Texte intégral
REGARDS : Mai 1998
Parce que les régimes staliniens de l'Est se prétendaient « communistes », certains, à l'heure de leur chute, ont décrété le communisme mort et enterré. Ils se sont hâtés d'ensevelir avec lui l’espoir de l'émancipation humaine. « Finie l’Histoire ! », proclamait l'un. « Oubliées les illusions ! » entonnait l'autre. Mais, à voir le grand spectacle morbide orchestré par Courtois et son Livre noir du communisme, il semble que, pour sceller la tombe, de nouvelles tonnes de boue doivent être déversées.
Bref, 150 ans après, le spectre est toujours actif ! Il ne hante plus seulement l'Europe, mais le monde entier. Et la vie de chacune et de chacun, à tout instant. Car le capitalisme, sous le nom de « mondialisation », étend la marchandisation à la totalité de la planète, à l’intégralité de l’existence des individus. Aucune contrée exotique, nulle parcelle privée ne lui échappe. Tout s’achète et se vend, tout s’échange et se consomme : les capacités humaines et les villes, les émotions et les organes, la pensée et les produits… Tout fait profit !
Marx et Engels, dans leur manifeste, avaient eu la vision de ce formidable mouvement de révolution permanente des forces productives. Mais alors, pour eux, l’admiration l’emportait sur l’angoisse. Aujourd’hui, il ne peut plus en être de même pour nous…
L’extension tentaculaire des rapports marchands sur le vivant est menacée de mort. Alors que le travail, pou obéir aux impératifs de la productivité maximale, est toujours plus flexibilisé et dépossédé de son sens, on voit perdurer les formes les plus barbares d’exploitation et de domination, tel le travail des enfants, voire l’esclavage…
Capital, qu’as tu fait du progrès promis ?
Si les profits croissent monstrueusement, partout se creusent chômage, pauvreté, s’aggravent régressions sociales, terreurs dictatoriales, destructions de l’environnement...
Peut-être le mot « communisme » ne se relèvera-t-il pas des injures que l’Histoire lui a infligées, mais de l’exigence de l’émancipation, la nécessité d’une révolution sociale qui libère l’Humanité de l’étreinte mortelle du capitalisme, elles, sont plus actuelle que jamais.
L’alternative au capitalisme ? Non pas un rêve, plus qu’un espoir : une urgente et vitale nécessité. A.K.
France 2 - 4 mai 1998
F. Laborde
Il y a deux stratégies à l'extrême gauche. Il y a celle de Lutte ouvrière avec A. Laguiller, qui est candidate à toutes les élections, que l'on voit extrêmement présente et puis, il y a la vôtre, la stratégie de la Ligue communiste révolutionnaire, qui est présente davantage dans les conflits. En sous-main, si je puis dire. On parle beaucoup de votre influence sur les sans-papiers, les sans-logis, les sans-emploi.
A. Krivine
- « Pas en sous-main, ni en sous-marin. Les militantes et les militants de la Ligue ne sont pas très nombreux, et essayent de mettre toutes leurs capacités au service des mouvements sociaux, que ce soit les chômeurs, les sans-papiers, etc… C'est absolument normal. Maintenant, ces mouvements se développent par eux-mêmes, et c'est très bien. Peut-être la faiblesse de la LCR, par rapport à d'autres, c'est d'être présent dans Je mouvement social et peut-être d'une façon moins visible aux élections. Maintenant, les dernières élections régionales ont montré qu'il y avait une vraie poussée de l'extrême gauche, c'est-à-dire qu'elle n'était pas seulement présente dans le mouvement social, mais elle est présente maintenant sur le plan électoral et j'espère que cela va se développer. »
F. Laborde
Cela veut dire que vous allez développer davantage une stratégie de présence ?
A. Krivine
- « Cela veut dire que l'on va être plus présent sous notre sigle dans les élections à venir. »
F. Laborde
Quand vous entendez M. Aubry à propos, tout récemment du mouvement des chômeurs, parler de manipulations, cela vous fait quoi ?
A. Krivine
- « Je trouve cela bizarre que des gens de gauche parlent de manipulation quand ils sont ministre du Travail ; quand ils sont ministres des "flics'" de parler de manipulations trotskistes - cela, c'est Chevènement - cela ressemble tellement à des formules utilisées par la droite, que je crois que c'est inquiétant. Aujourd'hui, quand les chômeurs sont dans la rue, ils sont manipulés par le chômage, c'est tout. Pas par la Ligue. Quand vous avez près de sept millions de personnes aujourd'hui qui sont touchés par les problèmes d'emploi ou dans d'autres domaines, près de 200 000 qui n'ont pas de toit, il n'y pas besoin de les manipuler pour qu'ils descendent dans la rue, ou les enseignants en Seine-Saint-Denis avec les élèves. Je crois que c'est une mauvaise façon de leur part de voir la politique. Ce que l'on souhaiterait d'un gouvernement de gauche, c'est qu'il mène une politique de gauche tel que, par exemple, au lieu de parler des 35 heures et d'aboutir à une loi comme celle de M. Aubry qui, loin de créer des emplois, va permettre aux patrons flexibilité, annualisation et puis, dans deux ans, et une fois qu'ils auront bien normalisé le travail, ils nous diront que l'on peut faire 35 heures sans créer aucun emploi, eh bien, il faudrait aujourd'hui une semaine réduite et où on force véritablement le patronat à embaucher. Si Le Pen est à 15 %, ce qui n'était pas le cas en 1968, c'est parce qu'aujourd'hui, il y a 3,5 millions de chômeurs et en 1968, il n'y en avait zéro. Au où Le Pen est en train de reculer à Toulon, on peut souhaiter que ce début de victoire s'accompagne d'une autre politique économique permettant justement de réduire - ce qui est le danger essentiel - le Front national. »
F. Laborde
Cette fin de semaine dernière à Bruxelles, l'Europe a adopté la monnaie unique l’euro, cela vous plaît ?
A. Krivine
- « A voir une seule monnaie pour toute l'Europe, c'est très alléchant et cela semble bien. Maintenant, aux conditions où c'est posé, je crois que ce n'est pas bien ! On est en train de faire une Europe à l'envers. Au lieu de commencer par faire une Europe sociale, on fait une Europe monétaire et je crois que les conditions de l'euro et, notamment les critères de convergence vont aboutir à plus de chômage, plus d'annualisation, plus de flexibilité. Si nous sommes contre Maastricht, c'est parce que cela discrédite l'idée d'une véritable Europe sociale et nous sommes pour une véritable Europe sociale, et ce n'est pas avec l'euro qu'on pourra la faire. »
F. Laborde
Vous allez présenter une liste aux élections européennes ?
A. Krivine
- « Aux élections européennes, on sera présent. Si on n'arrive pas à avoir une liste unitaire avec tous ceux qui sont partisans d'une Europe sociale et qui s'opposent aujourd'hui à l'Europe de Maastricht - et nous le souhaitons - il y aura une liste de la LCR. »