Texte intégral
LIBERATION : 16 mai 1998
Q - À peine baptisée Alliance, la confédération RPR-UDF est contestée en justice par un syndicat policier du même nom. Mauvais présage ?
Je ne suis pas superstitieux. Nous sommes au début d’un processus et le mot Alliance doit être pris au sens large. Le nom symbolique de notre union n’est pas encore définitivement arrêté.
Q - Vous parlez d’une présidence tournante, d’un secrétariat permanent, … Mais concrètement, comment ça va se passer ?
Un cadre a été défini, des propositions avancées, reste désormais les détails. Toutes ces questions vont faire l’objet de discussions entre les différents partenaires de cette confédération et au sein de chaque formation, qui vont devoir se prononcer. Tout est discutable et envisageable. Même le tirage au sort pour le premier Président de cette confédération.
Q - L’UDF aussi est une confédération. Ça ne marche pas très bien. Ne craignez-vous pas qu’il en soit de même demain avec l’Alliance ?
Je suis optimiste pour deux raisons : l’attente très forte de l’électorat qui nous force à adopter une attitude de coopération responsable et efficace ; la souplesse du dispositif qui pose le principe de la différence des sensibilités politiques.
Q - Philippe Séguin prônait la nécessité pour le RPR de retrouver son identité. Il avait même envisagé pour les prochains rendez-vous électoraux des primaires à droite. Cette stratégie est-elle remise en cause ?
Pas du tout. L’Alliance permet de respecter l’identité des différentes composantes de la droite, contrairement à ce que supposerait une fusion. Dans une telle structure, l’opposition s’organise sur un mode pluraliste. Et ce n’est en rien contradictoire avec ce que veut Séguin.
Quand il a pris la tête du RPR, il a fixé « une feuille de route » avec trois directives : la réconciliation, la rénovation et l’ouverture. La première est réalisée, la seconde est sur de bonnes voies. Il engage maintenant la troisième.
Q - Y aura-t-il des listes RPR et UDF séparées aux prochaines européennes ?
Un des buts de l’Alliance, c’est de déterminer élection par élection la meilleure stratégie. On verra au coup par coup. Mais il faut reconnaître que le spectacle actuellement donné par l’opposition a modifié la donne. Un des premiers objectifs est donc de mettre un terme à ce désordre. Philippe Séguin et François Léotard ont sifflé la fin de la désintégration des familles de l’opposition. Toutes les réactions qui ont salué l’Alliance insistent sur cette aspiration à l’ordre et à la coordination.
Q - Jacques Chirac a-t-il eu son mot à dire ?
Je l’imagine. D’ailleurs, on savait ce qu’il souhaitait.
Q - L’Alliance se rangera-t-elle derrière sa candidature à la présidentielle s’il décide de se représenter ?
Je vous renvoie à ce qu’a toujours déclaré Séguin sur ce sujet : l’élection présidentielles est une affaire entre un homme ou une femme et le peuple français.
Q - Charles Millon, qui a créé La Droite, pourra-t-il adhérer à l’Alliance ?
L’adhésion d’une formation politique à l’Alliance suppose l’acceptation de ses règles et de ses choix politiques. Elle ne peut être décidée qu’à l’unanimité des formations fondatrices. Le protocole insiste aussi sur le refus de toute compromission avec l’extrémisme. Il est clair que Charles Millon pourrait nous rejoindre sous la seule condition qu’il renonce à sa ligne de conduite.
RMC : 26 mai 1998
Q - Vous avez déjeuné hier avec le président de la République, ici à Angers. Est-ce que vous avez eu avec vous un président de la République serein ?
– « C’était un président de la République décontracté, venant à l’écoute des habitants du Maine et Loire et en particulier au cours de ce déjeuner, des élus qu’il a largement interrogé les uns après les autres sur les difficultés économiques, les difficultés sociales du département. C’est un Président qui venait, hors de Paris, prendre le pouls d’un pays qui est souvent bien différent, ici, sur les bords de la Loire. »
Q - Il n’était pas assombri par les chicayas de l’opposition, comme on dit ?
– « Il ne le semblait pas. Il le semblait d’autant moins d’ailleurs que l’opposition, comme vous avez pu le constater, s’est aussi, hier, organisée en constituant une confédération qui marque un vrai tournant. »
Q - Est-ce que l’Alliance pour la France qui a donc été scellée, hier à Paris, est un sigle de plus ou une vraie évolution de l’opposition ?
– « Ce n’est pas un sigle de plus. J’ai connu depuis quinze ans beaucoup de sigles qui étaient des alliances électorales composées souvent d’ailleurs à la veille des échéances électorales. C’est la première fois que je vois s’organiser, dans des conditions il est vrai particulièrement difficiles pour l’opposition, une vraie confédération avec des structures et des structures qui ne sont pas des structures qui sont entre les mains ou seront entre les mains des états-majors des partis. Ce sont des structures qui seront entre les mains de ceux qui composent l’Alliance ; les députés, par exemple, pour l’intergroupe ou les militants pour la confédération des formations politiques. C’est vraiment la première fois que l’opposition se dote de structures aussi fortes pour faire entendre sa voix d’une manière unique. »
Q - Alors P Séguin, président provisoire, de l’APEF, puisque c’est le nouveau sigle. Est-ce pour montrer que le RPR est la colonne vertébrale de l’opposition ?
– « C’est un choix qui a été le fait des membres fondateurs de l’Alliance pour la France qui sont, vous le savez, à la fois l’UDF qui était représentée par F. Léotard et F. Bayrou et Démocratie libérale par A. Madelin. Je trouve que c’est un bon choix. Je n’ai rien à y redire. »
Q - C’est un pas vers la fusion ou bien cette confédération doit conserver l’aspect d’une alliance ?
– « Dans l’esprit des dirigeants du RPR en tout cas, c’est une bonne façon de réaliser l’union dans la pluralité. Ce n’est donc pas un pas vers la fusion parce que nous, nous pensons que l’opposition est plurielle comme la majorité et qu’elle doit pouvoir faire entendre toutes les sonorités qui sont celles de ses membres. »
Q - C’est la polyphonie de l’opposition.
– « Maintenant. Nous entamons un processus et il est, aujourd’hui, extrêmement difficile de dire où il aboutira. En tout cas, nous l’entamons avec la ferme intention de conserver notre identité au sein de cette confédération. »
Q - À votre avis, ce matin, vous avez l’impression que rien ne pourra bloquer la mise en place de l’Alliance pour la France ou il y encore des risques que cela trébuche ?
– « C’est toujours difficile de prévoir les choses dans ce domaine sans réserve. En tout cas, si ce processus venait à s’enrayer, ceux qui porteraient la responsabilité des difficultés seraient assez sévèrement critiqués par l’électorat de l’opposition. L’électorat de l’opposition est foncièrement favorable à cette initiative parce qu’il sent qu’il y a là une occasion pour la droite de rebondir et de donner, comme nous le disait le président de la République, le coup de pied au fond de la piscine. »
Q - Est-ce que les électeurs de votre bord, les électeurs de l’opposition ont raison de croire que l’Alliance pour la France aura des listes communes partout aux futures élections ? Quand ils espèrent cela, est-ce qu’ils ont raison de l’espérer ?
– « Nous avions dit lorsque le processus a été engagé que nous choisirions pour chaque élection la meilleure stratégie. Il peut y avoir des stratégies – nous en avons fait la démonstration, ici, dans cette région des pays de la Loire – où des listes séparées aboutissement à de meilleurs résultats électoraux. Cela étant dit, il est clair que dans l’esprit des Français qui encouragent la création de l’Alliance, la manifestation de l’unité c’est quand même la candidature unique. Mon sentiment est qu’au moins pour les prochaines échéances, c’est vers des candidatures uniques que nous allons. »
Q - Y compris les européennes, F. Fillon ?
– « Les européennes, nous attendrons de savoir quel est le mode de scrutin avant d’en parler. »
Q - À propos de mode de scrutin, vous êtes favorable au RPR ou à l’Alliance pour la France à une modification du mode de scrutin des européennes comme il est prévu ou est-ce qu’il y a des réserves ?
– « Moi, je continue à ne pas voir les avantages du mode de scrutin par grandes circonscriptions régionales qui nous est proposé. On nous dit qu’il faut rapprocher les élus des électeurs, ce que je trouve être une très bonne idée. Simplement, pour vraiment les rapprocher, il faudrait mieux les faire élire au scrutin d’arrondissement, directement, alors que là, les députés européens auront des circonscriptions de cinq millions d’électeurs, je ne suis pas sûr que cela soit un vrai changement pour les Français. »
Q - Le RPR peut changer d’avis sur ce point ? Demande à être convaincu ?
– « Le RPR, pour le moment, demande à être convaincu. Le RPR demande à ce que l’on démontre les avantages du changement de mode de scrutin mais le RPR est ouvert. »
Q - Le RPR a opposé son veto, aujourd’hui, lors de la constitution de l’Alliance pour la France à l’adhésion de C. Millon à cette alliance. Pourquoi avoir fait opposition ferme ?
– « Parce que nous avons toujours dit que l’Alliance n’avait de sens que si elle rassemblait des hommes et des femmes qui partagent les mêmes convictions, qui ont la même stratégie politique. Si C. Millon accepte la ligne générale qui sera celle de l’Alliance et que nous définirons dans les semaines qui viennent au fur et à mesure que se mettront en place les instances qui vont la composer, il sera le bienvenu. Mais on ne peut pas accepter aujourd’hui dans l’Alliance quelqu’un qui a mis en œuvre une stratégie qui est exactement opposée à celle que nous avons choisi, en tout cas pour le RPR et à ma connaissance, également pour nos alliés de l’UDF. »
Q - Quel serait, à votre avis, le geste nécessaire et suffisant qui permettrait à C. Millon de réintégrer l’Alliance comme il en a envie, comme il le désire ?
– « De reconnaitre qu’il n’y est pas possible de diriger la région avec le Front national. »
Q - C’est-à-dire démissionner ?
– « C’est-à-dire constater qu’il n’a pas de majorité d’idées, qu’il n’a pas de vraie majorité. »
Q - C’est-à-dire démissionner ?
– « Sans doute. »
Q - Cela s’applique aussi aux autres élus, présidents de Conseil régional qui ont accepté les voix du Front national ?
– « Bien sûr mais à ma connaissance, C. Million est le seul qui ait créé un parti. La question qui a été posée aux membres fondateurs de l’Alliance était celle de savoir si le parti de C. Million pouvait être accueilli. D’ailleurs, d’une manière plus générale, toutes les autres formations de droite qui souhaiteront adhérer à l’Alliance ne pourront le faire que quand les statuts auront été mis en place et que les instances pourront délibérer de leur adhésion c’est-à-dire plutôt vers la fin du mois de septembre. »
Q - Les relations entre l’Alliance pour la France et J. Chirac ? C’est coordination ou indépendance ?
– « C’est indépendance car le président de la République est le Président de tous les Français. Simplement, chacun a pu constater qu’il voyait d’un œil favorable cette initiative. »
Q - L’intergroupe à l’Assemblée nationale et au Sénat. Ce sera un vrai intergroupe cette fois-ci ?
– « Ce sera un vrai intergroupe et notre souci est notamment qu’il soit présidé par un président qui ne soit pas celui soit du groupe RPR, soit du groupe UDF, ès qualité je veux dire et surtout nous voulons que ce soit un intergroupe qui se réunisse souvent, qui se réunissent quasiment hebdomadairement pour que les députés apprennent à travailler ensemble, à voter ensemble et à harmoniser leur démarche. »