Texte intégral
ENTRETIEN AVEC LES CORRESPONDANTS DE LA PRESSE FRANÇAISE (AFP, EUROPE 1, LE MONDE) - 11 août 1998
Question : Pourquoi Khartoum maintenant ?
Réponse : C'est vrai que Bernard Kouchner a dû s'y rendre il y a six ans, mais ce n'était pas à Khartoum, c'était au Soudan et c'était déjà sur un dossier humanitaire. Pourquoi maintenant ? Parce que la France ouvre sa politique africaine à l'ensemble de l'Afrique, que le Soudan y occupe une place importante et pas seulement par sa superficie, qu'il traverse une phase difficile et en particulier du point de vue humanitaire.
Les médias, et vous en savez quelque chose, ont braqué leurs feux sur Bahr-El-Ghazal qui est l’Etat dans lequel la famine est peut-être la plus exprimée, mais c'est en réalité tout le sud du Soudan qui souffre en ce moment. La France est très active dans le mouvement de solidarité qui s'est mobilisé et il était normal que le Premier ministre me demande d'aller sur le terrain évaluer l'efficacité de l'aide humanitaire, ce que j'ai fait insuffisamment parce que c'était trop bref. Mais j'ai rencontré à peu près tous les acteurs des opérations humanitaires qui sont conduites. J'en ai parlé aussi avec les responsables soudanais. J'ai examiné avec eux, comme avec John Garang tout à l'heure, les obstacles à une meilleure efficacité en termes de transport. J'ai examiné la question de la distribution, ou plutôt de la sécurité de la distribution, en direction des populations auxquelles l'aide est destinée. En clair, c'est toute la question du détournement que nous avons évoquée, en plus du dossier politique, celui de la paix.
S'il est vrai qu'il ne faut pas confondre le dossier humanitaire et les dossiers politique et de guerre, il est clair qu'on ne peut pas non plus les séparer : c'est quand même bien l'état d'insécurité qui empêche les paysans de faire leur métier normal, c'est-à-dire de produire de la nourriture. Et c'est donc tout naturellement que ma mission est aussi destinée à évaluer les chances de paix. Au lendemain de la rencontre d'Addis-Abeba, les contacts que j'ai eus à cet égard avaient une actualité supplémentaire.
Bref, c'est pour parler de tout cela que j'ai fait cette mission trop brève. J'en reviens avec des sentiments mêlés, une volonté bien affirmée de faire vivre un cessez-le-feu qui est quand même la condition d'une aide humanitaire efficace. Le prolongement du cessez-le-feu dans le temps et dans l'espace va-t-il être réalisé comme les organisations humanitaires et nous mêmes le souhaiterions ? La question est ouverte. Dans le temps, je pense qu'il y a de bonnes chances ; dans l'espace, ce sera peut-être un peu plus difficile. J'ai aussi parlé avec mes interlocuteurs des moyens de faire respecter le cessez-le-feu, de la présence sur place d'une autorité au moins tripartite au sein de laquelle les protagonistes soudanais sont présents, mais aussi « l'Organisation lifeline Sudan » qui a été mise en place pour gérer cette aide humanitaire. C'est une question importante.
Pour le reste, les questions de fond qui ont été évoquées à Addis-Abeba, vous les connaissez comme moi : une référence trop forte à la religion musulmane dans le projet de Constitution, ou dans la Constitution, trop forte du point de vue de certains protagonistes du Sud, je pense à M. Garang en particulier ; un débat sur la frontière, ce qui ne me paraît pas le plus essentiel ; un désaccord encore sur les mesures qui doivent accompagner la période transitoire. Bref, le besoin d'un dialogue prolongé est évident. Un autre rendez-vous est prévu à Nairobi. Ce serait bien que, d'ici là, d'autres occasions de rencontres soient saisies par les uns et les autres. Il est bon que la communauté internationale s'en préoccupe, que nous fassions pression les uns et : les autres pour expliquer aux uns comme aux autres que si l'on peut avoir parfois des raisons de faire la guerre, il y a surtout de bonnes raisons pour faire la paix, simplement pour assurer la survie du Soudan et surtout le mieux-être de ses populations. C'étaient ces messages que j'ai voulu transmettre. J'ai dit à mes interlocuteurs ma disponibilité et celle du gouvernement - et je parlais au nom de Hubert Védrine bien évidemment - à nous prêter à tous les dialogues et à toutes les rencontres qui permettraient de faire avancer un peu ces dossiers.
Nous avons aussi évoqué les influences extérieures au Soudan. Elles existent. La paix du Soudan ou au Soudan ne sera obtenue que si les Soudanais le veulent et si les partenaires ou les influences extérieures au Soudan le veulent aussi. C'est un autre débat, mais qu'il faut avoir en tête et nous en reparlerons avec nos partenaires européens puisque ma mission a été préparée en concertation avec les capitales européennes qui en ont été prévenues. J'ai rencontré, d'ailleurs ce matin, les chefs de missions diplomatiques européens présents à Khartoum et j'aurai l'occasion, dans les jours qui viennent, de rendre compte avec mes collègues européens des résultats de ce voyage.
Enfin, je viens d'avoir un long échange avec nos amis égyptiens et, en particulier, mon collègue égyptien. Nous avons évidemment trouvé beaucoup d'intérêts communs à la France et l’Egypte pour arriver à la paix au Soudan et nous sommes convenus de reparler de tout cela…
Si les Soudanais sont évidemment attentifs à l'évolution de leur propre situation, l'évolution de la situation au Congo ne laisse pas non plus de les préoccuper.
Question : Pour reparler de la famine, avez-vous abordé avec John Garang le problème du détournement de l'aide humanitaire ?
Réponse : Nous avons souhaité avec insistance que l'aide humanitaire atteigne ses objectifs, c'est-à dire les populations en difficulté, en particulier les femmes et les enfants.
EUROPE 1 - mercredi 12 août 1998
Sylvain Attal : Vous arrivez, il y a quelques heures, d'un voyage au Soudan et également en Egypte, au Caire. Première question : depuis le cessez-le-feu qui est intervenu dans la guerre civile, est-ce que vous avez l'impression que les choses, du point de vue de la famine qui sévit dans le Sud, sont en train de s’améliorer ?
Charles Josselin : Disons que l'action des ONG - organisations non gouvernementales - qui font l'humanitaire s'en trouve facilitée, pour cause ! Même s'il est encore trop tôt pour crier victoire et même si les statistiques annoncées, c'est-à-dire qu'à Uwayl, la capitale de l’Etat de Bahr-el-Ghazal, qui est l’Etat le plus touché par la famine, si au lieu de constater 100 décès par jour, on en est à 50, on n'est pas encore sûr que cette baisse statistique ne soit pas liée au fait qu'ils n'ont pas la possibilité d'arriver sur place et qu'ils meurent en route. Mais il est clair que si la guerre est arrêtée - elle l'est d'ailleurs aussi parce que la saison des pluies est intervenue - cela facilite l'action des organisations humanitaires. La question lourde est de savoir si ce cessez-le-feu peut être prolongé. D'après les informations qui nous été données, encore hier, il faut s'attendre à ce que la famine dure un an.
Sylvain Attal : Le cessez-le-feu, lui, est prévu pour durer trois mois ?
Charles Josselin : Pour durer trois mois. Le sens de ma mission, confiée par le Premier ministre, avec l'accord du Président de la République, mais concertée aussi avec les autres capitales européennes, était de mettre la pression et sur le gouvernement de Khartoum, et sur les opposants, en l'occurrence J. Garang, que j'ai rencontré au Caire, hier après-midi, pour les convaincre de prolonger le cessez-le-feu à la fois dans le temps, mais aussi dans l'espace, puisqu'ils ne conservent pour l'instant qu'un seul Etat. La bonne nouvelle, c'est qu'à Addis-Abeba, la semaine dernière, une rencontre des différents protagonistes dans le cadre - on ne va pas entrer dans le détail - d'une organisation qui s'appelle l'IGAD, qui regroupe les pays de la région, il a été décidé de réactiver une commission tripartite chargée, sur le terrain, de vérifier que le cessez-le-feu est respecté et qui va faire pression pour que celui-ci soit prolongé.
Sylvain Attal : Est-ce que vous avez eu l'impression d'avoir en face de vous, aussi bien à Khartoum qu'au Caire - puisque le principal chef de la rébellion se trouvait au Caire - est-ce que vous avez eu en face de vous des gens concernés par cette question humanitaire ou est-ce que leur approche des choses, c'est de dire que c'est la guerre ?
Charles Josselin : Le Gouvernement de Khartoum lie très étroitement l'action humanitaire et la solution politique, c'est-à-dire la paix. Les opposants rencontrés au Caire m'ont apparu comme étant plus soucieux de dire : réglez le problème humanitaire d'une part, laissez-nous nous occuper des problèmes politiques de l'autre. C'est là qu'il y a débat entre eux et nous. Parce que nous, nous considérons qu'on ne peut pas traiter la question humanitaire sans se donner les moyens d'arrêter la guerre.
Sylvain Attal : C'est-à-dire que quelques fois, vous avez l'impression d'être reçu comme il se doit, mais parce que vous représentez un gouvernement qui donne 18 millions de dollars d'aide au Soudan, d'aide humanitaire au Soudan. c'est important.
Charles Josselin : Oui, et moi, il fallait leur faire comprendre qu'on ne peut pas solliciter la générosité des Français indéfiniment s'il n'y a pas, dans le même temps, un vrai effort de paix. Il ne faudrait pas désespérer les donneurs de fonds. C'est un peu le discours que j'ai voulu leur tenir, en disant que la France était aussi disposée à aider au dialogue et, pourquoi pas, accueillir, s'il était nécessaire, les différents protagonistes pour leur permettre de dialoguer dans de bonnes conditions.
Sylvain Attal : Est-ce que vous êtes allé jusqu'à leur dire qu'éventuellement, s'il n'y avait de bonne volonté, cette aide pourrait être suspendue ?
Charles Josselin : J'ai dit que la patience et la générosité pouvaient avoir des limites.
Sylvain Attal : Il y a la question des ingérences extérieures, semble-t-il, sur le Soudan, vous l'avez évoqué vous-même. Il faut d'abord remarquer que vous avez rencontré le principal dirigeant de la rébellion en Egypte. C'est déjà un premier signe. On sait que les relations entre l’Egypte et le Soudan sont catastrophiques.
Charles Josselin : Je n'ai pas eu le sentiment, en rencontrant les dirigeants égyptiens, parce que j'ai rencontré mon collègue égyptien au Caire, après avoir rencontré M. Garang, le responsable de l'opposition, je n'ai pas eu le sentiment que les Egyptiens avaient d'abord, comme ambition, de déstabiliser le Soudan. Leur souci, c'est que le Soudan vive. Car ils sont convaincus qu'ils ont, eux, besoin d'avoir un gouvernement organisé, sérieux. Ne serait-ce que pour gérer ce qui est essentiel pour l’Egypte : l'eau, le Nil. On a du mal, vu d'ici, à mesurer l'importance que pour le Caire représente le dialogue avec le pays qui, en amont, contrôle le Nil. Ce qui est un élément tout à fait essentiel.
Sylvain Attal : Le pays qu'ils tiennent pour responsable d'un attentat contre leur Président, quand même !
Charles Josselin : L'enquête n'a encore rien prouvé pour l'instant et les choses sont sans doute un peu plus compliquées que cela. Et le fait qu'un Soudanais ait pu être impliqué - et ceci reste encore, je le répète, complètement à démontrer - ne veut pas dire forcément l'implication du gouvernement soudanais. C'est tout le débat.
Sylvain Attal : On a tous en tête, encore, les événements de la Somalie en 1991 où, même si l'on s'est gaussé pendant un moment - on se souvient des sacs de riz et aussi de l'intervention très médiatisée des Américains - il semble, quand même, que, au moins dans le court terme, cela ait réglé le problème d'urgence de famine qui arrivait là-bas. Peut-on envisager, s'il n'y avait pas de bonne volonté, par exemple de part et d'autre, une intervention internationale - pourquoi pas française - militaire ?
Charles Josselin : Elle n'est pas à l'ordre du jour; je ne l'imagine pas. Nous sommes en face d'un conflit - j'allais dire un peu classique - entre un gouvernement, qui représente la majorité de la population, qui tient très largement l'ensemble des territoires du nord et du centre. Et qui a, en face de lui, une opposition qui représente les territoires du sud. Une intervention internationale dans ces conditions me paraîtrait tout à fait inappropriée, et serait, à l'évidence, très mal reçue. En tout cas, elle ne sera pas sollicitée par le gouvernement de Khartoum. Et je vois mal une ingérence extérieure dans un domaine comme celui-là, qui risquerait plutôt d'aggraver la situation que de l’arranger.
Sylvain Attal : Quelle est l'attitude des Américains ? C'est vrai qu'ils ont été très durement touchés au Kenya, en Tanzanie, mais quelle est leur attitude vis-à-vis de ce conflit ?
Charles Josselin : Nous savons que les Américains essaient de contenir ce qu'ils appellent "la pression islamiste." Et que c'est une des raisons qui les amènent à soutenir certaines oppositions - c'est le cas de celle de M. Garang. Est-ce que c'est une lecture correcte de la situation dans la Corne de l’Afrique ? C'est une question que nous aimerions bien rediscuter avec eux. Je crois que nous avons collectivement une responsabilité dans cette région.
Sylvain Attal : En tout cas, le fait que le gouvernement soudanais soit le . gouvernement qui applique la charia - loi islamique - dans la région, enfin le gouvernement islamique par excellence dans cette région, est-ce que ça ne fait pas de lui un suspect, au moins de ce qui s'est passé en Tanzanie et au Kenya ?
Charles Josselin : Les Américains ont annoncé, une fois de plus, que le Soudan pourrait être un des pays impliqués. Je crois que maintenant, ils le disent avec moins de clarté. Nous-mêmes n'avons pas l'habitude d'accuser sans preuve. J'observe en même temps que le gouvernement de Khartoum s'efforce de modifier sa Constitution, tout en faisant référence à la charia comme un des fondements du pouvoir. Il essaye - et j'espère qu'il arrivera à en convaincre ses partenaires - il essaie de s'engager progressivement sur la voie d'une certaine laïcisation ; en tout cas en prétendant que la loi religieuse n'est pas la seule source du pouvoir.
Sylvain Attal : Et quant à la rébellion du sud : vous avez l'impression qu'elle vise la prise du pouvoir à Khartoum, la sécession dans le Sud ?
Charles Josselin : Elle dit vouloir préserver l'unité du Soudan. Mais elle dit vouloir être assurée d'une bonne intégration de l'ensemble des religions en particulier, puisque les états du sud se revendiquent comme étant chrétiens ou animistes. On ne peut d'ailleurs que les accompagner sur ce terrain-là.
Sylvain Attal : Et la France, elle, ne prendra pas parti particulièrement entre un régime islamiste d'un côté, et un autre, qui est plutôt animiste, chrétien, et plutôt laïc ?
Charles Josselin : La France considère que c'est vraiment aux Soudanais à trouver les voies de la paix, chez eux. Elle est prête à les y encourager. Et je crois que nous ferions une erreur que de vouloir choisir les uns contre les autres. Nous ne pouvons que, je le répète, accompagner, dans l'immédiat, les efforts faits pour l'action humanitaire. Et aider les efforts faits pour une paix plus durable qui est la seule qui puisse garantir vraiment que la lutte contre la faim soit efficace.
Sylvain Attal : Est-ce que vous vous autorisez un peu d'optimisme ce matin ?
Charles Josselin : Oui, moi, j'ai trouvé que nos interlocuteurs semblaient déjà vraiment désireux de prolonger le cessez-le-feu, les uns et les autres. Nous allons voir dans les mois qui viennent si cet optimisme est vérifié.
FRANCE INTER - 13 août 1998
France Inter : Quelle a été la réaction de vos interlocuteurs soudanais, ceux du gouvernement d'abord, lorsque vous leur avez demandé des assurances sur la livraison de l'aide humanitaire internationale à ceux qui en ont besoin ?
Charles Josselin : Ils ont fait référence à la réunion d'Addis-Abeba la semaine dernière au cours de laquelle un principe d'un cessez-le-feu a été réaffirmé. La possibilité de son prolongement a été également rappelé. Ils ont aussi, en réponse à mes questions, dit leur volonté de faciliter, à la fois le transport et surtout la délivrance des visas aux volontaires d'un certain nombre d'ONG qui sont demandeurs, déjà, depuis plusieurs mois. Il reste que la saison des pluies ne facilite pas l'acheminement de l'aide humanitaire, en particulier, que le transport aérien par largage est évidemment très critique et le risque de détournement des vivres qui risquent d'aller chez les combattants qu'en direction des victimes, femmes et enfants, reste entier.
France Inter : Vous avez aussi rencontré les responsables de la guérilla du Sud...
Charles Josselin : J'ai rencontré le principal d'entre eux, John Garang, qui est le président du SPLA. Je l'ai rencontré au Caire. Je lui ai posé les mêmes questions, je lui ai dit les mêmes exigences. A lui aussi, j'ai dit que si la générosité de la communauté internationale, - et la France est très impliquée comme vous le savez dans cette action humanitaire, - était grande, elle ne comprendrait pas que, dans le même temps, les Soudanais ne trouvent pas les moyens de .. mettre fin à la guerre qui les divise.
France Inter : Le fond du problème est politique. Cela fait 15 ans maintenant qu'il y a une guerre civile dans le sud du pays, entre le pouvoir central et les rebelles du Sud. Quel rôle la France peut elle jouer pour aller vers une négociation ?
Charles Josselin : Je crois que nous devons d'abord continuer à faire pression, nous comme les autres, sur les protagonistes, qu'il s'agisse du gouvernement soudanais représentant, disons la fraction musulmane de cette population qui est majoritaire, qu'il s'agisse des opposants qui représentent, au moins pour certains d'entre eux, les chrétiens animistes. Les médiations qui sont en cours, sous l'égide de l'Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) sont un moyen que nous encourageons. Il reste que si les protagonistes souhaitaient que la France s'implique un peu plus dans cette affaire, peut-être même en les aidant à se rencontrer, nous y serions tout à fait disposés.
France Inter : Avez-vous parlé avec les responsables du gouvernement soudanais des attentats anti américains au Kenya et en Tanzanie ?
Charles Josselin : Eux m'en ont parlé - en l'occurrence le ministre des Affaires étrangères - pour refuser les accusations dont le Soudan continue parfois de faire l'objet : en faisant observer que s'ils n'écartaient pas que certains Soudanais aient pu être impliqués dans le passé dans certains attentats, sans responsabilité gouvernementale et simplement sous influence de groupes et autres organismes qui n'ont rien avoir avec le gouvernement soudanais. Je m'en tiens aux propos qui m'ont été rapporté. Je rappelle que le gouvernement soudanais a condamné les derniers attentats de Nairobi et de Dar-es-Salam.
France Inter : Peut-être prenez-vous des précautions oratoires, dans la mesure où la France escompte pouvoir jouer un rôle dans cette partie de l'Afrique, il faut sans doute ménager le gouvernement de Khartoum ?
Charles Josselin : Je crois que la France n'a pas l'habitude d'accuser sans preuve et que, pour l'instant, il faut attendre l'enquête en cours qui nous dira peut-être quels étaient les vrais responsables de ces attentats.
France Inter : Il y a une volonté française évidente d'être présente dans cette partie de l'Afrique. Les États-Unis ont la même volonté. Ces deux volontés sont-elles compatibles ?
Charles Josselin : La France a fait le choix de s'ouvrir à l'ensemble de l'Afrique, en effet. C'est un des objectifs de la réforme de sa politique de Coopération qu'elle conduit. Nous avons une longue histoire aussi avec cette corne de l'Afrique. Nous n'y avons pas le même passé colonial qu'avec d'autres régions. Ceci nous donne peut-être une possibilité de dialogue plus direct avec eux. La France a aussi apporté la preuve qu'elle est capable d'avoir sa propre politique, c'est-à-dire qu'elle n'est pas sous influence. Ceci peut aider lorsqu'il s'agit de rechercher une solution mettant en jeu des intérêts contraires.
France Inter : Donc, cela ne pose pas de problèmes avec les Etats-Unis pour l’instant ?
Charles Josselin : Non, mais nous sommes prêts à en parler avec eux. Ce que nous faisons d'ailleurs quand nous les rencontrons.