Interview de M. Gabriel Attal, secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Education nationale et de la jeunesse à France 2 le 17 octobre 2018, sur la campagne présidentielle pour les élections européennes de 2019 et la politique des territoires.

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Média : France 2

Texte intégral


CAROLINE ROUX
Bonjour Gabriel ATTAL.
GABRIEL ATTAL
Bonjour.
CAROLINE ROUX
Nous allons parler de votre arrivée au gouvernement, mais d'abord un mot quand même sur la colère noire, la colère noire de Jean-Luc MELENCHON ; hier, lors de la perquisition à son domicile et perquisition également dans les locaux de La France Insoumise, il s'y est opposé presque physiquement. Il explique qu'il parle d'une opération politique, qu'il s'agit d'une opération politique : ils font ça dans tous les pays, dit-il, pour se débarrasser des opposants politiques. Est-ce que vous voulez vous débarrasser des opposants politiques ?
GABRIEL ATTAL
Evidemment, non. Et moi, j'ai vu des images et j'ai entendu des mots qui choquent, quand on est un responsable politique, comme l'est Jean-Luc MELENCHON, quand on a été candidat à l'élection présidentielle, on ne peut pas dire comme il l'a dit : je ne suis pas un passant dans la rue, ma personne est sacrée, et parce que je suis élu, je ne suis pas un justiciable comme les autres. Au fond, ce qu'a fait Jean-Luc MELENCHON, ce que fait Jean-Luc MELENCHON, c'est l'éloge de l'impunité pour les puissants. Et moi, je ne suis pas pour le retour des privilèges, je considère que, qu'on soit un homme politique, qu'on soit un député, qu'on soit un ministre, qu'on soit un citoyen comme les autres…
CAROLINE ROUX
Qu'on soit La France Insoumise ou La République En Marche, parce que c'est ça qu'il dit…
GABRIEL ATTAL
La France Insoumise ou La République En Marche…
CAROLINE ROUX
Est-ce qu'il y a la même célérité de la justice pour La France Insoumise, le Rassemblement National ou La République En Marche ?
GABRIEL ATTAL
Mais évidemment, évidemment. La justice est indépendante, et la justice doit faire son travail, et moi, je considère que des décisions touchent des personnes de La République En Marche, de La France Insoumise, du Front national, des Républicains ou autres, on n'a pas à faire de commentaires, on n'a pas à remettre en cause l'indépendance de la justice, elle fait son travail. Et je pense qu'il y a une vraie responsabilité de la part de Jean-Luc MELENCHON, encore une fois…
CAROLINE ROUX
Il est allé trop loin ?
GABRIEL ATTAL
Oui, il va trop loin depuis un certain temps, et il rappelle, à ce niveau-là, le discours de Marine LE PEN qui tient aussi ce type de discours sur la justice, je trouve ça dangereux.
CAROLINE ROUX
Ça vous a choqué de voir le Rassemblement national applaudir hier La France Insoumise à l'Assemblée nationale, c'était assez inédit ?
GABRIEL ATTAL
Ça fait un certain temps qu'ils s'applaudissent mutuellement sur ce sujet-là comme sur d'autres, on voit que, notamment sur les questions migratoires, par exemple, il y a des rapprochements qui sont en train de se faire et qui rappellent ce qui se passe dans certains pays, comme l'Italie, où les populismes d'extrême droite, d'extrême gauche finalement se croisent et se soutiennent mutuellement. Tout ça est extrêmement inquiétant et inquiétant aussi sur l'Europe, puisque, je parlais à l'instant de l'Italie…
CAROLINE ROUX
On va en parler…
GABRIEL ATTAL
Où effectivement on voit que ces coalition des nationalismes, des populismes sont inquiétantes pour l'avenir de notre pays et du continent.
CAROLINE ROUX
Et on va en parler, parce que c'était aussi l'un des thèmes de l'intervention du président de la République hier soir. Juste un mot quand même sur la forme de cette intervention solennelle, crépusculaire disent certains, lumière basse, pas de prompteur, des feuilles un peu raturées, un ton très calme, c'est le retour à la sobriété ?
GABRIEL ATTAL
Emmanuel MACRON, le président, a senti que le pays avait besoin de l'entendre à ce moment-là, c'est vrai qu'on ouvre quelque part un peu une nouvelle page pour le gouvernement avec le remaniement, il a souhaité s'exprimer pour leur rappeler le cap, leur rappeler sa détermination, et notamment le fait qu'il ne veut pas changer de ligne, qu'il n'y aura pas d'inflexion sur la ligne…
CAROLINE ROUX
Alors, il s'est exprimé auprès des Français pour leur dire : je ne change rien.
GABRIEL ATTAL
Oui, sur la ligne, sur l'ambition qui est portée pour transformer le pays, évidemment, on ne changera rien, et on va aller plus loin, mais j'ai trouvé que…
CAROLINE ROUX
Je peux vous arrêter juste un instant, comment est-ce qu'on ouvre une nouvelle page en disant aux Français : on ne change rien ?
GABRIEL ATTAL
Parce qu'il faut un élan, et il faut surtout que notre action et le débat public se recentrent sur les réformes structurelles, les réformes de fond, peut-être que ces dernières semaines, ces derniers mois, on s'est un peu perdu dans des polémiques, dans des atermoiements…
CAROLINE ROUX
Des petites phrases, celles d'Emmanuel MACRON…
GABRIEL ATTAL
Qui ont peut-être donné le sentiment qu'on perdait la cohérence, moi, j'ai trouvé le président d'une extrême lucidité, il est lucide sur les attentes du pays, sur les colères, les inquiétudes, les doutes qui a pu y avoir sur certaines phrases, il l'a dit lui-même…
CAROLINE ROUX
Il le dit : j'entends les critiques, notamment sur la forme…
GABRIEL ATTAL
Il est comme ça, ça montre, contrairement à ce que certains essaient de faire croire, sa totale connexion avec le pays. Il est lucide sur les attentes, les colères, les inquiétudes, il y répond, il réaffirme son ambition, je trouve ça salutaire.
CAROLINE ROUX
Le monde se fracture, de nouveaux désordres apparaissent, l'Europe bascule vers les extrêmes, nous allons vers la catastrophe, quel message pessimiste de la part du chef de l'Etat…
GABRIEL ATTAL
Au contraire, moi, je…
CAROLINE ROUX
Il a choisi le pessimisme ?
GABRIEL ATTAL
Au contraire, il a choisi l'optimisme depuis la campagne présidentielle, encore une fois, c'était le seul à affirmer croire en l'Europe, en une autre Europe que celle qui fonctionne aujourd'hui…
CAROLINE ROUX
Il a un peu changé de ton, quand même, Gabriel ATTAL, entre la campagne présidentielle et la campagne des européennes qu'il a ouverte hier…
GABRIEL ATTAL
Oui, mais parce que depuis la campagne présidentielle, il s'est passé quand même des choses importantes, notamment en Italie, j'y reviens aussi, où on voit une montée des nationalismes, et lui, ce qu'il propose, c'est une autre voix, il ne s'agit pas de dire qu'on veut renverser l'Europe comme les nationalismes, mais qu'on veut renverser la table en Europe, on veut une autre Europe, et qu'on ne veut pas de ce que certains partis républicains traditionnels français veulent, c'est-à-dire la continuité et des personnes qui sont installées là depuis des années et Europe qui tourne toute seul, sans tête et sans direction.
CAROLINE ROUX
Pas de changement de cap politique, ça, on l'a bien compris, mais malgré tout, est-ce qu'il n'y aurait pas un changement de méthode qui est assumé par le président de la République, notamment avec l'idée de dire : je vais davantage travailler avec les élus, il a dit du bien des élus, il a dit du bien des maires précisément, ça, là aussi, pas de changement, mais un changement quand même.
GABRIEL ATTAL
Le président a toujours dit du bien des élus, et c'était important de le faire hier après ce qui s'est passé dans l'Aude, avec les inondations, on voit que les maires sont directement au contact et à portée d'interpellations, à portée d'engueulades des citoyens, c'était important de réaffirmer ça.
CAROLINE ROUX
Pas de changement vis-à-vis des élus, vis-à-vis des territoires, vis-à-vis d'une gestion qui était un peu verticale, certains des élus l'ont vécue comme ça en disant : on nous traite, en gros, comme des moins que rien. Ici-même, sur ce plateau, Xavier BERTRAND avait poussé ce qu'on appelle un coup de gueule pour dire : on a besoin d'être écouté, là aussi, là, il a tiré les leçons…
GABRIEL ATTAL
Oui, enfin, moi, je fais confiance davantage aux élus de terrain, aux petits élus, comme on dit, ou élus de petites communes qu'aux grands élus…
CAROLINE ROUX
Pas à Xavier BERTRAND, en clair…
GABRIEL ATTAL
Qui sont des personnalités politiques installées depuis longtemps et qui ne sont pas forcément les porte-paroles des élus de terrain de ce pays, mais ce qui est sûr, c'est que les élus ont besoin d'entendre aussi des discours positifs, et c'est important que le président le refasse, il faut continuer à susciter des vocations.
CAROLINE ROUX
En quoi cette équipe est plus adaptée aux circonstances que la précédente ?
GABRIEL ATTAL
Moi, je n'ai pas à commenter les décisions qui ont été prises par le président et le Premier ministre, je pense qu'il y a un certain nombre de changements qui ont été faits…
CAROLINE ROUX
Quand même vous faites partie de cette nouvelle équipe…
GABRIEL ATTAL
Moi, je suis évidemment très heureux de rejoindre cette équipe, je suis totalement, extrêmement motivé et extrêmement ambitieux pour les missions qui m'ont été confiées, qui sont des missions importantes, la jeunesse, la vie associative, le président en a parlé hier pendant son intervention, les associations, c'est 15 millions de bénévoles, c'est 20 millions d'adhérents, c'est le poumon démocratique et solidaire du pays, il faut les soutenir, il faut réfléchir à l'association au 21ème siècle, comment est-ce qu'elle fonctionne, comment est-ce qu'elle est financée, comment est-ce qu'elle travaille sur le terrain, comment est-ce qu'elle reconnaît l'engagement de ses bénévoles, c'est une mission formidable à laquelle je vais m'atteler.
CAROLINE ROUX
Vous avez un calendrier pour la mise en place du service national universel ?
GABRIEL ATTAL
On est en train d'y travailler, il y aura des annonces qui seront faites d'ici à la fin de l'année par le président de la République, il y a une consultation qui s'achève avec les jeunes, c'est important de les entendre, de faire remonter leurs idées.
CAROLINE ROUX
29 ans toujours, 29 ans et demi, secrétaire d'Etat, il y en a certains qui vous regardent ce matin qui disent : quand même, est-ce que ce n'est pas un peu jeune, qu'est-ce que vous leur répondez ?
GABRIEL ATTAL
Je leur réponds que, on a passé ma campagne pendant toute la campagne des élections législatives à me dire que j'étais trop jeune pour être député, et que, derrière, je crois, en ayant été rapporteur d'un des principaux projets de loi qui a été présenté, celui sur Parcoursup, que j'ai montré ma capacité de travail. Ce qui est sûr, c'est que quand on est jeune, on doit toujours travailler trois fois plus que les autres pour montrer qu'on est crédible et légitime. Et donc je vais travailler beaucoup dans les mois à venir pour montrer que j'ai toute ma place dans ce gouvernement.
CAROLINE ROUX
Il n'y a pas forcément de lien avec la jeunesse, mais dans le journal précédent, on a vu que le Canada avait légalisé le cannabis, est-ce que vous y êtes favorable ?
GABRIEL ATTAL
Moi, je pense qu'il faut toujours se poser toutes les questions, mais…
CAROLINE ROUX
Y compris celle-là ?
GABRIEL ATTAL
Mais il faut toujours regarder les choses, la France est un des pays les plus répressifs en matière de cannabis, et c'est pourtant un pays où les jeunes fument le plus, moi, je ne suis pas pour que tous les jeunes se mettent à fumer du cannabis, parce que j'ai vu, y compris dans mon entourage, des personnes qui en ont beaucoup souffert, donc je ne suis pas favorable à une légalisation, mais je pense que, il faut toujours regarder tous les sujets sans tabou et se poser les bonnes questions.
CAROLINE ROUX
Merci beaucoup Gabriel ATTAL.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 18 octobre 2018