Interview de M. Thierry Cornillet, président du Parti radical, à France 2 le 17 avril 1998, sur les élections régionales dans la région Rhône-Alpes, notamment la question des alliances avec Charles Millon et les relations de la droite avec le Front national.

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Média : France 2 - Télévision

Texte intégral

Q - Le Parti radical est une des cinq composantes de l'UDF et vous êtes aussi conseiller régional de Rhône-Alpes : ça fait deux raisons de se faire du souci. Vous étiez sur la liste de C. Millon et maintenant vous menez une sorte de fronde de dissidents. Que va-t-il se passer ?

- “J'ai conduit effectivement la liste dans la Drôme et puis C. Millon a décidé, à l'issue du premier tour, d'accepter les voix du Front national pour se faire élire président et nous sommes trois à l'avoir immédiatement dénoncé. Ces trois sont devenus dix-sept, ce qui prouve que l'avenir ne nous donne pas nécessairement tort. Je crois que Rhône-Alpes développe là une très mauvaise image. C'est un problème de clarté politique vis-à-vis des électeurs. Nous avions dit que nous ne ferions pas d'alliance avec le Front national ; il n'y en avait d'ailleurs, très cyniquement, pas besoin puisque la région n'avait aucune chance de passer puisque nous avions le doyen d'âge. C'est donc un choix politique et c'est sur la base de ce choix politique que nous sommes un certain nombre à trouver qu'il faudrait que M. Millon tire les conséquences de l'impasse dans laquelle il met la région.”

Q - On dit ça depuis le 25 mars et il ne se passe toujours rien, et la région n'avance toujours pas. C'est-à-dire que les vice-présidents ne sont pas tous élus et que le budget n'est toujours pas voté.

- “Ce qui prouve que c'est une impasse. C'est donc qu'il faut bien en sortir. Pour en sortir il faut que le président le décide donc, en fait, pour l'intérêt de Rhône-Alpes, puisse permettre que se reconfigure une nouvelle majorité. Mais naturellement une majorité homogène de l'opposition républicaine.”

Q - 17 dissidents, ça signifie que vous pourriez faire une alliance avec la gauche contre C. Millon ?

- “D'abord c'est paradoxal d'appeler les dissidents ceux qui sont dans la ligne du parti, alors que ce sont les autres qui en sont sortis. Nous ne sommes pas les dissidents, nous sommes les vigilants du dispositif. Mais de là à faire une alliance avec la gauche contre C. Millon et contre le FN je ne crois pas que ce soit le problème. Il faut que, là aussi, nous soyons clairs avec nos électeurs. Nos électeurs ont voté pour l'UDF et le RPR mais assurément pas avec une alliance avec le Front national.”

Q - Donc c'est quand même possible avec la gauche. C'est ce que vous êtes en train de dire ?

- “Je crois qu'en Rhône-Alpes on a une tradition radicale de discussions qui permet, avec un exécutif qui serait homogène UDF-RPR, de discuter sur les grands dossiers régionaux avec la gauche, parce que c'est comme ça que Rhône-Alpes avance, parce que c'est comme ça je crois que les collectivités locales doivent avancer. Le dialogue reste possible dans notre pays, donc c'est plutôt dans une configuration de ce type qu'il faudra s'orienter ultérieurement.”

Q - A l'UDF la situation est tout aussi confuse. Mercredi, au cours d'une grande réunion, vous avez essayé de trouver les questions à poser à vos adhérents et là encore personne n'a trouvé d'accord ou de terrain d'entente ?

- “Je crois que le problème c'est d'abord de les consulter sur la base d'un pacte refondateur. Pour le Parti radical et pour aussi, je crois. Démocratie libérale, il n'est pas question de fusion parce que nous considérons que la fusion des composantes serait très réductrice pour l'UDF. Il convient effectivement d'avoir un pacte de refondation. Nous proposons, nous, de revenir aux dispositions originelles de l'UDF, c'est-à-dire la démocratie chrétienne, le libéralisme et le radicalisme et ensuite de consulter les militants sur un re-départ de l'UDF après vingt ans. Nous avons vingt ans de vie commune, nous avons un projet. Il ne faut pas avoir uniquement un débat sur les structures. Il faut savoir quelles sont nos ambitions politiques, quelles sont les valeurs que nous voulons défendre, quel est le projet politique, quel est celui qui pourrait conduire l'UDF. Donc nous avons de multiples questions à poser et pas seulement une sur les structures.”

Q - Pensez-vous que le problème c'est de conduire l'UDF ? On pourrait légitimement se demander s'il y a véritablement en ce moment un pilote dans l'opposition, en dehors du Président de la République ?

- “Je crois que l'UDF est une trop bonne idée pour mourir. Il y a effectivement l'idée qui a présidé à sa création, qui est en fait de regrouper tous les partis non gaulliste, et qui perdure. Il y a effectivement le RPR ; il y a l'UDF qui est porteur de valeurs comme l'idéal européen, comme la décentralisation et qu'il faudra naturellement fédérer derrière quelqu'un qui puisse incarner ce courant politique, donc la question reste d'actualité.”

Q - Vous avez écouté le Président de la République hier soir. Un commentaire ?

- “Je trouve que son souci de proximité avec l'électeur est louable mais je ne pense pas que ça résoudra uniquement le problème. Le problème c'est qu'on a dévoyé le débat européen. Normalement l'élection européenne n'est ni l'élection présidentielle du pauvre, ni un sondage grandeur nature. Ça doit être l'occasion de débattre de l'idéal européen. Nous sommes dans une phase de contestation en France puisque l'on voit bien que les eurosceptiques vont du Parti communiste au Front national, en passant par certaines personnes du RPR voire de l'UDF. Je crois qu'il est important que les Européens dont nous sommes – c'est-à-dire des gens qui sont viscéralement attachés à l'idée de l'Europe que nous considérons comme une chance et non pas du tout comme un risque pour notre pays -, puissions l'exprimer à l'occasion de cette campagne.”

Q - Dans quatre jours on va fêter l'anniversaire de la dissolution. Sera-ce une fête ou plutôt la fin d'un cauchemar ?

- “Si ça a permis que se décrispe un peu la vie politique française et qu'il n'y ait pas d'explosion sociale, en soi ça a été un bien. Ca permettra peut-être aussi que se déroule dans la sérénité le débat sur l'idéal européen.”

Q - Je vous trouve éternellement optimiste.

- “Je crois que c'est une caractéristique radicale. Il y a toujours une part de soleil quelque part.”