Interview de M. Gérard Collomb, ministre de l'intérieur, avec Europe 1 le 2 janvier 2018, sur l'agression contre des policiers à Champigny sur Marne, les voitures brûlées, la collectivité unique de Corse, la ZAD de Notre-Dame-des-Landes et sur les djihadistes français.

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Média : Europe 1

Texte intégral


PIERRE DE VILNO
Bonjour Gérard COLLOMB.
GERARD COLLOMB
Bonjour.
PIERRE DE VILNO
Et bonne année à vous !
GERARD COLLOMB
Bonne année à vous.
PIERRE DE VILNO
Réveillon que vous avez passé en partie avec les forces de l'ordre et, peut-on lire ce matin dans Libération, vous craignez en cette soirée du 31, dès 18h20, des tirs de mortier et des affrontements de bandes, c'est pourtant ce qui s'est justement produit à Champigny-sur-Marne, quelques heures plus tard.
GERARD COLLOMB
Oui, je dirais que la menace principale pour nous, la crainte principale, c'était l'attentat terroriste, voyez, par exemple, j'ai commencé par visiter le dispositif des Champs-Elysées, et pour nous, c'était la grande menace, parce que vous avez 200, 300.000 personnes qui sont là, vous avez vu que nous avions donc mis en place le dispositif périmètre de sécurité, où les gens étaient fouillé en entrant sur les Champs-Elysées, et pour nous, c'était le danger principal. Et les choses se sont bien passées. Ensuite, il reste toujours les phénomènes qui peuvent exister dans un certain nombre de quartiers, de villes, de la périphérie ou bien de quartiers de grandes villes, o effectivement, il y a une espèce de violence contre la police, qui est totalement inadmissible.
PIERRE DE VILNO
Et sur Champigny-sur-Marne, et précisément ?
GERARD COLLOMB
Et c'est ce qui s'est passé sur Champigny, vous voyez, Champigny, vous avez donc une soirée qui est organisée par des privés, et puis, vous avez un autre groupe qui essaie de rentrer dans cette soirée, qui force les portes, et à ce moment-là, les policiers sont appelés ; ils essaient de séparer les deux groupes, et à ce moment-là, le groupe agresseur se retourne contre les policiers, deux policiers sont séparés du reste de leurs collègues, et à ce moment-là, sont frappés, une policière jetée à terre, piétinée, rouée de coups, donc évidemment, ce sont des actes sauvages, totalement inadmissibles.
PIERRE DE VILNO
Est-ce qu'on a retrouvé les agresseurs ?
GERARD COLLOMB
Mais en tout cas, comme il y a eu donc sur les réseaux sociaux un certain nombre de vidéos, on va pouvoir effectivement travailler pour retrouver les agresseurs.
PIERRE DE VILNO
Mais pour l'instant, on ne les a pas encore retrouvés ?
GERARD COLLOMB
Eh bien, si vous voulez, ça s'est passé hier matin, donc il faut le temps de l'enquête.
PIERRE DE VILNO
Emmanuel MACRON a promis de retrouver, de punir les agresseurs, est-ce que ça veut dire que vous avez, vous, ministre de l'Intérieur, une mission toute particulière sur ce sujet ?
GERARD COLLOMB
Oui, je crois que le président de la République est totalement attentif à ces problèmes de sécurité, vous voyez, il m'a téléphoné deux fois dans la journée, dans la soirée d'hier, pour me demander comment les choses allaient. Ça veut dire qu'il est totalement disposé à mettre fin à ces violences, et en particulier, à ces violences contre les policiers. Il pense que c'est insupportable dans notre société et donc il veut y mettre fin.
PIERRE DE VILNO
Mais y mettre fin de quelle manière ?
GERARD COLLOMB
Alors, y mettre fin par le renforcement des forces de police, par cette police de sécurité du quotidien, que nous allons développer – …
PIERRE DE VILNO
Donc vous allez la renforcer ?
GERARD COLLOMB
Que nous allons renforcer, et puis, avec des méthodes nouvelles – plus implantée dans les quartiers, et donc j'aurai l'occasion à la fin du mois de janvier de développer les grandes lignes de cette police de sécurité. Et puis en même temps, je crois que ce sont ces quartiers qu'il faut changer, j'étais à Champigny hier, lorsque l'on voit ces grandes barres, on se dit qu'il y a un aspect totalement inhumain qui ne peut générer que de la violence. Donc ce sont des réformes de fond qu'il faut effectivement mener…
PIERRE DE VILNO
Oui, c'est la politique de la ville, là, c'est l'urbanisme, là…
GERARD COLLOMB
Politique de la ville, politique Agence nationale de rénovation urbaine. Je crois que ces quartiers ne peuvent pas rester comme ça, vous voyez, on a eu un certain nombre de quartiers qui, au cours des dix, quinze dernières années, se sont paupérisés, ghettoïsés, et où les gens, finalement, vivent plutôt côte à côte, demain, ils peuvent être face à face. Donc c'est cette mécanique infernale qu'il faut briser.
PIERRE DE VILNO
J'imagine votre indignation également à propos du policier d'Aulnay et aussi ces autres policiers à Stains, qui se sont fait caillasser, alors qu'ils venaient de sauver des enfants d'un incendie.
GERARD COLLOMB
Oui, on a ce paradoxe, c'est-à-dire que, aujourd'hui, lorsque les pompiers vont quelque part, il faut d'abord les faire accompagner par les forces de sécurité, alors qu'ils viennent éteindre des incendies, qu'ils viennent prêter secours à des victimes. Et les policiers qui les accompagnent sont pris à partie ; cette société de la violence ne saurait continuer à exister dans les prochaines années, il faut y mettre fin.
PIERRE DE VILNO
Chaque année, Gérard COLLOMB, votre ministère publie, un peu comme un palmarès affligeant, le nombre d'arrestations et de voitures brûlées la nuit de la Saint-Sylvestre, les deux sont en augmentation, 1.031 véhicules incendiés, comment est-ce qu'en France, au 21ème siècle, on peut continuer de compter un millier de voitures brûlées chaque année, comme si c'était un fait presque normal ?
GERARD COLLOMB
Alors, si vous voulez, lorsque l'on regarde où ces voitures ont été brûlées, on s'aperçoit qu'il y a beaucoup de départements où il n'y a pas de voitures brûlées, ça veut dire que c'est localisé dans un certain nombre de quartiers d'agglomérations. Et je crois qu'il faut travailler en priorité sur ces quartiers, et lorsque nous mettrons en place la police de sécurité du quotidien, la liste de ces quartiers va nous servir justement pour faire, là, le maximum de travail, empêcher que cela ne se reproduise indéfiniment dans les prochaines années.
PIERRE DE VILNO
Gérard COLLOMB, il y a eu des arrestations, il y a eu ces voitures brûlées, il y a eu ce lynchage de policiers, tout ça, la nuit de la Saint-Sylvestre. On vous a entendu dire que les festivités s'étaient plutôt bien passées, comment est-ce que vous pouvez dire ça après tout ce qui s'est passé ?
GERARD COLLOMB
Eh bien, si vous voulez, parce que vous voyez, vous aviez 140.000 policiers, militaires…
PIERRE DE VILNO
Gendarmes…
GERARD COLLOMB
Gendarmes qui étaient déployés en France, et nous parlons de cinq policiers. Ça veut dire que ailleurs, les choses se sont bien passées, et que le dispositif que nous avons mis en place a permis à la plupart des Français, à la quasi-totalité des Français d'avoir des fêtes qui soient sereines. Moi, je suis allée faire un tour sur les Champs-Elysées, il n'y avait que du bonheur pour celles et ceux qui étaient là.
PIERRE DE VILNO
Gérard COLLOMB, la Corse change aujourd'hui, en début d'après-midi, s'installe la collectivité unique de Corse à majorité nationaliste, est-ce que le ministre de l'Intérieur sera plus attentif à la Corse et ce qui s'y passe qu'avant ?
GERARD COLLOMB
Forcément, il y a eu un vote qui s'est exprimé, un changement de statut, il faut effectivement en tirer les conséquences. Je crois que le ministre de l'Intérieur, comme d'ailleurs l'ensemble du gouvernement, est extrêmement attentif, je crois qu'en Corse, ces élections ont marqué à la fois un besoin de renouveau, de manière paradoxale, et puis, en même temps, la volonté d'un développement économique et social de ce type. Vous savez, c'est en Corse que l'on trouve un développement économique faible, que l'on trouve aussi une détresse sociale, pour les jeunes par exemple, un manque d'emplois, un chômage extrêmement fort, une difficulté à se loger. Je crois que ce sont ces grandes questions qu'il faut maintenant régler.
PIERRE DE VILNO
Et sur la sécurité en Corse, est-ce que vous serez plus attentif ? Est-ce que vous craignez des débordements maintenant que les nationalistes sont au pouvoir ?
GERARD COLLOMB
Non, je crois que, si vous voulez, la plupart des gens ont tourné la page du terrorisme et de la violence, je pense que nous sommes entrés dans une phase politique au gouvernement, aux responsables de l'île de pouvoir aujourd'hui essayer d'écrire une nouvelle page pour la Corse, une page qui ne serait plus celle de la violence, mais celle du développement.
PIERRE DE VILNO
Nous sommes en janvier, à la fin du mois, l'exécutif a promis, dans un sens ou dans un autre, une décision sur Notre-Dame-des-Landes. Est-ce que vous avez, d'ores et déjà, établi un plan d'évacuation de la ZAD ?
GERARD COLLOMB
Bien sûr qu'on réfléchit toujours sur la façon dont les choses doivent se passer, moi, je suis plutôt pour une France pacifiée qu'une France d'affrontement. Donc nous allons…
PIERRE DE VILNO
Et vous allez donc évacuer la ZAD de façon pacifique, Gérard COLLOMB, vous le savez ça !
GERARD COLLOMB
Donc nous allons essayer de régler ce problème, qui est un problème qui maintenant dure depuis des années et des années…
PIERRE DE VILNO
40, 50 ans même…
GERARD COLLOMB
De la manière, je dirais, la plus pacifique possible. Je pense que d'autres ministres, Nicolas HULOT s'y emploie par exemple, et que nous allons travailler…
PIERRE DE VILNO
Ça veut dire travailler de concert ?
GERARD COLLOMB
Oui, on travaille de concert, on parle ensemble sur ce sujet, parce que, si vous voulez, la force brute ne peut pas être la solution. Il faut aussi la capacité de dialogue avec un certain nombre de parties prenantes, voyez, un certain nombre d'agriculteurs, qui aujourd'hui sont solidarisés avec les Zadistes, peuvent avoir la volonté de retrouver ce qu'ils avaient avant, et donc il faut pouvoir discuter avec ces fractions-là, qui, aujourd'hui, sont totalement contre le projet et contre le gouvernement.
PIERRE DE VILNO
Donc vous dites : on ne va pas y aller par la force ?
GERARD COLLOMB
On sera obligé à un moment donné d'employer la force, je pense, mais il faut qu'elle soit la plus mesurée possible, la plus maîtrisée possible.
PIERRE DE VILNO
Daesh reste une préoccupation du quotidien, Gérard COLLOMB. Hier, Florence PARLY nous disait ici-même, à votre place, elle était en duplex du Mali, que l'Etat Islamique était pour elle quasiment vaincu, qu'il restait des poches de résistance, et pourtant, des djihadistes français, dont Thomas BARNOUIN, ont récemment été interpellés par les forces kurdes, en Syrie, à la frontière iraquienne. Les familles des victimes du procès MERAH attendent l'extradition. Est-ce que vous aussi ?
GERARD COLLOMB
Mais forcément, si vous voulez, nous sommes entrés dans une situation nouvelle. Nous étions en guerre. Et effectivement, comme l'a dit la ministre, la guerre a été perdue par Daesh. Mais maintenant, un certain nombre de combattants cherchent évidemment à se rendre aux forces, donc ont été arrêtés, pour quelques-uns d'entre eux, par les forces kurdes. Et donc les forces kurdes n'étant pas contrairement à l'Iraq, une Nation, aujourd'hui, ils se retournent vers la France. Et donc, nous aurons un certain nombre de décisions à prendre, en particulier pour les enfants.
PIERRE DE VILNO
Lesquelles ?
GERARD COLLOMB
Eh bien, celles et ceux qui reviendraient, il faut qu'ils sachent qu'ils vont être immédiatement judiciarisés et condamnés, c'est pour eux l'alternative, soit, rester là-bas, soit venir en France, mais être dans nos prisons parce qu'ils auront été jugés pour les crimes qu'ils auront commis.
PIERRE DE VILNO
Cette lutte contre Daesh, Emmanuel MACRON l'a évoquée lors de ses voeux présidentiels, parmi d'autres sujets, des voeux critiqués par l'opposition, de belles paroles pour la France Insoumise, un re-bâchage de propos déjà tenus pour le FN, des voeux anesthésiants pour les Républicains, et vous, ces voeux d'Emmanuel MACRON ?
GERARD COLLOMB
Eh bien, on s'aperçoit finalement que depuis six mois, les choses bougent pas mal en France, beaucoup de vos confrères ont fait la liste au cours des dernières semaines, de tout ce qui avait été déjà réalisé. On peut tout reprocher à Emmanuel MACRON, sauf d'être inactif et de ne pas avoir une vision assez pressée des réformes qu'il faut mener.
PIERRE DE VILNO
Pour le ministre, Gérard COLLOMB, cette année 2018, elle, elle se dessine comment ? Quels vont vos grands chantiers ?
GERARD COLLOMB
Nous avons de nombreux sujets, si vous voulez, à la fois donc continuer à lutter contre le terrorisme, mettre en place cette police de sécurité du quotidien, essayer de faire qu'en France, émerge un islam qui soit un islam républicain, faire en sorte que la laïcité dans notre pays soit une laïcité garantie, faire en sorte que nos villes, nos territoires reprennent confiance, c'est en train de se réaliser, mais il faut accentuer ce mouvement, faire en sorte que nous préparions les élections européennes, bref, je crois que le ministère de l'Intérieur sera sur beaucoup de fronts.
PIERRE DE VILNO
Et vous êtes confiant ?
GERARD COLLOMB
Et je suis assez confiant.
PIERRE DE VILNO
Alors, meilleurs voeux, Gérard COLLOMB.
GERARD COLLOMB
Meilleurs voeux à vous aussi.
PIERRE DE VILNO
Et merci d'avoir été notre invité.
GERARD COLLOMB
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 3 janvier 2018