Interview de Mme Michèle Alliot-Marie, présidente du RPR, à France-inter le 17 décembre 2001, sur le RPR et les objectifs de l'Union en mouvement dans la perspective des élections présidentielles de 2002,

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Média : France Inter

Texte intégral

25 ans après sa création par J. Chirac, quel est aujourd'hui l'avenir du RPR ? A la tribune de la Porte de Versailles, hier, la présidente du mouvement, M. Alliot-Marie, a lu un message du président de la République appelant à l'union de la droite. L'Union en Mouvement est-il le nouveau parti de l'opposition voulu par le futur candidat Chirac ? Invitée de Question Directe, M. Alliot-Marie, présidente du RPR. La présidente que vous êtes, a-t-elle lu, hier, à la tribune, quelque chose qui ressemblerait à "un avis de décès" du RPR ?
- "Pas du tout. On fait beaucoup parler J. Chirac et ce ne sont pas toujours ceux qui le voient le plus souvent qui parlent le plus. Je constate que lorsque J. Chirac parle lui-même, comme il l'a fait hier, à travers son discours, son message, ce qu'il dit est plus proche de ce que je dis moi-même que de ce qu'on lui fait dire parfois."
Mais quand il appelle à l'union de la droite, c'est bien la formule...
- "Bien sûr."
De quoi s'agit-il ? Quelle est, au fond, la place du RPR dans ce "mouvement" - pour ne pas dire "l'Union en mouvement" - qu'il appelle ?
- "L'Union en mouvement est une association qui a été créée à l'initiative des groupes parlementaires pour réunir des députés et des sénateurs qui, sans être RPR et sans être gaullistes, souhaitent la candidature de J. Chirac, soutiennent ses idées. C'est une chose. Mais les partis politiques, c'est autre chose ; ils ont un autre rôle. Celui, d'abord, de rassembler des militants, de les rassembler autour de leurs idées, de leurs valeurs, d'un projet. Ils ont également pour rôle de préparer des élections. Ce n'est pas à vous que j'apprendrai qu'on ne gagne pas une présidentielle sans un parti. Le RPR est tout entier mobilisé en souhaitant la candidature de J. Chirac. Mais bien entendu, le RPR, à lui seul, ne peut pas faire une majorité. Nous devons faire une union, et cette union d'ailleurs, j'y travaille depuis que je suis élue à la présidence. Je vous rappelle qu'à l'occasion des élections municipales, j'ai réussi à faire avec l'UDF et avec DL, une union qui nous a permis de présenter 92 % de liste unique aux élections municipales. C'est comme cela que nous avons gagné."
On comprend bien que la présidente du RPR soit très mobilisée pour le RPR, mais on a entendu dans le journal de 8h00 des militants du RPR qui s'interrogeaient sur l'avenir du mouvement, se posaient la question de savoir si on fêterait ou pas la 26ème année, si on fêterait les 50 ans du RPR. Ce qui prouve bien quand même qu'au sein de votre propre mouvement, véritablement, on s'interroge !
- "Le RPR a 25 ans et je crois que cela fait 25 ans que certains annoncent la fin du RPR. Je ne sais pas pourquoi... C'est peut-être parce que les idées que nous portons, les idées de République, de nation unie, les idées de proximité des hommes et des femmes de notre pays gênent. Mais en tout cas, ce que je constate, c'est que pour un mourant depuis 25 ans, le RPR se porte bien. Vous l'avez vu hier. Nous avons nos 9.000 militants qui sont venus parfois de très loin pour montrer qu'ils étaient bien là, qu'ils soutenaient leurs idées, et qu'ils avaient envie que nous soyons tous réunis pour les prochaines échéances, celle de la présidentielle et celle des législatives. Les gens aiment l'union et les militant RPR ont été finalement très malheureux il y a quelques années quand ils ont eu l'impression qu'il y avait des divisions en notre sein. Et mon premier rôle a été de créer, de recréer l'union au sein du RPR. Maintenant, il est de mon rôle d'aider à créer l'union, à l'extérieur du RPR. Ce n'est pas toujours facile, bien sûr. Il y a des ambitions personnelles, il y a des stratégies divergentes. Moi qui suis un peu extérieure à ces querelles de personnes, j'ai un rôle à jouer, je l'assume, parce que j'ai été mandatée pour cela, par les militants."
Ce n'est peut-être pas le rôle le plus facile - ça ne l'est jamais d'ailleurs - de mettre fin à des querelles de personnes. Mais quand on voit un Alain Juppé monter à la tribune, comme il l'a fait, hier, et dire : en 1976, au fond, on avait prononcé l'avis de décès de l'UDR. Faut-il comprendre qu'hier, c'était une sorte d'avis de décès tout de même ?
-"A. Juppé a tout à fait raison d'appeler à l'union pour aider le président de la République à préparer les prochaines élections législatives et ensuite pour gouverner ensemble, comme nous l'avons déjà fait. Là où je ne le suis pas totalement, c'est quand il laisse entendre que certains seraient opposés à l'union. Je vous le dis encore une fois : je suis extérieure à ces querelles de personnes et à ces stratégies personnelles. Je peux témoigner que, nul au RPR, aucun militant, comme aucun dirigeant, n'est opposé à ce que l'on fasse une union. Certes, il peut y avoir des méthodes différentes pour y parvenir, parfois des calendriers. Ceci prend en compte aussi des stratégies personnelles qui, pour certaines d'entre elles, dépassent l'échéance de 2002."
Vous pensez à A. Juppé là, justement ?
- "Je vous le répète encore : je ne rentrerai pas dans des questions de personnes. Je suis garante de l'unité du mouvement et je considère que je suis aussi responsable de la mise en oeuvre d'une unité de l'ensemble de l'opposition. J'y travaille."
Mais vous avez des individus à fort tempérament dans le mouvement ! P. Séguin, hier, a poussé un "coup de gueule" ! Comment allez-vous faire avec les "coups de gueules" qui s'expriment ici et là ?
- "Souvenez-vous de la situation que j'ai trouvée au RPR, quand je suis arrivée. C'est peut-être le côté féminin qui fait que nous sommes là, aussi, nous les femmes, souvent pour essayer d'arrêter les querelles. Regardez ce qui s'est passé, hier, au déjeuner de notre grande journée : il y avait autour de la même table, à la fois, tous les responsables RPR mais également tous les responsables de l'opposition ou leurs représentants. Il y avait là, les responsables de F. Bayrou, d'A. Madelin, de "Génération Ecologie", de "Cap 21", du Parti radical. Je les avais invités et ils étaient tous là. Je pense que c'était un premier et fort signe de l'union que je veux faire."
Cela veut-il dire que ceux qui se sont déjà déclarés candidats à la présidentielle vont rentrer dans l'union et vont accepter au fond, leur propre dissolution dans un grand mouvement... Et cette dissolution pose ici la question de celle du RPR d'ailleurs. J'en reviens à ce que disaient les militants tout à l'heure : est-ce que l'union, c'est la dissolution ?
- "Certainement pas ! Ce n'est pas ma conception et je l'ai déjà dit."
La vôtre, sûrement pas, mais celle du président de la République par exemple ?
- "Ni celle du président de la République, je crois que son message était très clair hier. L'union, c'est fait pour se renforcer, pour renforcer le poids de nos idées qui consistent à dire que ce n'est plus possible de continuer comme le faisons aujourd'hui ; qu'il y a une crise de confiance en France, et qu'il faut rendre confiance aux Français en leur proposant une politique de rupture avec ce qu'ont fait les socialistes. Il faut leur rendre confiance dans l'Etat, pour les protéger, pour garantir leur sécurité, pour garantir leur santé, leur retraite. Il faut qu'ils retrouvent confiance en eux-mêmes et qu'on retrouve confiance en eux-mêmes, et que l'Etat ne les considère pas comme des mineurs mais les laisse choisir, par exemple, de travailler plus de 35 heures s'ils ont envie de gagner plus d'argent, de choisir l'âge auquel ils vont partir en retraite, de leur donner la possibilité de constituer une retraite complémentaire en déduction d'impôt, comme c'est fait pour les fonctionnaires aujourd'hui. Voilà des choses que nous proposons. L'union, c'est pour faire passer ce genre d'idées. L'union ensuite, c'est fait pour gagner les élections. Je vous l'ai dit, pour les municipales, j'ai réussi à faire l'union avec mes partenaires de l'UDF et de DL, et nous avons gagné, et nous entendons faire la même chose pour les élections législatives. Cela a déjà commencé. J'ai rencontré il y a dix jours, A. Madelin et F. Bayrou pour préparer les investitures uniques. Et puis l'union, c'est fait aussi pour gouverner ensemble. Alors ce à quoi il faut faire attention, c'est que cette union justement elle n'affadisse pas les idées, et elle n'exclue personne. Aujourd'hui, il y a des gens qui n'ont pas envie de rentrer dans un parti unique ; ils le disent très clairement. Et même certains de ceux qui souhaitent la candidature de J. Chirac aujourd'hui. on ne va pas les forcer, on ne va pas faire un tout dans lequel on affadirait nos idées, et dans lequel on exclurait certains. Ce n'est pas comme cela qu'on compte faire l'union. Et le président de la République non plus."
Ce que dit la présidente du RPR ce matin, c'est que le RPR est là, qu'il continue à exister et que d'un certain point de vue, à vous écouter en tout cas, il reste le parti dominant de l'opposition ?
- "Il ne s'agit pas de dominer quoi que ce soit. Il se trouve effectivement que par le nombre de nos militants, par leur mobilisation, par notre implantation sur le terrain, par nos idées, nous apparaissons aujourd'hui comme le parti le plus important de l'opposition. Mais il ne s'agit pas pour nous d'étouffer les autres, de les empêcher d'exister. Au contraire, nous avons besoin aussi de leurs idées qui ne sont pas très différentes des nôtres mais qui représentent des nuances. Et c'est ensemble que nous pouvons proposer aux Français une vraie politique d'alternance, qui soit riche, et qui englobe le plus possible les souhaits, les attentes, les aspirations de chacun. C'est comme cela que nous avancerons."
(Source http://Sig.premier-ministre.gouv.fr)