Texte intégral
Pierre MENDES FRANCE nous a quittés le 18 octobre 1982, cela fera bientôt 10 ans. Je n'imaginais pas à l'époque, et moins encore avant, que j'aurais un jour à inaugurer en ce lieu, en cette fonction, un "centre de conférences" qui porte son nom.
Je remercie tous ceux qui ont permis cela, les bâtisseurs de Bercy, ceux qui aujourd'hui le font vivre, ainsi que la mairie de Clichy et l'Institut Pierre MENDES FRANCE qui ont fourni la matière de cette exposition.
Avec Pierre MENDES FRANCE c'est l'histoire qui entre ici.
C'est pour moi, et d'abord, l'histoire personnelle : j'ai connu et j'ai aimé Pierre MENDES FRANCE ; je n'en dirai pas plus ; sa pudeur y répugnerait, mon émotion me l'interdit.
C'est aussi l'histoire d'une famille politique, celle à laquelle j'appartiens et dont il est une des plus grandes figures, même s'il l'avait rejoint, comme souvent, par des chemins qui lui furent propres. Après tout, on pourrait dire la même chose de Jean Jaurès, de Léon Blum ou de François Mitterrand.
C'est l'histoire d'une génération, dont il traça le chemin spirituel -pour ceux qui épousaient ses idées comme pour ceux qui les combattaient-. C'est probablement cet héritage là qui compte le plus. C'est à cela que je voudrais que pensent tous ceux qui travailleront et se rencontreront ici à l'avenir : l'impératif catégorique de la droiture et de l'intégrité, l'exigence absolue de justice et de compassion humaine, le devoir de vérité. Ces valeurs-là doivent inspirer la politique au sens élevé du terme. Elles doivent inspirer l'Etat et ceux qui s'honorent de le servir, comme en ce ministère qu'il occupa à deux reprises et sur lequel il laisse son empreinte singulière.
Et puis, c'est l'Histoire tout court qui entre en ce lieu.
Pierre MENDES FRANCE, c'est l'homme qui démissionne le 5 avril 1945 du gouvernement du Général de Gaulle parce que, selon ses propres termes, "à la rigueur nécessaire, on a substitué la facilité". A ses yeux la rigueur n'est pas l'ennemie de la justice sociale. Elle en est au contraire l'instrument. Son apport fondamental c'est d'avoir montré qu'il ne pouvait pas y avoir de projet social qui fût fondé sur l'irresponsabilité économique, et qu'il ne pouvait pas y avoir de restauration économique qui négligeât l'exigence sociale. Dirigiste ou libéral ? Ni l'un ni l'autre. Il libéralisait non pour diriger moins, mais pour diriger mieux. La leçon demeure aujourd'hui, même si les voies sont différentes parce que le monde a changé et qu'on ne peut plus agir dans une économie ouverte comme on le faisait dans les années 50.
Pierre MENDES FRANCE, c'est la rigueur économique, au service d'une ambition sociale. C'est aussi l'exigence démocratique.
S'il fallait résumer sa méthode, je dirais : écouter, décider, convaincre. Trois mots inséparables. Ceux qui écoutent ou parlent beaucoup sans jamais décider ne font pas avancer la France. C'était vrai sous la IVème République, cela le reste sous la Vème. Ceux qui décident sans écouter -ou sans réfléchir- jouent avec la France. Et puis, il faut convaincre : nous l'avons constaté encore récemment.
Le système communiste contre lequel il ferrailla, tout en comprenant le mouvement de l'histoire qui lui avait donné sa force, s'est écroulé, et avec lui les trop tranquilles certitudes de nos sociétés occidentales. La liberté a fini par l'emporter comme le pressentait Pierre MENDES FRANCE. Lui savait qu'il n'y a pas de dogme révélé, qu'il n'y a pas de chef incontesté. Il y a la démocratie, avec son débat exigeant, quotidien.
Mais le respect de la démocratie, ce n'est pas la soumission servile à l'opinion, ni le goût de flatter ses réflexes les moins honorables. Le véritable respect de la démocratie, c'est cette alchimie complexe entre la force d'âme et l'humilité attentive. Accepter les discussions et les remises en cause, les corrections de trajectoire et les ajustements de perspective. Mais ne jamais céder lorsque la liberté et la justice sont en cause.
Pierre MENDES FRANCE était de cette espèce, précieuse entre toutes, des démocrates rigoureux. Orgueilleux jusqu'à l'intransigeance lorsque l'essentiel était en jeu, modeste et simple pour tout le reste. Il acceptait les compromis, pas les compromissions.La leçon de MENDES n'a rien perdu de sa fraîcheur, ni de sa force. Le combat contre la facilité et l'injustice est toujours à recommencer. Ce centre de conférences n'est donc pas seulement un lieu de mémoire et de fidélité. C'est aussi un lieu d'actualité. Puissions-nous, nous, Français, être dignes d'une certaine idée de notre pays que MENDES FRANCE incarnait.
Je remercie tous ceux qui ont permis cela, les bâtisseurs de Bercy, ceux qui aujourd'hui le font vivre, ainsi que la mairie de Clichy et l'Institut Pierre MENDES FRANCE qui ont fourni la matière de cette exposition.
Avec Pierre MENDES FRANCE c'est l'histoire qui entre ici.
C'est pour moi, et d'abord, l'histoire personnelle : j'ai connu et j'ai aimé Pierre MENDES FRANCE ; je n'en dirai pas plus ; sa pudeur y répugnerait, mon émotion me l'interdit.
C'est aussi l'histoire d'une famille politique, celle à laquelle j'appartiens et dont il est une des plus grandes figures, même s'il l'avait rejoint, comme souvent, par des chemins qui lui furent propres. Après tout, on pourrait dire la même chose de Jean Jaurès, de Léon Blum ou de François Mitterrand.
C'est l'histoire d'une génération, dont il traça le chemin spirituel -pour ceux qui épousaient ses idées comme pour ceux qui les combattaient-. C'est probablement cet héritage là qui compte le plus. C'est à cela que je voudrais que pensent tous ceux qui travailleront et se rencontreront ici à l'avenir : l'impératif catégorique de la droiture et de l'intégrité, l'exigence absolue de justice et de compassion humaine, le devoir de vérité. Ces valeurs-là doivent inspirer la politique au sens élevé du terme. Elles doivent inspirer l'Etat et ceux qui s'honorent de le servir, comme en ce ministère qu'il occupa à deux reprises et sur lequel il laisse son empreinte singulière.
Et puis, c'est l'Histoire tout court qui entre en ce lieu.
Pierre MENDES FRANCE, c'est l'homme qui démissionne le 5 avril 1945 du gouvernement du Général de Gaulle parce que, selon ses propres termes, "à la rigueur nécessaire, on a substitué la facilité". A ses yeux la rigueur n'est pas l'ennemie de la justice sociale. Elle en est au contraire l'instrument. Son apport fondamental c'est d'avoir montré qu'il ne pouvait pas y avoir de projet social qui fût fondé sur l'irresponsabilité économique, et qu'il ne pouvait pas y avoir de restauration économique qui négligeât l'exigence sociale. Dirigiste ou libéral ? Ni l'un ni l'autre. Il libéralisait non pour diriger moins, mais pour diriger mieux. La leçon demeure aujourd'hui, même si les voies sont différentes parce que le monde a changé et qu'on ne peut plus agir dans une économie ouverte comme on le faisait dans les années 50.
Pierre MENDES FRANCE, c'est la rigueur économique, au service d'une ambition sociale. C'est aussi l'exigence démocratique.
S'il fallait résumer sa méthode, je dirais : écouter, décider, convaincre. Trois mots inséparables. Ceux qui écoutent ou parlent beaucoup sans jamais décider ne font pas avancer la France. C'était vrai sous la IVème République, cela le reste sous la Vème. Ceux qui décident sans écouter -ou sans réfléchir- jouent avec la France. Et puis, il faut convaincre : nous l'avons constaté encore récemment.
Le système communiste contre lequel il ferrailla, tout en comprenant le mouvement de l'histoire qui lui avait donné sa force, s'est écroulé, et avec lui les trop tranquilles certitudes de nos sociétés occidentales. La liberté a fini par l'emporter comme le pressentait Pierre MENDES FRANCE. Lui savait qu'il n'y a pas de dogme révélé, qu'il n'y a pas de chef incontesté. Il y a la démocratie, avec son débat exigeant, quotidien.
Mais le respect de la démocratie, ce n'est pas la soumission servile à l'opinion, ni le goût de flatter ses réflexes les moins honorables. Le véritable respect de la démocratie, c'est cette alchimie complexe entre la force d'âme et l'humilité attentive. Accepter les discussions et les remises en cause, les corrections de trajectoire et les ajustements de perspective. Mais ne jamais céder lorsque la liberté et la justice sont en cause.
Pierre MENDES FRANCE était de cette espèce, précieuse entre toutes, des démocrates rigoureux. Orgueilleux jusqu'à l'intransigeance lorsque l'essentiel était en jeu, modeste et simple pour tout le reste. Il acceptait les compromis, pas les compromissions.La leçon de MENDES n'a rien perdu de sa fraîcheur, ni de sa force. Le combat contre la facilité et l'injustice est toujours à recommencer. Ce centre de conférences n'est donc pas seulement un lieu de mémoire et de fidélité. C'est aussi un lieu d'actualité. Puissions-nous, nous, Français, être dignes d'une certaine idée de notre pays que MENDES FRANCE incarnait.