Texte intégral
Je suis ici aujourdhui pour vous présenter le budget de la Culture pour 2018 : un budget qui nest pas seulement préservé conformément à lengagement de campagne du Président de la République mais qui est conforté par rapport à cette année. Leffort de lEtat en faveur de la culture sélève au total à près de 10 milliards deuros. Dans un contexte budgétaire contraint, cest un signal fort.
Cest la marque du caractère prioritaire donné à la politique culturelle : elle est lune des pierres angulaires du projet présidentiel. Un projet qui vise à engager les transformations devenues incontournables de léducation à la santé, en passant par la politique de lemploi ou du logement pour redonner à la France confiance en elle-même, et lui permettre de se projeter sereinement dans lavenir. Un projet qui vise lémancipation pour chacun. Un projet qui doit redonner confiance à ceux qui en manquent, rattraper toutes celles et ceux qui se sentent aujourdhui sur le bord de la route.
Dans ce projet, la culture occupe une place fondamentale. Tous les Français ny ont pas le même accès aujourdhui. Il ny a pas « dexclus de la culture » : chacun porte en soi une forme de culture, une langue, des coutumes, un socle de références. Mais il y a des exclus des politiques culturelles : des citoyens qui ne bénéficient pas du soutien que nous apportons à la création ou au patrimoine, parce quils nont pas la possibilité matérielle de fréquenter ces lieux, ou pensent que ce nest « pas pour eux » ; des citoyens qui nont pas la possibilité daccéder à autre chose que ce quils connaissent déjà, de pratiquer eux-mêmes un art, dapprendre une langue, de mieux connaitre leur histoire.
Et ceux-là sont souvent les mêmes qui souffrent dune situation ou dun sentiment dexclusion sur le plan géographique, économique ou social dans notre pays.
Cest à cette France-là, cette France des exclus, notre projet sadressera en priorité. Nous irons au-devant de tous les citoyens, en commençant par ceux qui ne sont pas touchés par les politiques culturelles aujourdhui. Nous développerons les services publics culturels là où ils sont, là où ils vivent. Nous nous appuierons pour cela sur nos opérateurs bien sûr, dont le rôle national doit être pleinement mis en valeur.
Et nous serons aux côtés de tous ceux se mobilisent, sur le terrain, pour toucher ces citoyens. Je pense à laction extraordinaire des associations qui uvrent dans le domaine culturel en France, et elles sont nombreuses. Nous encouragerons aussi les lieux subventionnés à ouvrir leurs portes plus largement encore, notamment pendant les vacances scolaires.
En somme, nous allons déployer une politique culturelle de proximité. Le budget pour 2018 en est la traduction directe. Je me concentrerai ce matin sur les moyens de la mission « Culture », avant daborder, cet après-midi, la mission « Médias, Livre et Industries culturelles » et laudiovisuel public. Les crédits de la mission « Culture » sont en hausse de 42 M, sétablissant à plus de 2,9 milliards deuros.
Le budget marque directement notre volonté de rééquilibrage en direction des territoires : les crédits déconcentrés auprès des DRAC augmentent de près 43 M sur la mission « Culture », portant la part des crédits déconcentrés à un niveau jamais atteint.
Jai par ailleurs demandé à mes services dexaminer les missions et les crédits aujourdhui gérés à Paris qui devraient et/ou pourraient être déconcentrés. Et à vous, élus de la Nation, en provenance de tous les territoires de la République, je tiens à le redire : un nouveau cadre de contractualisation sera proposé aux collectivités territoriales, sans lesquelles nous ne pourrons réussir cette politique de proximité.
Jai partagé à ce sujet avec les associations délus pour promouvoir un type de contrat souple, favorisant laccompagnement des projets à partir des territoires. Pour aller au-devant de cette France des exclus que jévoquais, nous nous appuierons sur quatre piliers : sur lécole dune part, service public universel qui permet de toucher sans distinction, et dès le plus jeune âge, à travers la pratique artistique, la lecture mais aussi léducation à limage.
Sur les bibliothèques, premier réseau culturel de proximité, et service public gratuit ;
Sur le patrimoine : ressource culturelle équitablement répartie sur tout le territoire, et pour lesquels nos concitoyens ont un intérêt évident ;
Et bien sûr, les artistes et les créateurs : pas de vie culturelle sans eux, qui sont les plus à même daller atteindre au cur tous les publics.
Lécole, dabord. Pour que la politique culturelle concerne tous les futurs citoyens plus tard, il faut préparer les esprits dès le plus jeune âge, à la racine, au moment où se forment les barrières psychologiques. Cest une ambition que je porte en coopération étroite avec Jean-Michel BLANQUER : la culture sera au cur du nouveau modèle décole que ce Gouvernement est en train de bâtir.
Nous avons défini deux priorités : la lecture et la pratique artistique. Avec une ambition claire, à horizon 2022 : en faire une réalité hebdomadaire pour chaque enfant de la République, de la maternelle au lycée. Cette ambition se traduit dans le budget pour 2018 : 35 M supplémentaires sont consacrés au soutien dactions déducation artistique et culturelle, ce qui porte lenveloppe à 114 M.
Nous allons également renforcer le pilotage ministériel de cette politique. Les crédits étaient jusque-là dispersés entre différents programmes. Nous avons souhaité les rassembler au sein dun seul et même programme et les renforcer. Sur ce budget, et aux côtés des moyens mobilisés par le ministère de lEducation nationale, 3 millions deuros seront consacrés au développement des chorales à lécole.
Avec un objectif clair : passer de 1 établissement sur 4 doté dune chorale aujourdhui à 1 établissement sur 2 à la rentrée de septembre 2018 et atteindre 100% des établissements dès lannée suivante. Les chorales sont un moyen rapide et concret de généraliser laccès à la pratique musicale.
Je souhaite aussi quune « Fête de la musique à lécole » voie le jour la première édition aura lieu le 21 juin 2018 pour présenter aux familles les projets artistiques préparés toute lannée.
Et enfin nous allons développer dès lannée prochaine les jumelages entre établissements scolaires et établissements culturels locaux nos structures labellisées ; les structures soutenues par les collectivités, comme les conservatoires ; et les lieux patrimoniaux. Lobjectif est davoir 100% décoles associées à un lieu culturel dici 2022 pour favoriser les sorties et les activités culturelles.
Je précise bien évidemment que si notre politique déducation artistique et culturelle portera largement sur les actions conduites à travers lécole, nous soutenons aussi tout ce qui est entrepris hors temps scolaire. Enfin, dans le prolongement de cet effort massif en direction des jeunes, nous commencerons en 2018 à mettre en place un « Pass culture » : pour accompagner la sortie de lécole, et lentrée dans lâge adulte et la citoyenneté par la culture.
Les contours précis de loutil et de loffre auquel il pourra donner accès seront précisés dans les prochains mois. Nous avançons en mode « startup » pour lélaborer, cest-à-dire que nous allons co-construire ce Pass avec les futurs usagers, à savoir les jeunes, et les différentes parties prenantes partenaires, collectivités ;
La concertation et lélaboration de loutil seront lancées dici la fin de lannée. Une première offre sera prête pour la rentrée de septembre 2018. 5 millions deuros sont prévus dans le budget 2018 pour mener ces étapes et concevoir loutil.
Pour aller aux devants des publics, nous investirons par ailleurs dans les bibliothèques. On en compte plus de 16 000, réparties sur tout le territoire : autant que des points de contact de La Poste. Et 90% de nos concitoyens en ont une à moins de 20 minutes de chez eux. Elles sont le premier réseau culturel de proximité.
Jai confié une mission à Erik ORSENNA, comme vous le savez, qui me rendra ses conclusions dici la fin de lannée.
Lobjectif est daider les bibliothèques à ouvrir « plus » : lEtat apportera un accompagnement financier. Nous avons engagé une mission conjointe de nos inspections avec Gérard COLLOMB pour quantifier les moyens à mobiliser.
Mais tout ne se résume pas à des moyens financiers. Lobjectif est aussi daider les bibliothèques à ouvrir « mieux », pour devenir ce que jappelle des « maisons de services publics culturels ». Cest-à-dire des lieux qui proposent comme elles sont déjà nombreuses à le faire davantage que le seul prêt de livres : des services daide aux devoirs ; des cours de français ou de langue étrangère ; ou encore, des ateliers daide à la rédaction du CV ou de navigation sur les sites de recherche demploi.
Nous allons accompagner ce mouvement dès lannée prochaine. Les DRAC se rendront disponibles pour réunir autour de la table : élus, bibliothécaires, structures sociales et associations locales et accompagner les projets douverture. Jai posé un objectif : à la fin de lannée 2018, je souhaite que nous ayons réussi à accompagner la transformation de 200 bibliothèques, soit 2 par département.
Pour que chaque citoyen soit acteur de la vie culturelle, nous investirons aussi dans le patrimoine. Cest la richesse culturelle la plus équitablement répartie sur notre territoire. Sur près de 45 000 monuments historiques protégés en France, la moitié se situe dans des communes de moins de 2 000 habitants. Et les Français y sont fondamentalement attachés.
Jen veux pour preuve le succès renouvelé des « Journées du patrimoine » ou de la « Nuit des musées » : succès qui traverse tous les âges, toutes les catégories socioprofessionnelles, et toutes les zones géographiques. Nous allons faire de la culture un vecteur danimation des territoires toute lannée, et un vecteur de revitalisation pour ceux qui sont en situation de désertification. Combattre lexclusion en France, cest redonner vie aux centres-villes où les commerces et où les volets ferment. La culture peut y contribuer.
Nous renforçons le budget pour lentretien et la restauration du patrimoine, qui sera porté à 326 M (en hausse de 5%) : 15M seront consacrés à la création dun fonds pour la rénovation des monuments historiques situés dans les petites communes, dont lessentiel pour celles de moins de 2 000 habitants ;
Nous allons aussi augmenter les crédits en faveur de la revitalisation des centres anciens et des sites patrimoniaux remarquables : ils sont portés à 9 M, dans le prolongement du rapport du sénateur Yves DAUGE. Le Président de la République a par ailleurs confié à Stéphane BERN la mission de recenser le patrimoine culturel en péril et de proposer, en lien étroit avec mes services, des moyens innovants pour en financer les rénovations les plus urgentes. Jaurai loccasion de présenter ma stratégie pluriannuelle pour le patrimoine plus en détail le 17 novembre.
Enfin, pilier fondamental de notre politique culturelle de proximité : les artistes et les créateurs du spectacle vivant et des arts visuels. Ils sont à la racine de tout : de la vie culturelle, et de lémancipation quelle procure à nos concitoyens. Nous confortons leur soutien, qui sera porté à près de 780 M lan prochain avec notamment une hausse des crédits sur les structures labellisées.
Nous affichons des choix clairs : les moyens nouveaux qui ont été dégagés, qui représentent 6 M ; ils seront réservés aux projets qui touchent les publics et les territoires éloignés : des résidences dans des zones rurales ou des quartiers prioritaires de la ville, par exemple des projets hors-les-murs, des itinérances artistiques sous forme de festivals par exemple dans des départements faiblement pourvus en manifestations et lieux culturels.
Soutenir la création, cest aussi investir dans de nouveaux lieux de diffusion : la Cité du Théâtre aux Ateliers BERTHIER en est lexemple le plus parlant : elle réunira lOdéon, la Comédie française, le Conservatoire national darts dramatique.
Soutenir la création, cest laider à gagner en visibilité, je souhaite que nous lancions en 2018 des Journées de la Création : léquivalent des Journées du Patrimoine, avec des portes-ouvertes et des ateliers pour les citoyens dans tous les lieux de création artistique en France, publics comme privés. Les Fonds régionaux dart contemporain organisent déjà un weekend « portes ouvertes » depuis lan dernier : nous pouvons élargir ce mouvement.
Soutenir les créateurs, cest par ailleurs veiller à leurs conditions de travail et de vie. Je voudrais dire un mot des artistes-auteurs, qui vous le savez font lobjet dune situation particulière dans le cadre de la réforme de la hausse de la CSG : je tiens ici à les rassurer, le principe de la compensation de cette hausse est acquis. Je vous le confirme. Nous mobiliserons les crédits nécessaires.
Un mot également des artistes et techniciens intermittents du spectacle : je tiens à réaffirmer que nous serons extrêmement attentifs à laccord de 2016 sur les intermittents du spectacle.
Soutenir la création, cest également aider les filières à se structurer : cest le sens de la mission que jai confiée à Roch-Olivier MAISTRE sur lopportunité de créer une « Maison commune de la musique ». Le rapport me sera remis prochainement et je le rendrai public.
Le Gouvernement se donnera ensuite quelques semaines pour consulter les acteurs de la filière sur les propositions quil contient, avant de faire connaître ses décisions. Je travaille par ailleurs sur la question de la concentration de la filière musicale : jai commandé une étude à mes services afin de bénéficier déléments de diagnostic objectif, pour prendre des décisions le cas échéant.
Soutenir la création, cest enfin la défendre et laccompagner à linternational : je suis mobilisée au niveau européen depuis mon arrivée : jaurai loccasion dy revenir la semaine prochaine ici, devant les Commissions des Affaires culturelles et européennes. Au niveau international, toujours, je compte mobiliser davantage lInstitut Français pour lequel le ministère a, je le rappelle, retrouvé une co-tutelle lan dernier avec le ministère des Affaires étrangères.
La contribution du ministère de la Culture au budget du Bureau Export de la musique française va notamment progresser de +57% en 2018. Et parce quil ny a douverture quà double sens, nous allons par ailleurs accompagner celles et ceux qui viennent, depuis létranger, nourrir la culture en France : je pense aux professionnels et aux artistes.
Nous allons continuer de mobiliser des moyens pour leur accueil : 3 M lan prochain.
Et je pense plus largement aux migrants qui arrivent aujourdhui en France : je souhaite que nous renforcions le soutien aux actions culturelles entreprises en leur direction que ce soit des cours de langue, des activités ou des ateliers artistiques.
La participation à la vie culturelle est un droit fondamental, pour tout être humain.
Ce droit fondamental est aujourdhui un droit « théorique » pour beaucoup, en France : que ce soit pour des raisons géographiques, économiques, sociales, ou tout simplement psychologiques.
Nous voulons en faire un droit « réel » pour chacun des citoyens de ce pays, et pour toutes celles et ceux que nous accueillons : cest lambition de ce budget.
Je vous remercie.
Je suis maintenant à votre disposition pour répondre à vos questions.
Source http://www.culturecommunication.gouv.fr, le 22 novembre 2017