Texte intégral
Bilan provisoire des Etats Généraux de la Santé
Messieurs,
Mesdames,
Etats Généraux de la Santé : j'aime bien ce terme. Puissent -ils être, comme leurs grands ancêtres des Etats Généraux de 1789, l'occasion d'une prise de conscience et de responsabilité de tous, contre les vieilles traditions et les féodalités. En tout cas, tels ceux de 1789, ils ont d'abord rassemblé des doléances et ici - au sens propre du terme - le dol était fort, la peine des hommes sérieuse, les manquements à la dignité de la personne humaine trop fréquents et trop souvent considérés comme allant de soi.
Et vous aussi, citoyens de notre République, vous les avez bien aimés, ces Etats Généraux de la Santé.
Vous vous en êtes emparés, au delà de nos espérances. Plus de 1 000 réunions dans plus de 180 villes différentes.
Plus de 200 000 participants : jeunes, vieux, actifs, inactifs, femmes, hommes. 350 jurés ont accepté de consacrer leur temps à préparer ces débats que nous avons appelé des " forums citoyens ", puis à présenter leurs conclusions écrites sur des thèmes aussi différents mais collectivement importants que sont : la prévention, la santé et le cadre de vie, les jeunes et la santé, le droit de vieillir, l'accès aux soins, la douleur, les soins palliatifs et bien d'autres encore.
Il faut vivement remercier tous ceux qui ont contribué au succès de cette aventure :
- le Comité National d'Orientation d'abord et ses deux secrétaires nationaux : Gilles BRUCKER et Etienne CANIARD. Je me souviens d'avoir mis en place, dans le scepticisme général, ce comité il y a un an à peine : c'était exactement en juillet dernier. Que de travail vous avez accompli, en plus de vos obligations habituelles. Merci à vous, Mesdames et Messieurs, qui veniez parfois de loin et d'horizons différents : professionnels de la santé bien sûr, mais aussi juristes, sociologues, journalistes, représentants de grandes associations de malades etc.
- merci également à ceux qui ont participé aux groupes de travail par thème, accompagnant avec attention et générosité la réflexion des citoyens. Je sais le temps que cela vous a coûté. Je sais aussi que cela n'a pas été facile pour vous d'être bousculés sur votre propre terrain et confrontés à des réactions que vous ne soupçonniez pas toujours. Souvenez-vous, certaines séances furent "agitées" ! Vous avez vécu en direct l'exigence de ces Etats Généraux, vous avez accepté de partager l'information, la pensée, la connaissance, avec ce que cela implique de remise en cause,
- merci aux DRASS qui, aidées par les comités de pilotage régionaux des Etats Généraux, ont été les grandes organisatrices sur le terrain. Travail difficile : il fallait inventer une méthode et la mettre en oeuvre dans une intelligente improvisation. Faire naître des usagers, des élus, des syndicats, les occasions de débat, de rencontres autour des sujets de santé, les suivre et n'en pas en perdre les enseignements : les DRASS ont réussi ce tour de force pour chacune des réunions des Etats Généraux, c'est à dire plus de 1 000 fois en six mois à peine . Bravo et merci aux DRASS et aux DDASS. Elles témoignent, s'il en était besoin, de l'apport de la décentralisation à l'échelle des régions et de sa vitalité,
Je voudrais aussi remercier tous ceux qui ont saisi l'occasion pour organiser leurs propres manifestations dans le cadre des Etats Généraux : la Croix-Marine, la Ligue contre le Cancer, la Mutualité Française, les Mutuelles de France et l'Union des Mutuelles étudiantes, beaucoup d'élus locaux et les responsables du Parti communiste français. Je tiens à saluer particulièrement ici le travail remarquable mené par le Conseil Général du VAL DE MARNE, le Comité d'entente des associations du Handicap, Médecins du Monde et bien d'autres encore.
Enfin merci surtout à vous, jurés citoyens, qui êtes là aujourd'hui, merci à ceux que vous représentez. C'est bien vous tous, en vous mobilisant pour ces Etats Généraux, qui en avez fait le succès. Et demain, grâce à cela, vous ferez évoluer, vous améliorerez notre système de soins.
J'ai participé à plusieurs des réunions que vous avez organisées les uns ou les autres. Je me souviens de RENNES sur le droit de vieillir, le premier forum citoyen des Etats Généraux ; de NIORT où je suis allé avec Etienne CANIARD et Dominique BENETEAU sur la qualité des soins. Là Geneviève PERRIN GAILLARD et la Mutualité avaient battu le rappel : il y avait près de 1 000 Niortais dans la salle. J'ai suivi les Etats Généraux du Cancer, le forum de MARSEILLE sur la santé des jeunes et les conduites à risque, les rencontres de NANTES et de CAEN sur les droits des usagers. Je veux citer cette expédition un soir d'hiver chez Vincent PEILLON, à FRESSENNEVILLE en PICARDIE, pour parler de la lutte contre l'alcoolisme. Et ce samedi après-midi de mars, à PARIS, sur les maladies rares. Une grande émotion : la salle était pleine d'hommes et de femmes qui avaient vécu pour eux-mêmes ou pour leurs proches, leurs enfants bien souvent, la souffrance et la difficulté quotidienne qu'inscrivent ces 5000 maladies rares. On les connaît mal tout simplement parce qu'elles sont peu fréquentes, et on ne sait pas bien les traiter alors qu'elles sont souvent graves et invalidantes. Avec insistance, cette salle parisienne nous a rappelé que les maladies rares constituent un sujet de santé publique à part entière.
Je ne cite pas tous les lieux où je me suis trouvé à vos côtés, mais je n'en oublie aucun. Bien sûr, je dirais même hélas, je n'ai pas pu participer à vos 1 000 réunions, mais je m'y suis rendu chaque fois que c'était possible et j'ai écouté près d'une centaine de débats.
Les enseignements que j'en retire sont simples et vigoureux :
-. d'abord, cette extraordinaire mobilisation de nos concitoyens sur les sujets de santé : l'usager de l'hôpital et du système médical estime qu'il a son mot à dire et que nous devons l'entendre. Il n'est plus un "patient" mais une personne malade, un usager.
-. ensuite,cette émotion à chaque fois : la maladie n'est pas qu'un chiffre sur un tableau ou au pied d'un lit, mais toujours une histoire vécue, un malheur, une souffrance qui a marqué une famille, une vie, plusieurs vies ; ici, avant toute théorie, chacun parlait d'expérience ;
-. nous avons tous été frappé par la grande attention réciproque qui se manifestait dans les échanges, ce dialogue nouveau qui s'établissait entre les usagers du système de santé et les différents professionnels, qu'il s'agisse des soignants ou des administratifs. Le ton n'était pas celui que l'on entend dans les débats habituels qui séparent la tribune, ceux qui connaissent, du public assis dans la salle. Au cours des Etats Généraux, nous nous sommes parlé d'égal à égal entre jurés, public et experts.
Vous nous avez dit que vous voulez que les choses changent : vous voulez être considérés comme des personnes, des sujets, des citoyens, pas comme des maladies. Première leçon, car je crois à la force des mots : je m'efforcerai de ne plus employer le mot de patient, mais celui de personne malade.
Vous demandez que le système s'organise autour et au service des personnes malades plutôt que de rester essentiellement concerné par lui-même, ses habitudes et son avenir immédiat. Vous souhaitez qu'une plus grande place soit faite aux usagers ainsi qu'à ceux qui les représentent, à la société civile en général.
Au cours des manifestations auxquelles j'ai participé, vous nous avez dit aussi que la médecine ne devait plus appartenir aux seuls médecins. Vous voulez devenir acteurs de votre santé : mieux comprendre les stratégies thérapeutiques qui vous sont proposées, participer à un effort à la fois personnel et collectif de prévention, veiller à ce que les choix de société, les comportements et les consommations ne nuisent pas à la santé.
Vous avez dit que, pour vous, la santé va bien au delà du domaine strictement médical. Militer pour la santé, cela ne se sépare pas d'une vision d'ensemble de la société, de la culture, de l'économie, de la politique, de l'éthique. En affirmant vos préoccupations et vos revendications en matière de santé, vous défendez une certaine idée de la société dans laquelle vous souhaiteriez vivre, une idée d'égalité, de justice et de solidarité à laquelle vous être profondément attachés.
Conclusion :
Je ne veux pas me faire votre messager : la parole est à vous. Aujourd'hui, vous allez faire la synthèse de ce qui, selon vous, s'est dit de plus important au cours de ces six mois. Nous allons vous écouter avec une grande attention. Puis vous répondre. Car c'est cela que vous attendez de nous : que nous vous répondions. Que les Etats Généraux soient un commencement. Je m'y emploierai, je vous le promets. Je vous le dis ce matin. Je vous le redirai ce soir. Mais dès à présent, je vous engage à être vigilants : restez mobilisés et demandez nous des comptes régulièrement, pour que tout ce que vous avez su exprimer ne reste pas lettre morte.
La qualité de ces débats me laisse d'abord le sentiment d'une espérance partagée. Qui oserait la décevoir ?
(source http://www.sante.gouv.fr, le 07 juillet 1999)
Messieurs,
Mesdames,
Etats Généraux de la Santé : j'aime bien ce terme. Puissent -ils être, comme leurs grands ancêtres des Etats Généraux de 1789, l'occasion d'une prise de conscience et de responsabilité de tous, contre les vieilles traditions et les féodalités. En tout cas, tels ceux de 1789, ils ont d'abord rassemblé des doléances et ici - au sens propre du terme - le dol était fort, la peine des hommes sérieuse, les manquements à la dignité de la personne humaine trop fréquents et trop souvent considérés comme allant de soi.
Et vous aussi, citoyens de notre République, vous les avez bien aimés, ces Etats Généraux de la Santé.
Vous vous en êtes emparés, au delà de nos espérances. Plus de 1 000 réunions dans plus de 180 villes différentes.
Plus de 200 000 participants : jeunes, vieux, actifs, inactifs, femmes, hommes. 350 jurés ont accepté de consacrer leur temps à préparer ces débats que nous avons appelé des " forums citoyens ", puis à présenter leurs conclusions écrites sur des thèmes aussi différents mais collectivement importants que sont : la prévention, la santé et le cadre de vie, les jeunes et la santé, le droit de vieillir, l'accès aux soins, la douleur, les soins palliatifs et bien d'autres encore.
Il faut vivement remercier tous ceux qui ont contribué au succès de cette aventure :
- le Comité National d'Orientation d'abord et ses deux secrétaires nationaux : Gilles BRUCKER et Etienne CANIARD. Je me souviens d'avoir mis en place, dans le scepticisme général, ce comité il y a un an à peine : c'était exactement en juillet dernier. Que de travail vous avez accompli, en plus de vos obligations habituelles. Merci à vous, Mesdames et Messieurs, qui veniez parfois de loin et d'horizons différents : professionnels de la santé bien sûr, mais aussi juristes, sociologues, journalistes, représentants de grandes associations de malades etc.
- merci également à ceux qui ont participé aux groupes de travail par thème, accompagnant avec attention et générosité la réflexion des citoyens. Je sais le temps que cela vous a coûté. Je sais aussi que cela n'a pas été facile pour vous d'être bousculés sur votre propre terrain et confrontés à des réactions que vous ne soupçonniez pas toujours. Souvenez-vous, certaines séances furent "agitées" ! Vous avez vécu en direct l'exigence de ces Etats Généraux, vous avez accepté de partager l'information, la pensée, la connaissance, avec ce que cela implique de remise en cause,
- merci aux DRASS qui, aidées par les comités de pilotage régionaux des Etats Généraux, ont été les grandes organisatrices sur le terrain. Travail difficile : il fallait inventer une méthode et la mettre en oeuvre dans une intelligente improvisation. Faire naître des usagers, des élus, des syndicats, les occasions de débat, de rencontres autour des sujets de santé, les suivre et n'en pas en perdre les enseignements : les DRASS ont réussi ce tour de force pour chacune des réunions des Etats Généraux, c'est à dire plus de 1 000 fois en six mois à peine . Bravo et merci aux DRASS et aux DDASS. Elles témoignent, s'il en était besoin, de l'apport de la décentralisation à l'échelle des régions et de sa vitalité,
Je voudrais aussi remercier tous ceux qui ont saisi l'occasion pour organiser leurs propres manifestations dans le cadre des Etats Généraux : la Croix-Marine, la Ligue contre le Cancer, la Mutualité Française, les Mutuelles de France et l'Union des Mutuelles étudiantes, beaucoup d'élus locaux et les responsables du Parti communiste français. Je tiens à saluer particulièrement ici le travail remarquable mené par le Conseil Général du VAL DE MARNE, le Comité d'entente des associations du Handicap, Médecins du Monde et bien d'autres encore.
Enfin merci surtout à vous, jurés citoyens, qui êtes là aujourd'hui, merci à ceux que vous représentez. C'est bien vous tous, en vous mobilisant pour ces Etats Généraux, qui en avez fait le succès. Et demain, grâce à cela, vous ferez évoluer, vous améliorerez notre système de soins.
J'ai participé à plusieurs des réunions que vous avez organisées les uns ou les autres. Je me souviens de RENNES sur le droit de vieillir, le premier forum citoyen des Etats Généraux ; de NIORT où je suis allé avec Etienne CANIARD et Dominique BENETEAU sur la qualité des soins. Là Geneviève PERRIN GAILLARD et la Mutualité avaient battu le rappel : il y avait près de 1 000 Niortais dans la salle. J'ai suivi les Etats Généraux du Cancer, le forum de MARSEILLE sur la santé des jeunes et les conduites à risque, les rencontres de NANTES et de CAEN sur les droits des usagers. Je veux citer cette expédition un soir d'hiver chez Vincent PEILLON, à FRESSENNEVILLE en PICARDIE, pour parler de la lutte contre l'alcoolisme. Et ce samedi après-midi de mars, à PARIS, sur les maladies rares. Une grande émotion : la salle était pleine d'hommes et de femmes qui avaient vécu pour eux-mêmes ou pour leurs proches, leurs enfants bien souvent, la souffrance et la difficulté quotidienne qu'inscrivent ces 5000 maladies rares. On les connaît mal tout simplement parce qu'elles sont peu fréquentes, et on ne sait pas bien les traiter alors qu'elles sont souvent graves et invalidantes. Avec insistance, cette salle parisienne nous a rappelé que les maladies rares constituent un sujet de santé publique à part entière.
Je ne cite pas tous les lieux où je me suis trouvé à vos côtés, mais je n'en oublie aucun. Bien sûr, je dirais même hélas, je n'ai pas pu participer à vos 1 000 réunions, mais je m'y suis rendu chaque fois que c'était possible et j'ai écouté près d'une centaine de débats.
Les enseignements que j'en retire sont simples et vigoureux :
-. d'abord, cette extraordinaire mobilisation de nos concitoyens sur les sujets de santé : l'usager de l'hôpital et du système médical estime qu'il a son mot à dire et que nous devons l'entendre. Il n'est plus un "patient" mais une personne malade, un usager.
-. ensuite,cette émotion à chaque fois : la maladie n'est pas qu'un chiffre sur un tableau ou au pied d'un lit, mais toujours une histoire vécue, un malheur, une souffrance qui a marqué une famille, une vie, plusieurs vies ; ici, avant toute théorie, chacun parlait d'expérience ;
-. nous avons tous été frappé par la grande attention réciproque qui se manifestait dans les échanges, ce dialogue nouveau qui s'établissait entre les usagers du système de santé et les différents professionnels, qu'il s'agisse des soignants ou des administratifs. Le ton n'était pas celui que l'on entend dans les débats habituels qui séparent la tribune, ceux qui connaissent, du public assis dans la salle. Au cours des Etats Généraux, nous nous sommes parlé d'égal à égal entre jurés, public et experts.
Vous nous avez dit que vous voulez que les choses changent : vous voulez être considérés comme des personnes, des sujets, des citoyens, pas comme des maladies. Première leçon, car je crois à la force des mots : je m'efforcerai de ne plus employer le mot de patient, mais celui de personne malade.
Vous demandez que le système s'organise autour et au service des personnes malades plutôt que de rester essentiellement concerné par lui-même, ses habitudes et son avenir immédiat. Vous souhaitez qu'une plus grande place soit faite aux usagers ainsi qu'à ceux qui les représentent, à la société civile en général.
Au cours des manifestations auxquelles j'ai participé, vous nous avez dit aussi que la médecine ne devait plus appartenir aux seuls médecins. Vous voulez devenir acteurs de votre santé : mieux comprendre les stratégies thérapeutiques qui vous sont proposées, participer à un effort à la fois personnel et collectif de prévention, veiller à ce que les choix de société, les comportements et les consommations ne nuisent pas à la santé.
Vous avez dit que, pour vous, la santé va bien au delà du domaine strictement médical. Militer pour la santé, cela ne se sépare pas d'une vision d'ensemble de la société, de la culture, de l'économie, de la politique, de l'éthique. En affirmant vos préoccupations et vos revendications en matière de santé, vous défendez une certaine idée de la société dans laquelle vous souhaiteriez vivre, une idée d'égalité, de justice et de solidarité à laquelle vous être profondément attachés.
Conclusion :
Je ne veux pas me faire votre messager : la parole est à vous. Aujourd'hui, vous allez faire la synthèse de ce qui, selon vous, s'est dit de plus important au cours de ces six mois. Nous allons vous écouter avec une grande attention. Puis vous répondre. Car c'est cela que vous attendez de nous : que nous vous répondions. Que les Etats Généraux soient un commencement. Je m'y emploierai, je vous le promets. Je vous le dis ce matin. Je vous le redirai ce soir. Mais dès à présent, je vous engage à être vigilants : restez mobilisés et demandez nous des comptes régulièrement, pour que tout ce que vous avez su exprimer ne reste pas lettre morte.
La qualité de ces débats me laisse d'abord le sentiment d'une espérance partagée. Qui oserait la décevoir ?
(source http://www.sante.gouv.fr, le 07 juillet 1999)