Texte intégral
DATE : 1 mai 1998
SOURCE : LUTTE OUVRIÈRE
Quelles sont les réelles préoccupations du gouvernement Jospin, son attitude face à la grève des enseignants de Seine-Saint-Denis en fournit ces jours-ci la démonstration.
Claude Allègre, ministre de l’Éducation nationale, bousculé par des enseignants de ce département qui ont envahi le studio RTL dont il était l’invité le dimanche 26 avril, a pu se rendre compte directement que leur mobilisation n’a pas faibli, malgré l’interruption des vacances scolaires.
Cela fait plusieurs semaines que les enseignants protestent par des grèves, des manifestations répétées, contre la criante insuffisance de personnel, les classes surchargées et les conditions de fonctionnement lamentables de l’enseignement dans cette banlieue ouvrière de la région parisienne qu’un rapport officiel lui-même considère comme un département sinistré. Ils bénéficient tout naturellement du soutien des parents d’élèves.
Le ministre socialiste de l’Éducation n’avait même pas daigné jusque-là rencontrer les représentants des enseignants en lutte. Voilà au moins la rencontre faite, même si ni Allègre, ni son conseiller en « relations sociales », Alain Geismar, ex-leader de Mai 68 devenu sous-fifre de cabinets ministériels, ne l’ont appréciée.
Les enseignants réclament la création, immédiate et en nombre suffisant, de postes non seulement d’enseignants, mais aussi d’infirmières, d’assistantes sociales, de personnel technique. Le ministre de l’Éducation a eu le culot de répondre que, ne pouvant pas « faire des miracles », il ne peut créer d’un coup les postes qui manquent. Et de proposer un plan à longue échéance, sur trois ans, peut-être plus. Autant dire à la Saint-Glin-Glin. D’ici là, la « gauche plurielle » arrivera en fin de législature et, de promesses reniées en problèmes éludés, elle se sera déconsidérée et passera le relais à la droite, qui recommencera la même comédie.
Pourquoi donc le gouvernement ne pourrait-il pas créer, tout de suite, les postes qui manquent ? Le besoin existe, il est urgent et aujourd’hui officiellement reconnu. Ce ne sont pas non plus les enseignants, les infirmières, les assistantes sociales, les ouvriers d’entretien à la recherche d’un emploi qui manquent. Alors, pourquoi ?
Parce que le gouvernement ne veut pas débloquer les fonds nécessaires.
Les patrons n’ont pas besoin de manifester pour que le gouvernement de gauche continue à leur faire les cadeaux que leur ont fait les gouvernements de droite et qui représentent plusieurs centaines de milliards tous les ans. Il y a de l’argent pour les patrons. Il n’y en a pas pour assurer un enseignement correct aux enfants des classes populaires. Et on ose continuer à pérorer sur le mal des banlieues et les adolescents à la dérive ! Et le ministère de la Justice étudie une loi rendant les parents passibles de prison pour des délits commis par leurs enfants afin, dit-on, de leur apprendre à mieux s’occuper de leur éducation !
Le gouvernement de Jospin est gêné par le mouvement des enseignants, d’autant qu’il s’agit d’un milieu qui constitue une part importante de la base électorale du PS. Mais il préfère compromettre son influence électorale plutôt que de prendre l’argent où il est.
Au-delà de la Seine-Saint-Denis, c’est toute une partie des classes populaires qui est sinistrée, et pas seulement pour l’éducation de leurs enfants. Sinistrée du fait du chômage ; sinistrée du fait de la dégradation des quartiers populaires ; sinistrée parce que l’État consacre de moins en moins d’argent à ce qui est indispensable à la population.
Il n’y a pas d’argent ? Mais rien qu’en rétablissant l’impôt sur les bénéfices au niveau où il était il y a quinze ans et en imposant fortement les profits spéculatifs, il y aurait de quoi créer des centaines de milliers d’emplois, et pas seulement dans l’Éducation Nationale ni dans la seule Seine-Saint-Denis, mais partout, dans les transports, dans les hôpitaux ou dans la construction de logements à loyer modéré. Mais il faudrait que le gouvernement ose s’en prendre aux profits et aux revenus du grand capital, ce qu’il ne fait pas. Il se contente de racler les fonds de tiroir pour faire quelques aumônes.
Jusqu’à ce que la marmite explose ! Et pas seulement du côté des enseignants.
DATE : 8 mai 1998
SOURCE : LUTTE OUVRIÈRE
Ils seront onze. Ils vont regrouper des centaines de millions de gens. Ce n’est pas la Coupe du monde, c’est avec l’Euro ! L’une est très proche et passera vite, mais l’Euro c’est dans quatre ans et surtout, en principe, cela doit durer longtemps.
Le bon côté de cette pièce est qu’elle va contribuer à faire disparaître totalement les frontières d’un continent presque entier et créer une unité économique et surtout humaine de près de 300 millions d’habitants. Cela pourrait supprimer cette mosaïque de pays dont les frontières découpent les peuples et leurs langues en deux ou en trois ; frontières qui furent redécoupées par des guerres incessantes au fil des siècles, dont trois guerres « modernes » et meurtrières en 69 ans, de 1870 à 1939, rien qu’entre la France et l’Allemagne. Oui, la bonne face de l’Euro pourrait être à l’effigie du progrès. Ce pourrait être la fin des manipulations monétaires auxquelles se sont livrés les pays qui dévaluaient pour favoriser leurs exportations. Ce pourraient être la fin des spéculations contre chacune des monnaies, à tour de rôle, surtout contre celles des pays dont l’économie est la plus faible mais pas uniquement !
Seulement il y a le revers de la médaille, de cette pièce d’un Euro. La face cachée, pourrait-on dire.
D’abord, l’unité n’est que de façade. L’empoignade qu’il y a eu dans les couloirs entre la France et l’Allemagne, pour choisir le président de la Banque européenne, en est la première illustration.
Les accords européens, depuis 50 ans qu’il y en a, du traité de Rome à celui d’Amsterdam, n’empêchent pas les rivalités entre groupes financiers dont les gouvernements sont les défenseurs.
Heureusement qu’il est possible d’espérer qu’on n’en a sera plus à envoyer des soldats mourir au front pour déplacer des frontières ou se repartager des colonies. Mais cette nouvelle situation n’est pas due à l’unité européenne ou à la monnaie unique qui sont plutôt la conséquence de la disparition des colonies et de l’incompatibilité entre la puissance des forces économiques actuelles et le caractère minuscule des États européens.
Certains pensent que la monnaie unique va aggraver les choses pour les travailleurs. C’est possible. Mais pour les travailleurs, les choses se sont aggravées bien avant que la monnaie unique soit même envisagée. Les concentrations et fermetures d’entreprises avec leurs cortèges de licenciements des quinze ou vingt dernières années – à commencer par les charbonnages et les aciéries – n’ont été dues ni à la suppression récente des frontières ni à la monnaie unique à venir.
Le problème est que, tant que la direction de l’économie et de la politique appartiendra à la bourgeoisie et à ses responsables politiques, la monnaie unique ne sera ni pire que la multiplicité des monnaies ni, malheureusement, meilleure.
Cette Europe pourrait être un énorme progrès si elle voyait des peuples unis sur tour le continent, sans frontières, parlant sinon la même langue du moins un langage commun, sans mur de quelque nature que ce soit entre les hommes et les économies, sans des États défendant chacun les intérêts particuliers de bourgeoisies nationales, sans les travailleurs d’un pays considèrent les travailleurs des autres pays comme des adversaires au lieu de se défendre contre leurs propres exploiteurs.
Mais l’Europe ne sera pas un tel progrès tant qu’elle restera sous la domination de la bourgeoisie, du capital, des exploiteurs. Alors, il faudra bien un jour construire une Europe des travailleurs et des peuples, unie et fraternelle, et dont seront bannies toutes les formes d’exploitation et d’oppression.
Une utopie ? Sûrement pas ! C’est inscrit dans l’avenir de l’humanité car ce système, qui voit la misère s’accroître à un pôle pour que la richesse s’accumule à l’autre, est un système inhumain dont on finira bien par se débarrasser.
Le capitalisme disparaîtra alors aussi sûrement que les frontières, la charrue en bois, les haches de pierre et tout ce qui sera considéré un jour par l’humanité comme l’âge des ténèbres et de la barbarie.
DATE : 15 mai 1998
SOURCE : LUTTE OUVRIÈRE
En ce mois de mai 1998, on fête beaucoup d’anniversaires à chiffres « ronds » : le 30e anniversaire de Mai 68, le 40e du retour de De Gaulle en 1958, le 50e anniversaire de la naissance de l’État d’Israël, le 150e anniversaire du Manifeste Communiste.
Les uns sont des événements définitivement révolus, mais la naissance du communisme et celle d’Israël sont toujours d’actualité.
L’anniversaire du Manifeste Communiste fera l’objet d’un colloque à la Grande Bibliothèque. Sa place serait plutôt dans les usines et auprès des chômeurs. Le développement du capitalisme depuis cent cinquante ans avec son cortège de misère, de crises, de mondialisation, correspond largement à ce que Marx avait décrit dès son époque, en partant des prémices de cette économie.
Et les gens qui commémorent Marx aujourd’hui n’ont pas la même attitude vis-à-vis de Lénine et de la Révolution russe, sous prétexte que cette révolution a engendré le stalinisme, les goulags et la dictature. Ils ramènent ainsi le communisme à un problème académique en gommant volontairement le fait que la Révolution russe était une révolution profondément populaire, venue des tréfonds du peuple, des travailleurs, des paysans russes ; que c’était une révolution qui a offert, à toutes les colonies du tsarisme, de pouvoir librement se séparer de la Russie ou, au contraire, de s’associer à elle dans l’union des peuples soviétiques avec le respect de leur langue et de leur culture.
Cette révolution a dégénéré, certes. Mais la France, l’Angleterre, les États-Unis, le Japon ont tout fait pour cela. Ils ont suscité une guerre civile de plusieurs années à laquelle ils ont fourni argent et armes. Car c’est cette contre-révolution qui a fait le plus de morts et de drames, la révolution elle-même s’étant faite pratiquement sans effusion de sang.
De son côté, l’anniversaire d’Israël rappelle qu’il n’y a pas que la Révolution russe dont l’idéal ait dégénéré. La naissance d’Israël est venue après une longue lutte des organisations juives – organisations terroristes comme celles des Palestiniens aujourd’hui – recourant aux attentats contre l’armée britannique car la Palestine était alors une colonie de la Grande-Bretagne.
Nul n’aurait pu reprocher aux Juifs d’Europe, rescapés des ghettos, de l’antisémitisme et des camps de la mort, de vouloir un pays à eux. Malheureusement, dans ce pays vivait un autre peuple : les Palestiniens.
Les sionistes n’ont pas pris, au début, les terres de force. Ils les ont achetées aux grands propriétaires féodaux arabes et ensuite, en toute légalité, en ont chassé les paysans palestiniens.
Mais beaucoup des fondateurs d’Israël voulaient une société égalitaire. Les « kibboutz » étaient des collectivités sur le modèle des kolkhozes russes. Chacun y travaillait pour la collectivité et en recevait aide et assistance.
Israël a vécu tout ce demi-siècle dans un environnement capitaliste et réactionnaire. Et, aujourd’hui, il n’y a toujours pas de paix ni pour le peuple juif d’Israël ni pour le peuple palestinien.
En ce cinquantième anniversaire, les pourparlers de paix entre Israéliens et Palestiniens qui traînent depuis des années viennent à nouveau d’être rompus par le refus Netanyahou, le chef du gouvernement israélien, de participer à la rencontre avec Clinton et Arafat.
Évidemment Clinton se moque éperdument des peuples juif et palestinien. La suprématie mondiale des États-Unis a besoin des dirigeants des États arabes, des émirs du Golfe, pour maintenir les peuples arabes dans la sujétion et a aussi besoin de la puissance militaire d’Israël comme d’une arme au cœur du Moyen-Orient.
Alors si les jeunes de Mai 1968 sont aujourd’hui, pour beaucoup, des quinquagénaires intégrés au système, si de Gaulle n’a pas de descendant, il y a toujours des opprimés et des exploités dans ce monde.
Et le Manifeste Communiste est toujours d’actualité.
DATE : 22 mai 1998
SOURCE : LUTTE OUVRIÈRE
En Indonésie, se déroulent des troubles politiques et une répression qui a déjà fait officiellement 500 morts.
C’est à l’époque de la ruée des pays d’Europe occidentale sur ceux d’Asie et d’Amérique que l’impérialisme hollandais colonisa cet archipel du Sud-Est asiatique, il y a presque quatre siècles, à partir de 1602. Au milieu du XIXe siècle, les Hollandais imposèrent le travail forcé dans les campagnes pour produire du café, du tabac, des oléagineux, du caoutchouc. Cela provoqua de nombreuses révoltes que les troupes hollandaises n’arrivèrent à pacifier, comme on dit, qu’après 1900. L’Indonésie ne s’affranchit de la colonisation qu’en 1945, à la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Comme bien d’autres ex-colonies, elle est encore victime de ce passé.
De 1945 à 1965-67, l’Indonésie a été dirigée par Sukarno, qui fut champion du tiers-mondisme et du « non-engagement » des pays du « Tiers-Monde ». C’est ce qu’on disait à l’époque avant de dire hypocritement « pays en voie de développement ».
À cette époque de « guerre froide » entre les USA et l’URSS, un certain nombre de dirigeants du Tiers-Monde croyaient pouvoir se tenir en équilibre entre les deux blocs et développer leur économie sur des bases non communistes d’une part, indépendantes de l’exploitation impérialiste d’autre part. Ils ne furent pas communistes car trop nationalistes et défendeurs des intérêts bourgeois et, pour cela, n’échappèrent pas à l’exploitation impérialiste mondiale. Leurs régimes politiques furent des dictatures car il leur fallait imposer à leurs peuples de supporter la misère.
Cela n’empêcha pas Sukarno d’être soutenu par le Parti Communiste indonésien, qui fut un parti extrêmement puissant avec plusieurs millions de membres.
Mais un coup d’État militaire, dirigé par l’actuel président Suharto, renversa Sukarno il y a 32 ans. Ce coup d’État fit entre cinq cent mille et un million de morts – on ne sait pas au juste – dans la population civile et, en particulier, parmi les militants communistes. De terribles massacres commencèrent à Java et s’étendirent par la suite à Bornéo, à Bali et aux nombreuses petites îles qui constituent l’Indonésie. Ce furent des exécutions en masse, des rivières chargées de cadavres et les communistes – ou supposés communistes – survivants furent enfermés dans des camps par dizaines de milliers où, pour la plupart, ils restèrent jusqu’à quinze ans sans jugement.
Voilà comment est né, avec la bénédiction des puissances occidentales, le régime militaire de Suharto et voilà comment il dirige le pays depuis plus de 30 ans tandis que la misère morale et matérielle y est épouvantable depuis toute cette période.
Bien sûr, pas mal de sociétés et de banques occidentales y ont investi, depuis 1975 en particulier, époque où leurs liquidités financières furent telles qu’elles ne savaient plus, tout comme aujourd’hui, où placer leur argent. Mais cela n’a enrichi qu’une petite minorité de la population pendant que l’énorme majorité continuait de s’appauvrir.
Aujourd’hui, les émeutiers et en particulier les étudiants réclament le départ de Suharto. Mais l’armée, nombreuse, surarmée par les Occidentaux, tient les principales villes. La révolte des étudiants y est, pour le moment, tolérée. C’est que pour que tout le monde, Occidentaux compris, Suharto a fait son temps après 32 ans de bons et loyaux services au profit de l’impérialisme.
Tout le problème est de lui trouver un successeur plutôt, comme précédemment, parmi les militaires.
Il reste à voir cependant si, au-delà des étudiants, le reste de la population des villes et des campagnes, deux cent millions d’habitants au total, pourra prendre ou pas son propre sort en mains.
Si c’est le cas, alors même l’armée n’y pourra rien. Car s’il s’agit vraiment d’une révolution, les soldats du rang choisiront le camp d’où ils sont issus.
C’est ce qu’on peut souhaiter de mieux à ce malheureux peuple.
DATE : 29 mai 1998
SOURCE : LUTTE OUVRIÈRE
Le référendum, qui s’est déroulé en même temps en Irlande du Nord et du Sud, et qui a donné une énorme majorité de « oui » au projet commun du gouvernement anglais et des organisations catholiques et protestantes, va-t-il mettre fin à la guerre civile qui ensanglante ce depuis des dizaines d’années ? Pour cela il faudrait au moins qu’il mette fin à la domination anglaise sur l’Irlande du Nord.
L’Angleterre a colonisé l’Irlande au XIIe siècle, et depuis c’est la classe dominante anglaise qui, peu à peu, a expulsé non seulement les nobliaux irlandais mais aussi les simples paysans et a annexé toutes les terres, ou presque, au fil des siècles. Cela a provoqué de nombreuses révoltes, sauvagement réprimées.
Au milieu du XIXe siècle, la famine fit un million de morts parmi la population pauvre irlandaise tandis que les riches propriétaires anglais campaient sur leurs richesses. Cela provoqua une des plus importantes vagues d’immigration vers les États-Unis qui se prolongea sur des dizaines d’années puisque, en 1912, la quasi-totalité des passagers des ponts inférieurs du Titanic étaient des Irlandais en route pour les USA. C’est en 1921 que l’Irlande du Sud devint indépendante, tandis que l’Irlande du Nord restait sous domination anglaise.
Le traité qui vient d’être approuvé maintient formellement le statu quo, mais il contient cependant en germe d’espoir de la réunification de l’Irlande et de son indépendance dans un avenir non défini.
Bien sûr, dans une Irlande indépendante et réunifiée, les relations entre les deux communautés ne seront pas simples. D’autant qu’il ne s’agit pas vraiment de religion ni d’opinion sur la monarchie ou sur la république, mais d’un problème social.
Les catholiques sont les plus pauvres de la société, ils forment le gros des travailleurs les plus mal payés et, aujourd’hui, des chômeurs, tandis que parmi les classes riches : possédants, commerçants, industriels, financiers, la majorité sont protestants et les partisans du maintien de la domination anglaise sont plus nombreux encore.
Le gouvernement anglais est manifestement enclin à se débarrasser du problème irlandais car il en a assez de se heurter au terrorisme, de maintenir l’ordre et de craindre une explosion populaire, surtout que, face à la crise et au chômage, le capital financier anglais et européen tient à la paix sociale.
Mais il faut du temps au gouvernement anglais qui a à faire face là-bas à des résistances qu’il ne peut heurter de front. Il fait comme le gouvernement français le fait aujourd’hui avec la Nouvelle-Calédonie : l’indépendance est à l’horizon mais dans un avenir indéterminé, le temps de mettre en place une « élite » autochtone, celle qui sera susceptible de garantir les intérêts des financiers français, voire de ceux du reste du monde, même s’il faut partager les profits avec l’élite locale.
En Irlande, c’est le même problème qui est en place. C’est dire que la population laborieuse, la population la plus pauvre, ne verra guère changer son sort au terme de l’évolution.
C’est le piège dramatique des luttes nationaliste. Bien sûr, l’oppression nationale est insupportable. Mais quand elle fait oublier la lutte sociale, quand elle fait oublier que les classes sociales existent et qu’elle fait oublier aux plus pauvres, aux travailleurs, aux exploités que la lutte de classe est, de toute façon, menée par leurs adversaires, alors la lutte nationaliste ne débouche sur rien.
Les Irlandais de toute condition doivent en avoir assez du terrorisme, et on les comprend. Le terrorisme est la pire forme de lutte qui soit, car c’est le fait de minorités qui prétendent se battre pour les masses populaires mais le font à leur place et souvent en dépit de leurs intérêts.
Ce qu’on doit espérer, c’est non seulement que le terrorisme s’arrête en Irlande, mais qu’à la place la classe ouvrière sache se défendre contre ses exploiteurs, qu’ils soient catholiques ou protestants, loyalistes ou républicains, anglais ou irlandais.