, c'est-à-dire le refus de l'Alliance du Nord de voir nos soldats arriver. Franchement, tout ceci est humiliant."
"Humiliant" ? C'est le mot que vous employez ?
- "Tout ceci est humiliant ! C'est humiliant pour l'armée française, qui a l'ambition d'être la troisième ou la quatrième armée du monde, c'est humiliant pour la France. L'Europe n'aurait pas dû être en-dehors de tout ça. Mais la France ne devrait pas accepter d'être reléguée en deuxième position, comme un pays de second ordre, pour jouer des rôles de figuration."
J. Chirac a eu tort, en insistant pour que la France soit aux côtés des Américains ?
- "Je pense que la présence française en Afghanistan, dans le contexte que je viens de rappeler, ne se justifie pas et qu'elle est humiliante pour notre pays et pour notre armée. La France a un très grand rôle à jouer dans la lutte politique, stratégique, d'ensemble, planétaire contre le terrorisme islamique. Parce que nous sommes un pays qui a un place encore importante dans le monde. Mais encore faut-il vouloir jouer ce rôle et être capable de dire "non !" quand c'est nécessaire."
Là, vous considérez qu'on fait de la gesticulation ?
- "Rien..."
Quand vous entendez par exemple J. Chirac parler, vendredi soir aux Français, de façon un peu solennelle...
- "Oui, on fait semblant... Mais en même temps, on place la France dans une position de second ordre, on accepte qu'elle soit reléguée comme une petite nation."
On ne devrait pas jouer les seconds rôles ?
- "On ne devrait pas faire cela. On devrait s'efforcer de garder une place de grande nation."
On dit que les Américains n'ont rien demandé aussi aux Français, parce qu'ils ont gardé un très mauvais souvenir du Kosovo, où, à chaque fois, les Français demandaient ce que les Américains allaient taper, quels étaient leurs objectifs, c'était une négociation pied à pied ...
- "Je comprends que la France dise que nous ne voulons pas engager nos troupes sans que nous participions à l'entente des décisions. Cette attitude-là, je l'approuve, et donc au Kosovo je l'approuvais. Ce que je n'approuve pas c'est que, du coup, nous acceptions de jouer "les utilités"."
Sujet d'actualité de ce matin et des jours précédents, avec la grogne des policiers qui enfle, un mouvement qui n'en finit pas en dépit des tentatives de négociations du ministre de l'Intérieur, en dépit des budgets supplémentaires. Que faudrait-il faire : retirer la loi Guigou ?
- "D'abord, il y a une première question qui est très importante : c'est qu'on voit bien que le ministre de l'Intérieur ne tient pas son ministère, ne tient pas la police. Nous sommes à un moment où il y a des problèmes très sérieux de sécurité à l'intérieur de notre pays et celui qui en a la responsabilité est contesté par les personnels qu'il doit diriger."
Vous voulez dire qu'il faudrait que Jospin "se défasse" de D. Vaillant ?
- "Non, je ne demande pas au Premier ministre de décomposer le Gouvernement, il fait ce qu'il veut. Simplement, il voit bien que la situation de son ministre de l'Intérieur est aujourd'hui de plus en plus fragilisée... Je constate que les policiers manifestent. Alors, je voudrais bien les voir dans les quartiers, je voudrais bien les voir dans le métro, je voudrais bien les voir faire leur métier plutôt que de manifester. Quand dans la République, les personnels chargés du maintien de l'ordre commencent à manifester, c'est que le pays va mal. Un mot seulement : que monsieur Jospin fasse preuve d'un peu d'autorité ! Que monsieur Vaillant fasse preuve d'autorité ! Cela fait deux ans qu'il est là !"
Qu'il réquisitionne les fonctionnaires de police ?
-"Mais non ! Mais qu'il traite les problèmes ! Cela fait deux ans que D. Vaillant est en place, deux ans et demi, et cela va de problème en problème, rien ne marche, rien ne fonctionne. On voit d'ailleurs, pendant ce temps, les statistiques de la sécurité grimper et montrer à quel point la sécurité dans ce pays s'est dégradée."
Ce que vous dites, c'est qu'il faut que D. Vaillant s'en aille ?
- "Non, le Premier ministre prend ses responsabilités, ce n'est pas moi qui ait choisi le ministre de l'Intérieur, c'est son affaire. Je dis simplement que cela ne va pas et que cela ne peut pas durer !"
La popularité de J.-P. Chevènement qui est un ministre de l'Intérieur extrêmement apprécié, aussi bien à droite qu'à gauche, par l'ensemble des politiques français, est-ce lié justement, c'est-à-dire une capacité à s'affirmer ?
- "Je ne sais pas, ce n'est pas mon affaire. Si on veut avoir une opinion sur la campagne de monsieur Chevènement, il faut lui demander, peut-être à monsieur Jospin qui doit avoir des idées sur le sujet. Pour ma part, je me contente de mon camp et cela me suffit."
Justement, dans votre camp, les choses se sont un peu agitées parfois. Avant le congrès qui aura lieu à Amiens, le 1er décembre, vous avez tenu des propos qui ont pu choquer à l'égard de F. Bayrou. On a cru que vous trouviez que sa candidature n'était pas vraiment indispensable. A-t-on a mal compris ?
- "Je ne pense pas cela du tout, bien au contraire. Clarifions un peu les choses. Premièrement, j'appartiens à l'opposition et je veux la victoire de l'opposition, je vais travailler à la victoire de l'opposition aux prochaines élections. Deuxièmement, j'appartiens à l'UDF, j'en suis même le président-délégué. Et, à ce titre, je consacre tous mes efforts à l'avenir de ma famille politique, que ce soit aux élections législatives ou à l'élection présidentielle. En particulier, nous avons décidé à un congrès qui s'est tenu dans ma ville, à Angers, il y a un an, qu'il y aurait un candidat à l'élection présidentielle et tout le monde avait compris que ce serait F. Bayrou."
Vous le soutenez ?
- "J'approuve tout cela, je soutiens tout cela. Mais, ce qui me préoccupe, c'est ce que tout le monde voit, et franchement, il n'y a pas crime de lèse-majesté à dire que la campagne de F. Bayrou ne prend pas bien et qu'il y a des problèmes..."
Oui, mais pourquoi le dire publiquement ? Franchement, on ne le dit pas entre amis, comme cela, on s'abstient de le dire sur les plateaux de télévision...
- "Après avoir passé de longs mois à le dire en privé, en débats de nos instance, j'ai pensé qu'il fallait que je le fasse et que j'assumais mes responsabilités politiques en disant clairement les problèmes tels qu'ils se posaient. Je souhaite qu'on les traite. Maintenant, c'est simple, F. Bayrou va déclarer sa candidature prochainement, nous avons un congrès à Amiens. Je vais écouter avec beaucoup d'attention les réponses aux questions que j'ai posées. J'espère que nous les aurons."
Certains esprits particulièrement aigus ont pu penser que vous agissiez pour le compte du Président Giscard d'Estaing, qui pourrait être candidat, et que vous seriez une sorte de "sous-marin", pour employer un vocabulaire un peu simple, du style à "torpiller" la candidature Bayrou...
- "Je ne "torpille" personne. Je crois à ma famille politique. Quant à monsieur Giscard d'Estaing, il ne me consulte pas pour les déclarations qu'il fait et je n'ai aucune information sur ses intentions."
(Source http://Sig.premier-ministre.gouv.fr, le 23 novembre 2001)